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Benoit XVI aux Evêques d'Italie : priorité à l'éducation chrétienne et humaine

Publiée le 04-06-2010

27 mai 2010 - Intégralité

Vénérés frères,

Dans l'Evangile proclamé dimanche dernier, Solennité de Pentecôte, Jésus nous a promis : « Le Paraclet, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui vous enseignera toute chose et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. » (Jn 14, 26) L'Esprit Saint guidera l'Eglise dans le monde et dans l'histoire. Grâce à ce don du Ressuscité, le Seigneur reste présent dans le cours des événements. C'est dans l'Esprit que nous pouvons reconnaître en Christ le sens des événements humains. L'Esprit Saint nous constitue Eglise, communion et communauté toujours convoquée, renouvelée et relancée vers l'accomplissement du règne de Dieu. C'est dans la communion ecclésiale que se trouvent la racine et la raison fondamentale de notre réunion et de ma présence une fois de plus avec vous, dans la joie, à l'occasion de votre rendez-vous annuel. C'est la perspective avec laquelle je vous exhorte à affronter les thèmes de votre travail, dans lesquels vous êtes invités à réfléchir sur la vie et le renouvellement de l'action pastorale de l'Eglise en Italie. Je suis reconnaissant au Cardinal Angelo Bagnasco pour les paroles courtoises et intenses qu'il m'a adressées, se faisant l'interprète de vos sentiments : le pape sait qu'il peut toujours compter sur les évêques italiens. A travers vous, je salue les communautés diocésaines qui vous sont confiées, tandis que ma pensée et ma proximité spirituelle rejoignent tout le peuple italien.

 

Collaborateurs de l'Esprit, dans la continuité sur le chemin indiqué par le Concile Vatican II, et en particulier avec les orientations pastorales de la décade qui s'achève, vous avez choisi de prendre comme thème pour les dix prochaines années l'éducation. Un tel horizon temporel est proportionné à la profondeur et à l'amplitude de la demande éducative. Et il me semble nécessaire d'aller jusqu'aux racines profondes de cette urgence pour trouver aussi les réponses adéquates à ce défi. Pour ma part, j'en vois surtout deux. Une racine essentielle consiste - me semble-t-il - dans un concept erroné d'autonomie de l'homme : l'homme devrait se développer seulement à partir de soi, sans ordre de la part des autres, lesquels pourraient assister à son auto-développement, mais non entrer dans son développement. En réalité il est essentiel pour la personne humaine que l'on devient soi-même uniquement par l'autre, le « je » devient lui-même seulement en fonction du « tu » et du « vous », il est fait pour le dialogue, pour la communion synchronique et diachronique. Et uniquement la rencontre avec le « tu » et le « nous » ouvre le « je » à lui-même. Donc ce que l'on appelle l'éducation antiautoritaire n'est pas de l'éducation, mais renoncement à l'éducation, car ainsi rien n'est donné de ce que nous devons donner aux autres, c'est-à-dire ce « tu » et ce « nous » dans lequel le « je » s'ouvre à lui-même. Un premier point me semble donc être celui-ci : dépasser cette fausse idée de l'autonomie de l'homme, comme un « je » autosuffisant, alors qu'il devient « je » aussi par la rencontre collective avec le « tu » et avec le « nous ».

L'autre racine de l'urgence éducative, je la vois dans le scepticisme et le relativisme, ou, avec des paroles plus simples et plus claires, dans l'exclusion des deux sources qui orientent le chemin de l'homme. La première source devrait être la nature et la seconde la Révélation. Mais la nature est considérée aujourd'hui comme une chose purement mécanique, qui ne contient aucun impératif moral, aucune orientation de l'être lui-même. La Révélation est considérée comme un moment du développement historique, et donc relatif comme tous les développements historiques et culturels, ou - dit-on - peut-être s'agit-il d'une révélation, qui ne comprendrait toutefois pas de contenus mais seulement des motivations. Sont ainsi ignorées ces deux sources, la nature et la Révélation. De même la troisième source, l'histoire, ne parle plus, parce que l'histoire devient un simple aggloméra de décisions culturelles, occasionnelles, arbitraires, qui ne valent ni pour le présent, ni pour le futur. Retrouver un vrai concept de la nature comme création de Dieu qui nous parle est donc fondamental. Le Créateur, à travers le livre de la création, nous parle et nous montre les vraies valeurs. Il faut ensuite retrouver la Révélation : reconnaître que le livre de la création dans lequel Dieu nous donne les orientations fondamentales est déchiffré dans la Révélation, est appliqué et vraiment réalisé dans l'histoire culturelle et religieuse, non sans erreur, mais d'une manière substantiellement valide, toujours à développer et à purifier de nouveau. Ainsi, dans ce « concert », pour ainsi dire, entre création déchiffrée par la Révélation, concrétisée dans l'histoire culturelle qui va toujours de l'avant et dans laquelle nous retrouvons toujours plus le langage de Dieu, s'ouvrent aussi les indications pour une éducation qui n'est pas un imposition, mais une réelle ouverture du « je » au « tu », au « nous » et au « Tu » de Dieu.

