2008 : Homélies, Textes, ...

Lettre du pape au P. Kolvenbach, supérieur général des Jésuites- 10 janvier


Lettre du pape au P. Kolvenbach, supérieur général des Jésuites

ROME, Vendredi 18 janvier 2008 (ZENIT.org) - Quelques jours avant de présenter sa démission comme supérieur général de la Compagnie de Jésus, le père Peter-Hans Kolvenbach a reçu une lettre personnelle du pape Benoît XVI dont nous publions le texte ci-dessous.

Le père Kolvenbach, qui aura 80 ans cette année, a été à la tête de la Compagnie pendant près de 25 ans. - 10 janvier 2008

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Au Révérend Père

PETER-HANS KOLVENBACH, SJ


Préposé Général de la Compagnie de Jésus

A l'occasion de la 35ème Congrégation Générale de la Compagnie de Jésus, je souhaite vivement vous adresser, à vous-même et à tous ceux qui prendront part à cette Congrégation, mes cordiales salutations, jointes à l'assurance de mon affection et de ma constante proximité spirituelle. Je sais quelle importance revêt pour la vie de la Compagnie l'événement que vous célébrez, et je sais aussi que, pour cette raison, il a été préparé avec grand soin. Vous avez là une occasion providentielle d'imprimer à la Compagnie de Jésus la nouvelle impulsion ascétique et apostolique que tous souhaitent, pour que les Jésuites puissent accomplir pleinement leur mission et affronter les défis du monde moderne avec cette fidélité au Christ et à l'Eglise qui a caractérisé l'action prophétique de Saint Ignace de Loyola et de ses premiers compagnons.

Aux fidèles de Thessalonique, l'Apôtre écrit qu'il leur a annoncé l'évangile de Dieu, « vous encourageant et vous adjurant -précise-t-il- de vous comporter d'une manière digne de Dieu qui vous appelle à son royaume et à sa gloire » (1 Th 2,12). Et il ajoute : « Voici pourquoi, de notre côté, nous rendons sans cesse grâce à Dieu : quand vous avez reçu la parole de Dieu que nous vous faisions entendre, vous l'avez accueillie, non comme une parole d'homme, mais comme ce qu'elle est réellement, la parole de Dieu, qui est aussi à l'oeuvre en vous, les croyants » (1 Th 2,13). La parole de Dieu est donc d'abord « reçue », c'est-à-dire écoutée, puis, pénétrant jusqu'au coeur, elle est « accueillie », et qui la reçoit reconnaît que Dieu parle à travers son envoyé : ainsi la parole agit dans les croyants. Comme au temps de Paul, aujourd'hui encore l'évangélisation exige une adhésion totale et fidèle à la parole de Dieu : adhésion avant tout au Christ, et écoute attentive de son Esprit qui guide l'Eglise, obéissance docile aux Pasteurs que Dieu a placés comme guides de son peuple, et dialogue prudent et franc avec les requêtes sociales, culturelles et religieuses de notre temps. Tout cela suppose, nous le savons bien, une communion intime avec Celui qui nous appelle à être ses amis et ses disciples, une unité de vie et d'action qui se nourrit de l'écoute de sa parole, de contemplation et de prière, de détachement de la mentalité du monde, et d'une conversion incessante à son amour, pour que ce soit Lui, le Christ, qui vive et agisse en chacun de nous. Là est le secret de l'engagement apostolique et missionnaire de tout chrétien, et plus encore de ceux qui sont appelés à un service plus direct de l'Evangile.

Ceux qui prendront part à la Congrégation Générale sont bien conscients de tout cela, et je tiens à rendre hommage à l'important travail déjà accompli par la commission préparatoire qui, pendant l'année 2007, a examiné les postulats reçus des Provinces et indiqué les questions à aborder. Je voudrais adresser mes pensées de gratitude en premier lieu à Vous, cher et vénéré Père Préposé Général, qui guidez la Compagnie de Jésus depuis 1983 de façon éclairée, sage et prudente, cherchant toujours à la maintenir sur la voie du charisme originel. Vous avez demandé plusieurs fois, pour des raisons objectives, à être relevé d'une charge aussi lourde, assumée avec un grand sens de votre responsabilité à un moment nullement facile de l'histoire de votre Ordre. Je vous exprime mes vifs remerciements pour le service rendu à la Compagnie de Jésus, et plus généralement à l'Eglise. Mes sentiments de reconnaissance s'étendent à vos collaborateurs plus directs, aux participants à la Congrégation Générale, et à tous les Jésuites présents dans les différentes parties de la planète. Que parvienne à tous et à chacun, le salut du Successeur de Pierre, qui suit avec affection et estime les travaux apostoliques multiples et appréciés des Jésuites, et les encourage tous à continuer sur le chemin ouvert par leur saint Fondateur et parcouru par d'innombrables frères, dévoués à la cause du Christ, et dont beaucoup ont été inscrits par l'Eglise sur le livre des saints et des bienheureux. Que du ciel, ceux-ci protègent et soutiennent la Compagnie de Jésus dans la mission qu'elle remplit en notre époque, marquée par tant de défis complexes, sociaux, culturels et religieux.

