Benoît XVI de A à Z

Orgueil

2006



6 avril 2006 - Rencontre avec les jeunes du diocèse de Rome, Place Saint Pierre
Il me semble que le grand défi de notre temps soit la sécularisation: c'est-à-dire une façon de vivre et de présenter le monde comme "si Deus non daretur", c'est-à-dire comme si Dieu n'existait pas. On veut réduire Dieu à la sphère du privé, à un sentiment, comme s'Il n'était pas une réalité objective et ainsi, chacun forme son propre projet de vie. Mais cette vision qui se présente comme si elle était scientifique, n'accepte comme valable que ce qui peut être vérifié par l'expérience. Avec un Dieu qui ne se prête pas à l'expérience immédiate, cette vision finit par déchirer également la société: il en découle en effet que chacun forme son projet et à la fin, chacun s'oppose à l'autre. Une situation, comme on le voit, clairement invivable. Nous devons rendre Dieu à nouveau présent dans nos sociétés. Cela me semble être la première nécessité: que Dieu soit à nouveau présent dans notre vie, que nous ne vivions pas comme si nous étions autonomes, autorisés à inventer ce que sont la liberté et la vie. Nous devons prendre acte du fait que nous sommes des créatures, constater qu'il y a un Dieu qui nous a créés et que demeurer dans sa volonté n'est pas une dépendance, mais un don d'amour qui nous fait vivre.



13 avril 2006 - Homélie Messe In Cena Domini
"Vous aussi, vous êtes purs, mais pas tous", nous dit le Seigneur (Jn 13, 10). Dans cette phrase se révèle le grand don de la purification qu'Il nous fait, parce qu'il a le désir d'être à table avec nous, de devenir notre nourriture. "Mais pas tous" - il existe l'obscur mystère du refus, qui apparaît avec l'épisode de Judas et, précisément le Jeudi Saint, le jour où Jésus fait don de lui-même, doit nous faire réfléchir. L'amour du Seigneur ne connaît pas de limites, mais l'homme peut y mettre une limite.

"Vous êtes purs, mais pas tous": qu'est-ce qui rend l'homme impur? C'est le refus de l'amour, ne pas vouloir être aimé, ne pas aimer. C'est l'orgueil qui croit n'avoir besoin d'aucune purification, qui se ferme à la bonté salvatrice de Dieu. C'est l'orgueil qui ne veut pas confesser et reconnaître que nous avons besoin de purification. En Judas nous voyons la nature de ce refus encore plus clairement. Il évalue Jésus selon les catégories du pouvoir et du succès: pour lui, seuls le pouvoir et le succès sont une réalité, l'amour ne compte pas. Et il est avide: l'argent est plus important que la communion avec Jésus, plus important que Dieu et que son amour. Ainsi, il devient aussi un menteur, qui joue un double jeu et se détache de la vérité; une personne qui vit dans le mensonge et perd ainsi le sens de la vérité suprême, de Dieu. De cette façon, il s'endurcit, il devient incapable de conversion, du retour confiant du fils prodigue, et il jette la vie détruite.

"Vous êtes purs, mais pas tous". Le Seigneur nous met aujourd'hui en garde contre cette autosuffisance qui pose une limite à son amour illimité. Il nous invite à imiter son humilité, à nous remettre à celle-ci, à nous laisser "contaminer" par celle-ci. Il nous invite - pour autant que nous puissions nous sentir égarés - à revenir à la maison et à permettre à sa bonté purificatrice de nous réconforter et de nous faire entrer dans la communion du banquet avec Lui, avec Dieu lui-même.



14 avril 2006 - Méditation Via Crucis, au Colisée
Dans le reflet de la Croix nous avons vu toutes les souffrances de l'humanité d'aujourd'hui. Dans la Croix du Christ nous avons vu aujourd'hui la souffrance des enfants abandonnés, abusés; les menaces contre la famille; la division du monde due à l'orgueil des riches, qui ne voient pas Lazare devant leur porte, et la misère des nombreuses personnes qui souffrent de faim et de soif.



9 octobre 2006 - Aux Evêques du Canada-Occidental en Visite Ad Limina
"Il fallait bien festoyer et se réjouir [...] il est revenu à la vie; il était perdu et il est retrouvé" (Lc 15, 32)….

