Journées mondiales de la jeunesse

Les jeunes, De Toronto à Cologne, Rome 10 -13 avril 2003, par le père Tony Anatrella

Le Père Tony AnatrellaJournée Mondiale de la Jeunesse : De Toronto à Cologne, Rome 10 -13 avril 2003, par le père Tony Anatrella, psychanalyste, spécialiste de psychiatrie sociale Le monde des jeunes : qui sont-ils, que cherchent-ils ? Il m'a été demandé de dresser, en peu de temps, le profil des jeunes d'aujourd'hui d'un point de vue sociologique et psychologique, de souligner comment ils peuvent être marqués par des mouvements idéologiques et comment ils sont en relation avec l'Église. Le programme est vaste et ambitieux et je vais m'efforcer de rendre compte de façon synthétique des questions ainsi posées.
Je parlerai des jeunes en fonction de mon expérience psychanalytique et psychiatrique du monde occidental. Il faut toujours faire attention de ne pas trop vite généraliser lorsque l'on parle des jeunes et selon vos appartenances culturelles vous pourrez confirmer ou compléter mes propos. Nous constatons néanmoins des traits communs dans la psychologie et la sociologie des jeunes du monde entier. Le poids du modèle économique du libéralisme, de la mondialisation, des modifications dans le couple et la famille, des représentations de la sexualité, l'impact de la musique, de la télévision, du cinéma et de l'Internet influencent et unifient considérablement la mentalité juvénile de la plupart des pays.
Ces jeunes manifestent des fragilités mais ils restent ouverts, disponibles et généreux. Ils ne sont plus encombrés par des idéologies comme les générations précédentes. Ils cherchent des relations authentiques et sont en quête de vérité. Mais, faute de les trouver dans la réalité, ils espèrent les découvrir à l'intérieur d'eux-mêmes. Une telle attitude les prédispose à se rabattre sur leurs sensations et sur de l'individualisme en mettant le lien social et le sens de l'intérêt général à leur service. Le contexte social ne les aide pas à développer une réelle dimension spirituelle. Mais ils sont prêts à se dévouer pour des causes ponctuelles qui les dépassent.
1 - Qui sont-ils ?
Les jeunes qui nous intéressent dans notre étude se situent entre 18 ans et le début de la trentaine. Ils sont dans l'âge de la postadolescence et veulent devenir psychologiquement autonomes tout en cherchant à affermir leur self. Plus précisément, chacun a besoin d'être soi-même et de prendre du recul par rapport à son éducation et à des influences sociales. Ces jeunes peuvent être relativement insérés socialement dans des études ou dans une activité professionnelle, comme quelques-uns peuvent être dans des situations professionnelles et personnelles très précaires : chômage, instabilité psychologique, comportement éclaté et nombreux problèmes de vie. Ils expriment souvent un désir d'acquérir de la confiance en eux-mêmes, ils souhaitent se libérer d'un doute face à l'existence et lever des craintes à l'idée de s'engager affectivement. Ils sollicitent parfois l'assistance de leurs parents tout en ressentant une gêne à leur égard. La plupart d'entre-eux continuent d'habiter avec leurs parents[1] pendant que d'autres, qui ont déménagé, leur restent encore dépendants. Ils ont souvent besoin d'être soutenus face à l'épreuve du réel afin de s'accepter, d'accepter la vie et de se mettre en œuvre[2] dans la réalité.
Ils cherchent également des raisons de vivre pour construire leur existence. La plupart d'entre-eux sont relativement éloignés de préoccupations religieuses et reconnaissent souvent ne pas avoir été éveillés ni éduqués sur ce plan. Ils restent néanmoins marqués par le phénomène sectaire, le terrorisme et la guerre qui leur donnent une vision troublante et conflictuelle de la religion, en particulier de l'Islam. La religion représente à la fois un attrait mais aussi une inquiétude quand on la présente comme une source de conflits dans le monde. Ce qui est une erreur d'interprétation puisque ces conflits sont d'origine politique et économique. Nous avons toujours à apprendre à vivre les uns avec les autres. Enfin leur connaissance de la foi chrétienne et de l'Eglise reste relative aux clichés et aux reconstructions intellectuelles qui circulent dans les représentations sociales, dans les fictions télévisuelles et cinématographiques.
