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Odile Guinnepain, infirmière en soins pallaitifs depuis 12 ans, analyse le projet de loi Claeys/Léonetti ...

Publiée le 21-01-2015

Odile Guinnepain, infirmière en soins pallaitifs depuis 12 ans,

analyse le projet  de loi Claeys/Léonetti à la lumière de son expérience.

 

La loi propose :

 

Article L.1110-5-2 :

  • « A la demande du patient d'éviter toute souffrance et de ne pas prolonger inutilement sa vie, un traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu'au décès associé à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie est mis en oeuvre dans les cas suivants :
  • Lorsque le patient atteint d'une affection grave et incurable dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire au traitement.
  • Lorsque la décision du patient, atteint d'une affection grave et incurable d'arrêter un traitement engage son pronostic vital. »

Qu'est-ce que la sédation ? Actuellement, pour les personnes vivant des « souffrances et/ou douleurs importantes réfractaires aux traitements », il  est administré une sédation en phase terminale ou en dehors d'une phase terminale. Il s'agit en fait d'endormir, par des moyens chimiques, la personne malade afin de la soulager de ses maux et de lui permettre de se reposer (cf : http://www.sfap.org/content/reflexion-sur-la-sedation-en-fin-de-vie). C'est une bonne chose en soi. Dans ces cas-là -  ce qui concerne moins de 3% des malades en fin de vie en réalité - la décision du traitement est prise en équipe. Il est effectué un réveil régulier du patient afin de voir si les douleurs et souffrances ont disparu. Parallèlement, le corps soignant peut aussi avoir du temps pour poursuivre la recherche sur l'étiologie ou les raisons de ces souffrances et douleurs.

Plusieurs interrogations apparaissent dans les propos apportés dans le projet:

 

La loi propose :

  • « un traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu'au décès : »

Il s'agit là de sédation terminale et non  de sédation « en phase terminale ». C'est à dire que l'on va endormir le patient,  le mettre dans un état d'inconscience totale sans intention de le réveiller…. jusqu’au décès.

Quelle est la différence avec une euthanasie, c’est-à-dire «l’acte délibéré d’un tiers visant à interrompre la vie d’une personne dans l’intention de mettre fin à une situation jugée insupportable » (Définition du Comité Consultatif National d’Ethique – 2000)

Quelle est la différence avec ce qui est permis en Belgique sinon que ce pays ose donner son nom à cet acte ?

 

La loi évoque également dans cet article :

  • « Pronostic vital engagé à court terme » ?

La loi ne définit pas la notion de temps dans ce qu'elle entend  par : « à court terme ». Quel est le temps qui définit un pronostic vital en jeu « à court terme » ? Une heure ? Un jour ? Une semaine ? Un mois ? Une année ?

De plus, comment pouvons-nous savoir combien de temps il reste à vivre à une personne en soins palliatifs, à une personne âgée « usée » de polypathologie ou par la démence, à une personne polyhandicapée dont l'état de santé n'évoluera plus vers une amélioration physique etc... ?

 

Par exemple : Une personne diagnostiquée d'une sclérose en plaque (maladie qui, dès le diagnostic est une « affection grave et incurable ») dont l'évolution aura lieu sur des années, vivra beaucoup de « souffrances réfractaires aux traitements » :  Peur de la paralysie et de la grabatisation progressive, peur de la perte son travail avec ses conséquences matérielles et psychologiques, peur de ne pas pouvoir s'occuper de ses enfants, de ne pas les voir grandir, peur des douleurs neuropathiques souvent difficiles à soulager, peur de la solitude et de l'abandon des proches et des amis... Si la notion de « court terme » n'est pas définie, alors  la personne malade pourra, tout à fait accéder à

« un traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu'au décès associé à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie »quel que soit le stade de la maladie.

L'expérience démontre clairement que, dans l'accompagnement des personnes en soins palliatifs, il est impossible de faire des pronostics de durée de vie précise. Le «combien de temps il me reste docteur» est une utopie. Aucun médecin ni infirmière ni tout autre professionnel de santé ne peut savoir et déterminer le temps qu'il reste à vivre à une personne, même en se basant sur des statistiques. La nature humaine va bien au-delà des statistiques ou des intuitions, toutes bien intentionnées qu'elles soient. Et même si nous avons des idées sur le temps de vie qu'il peut rester à une personne au regard de son état de santé général bien précaire, le plus souvent, nous nous trompons parce que bien d'autres facteurs que la simple dimension physique entrent en jeu dans le processus de mort.

Pour exemple, cette réalité s'observe très fréquemment chez la personne âgée et même très âgée qui a une capacité à récupérer parfois incroyable alors que tout porte à croire qu'elle pourrait mourir en quelques heures des suites de complications soudaines.