La parabole du fils prodigue est l'un des passages les plus appréciés de l'Ecriture Sainte. Sa profonde illustration de la Miséricorde de Dieu et l'important désir humain de conversion et de réconciliation, ainsi que la restauration des relations brisées, parlent aux hommes et aux femmes de tout âge. La tentation de l'homme d'exercer sa liberté en prenant de la distance par rapport à Dieu est fréquente. Or l'expérience du fils prodigue nous fait constater à la fois dans l'histoire et dans nos propres vies que, lorsque la liberté est recherchée en dehors de Dieu, le résultat est négatif : perte de la dignité personnelle, confusion morale et désintégration sociale. Cependant, l'amour passionné du Père pour l'humanité est vainqueur de l'orgueil humain. Prodigué gratuitement, c'est un amour qui pardonne et qui conduit les personnes à entrer plus profondément dans la communion de l'Eglise du Christ. Il offre vraiment pour tous les peuples l'unité en Dieu et, comme cela est parfaitement manifesté par le Christ sur la Croix, il réconcilie justice et amour (cfr Deus caritas est, n. 10).

Et que dire du frère aîné ? Ne représente-t-il pas, dans un certain sens, également, tous les hommes et toutes les femmes; peut-être en particulier ceux qui s'éloignent tristement de l'Eglise ? Sa manière de rationaliser sa propre attitude et ses propres actions suscite une certaine sympathie, et pourtant, en dernière analyse, elle illustre son incapacité à comprendre l'amour inconditionnel. Incapable de penser au-delà des limites de la justice naturelle, il demeure pris au piège de l'envie et de l'orgueil détaché de Dieu, isolé des autres, et mal à l'aise avec lui-même…



7 novembre 2006 - Homélie de la Messe avec les Evêques de Suisse- Chapelle Redemptoris Mater, au Vatican
Dieu n'échoue pas. Ou, plus exactement: initialement, Dieu échoue toujours, il laisse exister la liberté de l'homme et celle-ci dit toujours "non". Mais l'imagination de Dieu, la force créatrice de son amour est plus grande que le "non" humain. A travers tout "non" humain, est donnée une nouvelle dimension de son amour, et Il trouve une voie nouvelle, plus grande, pour réaliser son oui à l'homme, à son histoire et à la création. Dans le grand hymne au Christ de la Lettre aux Philippiens …, nous entendons avant tout une allusion à l'histoire d'Adam, qui n'était pas satisfait de l'amitié avec Dieu ; c'était trop peu pour lui, car lui-même voulait être un dieu. Il considéra l'amitié comme une dépendance et se crut un dieu, comme s'il pouvait exister uniquement par lui-même. C'est pourquoi il dit "non" pour devenir lui-même un dieu, et, précisément de cette façon, se jeta lui-même de toute sa hauteur. Dieu "échoue" en Adam - et il en est ainsi apparemment au cours de toute l'histoire. Mais Dieu n'échoue pas, car à présent il devient lui-même homme et recommence ainsi une nouvelle humanité; il enracine la condition de Dieu dans la condition d'homme et descend dans les abîmes les plus profonds de la condition d'homme; il s'abaisse jusqu'à la Croix. Il vainc l'orgueil par l'humilité et par l'obéissance de la Croix.



25 décembre 2006 - Message Urbi et Orbi de Noel
Mais, pour l'homme du troisième millénaire, un «Sauveur» a-t-il encore une valeur et un sens ? Un «Sauveur» est-il encore nécessaire pour l'homme qui a rejoint la Lune et Mars, et qui se prépare à conquérir l'univers; pour l'homme qui recherche sans limites les secrets de la nature et qui réussit même à déchiffrer les codes prodigieux du génome humain ? A-t-il besoin d'un Sauveur l'homme qui a inventé la communication interactive, qui navigue sur l'océan virtuel d'internet et qui, grâce aux technologies les plus modernes et les plus avancées des mass média, a fait désormais de la terre, cette grande maison commune, un petit village global ? L'homme du vingt et unième siècle se présente comme l'artisan de son destin, sûr de lui et autosuffisant, comme l'auteur enthousiaste d'indiscutables succès.



2007



3 janvier 2007 - Audience Générale
La joie de Noël ne nous fait cependant pas oublier le mystère du mal (mysterium iniquitatis), le pouvoir des ténèbres qui tente d'obscurcir la splendeur de la lumière divine : et nous faisons malheureusement chaque jour l'expérience de ce pouvoir des ténèbres. Dans le prologue de son Evangile, … l'évangéliste Jean écrit : « La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas arrêtée » (1, 5). C'est le drame du refus du Christ, qui, comme par le passé, se manifeste et s'exprime, aujourd'hui aussi hélas, de nombreuses manières différentes. Les formes du refus de Dieu à l'époque contemporaine sont peut-être même plus insidieuses et dangereuses : du net rejet à l'indifférence, de l'athéisme scientiste à la présentation d'un Jésus soi-disant modernisé ou post-modernisé. Un Jésus homme, réduit à un simple homme de son temps, privé de sa divinité ; ou bien un Jésus tellement idéalisé qu'il semble parfois le personnage d'un conte…