Dans une société qui, pour diverses raisons, entretient le doute et le cynisme, la peur et l'impuissance, l'immaturité et l'infantilisme, des jeunes ont tendance à se maintenir dans des modes de gratifications primaires. Ils ont du mal à devenir matures ; la maturité définissant habituellement la personnalité qui a achevé la mise en place des fonctions de base de la vie psychique et qui est capable de différencier sa vie interne du monde extérieur. De nombreux jeunes qui se maintiennent encore dans une psychologie fusionnelle, peinent à effectuer cette opération de différenciation. Ce qui est ressenti et imaginé se substitue souvent aux faits et à la réalité du monde extérieur. Le phénomène est amplifié et nourri par la psychologie médiatique qui innerve les esprits actuels et l'univers virtuel que développent les jeux vidéos et l'Internet. Ce qui les prédispose à vivre dans l'imaginaire et dans un monde virtuel en n'ayant pas appris et en manquant de contact avec la réalité. La réalité a tendance à les décevoir et à les déprimer. Ils ont une approche ludique de la vie avec un besoin de faire la fête, notamment le week-end, sans très bien savoir ce qu'ils fêtent. Ils cherchent ainsi des ambiances fusionnelles et des sensations qui leur donnent l'impression d'exister. Reste à savoir si ces expériences créent de véritables relations et participent à l'enrichissement affectif et intellectuel de leur personnalité? Ils sont relativement ambivalents car ils veulent tout à la fois trouver les moyens d'entrer dans la réalité et de la fuir.
Les jeunes d'aujourd'hui sont à l'image des générations précédentes : ils sont capables de générosité, de solidarité et de dévouement face à des causes pour lesquelles ils peuvent être motivés. Mais ils disposent de moins de références sociales et de sentiment d'appartenance que leurs aînés. Ils sont individualistes, ils veulent faire leur propre choix sans tenir compte de corpus de valeurs, d'idées ou de lois communes. Ils vont emprunter des références un peu partout et les expérimenter dans leur mode de vie. Ils sont facilement dans l'égalitarisme et la tolérance, imprégnés du discours et des modes médiatiques qui leur servent, en fait, de normes à partir desquelles ils se construisent. Ils risquent d'être dans le conformisme des modes, comme des éponges qui se laissent imprégner, plutôt que de construire leur liberté à partir de raisons de vivre et d'aimer. C'est ce qui explique leur fragilité affective et le doute de soi avec lesquels ils se débattent.
Leur vie affective est marquée par de nombreuses hésitations à commencer par des hésitations identitaires, sexuelles, et familiales. Ils sont parfois dans la confusion des sentiments et ne savent pas toujours faire la différence entre un attrait amical et une tendance homosexuelle. La mixité vécue depuis l'enfance peut, au moment de la postadolescence, compliquer les relations hommes-femmes. Enfin, l'importance prise par la multiplication des divorces ne favorise pas la confiance en l'autre et dans l'avenir.
Ces personnalités sont le résultat d'une éducation, d'une scolarité et parfois d'une catéchèse qui ne forment pas suffisamment leur intelligence. Ils ont été habitués à être dans l'affectif et le senti au détriment de la raison en tant que connaissances, mémoire et réflexion. Ils sont proches de toutes les sensations possibles comme celles éprouvées à travers la drogue. Au lieu de dire "je pense, donc je suis ", ils affirment par leur comportement "j'ai des sensations, donc je suis rassuré ".
Lorsqu'ils rencontrent des adultes qui le sont vraiment, qui restent à leur place et savent leur transmettre les valeurs de la vie, comme sait le faire le Pape Jean-Paul II, alors ils écoutent ce qu'on leur transmet de l'expérience chrétienne en attendant de pouvoir s'en inspirer.