Dans cet article, le projet évoque aussi une notion de :

  • « Souffrance réfractaire au traitement » :

Dans un autre article L.1110-5-3,la loi précise aussi que « Toute personne a le droit de recevoir des traitements et des soins visant à soulager sa souffrance. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, prise en compte, évaluée et traitée ». «Le médecin met en place l'ensemble des traitements antalgiques et sédatifs pour répondre à la souffrance réfractaire en phase terminale, même s'ils peuvent avoir comme effet d'abréger la vie ».

 

Dans ces deux articles, aucune précision sur ce que l'on entend par « souffrance réfractaire au traitement » soumet cette interprétation de souffranceà une certaine subjectivité.

S’il s’était agi de « douleur »-la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ou décrite dans ces termes (définition officielle de l’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP))-le risque aurait été moindre.

En effet, la douleur répond à des critères d’observations et d’évaluations quantifiables et universelles d’une part ; d’autre part, on se base sur la réelle altération  d’une ou plusieurs facultés physiques.

Quant à la souffrance, elle peut n’être que psychologique, matérielle, familiale, sociale, culturelle, intellectuelle, spirituelle…, donc soumise à une évaluation ou auto-évaluation subjective. Elle peut aussi être l’effet de problèmes passagers soumettant les personnes à des troubles éphémères et néanmoins majeurs. Elles pourraient cependant entrer dans le cadre de ces « sédations terminales… »

Le texte ne nous guide pas vers cette distinction, et en conséquence, ne donne aucune échelle, aucune mesure pour évaluer et donner une estimation juste de la souffrance, à laquelle tout le monde puisse se référer.

 

Il est des souffrances qu’on ne peut calmer par aucun traitement médicamenteux. Pour ces souffrances, c'est la qualité de l'accompagnement humain et professionnel qui prime. L'expérience montre qu'il est nécessaire d'avoir du temps pour déceler ces souffrances, écouter les personnes, les accompagner, les soulager.  Ce temps est donné dans les unités de soins palliatifs (USP) ou par les équipes mobiles de soins palliatifs. Hors, comme le dit le rapport, 80% des personnes mourantes ou en fin de vie n'ont pas accès à une équipe de soins palliatifs aujourd'hui. Les équipes de services de soins n'ont matériellement pas tout ce temps à consacrer à leurs malades en fin de vie. Ce n'est pas qu'ils ne le veulent pas, ils ne le peuvent pas, à leur grand regret (et je parle par expérience!) parce que le contexte ne s'y prête pas.

En conséquence, sédaterons-nous, sans réveil possible, toutes les personnes dont « les souffrances sont réfractaires aux traitements » tout simplement parce qu'il n'y a pas assez de personnel pour eux ?

Comment ne pas soupçonner une volonté de viser une économie financière quand on sait ce que représente la charge en personnels, structures, matériels… supplémentaires ?

Par exemple le coût de la prise en charge journalière d’un patient en HAD (hospitalisation à domicile) varie de 249 à 2000 euros en fonction des soins alors que le prix moyen pour la prise en charge d’autres pathologies est de 198 euros. (source : CREDES)

Autre exemple, nous avons fait une étude au sein de l’EHPAD où je travaille et avons évalué le coût moyen quotidien des traitements et matériels nécessaires aux soins de confort à 400 euros (sans compter le coût que représente le temps supplémentaire consacré au patient parle personnel) pour les résidents en soins palliatifs, alors que pour les autres, il varie de 20 à 100 euros.

 

De plus, ce qui me semble dangereux c'est que « la facilité » de la sédation risque, pour nous soignants (et notamment les infirmières et aides-soignants) de nous rendre nettement moins attentifs ou vigilants à la souffrance du malade et à ses causes. De ce fait, nous serons moins « combatifs » pour tenter d'y remédier sachant que nous pourrons facilement sédater.

Je ne veux pas faire d'interprétation hâtive, mais l'expérience de terrain et ma connaissance de la réalité me font soupçonner clairement la dérive rapide qu'il va y avoir dans la commodité d’une sédation pour soulager les souffrances.

Cette loi ne nous amènera-t-elle pas à supprimer le souffrant pour supprimer la souffrance ?

  • « ne pas prolonger inutilement sa vie » :

La loi Léonetti interdit l'obstination déraisonnable (ou acharnement thérapeutique) qui, pour maintenir en vie coûte que coûte empêche un processus de se réaliser naturellement en poursuivant des traitements curatifs devenus inefficaces. 

