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Communion eucharistique pour les divorcés remariés civilement

Publiée le 10-12-2015

interview à Armin Schwibach, professeur de philosophie à l'Athénée Pontifical "Regina Apostolorum" de Rome, pour l'agence autrichienne Kath.net (cf. sur : La vérité du mariage et la porte de la conversion).

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AS :  Dans un article de "La Civiltà Cattolica" son directeur, Antonio Spadaro, parle explicitement d'une "porte ouverte" pour l'Eucharistie aux divorcés remariés. Le Jésuite écrit : «Le pasteur aura toujours le devoir de trouver un chemin qui corresponde à la vérité et à la vie des personnes qu'il accompagne, sans pouvoir peut-être expliquer à tous pourquoi ils prennent une position plutôt qu'une autre. L'Église est le Sacrement du Salut. Il y a beaucoup de chemins et beaucoup de dimensions à explorer pour le bien de la "salus animarum". En ce qui concerne l’accès aux sacrements, le synode ordinaire en a donc effectivement posé les bases, ouvrant ainsi une porte qui, au contraire, était restée fermée lors du précédent synode».
En tant que père synodal qui connaît les paragraphes controversés 84-86 de la "Relatio Synodi", comment jugez-vous ces affirmations d'un autre membre du synode qui interprète de cette manière ses résultats? Le discours d' "ouvrir une porte" n'équivaut-il pas à un "changement", toujours nié, de la doctrine sur l'indissolubilité du mariage, qui est impossible? Des affirmations de ce genre n'augmentent-elles pas les incertitudes et perplexités des fidèles, comme cela s'est très sensiblement produit pendant ces deux années?


Cardinal Sarah : Le Synode a voulu aider et accompagner ces baptisés qui se trouvent dans une situation de vie contraire aux paroles de Jésus. Et il a annoncé que la porte est toujours ouverte pour eux, puisque Dieu ne cesse d'appeler à la conversion et d'agir dans leur cœur pour régénérer leur désir vers la vie pleine que Dieu nous a annoncée.
Certainement, proposer des voies qui ne conduisent pas à cette vie pleine n'est pas "ouvrir les portes". La porte que Dieu ouvre nous conduit toujours à lui, à la demeure où nous pouvons vivre sa vie. Le péché ferme la porte de la vie. Admettre une personne à la communion eucharistique lorsqu'elle vit en contradiction manifeste avec les paroles du Christ signifie ouvrir une porte qui ne conduit pas au Christ, à savoir fermer la vraie porte de la vie. Rappelons-nous: la porte c'est Jésus, l'Église ne peut ouvrir que cette porte; le pasteur qui ne peut pas entrer par cette porte n'est pas un vrai pasteur. Car "celui qui n'entre point par la porte dans la bergerie, mais qui y monte par ailleurs, est un voleur et un brigand. Mais celui qui entre par la porte est le pasteur des brebis. En vérité, en vérité, je vous le dis, je suis la porte des brebis." (Jn, 10, 1-2.7).
 