En réalité, seul l'Enfant qui est couché dans la crèche possède le véritable secret de la vie. C'est pour cela qu'il demande qu'on l'accueille, qu'on lui laisse de la place en nous, dans nos cœurs, dans nos maisons, dans nos villes et dans nos sociétés… Essayons d'être parmi ceux qui l'accueillent. Face à Lui on ne peut pas rester indifférents. Nous aussi, chers amis, nous devons sans cesse prendre position. Quelle sera donc notre réponse ? Avec quelle attitude l'accueillons-nous ?



6 janvier 2007 - Homélie Messe Epiphanie
« Nous avons vu l'étoile en Orient et nous sommes venus pour adorer le Seigneur » (cf. Mt 2, 2). Ce qui chaque fois nous étonne, en écoutant ces paroles des Mages, est que ces derniers se prosternèrent en adoration devant un petit enfant dans les bras de sa mère, non pas dans le cadre d'un palais royal, mais dans la pauvreté d'une bergerie à Bethléem (cf. Mt 2, 11). Comment cela a-t-il été possible ? Qu'est-ce qui a convaincu les Mages que cet enfant était « le roi des Juifs » et le roi des peuples ? Ils ont certainement été persuadés par le signe de l'étoile, qu'ils avaient vu « se lever » et qui s'était arrêtée précisément au-dessus du lieu où se trouvait l'Enfant (cf. Mt 2, 9). Mais même l'étoile n'aurait pas suffi, si les Mages n'avaient pas été des personnes profondément ouvertes à la vérité. A la différence du roi Hérode, absorbé par son intérêt pour le pouvoir et la richesse, les Mages étaient tendus vers l'objectif de leur recherche, et lorsqu'ils le trouvèrent, bien qu'ils fussent des hommes cultivés, ils se comportèrent comme les bergers de Bethléem : ils reconnurent le signe et adorèrent l'Enfant, en lui offrant les dons précieux et symboliques qu'ils avaient apportés avec eux.



24 janvier 2007 - Audience Générale
« Il fait entendre les sourds et parler les muets » (Mc 7, 31-37). Nous pourrions nous aussi répéter ces paroles qui expriment l'admiration des personnes face à la guérison d'un sourd-muet accomplie par Jésus, en voyant la merveilleuse fécondité de l'engagement pour la recomposition de l'unité des chrétiens. En re-parcourant le chemin de ces quarante dernières années, il est surprenant de voir comment le Seigneur nous a réveillés de la torpeur de l'autosuffisance et de l'indifférence ; comment il nous rend toujours plus capables de « nous écouter » et pas seulement de « nous entendre » ; comment il a délié notre langue, de façon à ce que la prière, que nous élevons vers Lui, ait plus de force de conviction pour le monde. Oui, cela est vrai, le Seigneur nous a accordé de nombreuses grâces et la lumière de son Esprit a éclairé de nombreux témoins. Ils ont démontré que l'on peut tout obtenir en priant, lorsque l'on sait obéir avec confiance et humilité au commandement divin de l'amour et adhérer à l'aspiration du Christ pour l'unité de tous ses disciples.



21 février 2007 - Homélie Messe Mercredi des Cendres
Le jeûne, auquel l'Eglise nous invite en ce temps fort, ne naît certes pas de motivations d'ordre physique ou esthétique, mais provient de l'exigence que l'homme a d'une purification intérieure qui le désintoxique de la pollution du péché et du mal; qui l'éduque à ces renonciations salutaires qui affranchissent le croyant de l'esclavage de son moi; qui le rende plus attentif et disponible à l'écoute de Dieu et aux services de ses frères. C'est pour cette raison que le jeûne et les autres pratiques quadragésimales sont considérées par la tradition chrétienne comme des "armes" spirituelles pour combattre le mal, les mauvaises passions et les vices. A ce sujet, je suis heureux d'écouter à nouveau avec vous un bref commentaire de saint Jean Chrysostome. "De même qu'à la fin de l'hiver - écrit-il - revient la saison estivale et le marin tire le bateau à la mer, le soldat nettoie ses armes et entraîne son cheval pour la lutte, l'agriculteur affile sa faux, le pèlerin revigoré se prépare à son long voyage et l'athlète dépose ses vêtements et se prépare à la compétition; ainsi, nous aussi, au début de ce jeûne, comme une sorte de retour à un printemps spirituel, nous fourbissons les armes comme les soldats, nous affilons la faux comme les agriculteurs, et comme les maîtres d'équipage, nous remettons en ordre le navire de notre esprit pour affronter les flots des passions absurdes, comme des pèlerins, nous reprenons le voyage vers le ciel et comme des athlètes, nous nous préparons à la lutte en nous dépouillant de tout" (Homélies au peuple d'Antioche, n. 3).