Définition de l’obstination déraisonnable par l’Union Nationale des Associations pour le Développement des Soins Palliatifs (UNADSP) : « c’est l’attitude qui consiste à poursuivre une thérapeutique à visée curative et qui n’aurait plus d’effet. »

Mais, encore une fois, il y a ici beaucoup de subjectivité. Quiva décider de « l'inutilement » et selon quels critères décidera-t-on qu’une vie vaut d’être prolongée au prix, par exemple, de la pose d’un Pace-Maker, de la poursuite d’une dialyse…(sachant aussi le coût que ces soins représentent dans la durée…)

Revenons à la situation de Solange. Nous aurions pu (ou dû?) administrer « un traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu'au décès » à  Solange bien avant la fin novembre au regard de son pronostic vital, au regard de ses « souffrances réfractaires à tout traitement » médicamenteux (grabatisation, incontinence, solitude, perte d'appétit..) pour ne pas « prolonger inutilement sa vie...». En plus de la question morale que cela pose, Solange n'aurait pas revu sa famille et nous n'aurions pas cherché et développé des trésors d'idées pour lui apporter du confort. Solange a été heureuse de revoir et de profiter de ses enfants. Ceux-ci ont pu  passer du temps avec elle pour lui dire adieux, pour se réconcilier et se retrouver en fratrie à ses côtés. Il faut être réaliste, tout ces moments permettent aujourd'hui à la famille de Solange de vivre un deuil, certes douloureux, mais paisible et normal.

 

  • « A la demande du patient » :

Le rapport d'enquête de l'ONFV (Observatoire National de la Fin de Vie -  novembre 2012

« reposant sur un échantillon de 4891 situations de fin de vie » précise que « l'euthanasie est une réalité qui reste extrêmement rare »en France.Cette étude fait la distinction entre les demandes et les pratiques :

Au sujet des demandes elle dit : « 1,8% des patients ont explicitement demandé l'euthanasie. »Au sujet des pratiques : « 3,1% de l'ensemble des décès font suite à une décision médicale prise dans l'intention délibérée de mettre fin à la vie du patient (dont 0,8% par l'administration d'une substance létale). Or, parmi ces 148 décisions, seules 20% ont été prises à la demande explicite du patient. »

Si seulement 0,8% ont été euthanasiés par une injection létale, cela veut dire que les 2,3% autres l'ont été par sédation terminale ou omission de soins!

Au regard de cette étude très sérieuse, de mon expérience, il est clair que la plupart des décisions de sédation terminale ne le seront pas à la demande du patient mais à l'initiative de soignants ou par sollicitation des proches pour qui il est tentant de ne pas voir souffrir le malade.

Qu'en sera-t-il, par ailleurs, de tous les malades atteints de troubles cognitifs conséquences de démences, tumeurs cérébrales, métastases cérébrales, polyhandicap, encéphalopathies hépatiques..... leur interdisant tout accès à une demande formulée ?

Là encore, il y lieu de s'inquiéter !

L'exemple récent de la Belgique devrait nous faire réfléchir. Une étude du 13/03/2014 parue dans le

« Journal of médical Ethics » révèle que la plupart des décisions d'arrêt d'alimentation et d'hydratation (AAH) sont pratiquées en Belgique sans l'accord du patient, dans 80% des cas, et en dépit de leur droit. Cette décision conduit pourtant inexorablement à la mort.

  • « Lorsque la décision du patient, atteint d'une affection grave et incurable d'arrêter un traitement, engage son pronostic vital. » :

Etant donné que les notions de « temps » et de « pathologie grave et incurable » ne sont pas définis, je rejoins ma réflexion précédente.

  • Qu'entendons-nous  par « affection grave et incurable » ?
  • Ces termes incluent-ils les atteintes chroniques ?

 

Par exemple pourrons-nous imaginer qu'une personne atteinte de diabète insulino-dépendant, maintenue en vie par des injections quotidiennes, en proie à des « souffrances importantes réfractaires aux traitements » (la douleur de la piqûre quotidienne ou biquotidienne, la souffrance de suivre un régime alimentaire, la souffrance du suivi médical et tout ce qu'il implique, la souffrance des complications du diabète, les risques de neuropathies avec atteintes des extrémités, de cécité, d’hypertension artérielle, etc...) puisse entrer dans le cadre de cette loi ?

Si la loi ne donne pas plus de précisions il me semble que oui !. Certes, le pronostic vital du diabétique chronique n'est pas en jeu s'il se soigne mais il le devient s'il ne prend pas son insuline quotidiennement ou s'il ne fait pas attention à son régime alimentaire.

Avec si peu de précisions, de telles propositions sont, une fois de plus sujettes à des interprétations très évasives et donc entraînent un recours exagéré voire illimité à l’arrêt des traitements avec ses conséquences fatales.

Par ailleurs, nous, personnels soignants, ne serons-nous pas condamnés par des proches pour « non-assistance à personne en danger » si nous laissons un patient arrêter son traitement avec les effets qui s’en suivent ?

 

Article L.1111-4 :« Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas subir tout traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin notamment son accompagnement palliatif. le professionnel de santé a l'obligation de respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité ».