A ce propos, comment ne pas reconnaître la contribution de valeur que la Compagnie apporte à l'action de l'Eglise en divers domaines et de différentes manières ? Contribution réellement importante et digne de louange, que seul le Seigneur pourra récompenser comme il se doit. Comme mes vénérés prédécesseurs, les serviteurs de Dieu Paul VI et Jean Paul II, je saisis moi aussi volontiers l'occasion de cette Congrégation Générale pour mettre en lumière tout cet apport, et pour offrir en même temps à votre réflexion quelques considérations qui vous encouragent et vous stimulent à réaliser toujours mieux l'idéal de la Compagnie, tel qu'il est décrit dans ces paroles qui vous sont familières : « combattre pour Dieu sous l'étendard de la Croix et servir le Seigneur seul et l'Eglise son Epouse sous le Pontife Romain, vicaire du Christ sur la terre » (Exposcit debitum, 21 juillet 1550). Il s'agit d'une fidélité « particulière », sanctionnée pour beaucoup parmi vous par un voeu d'obéissance directe au Successeur de Pierre, « perinde ac cadaver ». De cette fidélité, qui constitue le signe distinctif de votre Ordre, l'Eglise a encore plus besoin aujourd'hui, à une époque où se ressent l'urgence de transmettre de manière intégrale à nos contemporains, distraits par tant de voix discordantes, le message unique et inchangé de salut qu'est l'Evangile, « non comme une parole d'homme mais comme ce qu'il est réellement, la parole de Dieu », qui opère en ceux qui croient.

Pour cela, il est indispensable, comme le rappelait déjà notre bien-aimé Jean Paul II aux participants à la 34ème Congrégation Générale, que la vie des membres de la Compagnie de Jésus, ainsi que leur recherche doctrinale, soient toujours animées par un vrai esprit de foi et de communion « en harmonie avec les indications du Magistère » (Discours de Jean-Paul II, 5 janvier 1995, n.5). Je souhaite vivement que la présente Congrégation réaffirme clairement le charisme authentique de votre Fondateur, pour encourager tous les Jésuites à promouvoir la vraie et saine doctrine catholique. Comme Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, j'ai pu apprécier la précieuse collaboration de consulteurs et d'experts jésuites, qui en pleine fidélité à leur charisme, ont considérablement contribué à la promotion et la réception fidèle du Magistère. Ce n'est certes pas un engagement simple, spécialement quand on est appelé à annoncer l'Evangile dans des contextes sociaux et culturels très divers et qu'il faut affronter des mentalités différentes. J'apprécie donc sincèrement toute la peine prise ainsi au service du Christ, une peine qui est fructueuse pour le bien même des âmes, dans la mesure où l'on se laisse guider par l'Esprit Saint et demeure docile aux enseignements du Magistère, se référant aux principes de base de la vocation ecclésiale du théologien présentés dans l'Instruction Donum veritatis.

L'oeuvre évangélisatrice de l'Eglise compte donc beaucoup sur la responsabilité formatrice qu'a la Compagnie dans les domaines de la théologie, de la spiritualité et de la mission. Pour offrir à l'entière Compagnie de Jésus une orientation claire qui soit un soutien pour un dévouement apostolique généreux et fidèle, il pourrait donc être fort utile que la Congrégation Générale réaffirme, dans l'esprit de saint Ignace, son adhésion totale à la doctrine catholique, en particulier sur des points névralgiques fortement attaqués aujourd'hui dans la culture séculière, comme par exemple le rapport entre le Christ et les religions, certains aspects de la théologie de la libération, et divers points de la morale sexuelle, surtout pour ce qui regarde l'indissolubilité du mariage et la pastorale des personnes homosexuelles.

Révérend et cher Père, je suis persuadé que la Compagnie perçoit l'importance historique de cette Congrégation Générale et que, guidée par l'Esprit Saint, elle voudra encore une fois, comme le disait le bien-aimé Jean-Paul II en janvier 1995, « réaffirmer sans équivoque et sans hésitation, son chemin vers Dieu si spécifique, que saint Ignace a tracé dans la Formula Instituti : la fidélité aimante à votre charisme sera la source assurée d'une fécondité renouvelée » (op.cit., n.3). Les paroles que mon vénéré prédécesseur Paul VI vous a adressées dans une autre circonstance analogue, sont elles aussi particulièrement actuelles : « nous devons tous veiller afin que l'adaptation nécessaire ne soit pas faite au détriment de l'identité fondamentale, de l'essence de la figure du Jésuite, telle qu'elle est décrite dans la Formula Instituti, telle que l'histoire et la spiritualité propre de l'Ordre la proposent, et telle que l'interprétation authentique des besoins mêmes des temps semble encore la réclamer aujourd'hui. Cette image ne doit pas être altérée, elle ne doit pas être défigurée » (Discours de Paul VI, 3 décembre 1974, II).

Les enseignements des successeurs de Pierre manifestent de façon continue leur grande attention envers les Jésuites, leur estime pour vous et leur désir de pouvoir compter toujours sur le précieux apport de la Compagnie à la vie de l'Eglise et à l'évangélisation du monde. Je confie la Congrégation Générale et l'entière Compagnie de Jésus à l'intercession de votre saint Fondateur et des saints de votre Ordre et à la protection maternelle de Marie, pour que chaque fils spirituel de saint Ignace puisse tenir le regard fixé « d'abord sur Dieu, ensuite sur la nature de son Institut » (Formula Instituti,1).

Vous assurant de ma prière, je vous accorde de grand coeur, à vous-même, Révérend Père, aux membres de la Congrégation Générale et à toute la Compagnie de Jésus, une bénédiction apostolique spéciale.

Au Vatican, 10 janvier 2008

Benedictus XVI

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