Message pour le Carême 2007
Le Tout-puissant attend le « oui » de sa créature comme un jeune marié celui de sa promise. Malheureusement, dès les origines, l'humanité, séduite par les mensonges du Malin, s'est fermée à l'amour de Dieu, dans l'illusion d'une impossible autosuffisance (Jn 3, 1-7). En se repliant sur lui-même, Adam s'est éloigné de cette source de la vie qu'est Dieu lui-même, et il est devenu le premier de « ceux qui, leur vie entière, étaient tenus en esclavage par la crainte de la mort » (Hb 2, 15). Dieu, cependant, ne s'est pas avoué vaincu, mais au contraire, le « non » de l'homme a été comme l'impulsion décisive qui l'a conduit à manifester son amour dans toute sa force rédemptrice.



11 mars 2007 - Angelus
L'Evangile de Luc, rapporte le commentaire de Jésus concernant deux faits divers. Le premier : la révolte de quelques Galiléens réprimée dans le sang par Pilate ; le deuxième : l'écroulement d'une tour à Jérusalem, qui avait fait dix-huit victimes. Deux événements tragiques bien différents : l'un provoqué par l'homme, l'autre accidentel. Selon la mentalité de l'époque, les personnes avaient tendance à penser que le malheur s'était abattu sur les victimes en raison d'une faute grave de leur part. Jésus dit en revanche : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens... Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu'elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? » (Lc 13, 2.4). Et dans les deux cas, il conclut : « Eh bien non, je vous le dis ; et si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de la même manière » (13, 3.5)

Voilà donc où Jésus veut conduire ses auditeurs : à la nécessité de la conversion. Il ne la pose pas en termes moralisateurs mais plutôt réalistes comme l'unique réponse adaptée à des événements qui mettent en crise les certitudes humaines. Face à certains malheurs - observe-t-il - rien ne sert de faire retomber la culpabilité sur les victimes. La véritable sagesse est plutôt de se laisser interpeller par la précarité de la vie et assumer une attitude de responsabilité : faire pénitence et améliorer sa propre vie. C'est de la sagesse, c'est la réponse la plus efficace au mal, à tous les niveaux, interpersonnel, social et international. Le Christ invite à répondre au mal avant tout par un sérieux examen de conscience et l'engagement à purifier sa propre vie. Autrement - dit-il - nous périrons, nous périrons tous de la même manière. En effet, les personnes et les sociétés qui vivent sans jamais se remettre en question ont comme seul destin final, la ruine. La conversion en revanche, même si elle ne préserve pas des problèmes et des mésaventures, permet de les affronter de « manière » différente. Elle aide avant tout à prévenir le mal, désamorçant certaines de ses menaces. Et, en tout cas, elle permet de vaincre le mal par le bien, pas toujours sur le plan des faits - qui sont parfois indépendants de notre volonté - mais certainement sur le plan spirituel. En résumé : la conversion vainc le mal au niveau de sa racine qui est le péché, même si elle ne peut pas toujours en éviter les conséquences.

Prions la Très Sainte Vierge Marie, qui nous accompagne et nous soutient sur notre itinéraire, afin qu'Elle aide tout chrétien à redécouvrir la grandeur, je dirais la beauté, de la conversion. Qu'Elle nous aide à comprendre que faire pénitence et corriger notre comportement n'est pas du simple moralisme mais le chemin le plus efficace pour nous changer nous-mêmes en bien ainsi que la société. Il existe un heureux proverbe qui exprime très bien cela : il vaut mieux allumer une allumette que maudire l'obscurité.



5 avril 2007 - Homélie Messe chrismale
A présent, alors que nous nous apprêtons à célébrer la Messe, nous devrions nous demander si nous portons cet habit de l'amour. Demandons au Seigneur d'éloigner toute hostilité en nous, de nous ôter tout sens d'autosuffisance et de nous revêtir véritablement du vêtement de l'amour, afin que nous soyons des personnes lumineuses, qui n'appartiennent pas aux ténèbres.



22 avril 207 - Homélie Messe à Pavie
A l'humilité de l'incarnation de Dieu doit correspondre l'humilité de notre foi, qui abandonne l'orgueil pédant et qui s'incline en entrant dans la communauté du corps du Christ; qui vit avec l'Eglise et seulement ainsi entre dans la communion concrète, et même corporelle, avec le Dieu vivant.



