Benoît XVI de A à Z

Relativisme

1 - Dans la première Lettre de saint Paul aux Corinthiens, nous trouvons le récit le plus ancien de la résurrection que nous connaissons. Paul l'a fidèlement recueilli des témoins. Ce récit parle tout d'abord de la mort du Seigneur pour nos péchés, de sa sépulture, de sa résurrection, qui a eu lieu le troisième jour, puis il dit: «[le Christ] est apparu à Céphas, puis aux Douze...» (1 Co 15, 4). La signification du mandat conféré à Pierre jusqu'à la fin des temps est ainsi encore une fois résumée: être témoin du Christ ressuscité.

L'Evêque de Rome siège sur sa Chaire pour témoigner du Christ. Ainsi la Chaire est le symbole de la potestas docendi, cette autorité d'enseignement qui est la partie essentielle du mandat de lier et de délier conféré par le Seigneur à Pierre et, après lui, aux Douze. Dans l'Eglise, l'Ecriture Sainte, dont la compréhension s'accroît sous l'inspiration de l'Esprit Saint, et le ministère de l'interprétation authentique, conféré aux apôtres, appartiennent l'un à l'autre de façon indissoluble. Là où l'Ecriture Sainte est détachée de la voix vivante de l'Eglise, elle devient la proie des discussions des experts. Tout ce que ces derniers ont à nous dire est certainement important et précieux; le travail des savants est d'une aide appréciable pour pouvoir comprendre ce processus vivant à travers lequel l'Ecriture a grandi et comprendre ainsi sa richesse historique. Mais la science ne peut pas nous fournir à elle seule une interprétation définitive et faisant autorité; elle n'est pas en mesure de nous donner, dans l'interprétation, la certitude avec laquelle nous pouvons vivre et pour laquelle nous pouvons également mourir. C'est pourquoi, nous avons besoin d'un mandat plus grand, qui ne peut pas naître uniquement des capacités humaines. C'est pourquoi nous avons besoin de la voix de l'Eglise vivante, de cette Eglise confiée à Pierre et au collège des apôtres jusqu'à la fin des temps.

Cette autorité d'enseignement effraie un grand nombre d'hommes à l'intérieur et à l'extérieur de l'Eglise. Ils se demandent si celle-ci ne menace pas la liberté de conscience, si elle n'est pas une présomption s'opposant à la liberté de pensée. Il n'en est pas ainsi. Le pouvoir conféré par le Christ à Pierre et à ses successeurs est, au sens absolu, un mandat pour servir. L'autorité d'enseigner, dans l'Eglise, comporte un engagement au service de l'obéissance à la foi. Le Pape n'est pas un souverain absolu, dont la pensée et la volonté font loi. Au contraire: le ministère du Pape est la garantie de l'obéissance envers le Christ et envers Sa Parole. Il ne doit pas proclamer ses propres idées, mais se soumettre constamment, ainsi que l'Eglise, à l'obéissance envers la Parole de Dieu, face à toutes les tentatives d'adaptation et d'appauvrissement, ainsi que face à tout opportunisme. C'est ce que fit le Pape Jean-Paul II lorsque, face à toutes les tentatives, apparemment bienveillantes envers l'homme, face aux interprétations erronées de la liberté, il souligna de manière catégorique l'inviolabilité de l'être humain, l'inviolabilité de la vie humaine de sa conception jusqu'à sa mort naturelle. La liberté de tuer n'est pas une véritable liberté, mais une tyrannie qui réduit l'être humain en esclavage. Le Pape est conscient d'être, dans ses grandes décisions, lié à la grande communauté de foi de tous les temps, aux interprétations faisant autorité qui sont apparues le long du chemin du pèlerinage de l'Eglise. Ainsi son pouvoir ne se trouve pas «au dessus», mais il est au service de la Parole de Dieu, et c'est sur lui que repose la responsabilité de faire en sorte que cette Parole continue à rester présente dans sa grandeur et à retentir dans sa pureté, de façon à ce qu'elle ne soit pas détruite par les changements incessants des modes.