2 - Un contexte social qui favorise la dépendance psychologique
Nous sommes dans une ambiance vraiment paradoxale qui atteint la plupart des aires culturelles : on prétend rendre autonomes le plus tôt possible les enfants, dès la crèche et l'école maternelle, et en même temps on observe des adolescents, et surtout des postadolescents, qui ont du mal à effectuer les opérations psychiques de la séparation ce que, pourtant, à les écouter, ils souhaitent. Pour se libérer de ce handicap, ils cherchent des soutiens afin de s'appuyer sur des ressources psychologiques, sociales et spirituelles.
2 - 1 Une société qui infantilise
L'éducation contemporaine fabrique des sujets trop collés aux êtres et aux choses et qui sont, même s'ils s'en défendent, des êtres dépendants. Pendant l'enfance, leurs désirs et leurs attentes ont été tellement sollicités au détriment des réalités extérieures et des exigences objectives, qu'ils finissent par croire que tout est malléable en fonction de leurs seuls intérêts subjectifs. Puis, dès le début de l'adolescence, faute de ressources suffisantes et d'étayage interne, ils cherchent à développer des relations de dépendance dans des relations de groupe ou de couple. Si j'ai inventé la notion de " bébés couples "[3] c'est pour qualifier leur économie affective qui ne marque pas toujours de différence entre la sexualité infantile et la sexualité objectale. Ils passent de l'attachement aux parents à l'attachement sentimental en demeurant dans la même économie affective.
L'éducation, dans son légitime souci de veiller à la qualité relationnelle avec l'enfant, a été trop centrée sur le bien être affectif parfois au détriment des réalités, des savoirs, des codes culturels et des valeurs morales, n'aidant pas les jeunes à se constituer intérieurement. Ils sont plus dans une expansion narcissique que dans un véritable développement personnel; ce qui donne souvent des personnalités certes plastiques et sympathiques mais aussi parfois superficielles voire insignifiantes et qui n'ont pas toujours le sens des limites et des réalités. Ils peuvent être sans gêne, trop familiers parfois, confondant les codes intimes avec les codes sociaux, oubliant le sens de la hiérarchie, de l'autorité, du sacré ou des convenances et les règles du "bien parler". Certains d'entre-eux n'ont pas appris les règles du bien vivre ensemble, à commencer par celles du code de la route jusqu'à la ritualisation de la vie familiale et sociale.
Des adultes qui ont tout fait pour leur éviter de manquer de quoique ce soit induisent les jeunes à croire qu'ils doivent satisfaire tous leurs désirs, en les confondant avec des besoins. Les désirs n'ont pas vocation à être réalisés : ils sont une source d'inspiration. N'ayant pas fait l'expérience du manque à partir duquel s'élaborent les désirs, ils sont indécis et incertains. Ils ont ainsi du mal à se différencier et à se détacher de leurs premiers objets pour faire leur vie. Grandir implique de se séparer psychologiquement, de quitter son enfance et son adolescence; mais pour beaucoup cette séparation est difficile parce que les espaces psychiques entre parents et enfants sont confondus.
Le témoignage de Laurent, vingt-huit ans, marié et père d'un enfant est significatif :
"Je suis classé comme un adulte mais je ne me reconnais pas comme tel et je ne me sens pas concerné par le monde des adultes. J'ai du mal à m'approprier cette dimension. Pour moi les adultes ce sont mes parents. Je suis en contradiction avec moi-même: intérieurement je me vis à la fois comme un enfant ou un adolescent, avec des angoisses terribles, et en même temps, à l'extérieur, je suis déjà un adulte et considéré comme tel dans mon travail. Rien dans la société ne nous aide à devenir adultes."