Les difficultés sont donc grandes : il faut retrouver les sources, le langage des sources. Mais tout en étant conscients de ces difficultés, nous ne pouvons pas céder à la méfiance et à la résignation. Eduquer n'a jamais été facile, mais nous ne devons pas céder : ce serait faillir au mandat que le Seigneur lui-même nous a confié, nous appelant à faire paître avec amour son troupeau. Réveillons plutôt dans nos communautés cette passion éducative, qui est une passion du « je » pour le « tu », pour le « nous », pour Dieu, et qui ne se résume pas à une pédagogie, à un ensemble de techniques, et encore moins à la transmission de principe arides. Eduquer c'est former les nouvelles générations, pour qu'elles sachent entrer en relation avec le monde, forts d'une mémoire significative qui n'est pas seulement fortuite, mais enrichie du langage de Dieu que nous trouvons dans la nature et dans la Révélation, d'un patrimoine intérieur partagé, de la vraie sagesse qui, en reconnaissant la fin transcendante de la vie, oriente la pensée, les émotions et le jugement.

Les jeunes portent une soif dans leurs cœurs, et cette soif est une demande de sens et de relations humaines authentiques, qui les aident à ne pas se sentir seuls devant les défis de la vie. C'est le désir d'un avenir, rendu moins incertain par une compagnie sûre et digne de confiance, qui se fait proche de chacun avec délicatesse et respect, proposant des valeurs solides à partir desquelles croître vers des objectifs hauts, mais atteignables. Notre réponse est l'annonce du Dieu ami de l'homme, qui s'est fait proche de chacun en Jésus. La transmission de la foi est une part indispensable de la formation intégrale de la personne, - on ne peut y renoncer - parce que dans le Christ Jésus se réalise le projet de la vie réussie : comme l'enseigne le Concile Vatican II « Quiconque suit le Christ, homme parfait, devient lui-même plus homme. »(Gaudium et spes, 41) La rencontre personnelle avec Jésus est la clé pour percevoir la pertinence de Dieu dans l'existence quotidienne, le secret pour la vivre dans la charité fraternelle, la condition pour se relever des chutes et opérer une constante conversion.

Le devoir éducatif, que vous avez choisi comme priorité, valorise les signes et les traditions, dont l'Italie est si riche. Il nécessite aussi des lieux crédibles : avant tout la famille, avec son rôle particulier et essentiel ; l'école, horizon commun au-delà des options idéologiques ; la paroisse, « fontaine du village », lieu et expérience qui diffuse la foi dans le tissu des relations quotidiennes. Dans chacun de ces domaines reste décisive la qualité du témoignage, chemin privilégié de la mission de l'Eglise. L'accueil de la proposition chrétienne passe, en fait, à travers des relations faites de proximité, loyauté et confiance. A une époque où la grande tradition du passé risque de rester lettre morte, nous sommes appelés à nous faire proches de chacun avec une disponibilité toujours nouvelle, en l'accompagnant sur le chemin de découverte et d'assimilation personnelle de la vérité. Ce faisant, nous aussi pouvons redécouvrir d'une façon nouvelle les réalités fondamentales.