 

Dans la loi Léonetti actuelle, le médecin doit « tout mettre en œuvre pour convaincre le patient d'accepter des soins indispensables». Dans ce projet de loi, cette notion a disparu de sorte qu'une fois simplement informé, le patient peut décider ou non de poursuivre ses traitements. Je reprends l'exemple du patient diabétique cité ci-dessus, lui qui est souvent soumis à l'envie de tout stopper par lassitude des traitements et des contraintes de soins. Si les professionnels de santé ne peuvent plus tout mettre en œuvre pour l'encourager à continuer à se battre (il en est de même pour beaucoup de patients atteints de cancers), alors beaucoup de malades risquent de demander à être « sédatés »jusqu'à ce que mort s'en suive pour mettre fin à leurs souffrances.

Et, si jamais des médecins « insistent » pour convaincre et aller au-delà de l'information dans ces situations, seront-ils condamnables ou condamnés ?

Article L .1111-11 :les directives anticipées : « Toute personne majeure et capable peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions du refus, de la limitation ou l'arrêt des traitements et actes médicaux. Elles sont révisables et révocables à tout moment. Elles sont rédigées selon un modèle dont le contenu est fixé par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Haute Autorité de Santé. Ce modèle prévoit la situation de la personne selon qu'elle se sait ou non atteinte d'une affection grave au moment où elle rédige de telles directives. Elles s'imposent au médecin, pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement, sauf en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation. Si les directives apparaissent manifestement inappropriées, le médecin, pour se délier de l'obligation de les respecter, doit consulter au moins un confrère et motiver sa décision qui est inscrite dans le dossier médical»

La rédaction des directives anticipées concernant toute personne, malade ou pas (« selon qu'elle se sait ou non atteinte d'une affection grave ») semble une mesure appropriée. Cependant, rendre le respect de leur application « contraignante » pour le médecin et les professionnels de santé («le professionnel de santé a l'obligation de respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité » implique une déresponsabilisation de la décision médicale ou collégiale. Par ailleurs, ces directives enferment les patients dans un avis qui ne correspondra pas à la situation telle qu'elle devra être prise en compte au moment de la décision.  En outre,  la valeur des directives est« pour une durée de temps illimitée » ; et même si « elles sont révocables à tout moment », est-ce que les personnes pourront ou penseront à les réajuster régulièrement en fonction des circonstances?

Prenons une situation  un peu extrême mais très réaliste : En 2015, une personne en bonne santé peut rédiger des directives anticipées dans lesquelles elle dira  qu'elle ne veut pas être maintenue artificiellement en vie le jour où elle sera « comme un légume » c'est à dire, grabataire et/ou démente, ne pouvant plus parler, ni rien faire et dépendante de l'aide des autres pour tout geste de la vie quotidienne y compris celui d'être nourri et hydraté. Accidentée, par exemple, en 2025, cette personne se trouve dans cette situation-là. En incapacité totale de revenir sur ses directives anticipées car dans l'impossibilité de parler ou de se faire comprendre, le patient sera alors l'otage de ses directives anticipées rédigées dix ans plus tôt, dans un tout autre contexte, faisant évidemment abstraction des nouvelles données physiques, psychologiques, familiales, sociales...

Le corps médical devra donc respecter cette volonté, immobilisée par une loi négligeant les circonstances.  Pourtant, qui n'a jamais fait l'expérience d'un jugement dans l'absolu modifié lorsque la réalité personnelle l'oblige à le réviser. Le regard change souvent quand on passe d'un point de vue au vécu, quand la théorie devient pratique. En l'occurrence, il ne s'agit pas d'un discernement anodin.

La vie de Philippe Pozzo di Borgo (qui a inspiré le film « Intouchables ») le démontre. Dans un entretien sur RTL du 19 février 2014 il disait : "Si vous m'aviez demandé quand j'étais valide de signer un papier comme quoi il fallait me débrancher si j'étais dans un état aussi catastrophique, je l'aurais signé comme 92% des français le disent aujourd'hui"."On me pose la question 'est-ce que tu aurais souhaité que l'on te débranche quand ça allait si mal après ton accident ?' Bien sûr que j'ai pensé à me suicider après mon accident mais je suis bien content que, 20 ans plus tard, on ne m'ait pas débranché".

De plus, quel poids a la « personne de confiance » par rapport aux directives anticipées, d’une part ; d’autre part, le Conseil d’Etat va définir lui-même les conditions de rédaction de ces directives anticipées ? permettra-t-il un véritable choix, une liberté réelle ?

Par ailleurs, si le médecin juge des directives anticipées inadaptées à la situation présente, il se doit d'en parler à un confrère - de préférence spécialisé dans la problématique de santé du patient -  et motiver sa décision dans le dossier médical. Est-il réaliste de penser que la majorité des médecins vont avoir le temps ou pouvoir se permettre (et particulièrement dans les régions françaises de plein désert médical) de consulter un confrère pour un patient, alors que cela exigerait de ce second médecin de prendre le temps d'étudier un dossier qu'il ne connaît pas ? 