17 juin 2007, avec les jeunes, à Assise ; à l'occasion du 8ème centenaire de la conversion de Saint François.
Dans la Légende des trois compagnons, nous rapporte que François était assez vaniteux. Il aimait se faire confectionner des habits somptueux et il recherchait l'originalité (cf. 3 Comp 1, 2: FF 1396). Dans la vanité, dans la recherche de l'originalité, il y a quelque chose qui nous touche tous d'une certaine façon. Aujourd'hui, on a l'habitude de parler de "soin de l'image" ou de "recherche de l'image". Pour avoir un minimum de succès, il faut nous faire valoir aux yeux des autres avec quelque chose d'inédit, d'original. Dans une certaine mesure, cela peut exprimer un désir innocent d'être bien accueillis. Mais souvent s'insinuent l'orgueil, la recherche effrénée de nous-mêmes, l'égoïsme et le désir de domination. En réalité, concentrer sa vie sur soi-même est un piège mortel: nous ne pouvons être nous-mêmes que si nous nous ouvrons à l'amour, en aimant Dieu et nos frères.

Un aspect qui impressionnait les contemporains de François était également son ambition, sa soif de gloire et d'aventure. Ce fut cela qui le conduisit sur les champs de bataille, avant d'être fait prisonnier pendant un an à Pérouse. La même soif de gloire, une fois libre, devait le conduire dans les Pouilles, dans une nouvelle expédition militaire, mais précisément dans cette circonstance, à Spolète, le Seigneur se présenta à son cœur, le poussa à revenir sur ses pas et à se placer sérieusement à l'écoute de sa Parole. Il est intéressant de noter que le Seigneur a su prendre François dans le sens qui était le sien, celui du désir de s'affirmer, pour lui montrer la voie d'une ambition sainte, projetée sur l'infini : "Qui peut t'être plus utile, le patron ou le serviteur ?" (3 Comp 2, 6: FF 1401), fut la question qu'il entendit résonner dans son cœur. C'est-à-dire: pourquoi te contenter d'être dépendant des hommes, lorsqu'il y a un Dieu qui est prêt à t'accueillir dans sa maison, à son service royal ?



8 septembre 2007 - Homélie Messe au Sanctuaire Marial de Mariazell
"Montre-nous Jésus!". Nous prions ainsi aujourd'hui de tout notre cœur; nous prions ainsi également en d'autres moments, intérieurement à la recherche du Visage du Rédempteur. "Montre-nous Jésus!". Marie répond, en nous le présentant tout d'abord comme un enfant. Dieu s'est fait petit pour nous. Dieu ne vient pas avec la force extérieure, mais il vient dans l'impuissance de son amour, qui constitue sa force. Il se donne entre nos mains. Il nous demande notre amour. Il nous invite à devenir nous aussi petits, à descendre de nos trônes élevés et à apprendre à être des enfants devant Dieu. Il nous offre le "Toi". Il nous demande d'avoir confiance en Lui et d'apprendre ainsi à vivre dans la vérité et dans l'amour. L'Enfant Jésus nous rappelle naturellement aussi tous les enfants du monde, à travers lesquels il veut venir à notre rencontre. Les enfants qui vivent dans la pauvreté; qui sont exploités comme soldats; qui n'ont jamais pu faire l'expérience de l'amour de leurs parents; les enfants malades et qui souffrent, mais aussi ceux qui sont joyeux et sains. L'Europe est devenue pauvre en enfants: nous voulons tout pour nous-mêmes, et peut-être n'avons-nous pas tellement confiance en l'avenir. Mais la terre ne sera privée d'avenir que lorsque s'éteindront les forces du cœur humain et de la raison illuminée par le cœur - quand le visage de Dieu ne resplendira plus sur la terre. Là où se trouve Dieu, là se trouve l'avenir.