La Chaire est — disons-le encore une fois — le symbole de l'autorité d'enseignement, qui est une autorité d'obéissance et de service, afin que la Parole de Dieu — la vérité! — puisse resplendir parmi nous, en nous indiquant la route de la vie. - Homélie Saint Jean de Latran 7.5.2005


2 - Aujourd'hui, un obstacle particulièrement menaçant pour l'œuvre d'éducation est constitué par la présence massive, dans notre société et notre culture, de ce relativisme qui, en ne reconnaissant rien comme définitif, ne laisse comme ultime mesure que son propre moi avec ses désirs, et sous l'apparence de la liberté devient une prison pour chacun, séparant l'un de l'autre et réduisant chacun à se retrouver enfermé dans son propre « Moi ». Dans un tel horizon relativiste une véritable éducation n'est donc pas possible: en effet, sans la lumière de la vérité toute personne est condamnée, à un moment ou à un autre, à douter de la bonté de sa vie même et des relations qui la constituent, de la valeur de son engagement pour construire quelque chose en commun avec les autres.

Il est donc clair que nous devons non seulement chercher à surmonter le relativisme dans notre travail de formation des personnes, mais que nous sommes également appelés à nous opposer à sa domination destructrice dans la société et dans la culture. A côté de la parole de l'Eglise, le témoignage et l'engagement public des familles chrétiennes est donc très important, en particulier pour réaffirmer le caractère inviolable de la vie humaine de sa conception jusqu'à son terme naturel, la valeur unique et irremplaçable de la famille fondée sur le mariage et la nécessité de mesures législatives et administratives qui soutiennent les familles dans leur tâche d'engendrer et d'éduquer les enfants, tâche essentielle pour notre avenir commun. Je vous remercie cordialement également pour cet engagement. - Au Congrès diocésain de Rome sur la famille 6.6.2005


3 - Le désir de promouvoir le bien commun est fondé sur la croyance selon laquelle l'homme vient au monde en tant que don du Créateur. C'est de Dieu que chaque homme et chaque femme - faits à son image - reçoivent leur dignité inviolable commune et leur appel à la responsabilité. Aujourd'hui, lorsque les personnes oublient leurs origines, comme c'est souvent le cas, et perdent ainsi de vue leur objectif, elles deviennent facilement la proie de tendances sociales fantaisistes, de la déformation de la vérité par des groupes d'intérêt particulier, et d'un individualisme exacerbé. Face à cette "crise du sens" (cf. Lettre encyclique Fides et ratio, n. 81), les autorités civiles et religieuses sont appelées à travailler ensemble, en encourageant chacun, y compris les jeunes, afin de "diriger leurs pas vers une vérité qui les transcende" (ibid., n. 5). Détachés de cette vérité universelle, qui est la seule garantie de liberté et de bonheur, les personnes sont à la merci de leurs caprices et perdent progressivement la capacité de découvrir la signification profondément satisfaisante de la vie humaine.
Les Néo-zélandais reconnaissent et accordent depuis toujours une place importante au mariage et à la vie familiale stable au sein de leur société et ils continuent même d'attendre de la part des forces politiques et sociales un soutien aux familles et une protection de la dignité des femmes, en particulier les plus vulnérables. Ils reconnaissent que les déformations séculières du mariage ne peuvent jamais offusquer la splendeur de l'alliance de toute une vie fondée sur le don généreux de soi et sur l'amour inconditionnel. La raison leur dit que "l'avenir de l'humanité passe par la famille" (Exhortation apostolique Familiaris Consortio, n. 86), qui offre à la société une base sûre pour ses aspirations. J'encourage donc le peuple … à continuer de relever le défi de construire un programme de vie, tant sur le plan individuel que communautaire, qui soit en relation avec le dessein de Dieu pour toute l'humanité.
Un processus de sécularisation inquiétant a lieu dans de nombreuses parties du monde. Là où les fondements chrétiens de la société risquent d'être oubliés, la tâche de préserver la dimension transcendante présente dans chaque culture et de renforcer l'exercice authentique de la liberté individuelle contre le relativisme devient toujours plus difficile. Un tel problème exige que l'Eglise et les responsables civils garantissent à la question de la moralité une large place dans le débat public. A cet égard, il existe un profond besoin aujourd'hui de retrouver une vision de la relation réciproque entre le droit civil et le droit moral, qui, en plus d'être proposée par la tradition chrétienne, est également une partie du patrimoine des grandes traditions juridiques de l'humanité (cf. Lettre encyclique Evangelium Vitae, n. 71). Ce n'est que de cette façon que les exigences multiples découlant des "droits" peuvent être reliées à la vérité et que la nature de la liberté authentique peut être correctement comprise dans le cadre de la vérité, qui fixe ses limites et révèle ses objectifs. - au nouvel Ambassadeur de Nouvelle Zélande 16.6.2005


