Benoît XVI de A à Z

Subjectivisme

2006



10 décembre 2006 - Homélie consécration de l'église paroissiale Sainte Marie Etoile de l'Evangélisation
Le récit de la ré-édification du peuple d'Israël, de la ville sainte de Jérusalem et du temple, après le retour de l'exil : après la grande euphorie du retour dans sa patrie, le peuple - une fois arrivé - se trouve face à un pays désert. Comment le ré-édifier? La reconstruction extérieure, si nécessaire, ne peut pas progresser si, auparavant, n'est pas reconstitué le peuple lui-même en tant que peuple - si n'est pas appliqué un critère de justice qui unisse chacun et qui réglemente la vie et l'activité de tous. Le peuple de retour a besoin, pour ainsi dire, d'une "constitution", d'une loi fondamentale pour sa vie. Et il sait que cette constitution, si elle doit être juste et durable, si elle conduit en définitive à la justice, ne peut pas être le fruit d'une invention autonome. La véritable justice ne peut pas être inventée par l'homme: celle-ci doit plutôt être découverte. Elle doit, en d'autres termes, venir de Dieu, qui est la justice. La Parole de Dieu réédifie donc la cité. Ce que la lecture nous raconte est un rappel à l'esprit de l'événement du Sinaï. Une façon de rendre présent l'événement du Sinaï: la Parole sainte de Dieu, qui indique aux hommes la voie de la justice, est solennellement lue et expliquée. Ainsi, celle-ci devient présente comme une force qui, de l'intérieur, édifie à nouveau le pays. Cela a lieu le jour de l'an. La Parole de Dieu inaugure une nouvelle année, inaugure une nouvelle heure de l'histoire. La Parole de Dieu est toujours une force de renouveau qui donne un sens et un ordre à notre temps



2007



27 janvier 2007 - Au Tribunal de la Rote Romaine
L'année dernière, lors de ma première rencontre avec vous, j'ai cherché à explorer les voies pour surmonter l'opposition apparente entre l'institution du procès en nullité de mariage et l'authentique sens pastoral. Dans cette perspective, l'amour pour la vérité apparaissait comme le point de convergence entre la recherche juridique et le service pastoral aux personnes. Nous ne devons cependant pas oublier que, dans les causes de nullité de mariage, la vérité juridique présuppose la "vérité du mariage" lui-même. L'expression "vérité du mariage" perd cependant de son importance existentielle dans un contexte culturel marqué par le relativisme et le positivisme juridique, qui considèrent le mariage comme une pure reconnaissance sociale des liens affectifs. En conséquence, celui-ci devient non seulement contingent, comme peuvent l'être les sentiments humains, mais il se présente comme une superstructure juridique que la volonté humaine peut manipuler à sa convenance, la privant même de sa nature hétérosexuelle.

Cette crise de sens du mariage se fait également ressentir dans la façon de penser de nombreux fidèles. Les effets pratiques de ce que j'ai appelé l'"herméneutique de la discontinuité et de la rupture" à propos de l'enseignement du Concile Vatican II (cf. Discours à la Curie romaine, 22 décembre 2005) se ressentent de manière particulièrement intense dans le domaine du mariage et de la famille. En effet, il semble à certaines personnes que la doctrine conciliaire sur le mariage, et concrètement la description de cette institution comme "intima communitas vitae et amoris" (Const. past. Gaudium et spes, n. 48), doive conduire à nier l'existence d'un lien conjugal indissoluble, car il s'agirait d'un "idéal" auquel ne peuvent pas être "obligés" les "chrétiens normaux". De fait, s'est également diffusée dans certains milieux ecclésiaux la conviction selon laquelle le bien pastoral des personnes en situation matrimoniale irrégulière exigerait une sorte de régularisation canonique, indépendamment de la validité ou de la nullité de leur mariage, c'est-à-dire indépendamment de la "vérité" à propos de leur condition personnelle. La voie de la déclaration de nullité matrimoniale est de fait considérée comme un instrument juridique pour atteindre cet objectif, selon une logique dans laquelle le droit devient la reconnaissance des prétentions subjectives. A ce propos, il faut tout d'abord souligner que le Concile décrit bien évidemment le mariage comme intima communitas vitae et amoris, mais cette communauté doit être déterminée, suivant la tradition de l'Eglise, par un ensemble de principes de droit divin, qui fixent son véritable sens anthropologique permanent (cf. ibid.). …

Face à la relativisation subjectiviste et libertaire de l'expérience sexuelle, la tradition de l'Eglise affirme avec clarté le caractère naturellement juridique du mariage, c'est-à-dire son appartenance par nature au domaine de la justice dans les relations interpersonnelles. Dans cette optique, le droit est véritablement mêlé à la vie et à l'amour, comme il doit intrinsèquement l'être. C'est pourquoi, comme je l'ai écrit dans ma première Encyclique, "selon une orientation qui a son origine dans la création, l'eros renvoie l'homme au mariage, à un lien caractérisé par l'unicité et le définitif; ainsi, et seulement ainsi, se réalise sa destinée profonde" (Deus caritas est, n. 11). Amour et droit peuvent ainsi s'unir, au point d'avoir pour effet que le mari et la femme se doivent réciproquement l'amour qu'ils éprouvent spontanément: l'amour est en eux le fruit de leur libre désir du bien de l'autre et des enfants; ce qui, du reste, est également l'exigence de l'amour envers le propre bien véritable.