Il est vrai aussi qu'en magnifiant l'enfance et l'adolescence, la société laisse entendre qu'il n'y a pas de plaisirs à grandir et à exister comme adulte. Dans ce cas, il est difficile de se libérer des modes de gratification de l'enfance afin d'accéder à des satisfactions supérieures.
2 - 2 Une espérance de vie plus longue
L'allongement de la vie laisse supposer que l'individu a le temps de se préparer et de s'engager dans l'existence. L'espérance de vie crée donc, plus que par le passé, les conditions objectives de la possibilité de rester jeunes, entendu comme le temps de l'indécision, voire même de l'indistinction entre soi, les autres et les réalités ou encore de l'indifférenciation sexuelle, en croyant que la plupart des possibles restent toujours ouverts. Cette conception floue de l'existence, qui est inhérente à l'adolescence, est davantage préoccupante lorsqu'elle continue chez les postadolescents incertains dans leurs motivations au point de ne pas avoir confiance en eux-mêmes. Certains en souffrent et craignent même une certaine dépersonnalisation dans leurs relations aux autres. Beaucoup retardent les échéances et vivent dans le provisoire en ne sachant pas s'ils vont pouvoir continuer ce qu'ils ont commencé dans les divers domaines de leur existence. D'autres encore vivent le temps de la jeunesse comme une fin en soi et comme un état qui dure.
En effet, des jeunes sont aujourd'hui engagés dans des processus de maturation qui demandent davantage de temps et sont marqués par une condition de moratoire, c'est-à-dire une suspension des échéances et des obligations liées au passage à la vie adulte. Certains qui ne tiennent pas particulièrement à devenir adultes[4], ne vivent pas leur jeunesse comme une propédeutique avant l'entrée dans la vie adulte, mais comme un temps ayant une valeur en soi. Par le passé, en revanche, la période de la jeunesse se vivait plus en fonction de la vie à venir et d'une existence autonome : la jeunesse était une étape préparatoire. De nos jours la jeunesse ainsi prolongée provoque une certaine indétermination dans les choix de vie. Certains préfèrent différer les choix décisifs, retarder l'entrée dans la vie adulte ou des engagements définitifs. Parce qu'ils ne s'interrogent pas sur leurs problèmes d'autonomie, ils ne se sentent pas obligés de faire des choix importants. Par ailleurs une forte tendance à l'expérimentation s'observe dans de nombreux domaines de la vie. Ainsi des jeunes peuvent-ils très bien quitter leur famille, mais revenir s'y installer à la suite d'un échec ou d'une difficulté. La principale différence avec la plupart des générations précédentes ( qui faisaient des choix précis avec des priorités) est la propension à vivre plusieurs aspects de la vie en même temps, parfois contradictoires, sans hiérarchiser ses propres besoins et valeurs. Certains jeunes sont aujourd'hui très dépendants du besoin de faire des expériences parce qu'ils pensent, faute de transmissions, que l'on ne connaît rien de la vie ou que tout est à découvrir et " à inventer ". C'est pourquoi ils présentent souvent une identité floue, flexible à la multiplicité des sollicitations contemporaines, qu'elles soient régressives ou au contraire enrichissantes.
2 - 3 Une enfance raccourcie pour une adolescence plus longue
Un des paradoxes, et pas le moindre, de nos sociétés occidentales, c'est, à la fois de faire grandir trop vite les enfants, et en même temps les encourager à rester le plus longtemps possible adolescents![5]
Les enfants eux-mêmes sont précipités dans des attitudes d'adolescents alors qu'ils n'ont pas les compétences psychologiques pour assumer de tels comportements. Ils développent une précocité, qui n'est pas source de maturité, en escamotant les tâches psychiques de l'enfance, ce qui peut les handicaper dans leur future autonomie. La multiplication des états dépressifs chez de nombreux jeunes en est un des symptômes.
