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Enseignement de Mgr Chauvet lors de la veillée de prière, le 16 janvier 2010

Publiée le 26-01-2010

« Qu'est-ce que l'homme pour que tu penses à lui ? » s'interroge le psalmiste ; notre monde a besoin de réentendre la réponse à cette question. Et nous la trouverons dans notre anthropologie théologique. Le drame de notre société, c'est que nous sommes esclaves de la technique. Oh ! Cela ne vient pas d'hier… Il faut remonter à plus d'un demi-siècle. C'était déjà dénoncé par un grand écrivain, prophète de notre temps, je veux parler de Georges Bernanos.

Voici ce qu'il écrit : « La tragédie de la nouvelle Europe, c'est précisément l'inadaptation de l'homme et du rythme de la vie qui ne se mesure plus au battement de son propre cœur, mais à la rotation vertigineuse des turbines, et qui d'ailleurs s'accélère sans cesse… une machine fait indifféremment le bien ou le mal… la civilisation des machines a-t-elle amélioré l'homme ? Ont-elles rendu l'homme plus humain ?... Nous n'assistons pas à la fin naturelle d'une grande civilisation humaine, mais à la naissance d'une civilisation inhumaine qui ne saurait s'établir que grâce à une vaste, à une immense, à une universelle stérilisation des hautes valeurs de la vie ». (Robots p. 153 - 174)

Bernanos pose ainsi la question de la morale qui est plus que jamais une question de vie ou de mort pour l'humanité. Il n'est pas question ici de condamner les progrès de la science, mais de vérifier si ces progrès sont toujours au service de l'humanité.

Tout d'abord, quel contexte ?

La question de la morale est plus que jamais une question de vie ou de mort pour l'humanité.

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La vision technicisante du monde fait abstraction des valeurs.

« Dans une culture technologique dans laquelle les hommes sont utilisés pour dominer la matière, afin d'en découvrir les lois et les mécanismes de façon à la transformer à volonté, on court le risque de vouloir aussi manipuler les consciences et ses exigences.

Dans une culture qui retient qu'aucune vérité universellement valable n'est possible, rien n'est absolu.

Par conséquent à la fin - dit-on - la bonté et le mal objectifs n'importent plus vraiment le mal, c'est ce qui contredit nos souhaits subjectifs. Chaque personne peut se construire un système particulier des valeurs ». (Denver, Août 1993, aux jeunes Jean-Paul II)

 

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On pose la question de la possibilité pratique, non celle de la licéité. On conçoit de plus en plus ce qu'il est possible de faire, mais on ne s'interroge pas sur la licéité.

 

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Le relativisme devient de plus en plus l'opinion dominante.

Dans le domaine de la morale, il n'y aurait aucune certitude partagée. Chacun devrait voir par lui-même comment s'en sortir. La Bible offre certes une orientation de fond, mais elle ne peut pas dire ce que signifie l'amour du prochain dans le cas particulier.

 

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L'éducation des consciences n'est plus faite. La conscience est devenue, non plus la voix de Dieu, mais l'opinion.
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Les soubassements de l'anthropologie ne sont pas mis en place, ce qui entraîne une dissociation de l'âme et du corps. Le corps de l'homme est considéré comme une extériorité biologique qui n'aurait rien à faire avec son être homme spécifique et donc avec les biens moraux.

 

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En pastorale, la question de la morale n'a pas la place qu'elle devrait avoir, car l'Église est encore trop marquée par une morale de l'obligation et de l'interdit. L'Église a du mal à sortir de la morale de l'obligation pour celle du bonheur ! Pourtant la place de la Parole de Dieu dans l'enseignement de la morale devrait opérer ce déplacement.

L'encyclique “La splendeur de la vérité” de Jean-Paul II, nous montre les urgences pour notre monde et les enjeux pour la pastorale auprès des jeunes. Je reprends rapidement les orientations :

 

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« Que dois-je faire pour obtenir la vie éternelle ? » (Mt 19, 16)

Cette question du jeune homme riche est la nôtre ; Tous, nous voulons savoir ce que nous devons faire pour arriver à une pleine vie, au bonheur.

Dans cette écoute des Paroles du Christ émerge que la recherche du bien est inséparablement liée à notre orientation vers Dieu.

Les commandements nous aident à trouver le chemin pour devenir semblables à Dieu. Ils sont une explicitation de ce que signifie Amour.

Celui qui chemine sur la voie des commandements est en chemin vers Dieu.

 

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Est-ce que se mettre à la suite du Christ nous supprime notre liberté ? Nous touchons ici le rapport entre liberté et vérité.

Comment apprendre à vivre correctement dans la liberté ?

La liberté doit suivre la vérité, sans renoncer à être liberté.

Mais qu'est-ce que la vérité ?

Chaque homme porte en lui cette vérité. Notre nature qui provient du Créateur est la vérité qui nous instruit. Je vous renvoie au concept de loi naturelle. « La loi naturelle n'est rien d'autre que la lumière de l'intelligence infusée en nous par Dieu ».

La loi naturelle est une loi rationnelle : avoir une raison est la nature propre de l'homme. On a une vision réductrice de la nature humaine. Le dualisme prive le corps de sa dignité et donc aussi l'esprit de sa qualité spécifique.