29 septembre 2007 - Homélie Messe Consécration de 6 nouveaux Evêques.
L'Archange Saint Michel. Nous le rencontrons dans l'Ecriture Sainte, en particulier dans le Livre de Daniel, dans la Lettre de l'Apôtre saint Jude Thaddée et dans l'Apocalypse. Dans ces textes, on souligne deux fonctions de cet Archange. Il défend la cause de l'unicité de Dieu contre la présomption du dragon, du "serpent antique", comme le dit Jean. C'est la tentative incessante du serpent de faire croire aux hommes que Dieu doit disparaître, afin qu'ils puissent devenir grands; que Dieu fait obstacle à notre liberté et que nous devons donc nous débarrasser de Lui. Mais le dragon n'accuse pas seulement Dieu. L'Apocalypse l'appelle également "l'accusateur de nos frères, lui qui les accusait jour et nuit devant notre Dieu" (12, 10). Celui qui met Dieu de côté, ne rend pas l'homme plus grand, mais lui ôte sa dignité. L'homme devient alors un produit mal réussi de l'évolution. Celui qui accuse Dieu, accuse également l'homme. La foi en Dieu défend l'homme dans toutes ses faiblesses et ses manquements: la splendeur de Dieu resplendit sur chaque individu. La tâche de l'Evêque, en tant qu'homme de Dieu, est de faire place à Dieu dans le monde contre les négations et de défendre ainsi la grandeur de l'homme. Et que pourrait-on dire et penser de plus grand sur l'homme que le fait que Dieu lui-même s'est fait homme ?

Annoncer l'Evangile signifie déjà en soi guérir, car l'homme a surtout besoin de la vérité et de l'amour. Dans le Livre de Tobie, on rapporte deux tâches emblématiques de guérison de l'Archange Raphaël. Il guérit la communion perturbée entre l'homme et la femme. Il guérit leur amour. Il chasse les démons qui, toujours à nouveau, déchirent et détruisent leur amour. Il purifie l'atmosphère entre les deux et leur donne la capacité de s'accueillir mutuellement pour toujours. Dans le récit de Tobie, cette guérison est rapportée à travers des images légendaires. Dans le Nouveau Testament, l'ordre du mariage, établi dans la création et menacé de multiples manières par le péché, est guéri par le fait que le Christ l'accueille dans son amour rédempteur. Il fait du mariage un sacrement: son amour, qui est monté pour nous sur la croix, est la force qui guérit et qui, au sein de toutes les confusions, donne la capacité de la réconciliation, purifie l'atmosphère et guérit les blessures. La tâche de conduire les hommes toujours à nouveau vers la force réconciliatrice de l'amour du Christ est confiée au prêtre. Il doit être "l'ange" qui guérit et qui les aide à ancrer leur amour au sacrement et à le vivre avec un engagement toujours renouvelé à partir de celui-ci. En deuxième lieu, le Livre de Tobie parle de la guérison des yeux aveugles. Nous savons tous combien nous sommes aujourd'hui menacés par la cécité à l'égard de Dieu. Comme le danger est grand que, face à tout ce que nous savons sur les choses matérielles et que nous sommes en mesure de faire avec celles-ci, nous devenions aveugles à la lumière de Dieu! Guérir cette cécité à travers le message de la foi et le témoignage de l'amour, est le service de Raphaël confié jour après jour au prêtre et, de manière particulière, à l'Evêque. Ainsi, nous sommes spontanément portés à penser également au sacrement de la Réconciliation, au Sacrement de la Pénitence qui, au sens le plus profond du terme, est un sacrement de guérison. En effet, la véritable blessure de l'âme, le motif de toutes nos autres blessures, est le péché. Et ce n'est que s'il existe un pardon en vertu de la puissance de Dieu, en vertu de la puissance de l'amour du Christ, que nous pouvons être guéris, que nous pouvons être rachetés.



30 septembre 2007 - Angelus
L'Evangile de Luc présente la parabole de l'homme riche et du pauvre Lazare (Lc 16, 19-31). Le riche incarne l'utilisation injuste des richesses de la part de qui les utilise pour un luxe effréné et égoïste, pensant uniquement à sa propre satisfaction, sans se soucier le moins du monde du mendiant qui se trouve à sa porte. Le pauvre en revanche incarne la personne dont seul Dieu s'occupe : contrairement au riche, il a un nom, Lazare, abréviation de Eleazare qui signifie précisément « Dieu l'aide ». Dieu n'oublie pas celui qui est oublié de tous ; celui qui ne vaut rien aux yeux des hommes est précieux aux yeux du Seigneur. Le récit montre comment l'iniquité terrestre est renversée par la justice divine : après la mort, Lazare est accueilli « dans le sein d'Abraham », c'est-à-dire dans la béatitude éternelle, alors que le riche finit en enfer, « en proie à la torture ». Il s'agit d'un nouvel état de chose sans appel et définitif. C'est donc pendant sa vie qu'il faut se repentir. Le faire après ne sert à rien.

Nous ne pouvons pas prétendre ne pas savoir quel chemin prendre : nous avons la Loi et les Prophètes, nous dit Jésus dans l'Evangile. Celui qui ne veut pas les écouter ne changerait pas, même si quelqu'un revenait de chez les morts pour le réprimander.