Toute l'œuvre de l'Eglise et des fidèles dans le domaine familial doit se fonder sur cette vérité à propos du mariage et de sa dimension juridique intrinsèque. Malgré cela, comme je l'ai déjà rappelé, la mentalité relativiste, sous des formes plus ou moins ouvertes ou insidieuses, peut également s'insinuer dans la communauté ecclésiale. Vous êtes bien conscients de l'actualité de ce risque, qui se manifeste parfois à travers une interprétation erronée des normes canoniques en vigueur. Il faut réagir contre cette tendance avec courage et confiance, en appliquant constamment l'herméneutique du renouveau dans la continuité et en ne se laissant pas séduire par des possibilités d'interprétation qui impliquent une rupture avec la tradition de l'Eglise. Ces voies s'éloignent de la véritable essence du mariage, ainsi que de sa dimension juridique intrinsèque et, sous divers noms plus ou moins attrayants, tentent de dissimuler une contrefaçon de la réalité conjugale. On en vient ainsi à soutenir que rien ne serait juste ou injuste dans les relations de couple, mais répondrait uniquement, ou non, à la réalisation des aspirations subjectives de chacune des parties. Dans cette optique, l'idée du "mariage in facto esse" oscille entre une relation purement factuelle et une façade juridique et positiviste, négligeant son essence de lien intrinsèque entre les personnes de l'homme et de la femme.



10 février 2007 - A l'Académie des Sciences morales et politiques
La réflexion et l'action des Autorités et des citoyens doivent être centrées autour de deux éléments: le respect de tout être humain et la recherche du bien commun. Dans le monde actuel, il est plus que jamais urgent d'inviter nos contemporains à une attention renouvelée à ces deux éléments. En effet, le développement du subjectivisme, qui fait que chacun a tendance à se prendre comme seule référence et à considérer que ce qu'il pense a le caractère de la vérité, nous incite à former les consciences sur les valeurs fondamentales, qui ne peuvent être bafouées sans mettre en danger l'homme et la société elle-même, et sur les critères objectifs d'une décision, qui supposent un acte de raison…

Qu'il me soit permis d'évoquer …devant vous la figure d'Andreï Dimitrijevitch Sakharov, auquel j'ai succédé à l'Académie. Cette haute personnalité nous rappelle qu'il est nécessaire, dans la vie personnelle comme dans la vie publique, d'avoir le courage de dire la vérité et de la suivre, d'être libre par rapport au monde ambiant qui a souvent tendance à imposer ses façons de voir et les comportements à adopter. La véritable liberté consiste à marcher dans la voie de la vérité, selon sa vocation propre, sachant que chacun aura à rendre compte de sa vie à son Créateur et Sauveur. Il importe que nous sachions proposer aux jeunes un tel chemin, leur rappelant que le véritable épanouissement n'est pas à n'importe quel prix et les invitant à ne pas se contenter de suivre toutes les modes qui se présentent. Ainsi, ils sauront avec courage et ténacité discerner le chemin de la liberté et du bonheur, qui suppose de vivre un certain nombre d'exigences et de réaliser les efforts, les sacrifices et les renoncements nécessaires pour agir bien.



15 septembre 2007 - au Nouvel Ambassadeur d'Irlande près le Saint-Siège
Lorsque la vérité est méprisée, le relativisme la remplace : au lieu d'être régis par les principes, les choix politiques sont déterminés de plus en plus par l'opinion publique, les valeurs sont obscurcies par les méthodes et les objectifs, et ce sont les catégories elles-mêmes de ce qui est bien et ce qui est mal, de ce qui est juste et ce qui est faux, qui dictent l'évaluation pragmatique des avantages et des inconvénients.



2008



17 juillet 2008 - Accueil des jeunes à Sydney
Il y a quelque chose de sinistre qui découle du fait que la liberté et la tolérance sont très souvent séparées de la vérité. Cela est alimenté par l'idée, largement diffusée aujourd'hui, qu'aucune vérité absolue ne peut guider nos vies. Le relativisme, en donnant une valeur quasi indistincte à toute chose, a rendu l'« expérience » plus importante que tout. En réalité, les expériences, sans tenir compte de ce qui est bon et vrai, peuvent conduire non pas à une liberté authentique, mais au contraire, à une confusion morale ou intellectuelle, à un affaiblissement des principes, à la perte de la propre estime, et même au désespoir.

La vie n'est pas réglée par le hasard, elle n'est pas accidentelle. Votre existence personnelle a été voulue par Dieu, bénie par Lui et il lui a été donné un but (cf. Gn 1, 28) ! La vie n'est pas une simple succession de faits et d'expériences, même si de tels événements peuvent être utiles. Elle est une recherche de ce qui est vrai, bien et beau. C'est précisément en vue de tels objectifs que nous accomplissons nos choix, que nous exerçons notre liberté et en cela, c'est-à-dire en ce qui est vrai, bien et beau, nous trouvons le bonheur et la joie. Ne vous laissez pas tromper par ceux qui voient en vous de simples consommateurs sur un marché offrants de multiples possibilités, où le choix en lui-même devient le bien, la nouveauté se fait passer pour beauté, l'expérience subjective remplace la vérité.



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