Le document du synode (nn. 84-86) n'affirme rien d'autre et le texte écrit est le seul sûr pour interpréter correctement ce que le synode a voulu dire.Le document parle du devoir du pasteur d'accompagner les personnes, sous la conduite de l'évêque, mais il ajoute aussi, et cela est très important, que l'accompagnement doit se faire "selon l'enseignement de l'Église". Cet enseignement inclut sans aucun doute la lecture non déformée, mais complète et fidèle de "Familiaris Consortio" n.84 et de "Sacramentum caritatis" n.29, ainsi que du Catéchisme de l'Église Catholique.
L'accompagnement, qui tiendra compte des circonstances concrètes, a un objectif commun: conduire la personne vers une vie en accord avec la vie et la parole de Jésus; et, au bout du chemin, la décision d'abandonner la nouvelle union ou de vivre en elle dans la continence absolue. Renoncer à cet objectif c'est renoncer aussi au chemin.
Il est vrai que le texte ne répète pas explicitement cet enseignement, et en ce sens il a été interprété de différentes manières par la presse. Mais c'est une interprétation abusive, trompeuse, qui en déforme la signification. Le texte ne parle jamais de donner l'eucharistie à ceux qui continuent de vivre d'une façon qui lui est manifestement contraire. S'il y a des silences, ils doivent être interprétés selon l'herméneutique catholique, c'est à dire à la lumière du magistère précédent et constant, un magistère qui n'est jamais nié par le texte. En d'autres mots, aux divorcés remariés civilement la porte de la communion eucharistique reste fermée par Jésus lui-même qui a dit: "celui qui répudie sa femme, si ce n'est pour adultère, et en épouse une autre, commet un adultère. Que l'homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni! "(Mt, 19, 9.6).
[La porte] est fermée par "Familiaris Consortio", n. 84, par "Sacramentum Caritatis" n. 29 et par le Catéchisme de l'Église Catholique. Enfoncer cette porte ou rentrer par un autre côté signifie réécrire un autre évangile et s'opposer à Jésus Christ Notre Seigneur. Je suis tout à fait certain que le pape François interprète les numéros 84-86 de la Relation synode en parfaite continuité et fidélité à ses prédécesseurs. En effet, dans une interview au quotidien argentin "La Nación" il a affirmé: "Que faisons nous avec eux, quelle porte peut-on ouvrir? Il y a une inquiétude pastorale, et alors, allons-nous leur donner la communion? Ce n'est pas une solution que de leur donner la communion. Ceci uniquement n'est pas la solution, la solution est l'intégration".

Il est vrai qu'il existe de "nombreux parcours et dimensions à explorer", comme le père Spadaro l'indique. Je voudrais seulement ajouter que ceux-ci sont des parcours vers un objectif. Et que cette finalité pour l'Église ne peut être qu'une seule: conduire la personne à Jésus, mettre la vie en syntonie avec Jésus et son enseignement sur l'amour humain et conjugal. L'accès à l'eucharistie, qui est la communion avec le corps de Jésus, est ouvert pour tous ceux qui sont prêts à vivre dans leur corps selon la parole de Jésus. Si l'Église ouvre la porte vers une autre finalité, vers un autre lieu, alors celle-ci n'est pas la porte de la miséricorde. Il s'agirait alors d'un vrai changement de la doctrine, car toute doctrine, comme celle sur l'indissolubilité du mariage, est confessée en premier lieu là où l'eucharistie est célébrée. Lorsqu'un chrétien dit "Amen" en recevant l'eucharistie il affirme non seulement que l'eucharistie est le corps de Jésus, mais aussi qu'il veut conformer à lui sa propre vie dans son corps, conformer à Jésus ses relations, car il croit que la parole de Jésus est parole de vraie vie.

Cela signifie qu'il y a un chemin, qu'il y a une espérance aussi pour ceux qui vivent éloignés, et ce synode a voulu le réaffirmer. Si ces personnes ne se sentent pas prêtes à vivre selon la parole de Jésus, alors il est du devoir de l'Église de leur rappeler, avec patience, délicatesse et miséricorde qu'ils appartiennent à l'Église, qu'ils sont enfants de Dieu. Il est du devoir de l'Église de les accompagner afin qu'elles puissent s'approcher de Jésus en de nombreuses manières, prenant part à la célébration liturgique, contribuant aux œuvres de charité et de miséricorde, à la mission de l'Église… Dès qu'elles seront plus proches de Jésus, elles pourront mieux comprendre ses paroles, pourront être convaincues de la force de Dieu dans leur vie qui rend possible la conversion, l'abandon du péché et la rupture totale avec celui-ci.

Certes, l'accompagnement se fait au cas par cas, comme aussi la préparation au mariage est faite au cas par cas. Mais cela ne signifie pas qu'à ceux qui se préparent au mariage l'Église offre différents types de mariage, de durées différentes selon les cas individuels. Le mariage auquel ils se préparent est toujours le même, tout comme est toujours le même l'objectif pour les divorcés remariés. C'est ainsi parce que nous vivons en commun, nous ne sommes pas des monades, nous partageons le même appel à la sainteté et à une même vocation à l'amour, celle qui justement est contenue dans le mariage monogame, stable et indissoluble.

 

 

 

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