La volonté de promouvoir une nouvelle saison d'évangélisation ne cache pas les blessures dont la communauté ecclésiale est marquée, à cause de la faiblesse et du péché de certains de ses membres. Cette humble et douloureuse reconnaissance ne doit cependant pas faire oublier le service gratuit et passionné de tant de croyants, à commencer par les prêtres. L'année spéciale qui leur est dédiée veut constituer une opportunité pour promouvoir le renouveau intérieur, qui est la condition d'un engagement évangélique et ministériel plus déterminé. En même temps, cette année nous aide aussi à reconnaître le témoignage de sainteté de tant de prêtres - selon l'exemple du curé d'Ars - qui se dépensent sans réserve pour éduquer à l'espérance, à la foi et à la charité. Dans cette lumière, ce qui est motif de scandale doit se traduire pour nous dans un rappel à «un besoin profond de réapprendre la pénitence, d'accepter la purification, d'apprendre d'une part le pardon, mais aussi la nécessité de la justice. » (Benoît XVI, interview avec les journalistes durant le vol vers le Portugal, 11 mai 2010)

Chers frères, je vous encourage à parcourir sans hésitation la route de l'engagement éducatif. Que l'Esprit Saint vous aide à ne jamais perdre confiance dans les jeunes, qu'il vous pousse à aller à leur rencontre, qu'il vous porte à fréquenter leurs milieux de vie, y compris celui constitué des nouvelles technologies de communication, qui pénètrent désormais la culture dans toutes ses expressions. Il ne s'agit pas d'adapter l'Evangile au monde, mais d'extraire de l'Evangile cette nouveauté permanente, et trouver à chaque époque les formes adaptées pour annoncer la Parole qui ne passe pas, en fécondant et en servant l'existence humaine. A nouveau, proposons donc aux jeunes la mesure haute et transcendante de la vie, entendue comme vocation : appelés à la vie consacrée, au sacerdoce, au mariage, qu'ils sachent répondre avec générosité à l'appel du Seigneur, parce que c'est seulement ainsi qu'ils pourront recevoir ce qui est essentiel pour chacun. La frontière éducative constitue le lieu pour une grande convergence d'intentions : la formation des nouvelles générations ne peut, en fait, que tenir à cœur à tous les hommes de bonne volonté, interpellant la capacité de la société tout entière d'assurer des références sûres pour le développement harmonieux des personnes.

La saison actuelle est marquée, aussi en Italie, par une incertitude sur les valeurs, visible dans la difficulté de tant d'adultes à être fidèles aux engagements pris : c'est l'indice d'une crise culturelle et spirituelle, bien plus sérieuse que la crise économique. Ce serait illusoire - je voudrais le souligner - de penser contrer l'une en ignorant l'autre. Pour cette raison, tandis que je renouvelle l'appel aux responsables des affaires publiques et aux entrepreneurs de faire ce qui est en leur pouvoir pour atténuer les effets de la crise de l'emploi, j'exhorte tous à réfléchir sur les présupposés d'une vie bonne et ayant du sens, qui puisse fonder l'autorité qui seule éduque et retourne aux vraies sources des valeurs. Le bien commun, en fait, tient à cœur à l'Eglise et il nous engage à partager nos ressources économiques et intellectuelles, morales et spirituelles, en apprenant à les affronter ensemble, dans un contexte de réciprocité, les problèmes et les défis du Pays. Cette perspective, amplement développée dans votre récent document sur « Chiesa e Mezzogiorno », trouvera un ultérieur approfondissement dans la prochaine Semaine Sociale des catholiques italiens, prévue en octobre à Reggio Calabria, où, avec les meilleures forces du laïcat catholique, vous vous engagerez à prévoir un calendrier d'espérance pour l'Italie, parce que « les exigences de la justice deviennent compréhensibles et politiquement réalisables. » (Enc. Deus caritas est, 28). Votre ministère, chers confrères, et la vitalité des communautés diocésaines à la tête desquelles vous êtes, sont la meilleure assurance que l'Eglise continuera à offrir, de façon responsable, sa contribution à la croissance sociale et morale de l'Italie.

Appelé par grâce à être Pasteur de l'Eglise universelle et de la splendide ville de Rome, je porte constamment avec moi vos préoccupations et vos attentes, que j'ai déposées, durant ces derniers jours - avec les préoccupations de l'humanité tout entière - aux pieds de Notre-Dame de Fatima. Notre prière se tourne vers elle : « Vierge Marie, Mère de Dieu et notre Mère très chère, que ta présence fasse refleurir le désert de nos solitudes et briller le soleil sur nos obscurités, qu'elle fasse revenir le calme après la tempête, afin que chaque homme voie le salut du Seigneur, qui a le nom et le visage de Jésus, réfléchi dans nos cœurs, pour toujours unis au tien ! Ainsi soit-il ! (Fatima, 12 mai 2010). De tout cœur, je vous remercie et vous bénis.

 

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