14 octobre 2007 - Angelus
La lèpre qui défigure réellement l'homme et la société est le péché; il s'agit de l'orgueil et de l'égoïsme qui engendrent dans l'âme humaine indifférence, haine et violence. Cette lèpre de l'esprit, qui défigure le visage de l'humanité, personne ne peut la guérir sinon Dieu, qui est Amour. En ouvrant son cœur à Dieu, la personne qui se convertit est guérie intérieurement du mal.



2008



18 juillet 2008 - Avec les jeunes blessés de la vie
Que veut dire véritablement être « vivant », vivre pleinement la vie ? C'est ce que nous voulons tous, spécialement lorsque l'on est jeune, et c'est ce que le Christ veut pour nous. En effet, il a dit : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu'ils l'aient en abondance » (Jn 10,10). L'instinct le plus profond chez tout être vivant est celui de rester en vie, de grandir, de se développer et de transmettre à d'autres le don de la vie. Il en résulte qu'il est bien naturel de s'interroger sur la meilleure façon de vivre tout cela.

Pour le peuple de l'Ancien Testament, cette question était tout aussi pressante que pour nous aujourd'hui. Sans aucun doute, il écoutait avec attention quand Moïse lui disait : « Je te propose de choisir entre la vie et la mort, entre la bénédiction et la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix, en vous attachant à lui ; c'est là que se trouve la vie » (Dt 30,19-20). Ce qu'ils avaient à faire était clair : ils devaient se détourner des autres dieux et adorer le vrai Dieu qui s'était révélé à Moïse et ils devaient obéir à ses commandements. Vous pourriez penser qu'il est peu probable que, dans le monde d'aujourd'hui, les gens adorent d'autres dieux. Mais il arrive que les gens adorent « d'autres dieux » sans s'en rendre compte. Les faux « dieux », quels que soient le nom, l'image ou la forme que nous leur attribuions, sont presque toujours liés à l'adoration de trois réalités : les biens matériels, l'amour possessif, le pouvoir. Laissez-moi vous expliquer ce que je veux dire.

Les biens matériels, en soi, sont des choses bonnes. Nous ne survivrions pas longtemps sans argent, sans vêtements et sans logement. Pour vivre, nous avons besoin de nourriture. Mais, si nous sommes avides, si nous refusons de partager ce que nous avons avec l'affamé et avec le pauvre, alors nous transformons ces biens en une fausse divinité. Combien de voix, dans notre société matérialiste, nous disent que le bonheur se trouve en s'appropriant le plus grand nombre possible de biens et d'objets de luxe ! Mais cela signifie transformer les biens en fausses divinités. Au lieu de donner la vie, ils donnent la mort.

L'amour authentique est certainement quelque chose de bon. Sans lui, la vie serait difficilement digne d'être vécue. L'amour réalise notre aspiration la plus profonde ; et quand nous aimons, nous devenons plus pleinement nous-mêmes, nous devenons plus pleinement humains. Mais comme il est facile de transformer l'amour en une fausse divinité ! Souvent, les gens pensent aimer alors qu'en réalité, ils tendent à posséder l'autre ou à le manipuler. Parfois, les gens traitent les autres comme des objets pour satisfaire leurs propres besoins plutôt que comme des personnes à apprécier et à aimer. Comme il est facile d'être trompés par les nombreuses voix qui, dans notre société, défendent une approche permissive de la sexualité, sans prêter attention à la pudeur, au respect de soi et aux valeurs morales qui confèrent aux relations humaines leurs qualités ! C'est là adorer une fausse divinité. Au lieu de donner la vie, elle donne la mort.

Le pouvoir que Dieu nous a donné de façonner le monde autour de nous est certainement quelque chose de bon. Utilisé d'une façon appropriée et responsable, il nous permet de transformer la vie des gens. Toutes les communautés ont besoin de bons dirigeants. Mais combien est forte la tentation de s'attacher au pouvoir pour lui-même, de chercher à dominer les autres ou d'exploiter le milieu naturel pour ses propres intérêts égoïstes ! C'est là transformer le pouvoir en une fausse divinité. Au lieu de donner la vie, cela donne la mort.

Le culte des biens matériels, le culte de l'amour possessif et le culte du pouvoir conduisent souvent les gens à « se comporter comme Dieu » : chercher à assumer un contrôle total, sans prêter aucune attention à la sagesse et aux commandements que Dieu nous a faits connaître. C'est là la route qui conduit à la mort. Au contraire, l'adoration de l'unique et vrai Dieu signifie reconnaître en lui la source de tout ce qui est bien, nous confier à lui, nous ouvrir à la force de guérison de sa grâce et obéir à ses commandements : là est la route de la vie.