Sachant que, pour éviter une précipitation néfaste à un juste jugement, plusieurs réunions sont nécessaires.

 Quand au forfait de prise en charge d'un patient en soins palliatifs pour un médecin libéral de 130 ou 170 euros/mois par patient, son montant n'encourage pas forcément à recourir fréquemment à la collégialité.

Nombre de médecins refusent de nouveaux patients ayant le sentiment frustrant de ne pas avoir suffisamment de temps pour prendre pleinement en charge ceux qu'ils suivent déjà ! Et, même en milieu hospitalier, comment trouver le temps et les motivations de prendre des décisions collégiales (en dehors des unités de soins palliatifs) ? Ce sera une charge de travail supplémentaire sur le même temps et sans majoration financière.

  • « lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible d'entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l'article L.1111-11-1 ou la famille ou les proches aient été consultés. »

La notion de procédure collégiale est définie par le code de déontologie médicale. Cela signifie que ce n'est jamais le médecin qui prend la décision seul, ce qui en soi est une bonne chose. Il doit toujours prendre une décision après en avoir discuté avec un confrère et les autres membres de l'équipe qui soignent le malade - infirmièr(e)s, aide-soignant(e)s, kinésithérapeutes, médecin coordonnateur, médecin spécialiste, psychologue...-. Après avoir lu les directives anticipées (quand elles sont rédigées) ou entendu la personne de confiance, il recueille l'avis des proches ou de la famille. Mais là encore, la loi devrait rendre compte de la réalité.  La procédure collégiale existe dans les unités de soins palliatifs. Mais partout ailleurs où meurent des patients (domicile, EHPAD, services de soins généraux non spécialisés en soins palliatifs...) elle est beaucoup plus rare car difficile à obtenir. L'expérience le démontre :  Pour les patients qui meurent à domicile il est souvent difficile de rassembler les intervenants libéraux et ceux des services où sont suivis les patients lors de leur séjours hospitaliers car le temps, l'organisation de chacun ou encore le refus de certains professionnels de réfléchir avec d'autres etc... ne le permet pas. Par ailleurs, dans certains services de soins, cette procédure pourrait se mener avec les équipes mobiles de soins palliatifs mais beaucoup de professionnels sont réticents à les appeler car prendre conseil auprès de confrères demande une certaine  modestie et tous n'y sont pas prêts. En conséquence, le plus souvent, la procédure collégiale se résume au jugement d'un médecin que les autres professionnels ne discutent pas ou sur laquelle ils ne s'interrogent pas.

Par exemple dans l'EHPAD où je travaille, en  3ans ½, 60 résidents sont décédés. Plus de la moitié aurait dû faire l'objet d'une réflexion collégiale en terme de choix de traitement ou de décision d'arrêt thérapeutique. Aucune n'a été menée en raison du manque de motivation des médecins, de l'absence réel de temps à y consacrer pour eux et  pour l'ensemble des personnels de soins, et des difficultés de disponibilités pour recueillir l'avis des familles ou des proches.

Encore à propos de la sédation terminale, la proposition de loi dit :

  • «Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté et dans le cadre du refus de l'obstination déraisonnable, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, le médecin applique le traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu'au décès. Ce traitement est  mise en œuvre selon une procédure collégiale, qui sera inscrite dans le dossier médical du patient».

«dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, le médecin applique le traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu'au décès».

Il semble sous - entendu que la personne dont on arrête le traitement n'est plus accompagnée alors que d'autres aspects de la loi le demandent. Ce flou ou cette apparente contradiction appelle des éclaircissements.

En sédatant «par un traitement à visée sédative et antalgique »  jusqu'à la mort sans possibilité d'exprimer quoi que ce soit, à qui revient la tâche de s'assurer si la personne n'a pas de symptômes pénibles voire insupportables malgré la sédation?

En effet, la notion même de « souffrance »  n'est pas exclue du processus de sédation. Dans le coma, sous l'effet de sédatifs, une personne peut rester douloureuse ou vivre d'autres souffrances.

Dans son livre, Angèle Liéby (« Une larme m'a sauvée » ed des Arènes)  raconte sa détresse de ne pouvoir rien exprimer de ses violentes douleurs alors qu’elle était dans le coma.

Le témoignage aussi du père de Robin Richard, en situation de conscience minimale et lourdement handicapé après avoir été foudroyé par la foudre en 2007 est éloquent (http://asso.robinrichard.free.fr/index.php). Il raconte son insistance auprès du corps soignant à reconnaître des signes de douleurs chez son fils lors de certains mouvements d'un bras. Celui-ci était fracturé sans que les professionnels n'aient su en déceler les symptômes.