Quand l'Église explique que le langage du corps appartient au langage de la raison et que la loi naturelle s'exprime dans la totalité psychosomatique de la personne, elle défend le spécifiquement humain de la personne et est très éloignée de toute espèce biologique.

 

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Le problème central de notre existence : choisir entre ce qui est bon et ce qui est facile, entre l'attachement à la vérité morale au prix de la souffrance et une fuite qui trouvera toujours une justification. On étouffe la conscience.

« Au fond de la conscience, l'homme découvre la présence d'une loi qu'il ne s'est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d'obéir. » (G.S. n° 16)

Cette loi n'est pas une loi extérieure à l'homme, c'est la voix de Dieu qui nous appelle à nous libérer de l'emprise des mauvais désirs et du péché. Ce n'est qu'en écoutant la voix de Dieu dans notre être le plus intime et en agissant conformément à ses directives, que nous atteindrons la liberté.

La vérité n'est pas le fruit de l'imagination de chaque individu. Dieu a donné l'intelligence pour connaître la vérité et la volonté pour réaliser ce qui est moralement bon. Il donne la lumière de la conscience pour guider nos décisions morales, pour aimer le bien et éviter le mal. La vérité morale est objective et une conscience correctement formée peut la percevoir.

Ces enseignements de Veritatis Splendor doivent être le soubassement de la formation morale.

Ainsi, il nous faut rappeler que l'homme créé à l'image de Dieu et à sa ressemblance est une histoire sacrée. C'est tout l'homme, corps et âme, qui est à l'image de Dieu.

L'homme, par le baptême, est devenu temple de l'Esprit, réceptacle de la gloire de Dieu.

Je souhaite simplement rappeler que nous sommes créés, corps et âme, à l'image et à la ressemblance de Dieu et qu'il nous faut rendre grâce pour ce que nous sommes. Oui, Dieu a fait le corps humain ; mieux encore, le Fils a pris un corps sexué. Il nous faut redécouvrir la beauté du corps qui protège en l'homme ce qu'il y a de plus intime et de plus humain, ce qui approche du divin en lui, à savoir : sa conscience et la liberté de s'en ouvrir à d'autres hommes. Tous les tortionnaires de par le monde le savent bien ! Le martyr révèle le poids ontologique et quasi divin du corps humain, de ce petit tas d'os et de sang capable de tant de souffrances et de secret. Le martyr constitue une exaltation du corps, une véritable épiphanie dans le corps humain, du Dieu Créateur et Sauveur, ainsi que la foi en la résurrection de la chair.

Même si le corps est blessé, il est toujours réceptacle de la gloire.

Même si le corps est touché par la vieillesse, il est toujours lieu d'illumination.

Les grecs se flattaient d'avoir le culte de l'homme, n'oublions pas la sélection qu'ils faisaient à Sparte ? L'Église quant à elle, agit autrement : elle aime tellement l'homme que tout ce qui en porte, ne fût-ce qu'un reflet, lui est sacré. Le jour où l'on se débarrassera des infirmes, des handicapés, le véritable amour de l'humanité sera prêt de disparaître. Ceux qui aiment la vérité, acceptent de la contempler là où elle ne brille pas de tout son éclat. Ceux qui n'ont pas le courage de l'aimer là où elle est défigurée, ne sont pas capables d'avoir pour elle un amour pur, là où elle se révèle dans toute sa gloire. En effet, peu à peu, chez les êtres brisés par la vie, mais intérieurement éclairés par la grâce et la foi, une autre beauté s'affirme ; « ils ont toujours un beau visage, ceux qui sont en paix avec leur conscience. » Un visage âgé, purifié par le Christ, n'abolit pas mais laisse transparaître les expressions heureuses ou tragiques de la jeunesse ou de l'âge mûr : il récapitule une vie dans la lumière. Origène, un Père du IIIème siècle, aimait dire : « que lorsque vous tournerez vers le Seigneur votre regard, sa lumière et sa contemplation rendront vos visages lumineux et vous pourrez dire : sur nous, Seigneur, la lumière de ton visage a laissé ton empreinte. »

L'homme sanctifié « devient tout regard ». Observés longuement, les yeux « paraissent perdre leur enveloppe protectrice colorée, et vous éclaboussent silencieusement d'une vérité qu'ils n'ont pas su retenir », celle de la personne, écrivait Alexandre Soljenitsyne dans le Pavillon des Cancéreux. Ce que le Patriarche Athénagoras appelait : « l'océan intérieur d'un regard ».

Si nous avons un tel respect du corps, c'est parce qu'il est le temple de l'Esprit-Saint, appelé à être divinisé, car lorsque le Christ prend notre condition, la nature humaine en reçoit une incomparable noblesse ; le Fils de Dieu devient tellement l'un de nous que nous devenons éternels.

« Le Seigneur transformera nos pauvres corps à l'image de son corps glorieux, avec la puissance qui le rend capable aussi de tout dominer. »

En conclusion, ce texte du catéchisme de l'Église Catholique :

« La vie humaine est sacrée parce que, dès son origine, elle comporte l'action créatrice de Dieu et demeure pour toujours dans une relation spéciale avec le Créateur, son unique fin. Dieu seul est le maître de la vie de son commencement à son terme : personne en aucune circonstance ne peut revendiquer pour soi le droit de détruire directement un être humain innocent ». (CEC n° 2258)

 

 

 

Monseigneur Patrick Chauvet, Curé de Saint François Xavier

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