Un exemple lumineux de ce que signifie s'éloigner de la voie de la mort pour cheminer sur la voie de la vie, nous est donné dans une page de l'Évangile que, j'en suis sûr, vous connaissez tous bien : la parabole de l'enfant prodigue. Quand, au début du récit, ce jeune homme abandonne la maison de son père, il était à la recherche des plaisirs illusoires promis par les faux « dieux ». Il gaspilla son héritage dans une vie de débauche et, à la fin, il se retrouva dans un état de misérable pauvreté. Quand il toucha le fond, affamé et abandonné, il comprit combien il avait été sot de quitter son père qui l'aimait. Avec humilité, il retourna à la maison et demanda pardon. Le père, plein de joie, l'embrassa et s'exclama : « Mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé » (Lc 15,24).

Beaucoup d'entre vous ont vécu personnellement l'expérience de ce jeune homme. Peut-être avez-vous fait des choix que vous regrettez aujourd'hui, choix qui vous ont mis sur une route qui, si attirante qu'elle ait pu alors apparaître, vous a seulement conduits à un état de misère et d'abandon plus profond encore. Le choix d'abuser de la drogue ou de l'alcool, de vous engager dans une conduite criminelle ou autodestructrice a pu alors vous sembler être une issue par rapport à une situation de difficulté ou de confusion. À présent, vous savez que, plutôt que de donner la vie, cela donnait la mort. Je me réjouis du courage que vous avez démontré en choisissant de retourner sur le chemin de la vie, tout comme le jeune homme de la parabole. Vous avez accepté une aide de la part d'amis ou de parents, …de la part de ceux qui prennent vraiment à cœur votre bien-être et votre bonheur.

Chers amis, je vois en vous des ambassadeurs de l'espérance pour tous ceux qui se trouvent dans des situations semblables. Vous pouvez les convaincre de la nécessité de choisir le chemin de la vie et de renoncer au chemin de la mort, parce que vous parlez d'expérience. Dans tous les Évangiles, ce sont ceux qui ont opéré des choix erronés qui sont particulièrement aimés de Jésus, parce que, quand ils se sont rendu compte de leur erreur, ils se sont ouverts plus que les autres à sa parole de guérison. En vérité, Jésus fut souvent critiqué par des soi-disant justes, parce qu'ils passaient trop de temps en leur compagnie. « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? » demandaient-ils. Et lui répondait : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades… Je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs » (cf. Mt 9,11-13). C'était ceux qui désiraient reconstruire leur vie qui se montraient les plus disponibles à écouter Jésus et à devenir ses disciples. Vous pouvez suivre leurs traces ; vous aussi vous pouvez vous approcher particulièrement de Jésus précisément parce que vous avez choisi de retourner à Lui. Vous pouvez être certains que, comme le père dans la parabole de l'enfant prodigue, Jésus vous accueille à bras ouverts. Il vous offre son amour inconditionnel : et c'est dans l'amitié profonde avec lui que se trouve la plénitude de la vie.

J'ai dit tout à l'heure que quand nous aimons, nous réalisons nos aspirations les plus profondes et nous devenons plus pleinement nous-mêmes , plus pleinement humains. Aimer est ce pour quoi nous sommes faits, ce à quoi le Créateur nous a destinés. Naturellement, je ne parle pas de relations passagères, superficielles, je parle du véritable amour, qui est le cœur de l'enseignement moral de Jésus : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force » et « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (cf. Mc 12,30-31). C'est là, pour ainsi dire, le programme inscrit au plus profond de chaque personne, si seulement nous avions la sagesse et la générosité de nous y conformer, si nous étions seulement disposés à renoncer à nos préférences pour nous mettre au service des autres, pour donner notre vie pour le bien de l'autre, et en premier lieu pour Jésus, qui nous a aimés et qui a donné sa vie pour nous. C'est ce que les hommes sont appelés à faire , et c'est ce que veut dire être réellement vivant.

Chers jeunes, le message que vous adresse aujourd'hui est le même que Moïse a formulé il y a si longtemps. « Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance, en aimant le Seigneur ton Dieu ». Que son Esprit vous guide sur le chemin de la vie, pour obéir à ses commandements, suivre ses enseignements, abandonner les choix erronés qui conduisent seulement à la mort, et vous engager pour la vie entière dans l'amitié avec Jésus Christ ! Avec la force de l'Esprit Saint, choisissez la vie et choisissez l'amour, et soyez les témoins devant le monde de la joie qui en jaillit.



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