Si je reprend la situation de Solange, celle-ci n'a jamais pu répondre à ces conditions, celles

d'avoir rédigé des directives anticipées ou d'avoir nommé une personne de confiance, car elle n'en

n'a jamais eu la possibilité  lorsqu'elle était encore capable de le faire. Or, la proposition de  loi dit aujourd'hui que, pour des personnes comme Solange « dont le pronostic vital est en jeu à cours terme », « qui ne peuvent plus exprimer leur volonté et dans le cadre du refus de l'obstination déraisonnable , dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie (cela faisait plusieurs semaines que le traitement de Solange était stoppé, parce qu'il n'était plus efficace pour elle), afin d'éviter toute souffrance et de ne pas prolonger inutilement sa vie, le médecin applique le traitement à visée sédative (dans le cadre d'une procédure de décision collégiale) et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu'au décès » .

Si nous avions sédaté Solange  dès que l'on a interrompu son traitement et son hydratation (qui là

se justifiait car elle présentait des oedèmes des membres inférieurs, signes que l'eau ne s'éliminait

plus, ce qui aurait engendré douleurs et formation de plaies), jugeant qu'il ne lui restait que peu de

temps à vivre, nous aurions non seulement mis fin à sa vie mais aussi empêchée de vivre ce temps si précieux où elle a retrouvé ses enfants.

Article L.1110-5-1 : A propos de l'obstination déraisonnable.

  • « Lorsque les traitements n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, sous réserve de la prise en compte de la volonté du patient selon une procédure collégiale, ils sont suspendus ou ne sont pas entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10 » « la Nutrition et l'hydratation artificielles constituent un traitement. »

Précisons tout d'abord que  la loi de 2005 ne porte pas seulement sur les patients en fin de vie mais aussi sur des patients atteints de maladies graves et incurables, dans un état avancé de leur maladie mais qui ne sont pas obligatoirement en fin de vie. Sachant qu'il n'y a pas de données plus précises dans cette nouvelle proposition sur ces situations de maladie grave ou d'état avancé de maladies, que penser des personnes en situation de coma végétatif ou de conscience minimale ? 1700 personnes sont dans ces situations en France aujourd'hui. Elles ne sont pas malades mais lourdement handicapées et stables ou en phase de progrès.

Hydrater et nourrir, ce n'est pas apporter un traitement qui maintient les gens en vie, c'est permettre de répondre à un besoin naturel indispensable au maintien de la vie au même titre que se laver, maintenir sa température corporelle, protéger ses téguments, éliminer etc

Donc, sans justification, la loi impose la nutrition et l'hydratation artificielles comme un traitement. Or, ces personnes ne peuvent se nourrir et s'hydrater seules pour des raisons mécaniques et non organiques. En effet, elles dépendent d'une nutrition et d'une hydratation par voie artificielle, en l'occurrence entérale le plus souvent (par l'introduction d'une petite sonde dans un orifice au niveau de l'estomac) parce qu'elles ne peuvent plus ou peu déglutir ou en raison de leurs membres trop atteints pour permettre le mouvement vers la bouche.

Le fait de devoir être nourri et alimenté artificiellement n'est pas le symptôme d'une maladie mais provient d'un dysfonctionnement mécanique. Les organes internes ne sont pas lésés, la digestion se fait normalement. Dans certaines situations, ce défaut mécanique peut être réversible.

Pourtant, ne risque-ton pas d'interrompre l'alimentation et l'hydratation de nombreux handicapés afin d’éviter le caractère artificiel du maintien de leur vie ? Personnes, qui, au demeurant, ne pourront pas exprimer leur volonté.

Ainsi, cela justifierai aujourd'hui, au nom d'une hypothétique irréversibilité de situation, que l'on interrompe l'alimentation et l'hydratation de Michael Schumacher, Jules Bianchi, Robin Richard, et tant d'autres…

Cependant, ces cas de figure sont à distinguer de la décision légitime d’arrêter l'alimentation et/ou l'hydratation chez des patients en fin de vie dont des désordres organiques ne permettent plus à la digestion et au métabolisme de se faire ce qui ne permet plus le bon fonctionnement des organes. En effet, chez les patients en toute fin de vie, atteints de pathologies lourdes évolutives (cancers, maladies neurologiques dégénératives, polypathologie du grand âge, cardiomyopathies, Broncho-pneumopathies chroniques obstructives...)  la sensation de faim est le plus souvent altérée. Des phénomènes de catabolisme majeurs, de troubles digestifs, d'extrême asthénie...justifient de ne pas imposer une alimentation systématique à tout patient en fin de vie. La question de l'hydratation se réfléchit également. Des hydratations artificielles maintenues chez des patients en fin de vie présentant des dysfonctionnements cardiaques, rénaux sévères associés à un alitement prolongé sont souvent responsables de la formation d'oedèmes, de surcharge bronchiques avec toutes les conséquences que cela provoque de difficultés et d'inconfort respiratoire. En l'occurence, en fin de vie, la déshydratation n'est pas source de douleur ni d'inconfort. Il faut veiller principalement à une hydratation locale de la peau et de la bouche bien plus confortables.