Les postadolescents eux-mêmes se plaignent d'un manque d'étayage intérieur et social, et en particulier ceux qui, après des études longues, arrivent avec leurs diplômes dans des entreprises et doivent exercer des responsabilités. On observe également chez des jeunes de 26/35 ans des séquences de dépression existentielle parce qu'il leur manque des images guides de la vie d'adulte pour essayer de composer leur existence en rapport avec les réalités.
Le temps de la jeunesse a toujours été marqué par une certaine immaturité: ce n'est pas nouveau. Il fut un temps où elle pouvait être compensée par la société qui se situait davantage dans le monde des adultes et incitait à grandir et à rejoindre les réalités de la vie. Aujourd'hui, au contraire, non seulement elle soutient moins et c'est à chacun de se débrouiller, mais en plus elle laisse supposer que l'on peut se maintenir en permanence dans les états premiers de la vie sans avoir à les élaborer et à vivre trop tôt un certain nombre d'expériences. Il faut savoir dire à un adolescent qui adopte des conduites précoces que ce n'est pas encore de son âge afin de le situer dans une perspective historique d'évolution et de maturation. C'est ainsi que s'acquiert la maturité temporelle.
3 - Les tâches psychiques à accomplir
Nous avons assisté, depuis quelques années, à certains déplacements dans le remaniement de la personnalité juvénile. La plupart des adolescents[6] vivent relativement bien le processus de la puberté et celui de l'adolescence proprement dite sans éprouver, à quelques exceptions près, de réelles difficultés. En revanche la situation des postadolescents de 22/30 ans est souvent plus délicate, subjectivement conflictuelle et travaillée par des intrigues psychiques que l'on observait et qui se traitaient auparavant dans la période précédente de l'adolescence (18/22 ans). Un conflit interne vient s'ajouter à ce questionnement entre les représentations de soi et de la vie.
3 - 1 La confiance en soi
Le besoin de se connaître et d'avoir confiance en soi est une attente de cet âge de la vie. Mais sous le poids des interrogations non traitées et des échecs, le sens de soi peut être remis en cause et subitement le sujet se sent fragilisé en ne pouvant plus assurer sa continuité comme par le passé. Il cherche à être lui-même et devient très sensible à ce qui est inauthentique en lui.
L'essentiel du développement psychologique de la postadolescence s'effectue dans l'articulation de la vie psychique avec l'environnement. Celui-ci peut susciter et réactiver des angoisses et des inhibitions liées, par exemple, à un sentiment d'impuissance qui se traduit par la crainte de ne pas pouvoir accéder aux réalités et, de ce fait, de s'auto-agresser ou d'agresser les figures parentales étendues au monde des adultes. Ce qui peut également favoriser une attitude anti-institutionnelle ou anti-sociale mais aussi poser le problème de la capacité à s'évaluer (lié à l'estime ou à la dévalorisation de soi), du besoin d'être reconnu par ses parents et en particulier par son père. Le sujet peut aussi être encore très centré sur lui-même alors que la réalité extérieure, parfois peu ou mal intériorisée, sera évitée; l'épreuve du réel est redoutée. Mais lorsqu'il se heurtera aux limites du réel, il risque de décompenser et de flâner avec des idées dépressives sans pouvoir s'identifier à des objets d'intérêts ou d'amour. L'une de ces limites est celle du temps.
La catéchèse peut les aider à apprendre à aimer la vie à l'image du Christ qui s'est incarné dans ce monde en nous révélant que nous étions appelés par Dieu à la vie et à l'amour.
3 - 2 Le rapport au temps
Le postadolescent est souvent engagé dans une tâche psychique qui va lui permettre d'accéder à la maturité temporelle. Mais elle se présente aussi, entre 24/30 ans, comme une difficulté. Parfois, au lieu de conjuguer leur existence en associant le passé, le présent et l'avenir, certains la vivent dans un immédiat qui dure. Ils vont ainsi d'instant en instant, d'événement en événement, de situations et de choix décidés à la dernière minute jusqu'au moment où ils se poseront la question du lien de cohérence entre tout ce qu'ils vivent, à moins qu'ils s'organisent autour de clivages qui ne les aideront pas à s'unifier.
