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Ce qui métonne dit Dieu, c'est l'Espérance

Publiée le 27-11-2020

 
Extrait du texte de Charles Péguy : Le Porche du mystère de la deuxième vertu,1912
 

Ce qui m'étonne, dit Dieu, c'est l'espérance.
Et je n'en reviens pas.
Cette petite espérance qui n'a l'air de rien du tout.
Cette petite fille espérance.....
Immortelle.

Car mes trois vertus, dit Dieu.
Les trois vertus, mes créatures,
Mes filles mes enfants,
Sont elles-mêmes comme mes autres créatures,
De la race des hommes.


La Foi est une Épouse fidèle.
La Charité est une Mère.
Une mère ardente, pleine de c½ur.
Ou une s½ur aînée qui est comme une mère.


L'Espérance est une petite fille de rien du tout.

Venue au monde le jour de Noël de l'année dernière.

Qui joue encore avec le bonhomme Janvier.
Avec ses petits sapins en bois d'Allemagne, couverts de givre peint.
Et avec son b½uf et son âne en bois d'Allemagne,
Peints.
Et avec sa crèche pleine de paille, que les bêtes ne mangent pas.
Puisqu'elles sont en bois.
C'est cette petite fille pourtant qui traversera les mondes.
Cette petite fille de rien du tout.
Elle seule, portant les autres, qui traversera les mondes révolus.

[...]

Mais l'espérance ne va pas de soi.

L'espérance ne
va pas toute seule.

Pour espérer, mon enfant,
il faut être bien heureux, 
il faut avoir obtenu,
reçu une grande grâce.

[...]

La petite espérance s'avance entre ses deux gran-
des s½urs et on ne prend pas seulement garde à
elle.
Sur le chemin du salut, sur le chemin charnel, sur
le chemin raboteux du salut, sur la route inter-
minable, sur la route entre ses deux s½urs la
petite espérance
S'avance.


Entre ses deux grandes s½urs.
Celle qui est mariée.
Et celle qui est mère.
Et l'on n'a d'attention, le peuple chrétien n'a d'attention que pour les deux grandes s½urs.
La première et la dernière.
Qui vont au plus pressé.
Au temps présent.
À l'instant momentané qui passe.
Le peuple chrétien ne voit que les deux grandes s½urs, n'a de regard que pour les deux grandes s½urs.
Celle qui est à droite et celle qui est à gauche.
Et il ne voit quasiment pas celle qui est au milieu.
La petite, celle qui va encore à l'école.
Et qui marche.
Perdue entre les jupes de ses s½urs.
Et il croit volontiers que ce sont les deux grandes qui traînent la petite par la main.
Au milieu.
Entre les deux.


Pour lui faire faire ce chemin raboteux du salut.
Les aveugles qui ne voient pas au contraire.
Que c'est elle au milieu qui entraîne ses grandes s½urs.
Et que sans elle, elles ne seraient rien.
Que deux femmes déjà âgées.
Deux femmes d'un certain âge.
Fripées par la vie.

C'est elle, cette petite, qui entraîne tout.
Car la Foi ne voit que ce qui est.
Et elle, elle voit ce qui sera.
La Charité n'aime que ce qui est.
Et elle elle aime ce qui sera.

La Foi voit ce qui est.
Dans le Temps et dans l'Éternité.
L'Espérance voit ce qui sera.
Dans le temps et dans l'éternité.
Pour ainsi dire, le futur de l'éternité même.

La Charité aime ce qui est.
Dans le Temps et dans l'Éternité.
Dieu et le prochain.
Comme la Foi voit,
Dieu et la création.
Mais l'Espérance aime ce qui sera.
Dans le temps et dans l'éternité.

Pour ainsi dire dans le futur de l'éternité.

L'Espérance voit ce qui n'est pas encore et qui sera.
Elle aime ce qui n'est pas encore et qui sera
Dans le futur du temps et de l'éternité.

Sur le chemin montant, sablonneux, malaisé.
Sur la route montante.
Traînée, pendue aux bras de ses deux grandes s½urs,
Qui la tiennent pas la main,
La petite espérance.....
S'avance.


Et au milieu entre ses deux grandes s½urs, elle a l'air de se laisser traîner.
Comme une enfant qui n'aurait pas la force de marcher,
Et qu'on traînerait sur cette route malgré elle.
Et en réalité, c'est elle qui fait marcher les deux autres.
Et qui les traîne.
Et qui fait marcher tout le monde.
Et qui le traîne.
Car on ne travaille jamais que pour les enfants.

Et les deux grandes ne marchent que pour la petite.

 

Charles Péguy

 

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