L'article L.1110-5-2 :

  • « un traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu'au décès associé à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie est mis en oeuvre dans les cas suivants :...Lorsque la décision du patient, atteint d'une affection grave et incurable d'arrêter un traitement engage son pronostic vital. »

Si l'on arrête l'alimentation et l'hydratation chez les patients lourdement handicapés, -« traitement dont le seul effet est le maintien en vie artificielle » - « leur pronostic vital est engagé » au bout d'un certain temps, comme pour toute personne qui ne se nourrit plus, (les anorexiques par exemple) ce qui n'est pas le cas au départ. En conséquence, cela veut-il dire que, afin qu'ils ne mettent pas plusieurs semaines à mourir des conséquences de la dénutrition et de la déshydratation, on va leur administrer « une sédation terminale » aura pour but  de soulager (ou d'abréger plus rapidement) les souffrances (que nous aurons générées par l'arrêt de ces apports vitaux) et ainsi provoquer intentionnellement leur mort ?  La question posée au tout début, se pose ici également.

 

Autre point relevé à l’Article 1111-4 :

  • « de tenir compte du consentement libre et éclairé du patient »

 Le problème est qu'on ne définit pas précisément les conditions d'un consentement libre et éclairé. Le rapport précise que la personne soit majeure et pas sous protection juridique. Cependant, on sait combien les personnes gravement malades, âgées ou en fin de vie peuvent être vulnérables, voire influençables, en raison de difficultés psychologiques majeures pouvant altérer leur jugement.

Comment ne pas craindre des décisions inappropriées ?

 

Et lorsqu'il s'agira d'enfants, comment exiger des parents accablés par la souffrance de leur enfant, un jugement libre et éclairé ?

Autres réflexions :

Face à la situation de Solange, la loi demande d'interroger les membres de sa famille. Ceux-ci, souffrant de voir leur mère ainsi, auraient choisi de « l'aider à mourir en injectant un produit  l'apaisant  et lui permettre de mourir sans souffrir » (c'est selon ce type de propos tout à fait « compassionnels » que seront présentées les sédations, elles le sont déjà d'ailleurs!)

La réalité démontre que la notion de souffrance est à la fois d'interprétation très subjective et sous

évaluée le plus souvent. En effet, est-ce que nous prendrons vraiment le temps d'interroger les

malades ou de s 'interroger sur ce qui les fait souffrir ?

Par expérience et connaissance des professionnels, avec cette loi, il n'y aura plus d'interrogation. A cela s'ajoutera, ce qui existe déjà, une absence d'évaluation totale des effets secondaires ou des signes de surdosage de traitements, (notamment les morphiniques) chez les patients en phase terminale, avec l'effet évident de provoquer la mort. On évoquera souvent la notion du double effet permis par la loi mais, est-ce que cela ne sera pas trop facile ? Tout cela est très flou !!!!

Une collègue m'a fait cette réflexion « bien intentionnée » pour Solange lorsque j'ai

réalisé qu'elle était surdosée en morphine : « mais tu ne crois pas qu'on devrait quand même

lui laisser le patch, après tout, ce qui compte c'est qu'elle puisse partir sans souffrance et

sans se voir mourir ! »

Voilà le grand problème actuel, à la source de la sédation dans la loi. La notion du bien et du

mal ont totalement disparus. Le désir du bien-mourir est « de ne pas se voir mourir » ; et,

pour ne pas se voir mourir  on effectue ces sédations antalgiques jusqu'à ce que la personne meure, sans possibilité de réveil « afin qu'elle ne se voit pas mourir ». Alors, combien de morts allons-nous

voler au nom du « il ne faut pas se voir mourir pour bien mourir ». Qui suis-je pour

décider (et même savoir à la place de l'autre) la meilleur façon, pour lui de mourir???.

Si j'avais respecté la proposition de ma collègue de ne rien dire de ce surdosage de morphine

au nom du « ce qui compte c'est qu'elle ne souffre pas et ne se voit pas mourir », je l'aurai

clairement euthanasiée car je l'aurai laissé mourir des suites de ce surdosage de morphine

(dont j'avais décelé les symptômes) avec intention de provoquer la mort « pour qu'elle

meure sans souffrance ! ». Et qu'en aurait-il été de ses retrouvailles avec ses enfants ? Ne lui

aurions-nous pas volé cette joie de revoir et profiter de ses enfants, pendant toute une

semaine ? de goûter à la vie, à une nouvelle vie par leur présence à ses côtés ?