4 - S'appuyer sur une foi éclairée est indispensable pour un progrès authentique dans la recherche de l'unité des disciples du Christ. L'établissement de relations fraternelles et confiantes entre eux doit cependant assumer les exigences de l'identité catholique dans la vérité, évitant tout geste qui pourrait non seulement troubler les fidèles, mais aussi conforter le relativisme religieux. - - Aux Evêques du Madagascar, en visite Ad Limina 18.6.2005


5- C'est demain la fête de saint Benoît, Abbé, patron de l'Europe, un saint qui m'est particulièrement cher, comme le suggère le choix que j'ai fait de son nom. Né à Nursie en 480, Benoît fit ses premières études à Rome, mais, déçu par la vie de la ville, il se retira à Subiaco, où il resta pendant environ trois ans, dans une grotte, le célèbre « Sacro Speco », en se dédiant entièrement à Dieu. A Subiaco, se servant des ruines d'une villa cyclopéenne de l'empereur Néron, il construisit, avec ses disciples, plusieurs monastères et donna ainsi la vie à la communauté fraternelle fondée sur le primat de l'amour du Christ, dans laquelle la prière et le travail s'alternaient harmonieusement avec la louange de Dieu. Quelques années plus tard, au Mont-Cassin, il donna une forme accomplie à ce projet, et il mit par écrit la « Règle », seule œuvre de lui qui nous soit parvenue. Parmi les cendres de l'Empire romain, Benoît, cherchant avant tout le Royaume de Dieu, jeta, peut-être sans s'en rendre compte, la semence d'une nouvelle civilisation qui allait se développer en intégrant les valeurs chrétiennes à l'héritage classique, d'une part, et les cultures germanique et slave d'autre part.

Il y a un aspect typique de sa spiritualité que je voudrais souligner particulièrement aujourd'hui. Benoît n'a pas fondé une institution monastique avec pour fin principale l'évangélisation des peuples barbares, comme d'autres grands missionnaires de l'époque, mais il a indiqué à ses disciples comme but fondamental, et même unique, de l'existence, la recherche de Dieu : "Quaerere Deum". Mais il savait que lorsque le croyant entre en relation profonde avec Dieu, il ne peut se contenter de vivre de façon médiocre à l'enseigne d'une éthique minimaliste et d'une religiosité superficielle. Sous cette lumière, on comprend alors mieux l'expression que Benoît a tirée de saint Cyprien et qui synthétise dans sa Règle (IV, 21) le programme de vie des moines: "Nihil amori Christi praeponere", « Ne rien placer avant l'amour du Christ ». C'est en cela que consiste la sainteté, proposition valide pour tout chrétien et devenue une véritable urgence pastorale à notre époque où l'on ressent le besoin d'ancrer la vie et l'histoire sur de solides références spirituelles. - Angelus 10.7.2005


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