L'immaturité temporelle ne permet pas toujours de se projeter dans l'avenir. Celui-ci peut angoisser des postadolescents, non pas à cause d'une incertitude sociale et économique, mais parce que psychologiquement, ils ne savent pas anticiper et évaluer des projets et la conséquence de leurs faits et gestes car ils vivent uniquement au présent. Lorsque certains postadolescents n'ont pas encore accédé à la maturité temporelle, ils ont du mal à développer une conscience historique. Ils ne savent pas, ou ils redoutent, d'inscrire leur existence dans la durée, et donc d'avoir le sens de l'engagement dans bien des domaines. Ils vivent plus facilement dans l'événementiel et l'intensité d'une situation particulière que dans la constance et la continuité d'une vie qui s'élabore dans le temps. Le quotidien apparaît comme un temps d'attente pour vivre des moments exceptionnels au lieu d'être l'espace du tissage de l'engagement de son existence.
L'apprentissage du sens de l'engagement commence en développant une solidarité et des projets au sein de la communauté chrétienne pour le service des autres. Cet apprentissage de l'engagement comme entrée dans l'histoire peut être stimulé par une découverte et une réflexion sur l'histoire du salut en Jésus Christ.
3 - 3 Occuper son espace intérieur.
De très nombreux jeunes ont du mal à occuper leur vie psychologique et leur espace intérieur. Ils peuvent ressentir un malaise à éprouver diverses sensations qu'ils ne savent pas identifier à l'intérieur d'eux-mêmes ou au contraire les rechercher en dehors des relations et des activités humaines.
Nous rencontrons de plus en plus des personnalités impulsives, toujours dans l'agir, réalisant difficilement que, dans le meilleur des cas, l'action doit être reprise et médiatisée par la réflexion. Mais parce qu'ils ne disposent pas de ressources internes et culturelles et d'un réel fonctionnement mental, ces jeunes se plaignent souvent d'un manque de concentration et d'avoir du mal à travailler intellectuellement sur une longue période. Ils témoignent d'une pauvreté de leur intériorité et des échanges intrapsychiques; la réflexion les inquiète. Ils ont besoin d'éduquer leur volonté qui risque d'être inconstante et fragile.
Les confronter à des interrogations ou les mettre face à certains problèmes qui doivent être traités, comme l'usage de la drogue avec laquelle ils cherchent à se stimuler, à se contrôler ou à être performants, les désespère. Ils préfèrent se réfugier dans l'agir et utilisent de façon répétitive le passage à l'acte, non pas pour rechercher un quelconque plaisir, mais comme une décharge de toute tension intérieure et pour revenir au niveau zéro, afin de ne plus rien ressentir de leurs tensions internes. De cette façon ils évacuent, non seulement ce qui se passe en eux, mais aussi le fonctionnement interne lui-même.
Le manque d'objets d'identifications fiables et valables s'observe souvent chez des postadolescents pour développer des matériaux psychiques à partir desquels ils peuvent se construire intérieurement. Nous nous heurtons ici au problème de la transmission du monde contemporain: culturelle, morale et religieuse. La carence de l'intériorité favorise des psychologies plus anxiogènes et plus promptes à répondre aux états premiers de la pulsion que de s'engager dans un façonnage intérieur[7]. Mais la grande majorité d'entre-eux, s'ils cherchent des ancrages dans leur existence pour se nourrir intérieurement, le font plus à partir de ce qu'ils perçoivent subjectivement qu'en s'inspirant des grandes traditions religieuses et morales dont ils demeurent relativement distants.