Et qu'en aurait-il été pour nous soignants de tout ce que nous n'aurions pas reçus si nous

avions été complices de sa mort? En effet, nous avons beaucoup donné à Solange  en

soins, en temps, en confort. Mais nous avons bien plus reçu d'elle. Sa patience, sa docilité à

nos soins, sa lutte pour revoir ses enfants, son humour, sa vie intérieure, sans compter tout

ce que nous n'avons pas décelé mais qui nous a fait tant grandir.

 

Cette loi va aussi faire régresser les soins palliatifs dans le sens où lorsque nous sédaterons

toutes les personnes en fin de vie, on ne réfléchira plus à la façon de soulager les

souffrances, à ce désir de comprendre le fond de leurs douleurs pour mieux la soulager voire la consoler. La sédation rendue légale sera appliquée beaucoup plus largement. De ce fait, nous risquons de ne plus nous investir dans une réflexion visant à soulager les souffrants, à mieux les comprendre, mieux les entourer, mieux évaluer leurs symptômes...

 

Enfin, dans ce projet de loi, les notions « d'euthanasie » et « de suicide assistée » étant absentes, il n'y a pas la reconnaissance d'une atteinte à la vie des personnes. Donc, le recours à l’objection de conscience pour les médecins et les infirmièr(e)s qui auront à administrer les sédations n’est pas abordé. Alors, si nous refusons de les appliquer, à quelles peines serons-nous exposés? Serons-nous qualifiés par les médias et tous ceux qui s’y fient, de « bourreaux insensibles » qui refusent de soulager la souffrance des malades ? Serons-nous condamnés à des amendes voire à des peines de prison pour non respect de la loi ? Aurons-nous le droit à l'objection de conscience ?

 

 

Enfin qui devra « se farcir le sale travail? ». Ce sont les médecins qui vont prescrire, les infirmières qui vont administrer en  perfusions ou pousse-seringues électriques  les produits de sédation.  Y seront associées aides-soignantes et ASH (agents de services hospitaliers) qui poursuivront les soins de nursing et de confort. Ainsi, nous assisterons seul(e)s à des agonies dont la plupart risquent d'être agitées et parfois délicates.

Quant aux familles, il leur sera difficile de voir ces agonies, sans parler des regrets et difficultés à traverser les deuils de leurs proches disparus avec qui, elles n’auront pas vécu les réconciliations et retrouvailles des derniers instants si souvent nécessaires.

Conclusion.

Outre l’absence de moyens mis à la disposition de la collégialité de la décision, il semble que le plus périlleux dans le texte soit le flou entretenu sur les critères laissés à une subjectivité dangereuse que ce soit en matière :

  • De définition et d’observation  de la souffrance,
  • De notion de souffrance réfractaire au traitement
  • De conditions de la sédation terminale
  • De notions de temps en fin de vie, notamment quand le pronostic vital est en jeu
  • D’inutilité ou pas d’un traitement
  • De définition d’un traitement par rapport à ce qui est l’ordre de nécessités naturelles
  • De définition d’affection grave et incurable
  • De volonté du patient et de son libre arbitre
  • De soins disproportionnés
  • D’explication de ce qu’est « mourir dans la dignité »

Les critères de discernement étant inexistants, la subjectivité entrainera une inégalité sur notre territoire. Le patient sera traité différemment d’une institution à une autre, sans garantie objective.

Prise de décision, discussion collégiale, sédation terminale, arrêt des traitements disproportionnés… ne sont canalisés par aucun garde-fou, ne sont guidés par aucun repère éthique et ne trouvent leur unité dans aucune référence commune.

Il est à craindre alors, comme cela se voit déjà sur le terrain, que des décisions aient pour moteur un élan affectif d’empathie ponctuelle plutôt qu’une réflexion éclairée par la raison ; celle-ci évitant les dérives que des sentiments immédiats peuvent provoquer face à la souffrance.

Ces décisions ne seront pas forcément, à long terme, les meilleures pour les patients ni pour les familles et seront trop précipitées, trop dépendantes d’un contexte ponctuel.

Elles seront pourtant sans appel et si lourdes de conséquences pour les patients, les familles, les personnels de santé, la société, qu’elles mériteraient au préalable un consensus d’ordre rationnel issu d’une recherche associant humanité, éthique, réalité professionnelle, familiale, sociale…

Pour que la vraie dignité de toute personne soit préservée au mieux avec toutes ses composantes, pour que ce ne soit pas notre PEUR de voir souffrir et mourir qui l’emporte sur la nécessité de soigner, pour que l’économie ne dicte pas notre réflexion et pour que la société continue à faire confiance à un corps médical fiable, responsable et libre, merci d'aider les députés et tout citoyen dans leur discernement.

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