Ils sont dans une pensée narcissique où chacun doit se suffire et tout ramener à soi, qui répond à la mode du tout psychologique. C'est la référence qui domine actuellement et qui laisse croire que l'on peut se faire tout seul en s'inspirant de ses émois et de ses sensations plutôt que des principes de la raison, d'une parole intelligible comme celle de la foi chrétienne et des valeurs de la vie. La moindre difficulté existentielle est codée en termes psychopathologiques et devrait relever de la psychothérapie. Une erreur de perspective qui s'infiltre dans des accompagnements psycho-spirituels ou des rites de guérison. Il est pour le moins pervers de vouloir manier en même temps les deux discours, le psychologique et le religieux, sous l'angle de la psychothérapie. Le thème de " la résilience " est également la nouvelle illusion des personnalités narcissiques. Il s'agit d'ailleurs d'une notion confuse qui tente de rendre compte du fait que certains individus s'en sortent mieux que d'autres, alors que le christianisme a depuis longtemps montré que la personne n'est pas réduite à ses déterminismes. Dans un monde en crise de ressources morales et religieuses, " la résilience " sera vite dépassée; car pour rebondir encore faut-il disposer d'un dynamisme intérieur qui ne peut se constituer et se nourrir que par l'apport du monde extérieur. Le sujet ne peut instaurer sa vie intérieure que dans une interaction avec une dimension objective et non pas dans le seul face à face avec lui-même.
Ainsi, la catéchèse comme l'éducation religieuse risquent d'être empreintes du subjectivisme ambiant surtout quand on affirme qu'il n'y a pas de " révélation objective " de la parole de Dieu mais que celle-ci ne peut apparaître que dans la foi vécue subjectivement. Dans ce contexte, Jésus n'est pas plus qu'un " prophète " ou qu'un " sage " parmi d'autres et se trouve délogé de son rôle de médiateur comme Fils de Dieu entre son Père et les hommes. Des jeunes soumis à cette vision immanente et subjective de Dieu, proche d'une divinité païenne, s'impliquent, dans diverses aumôneries scolaires et universitaires, dans le dialogue interreligieux (confondu avec de l'œcuménisme) sans être structurés dans leur foi chrétienne. Ils mélangent toutes les idées avec les diverses confessions comme s'il s'agissait de la même représentation de Dieu. Faute d'avoir intériorisé l'intelligence de leur foi au Dieu trinitaire, le Tout-Autre, ils fabriquent un discours religieux sur le mode des mécanismes de la relation fusionnelle en faisant appel à la tolérance, à la confusion des espaces, à l'égalitarisme pour ne pas se différencier et à une parole sensorielle. Or toutes les idées sur des représentations de Dieu, selon les confessions religieuses, ne donnent pas le même sens de l'homme, de la vie en société et de la foi.
La plupart des sociétés occidentales ont fait la grève de la transmission jusqu'à mettre en doute les fondements sur lesquels elles se sont développées. La dimension chrétienne a souvent été exclue alors qu'elle participe à l'édification du lien social et à la constitution de la vie intérieure des individus. La crise de l'intériorité contemporaine commence avec cette carence d'initiation et s'égare dans l'individualisme et le subjectivisme psychologique. La psychologisation idéologique de la société est déstructurante. Les individus sont en permanence en train de se raconter et de s'analyser au point de s'épuiser. Cette réflexion subjective peut être nécessaire dans certains cas mais elle n'est pas exclusive. Il faut aussi pouvoir construire son existence en tenant compte d'une autre dimension que soi-même qui va révéler et dynamiser chacun. Une autre dimension qui sera sociale, culturelle, morale et religieuse. Il faut pouvoir penser sa vie avec toutes ces réalités et ne pas s'enfermer dans les seules approches psychologiques qui sont à la mode actuellement.
La catéchèse, l'éducation au sens de la prière et de la vie liturgique et sacramentelle ont un rôle à jouer pour aider des jeunes à s'approprier leur intériorité, leur espace psychique et leur espace corporel. Les rites, les symboles et les insignes chrétiens peuvent participer à cette construction intérieure et c'est bien pour cela qu'ils sont investis par les jeunes à la grande surprise de leurs aînés. La vie interne se constitue ainsi en relation avec une réalité et une présence externes. La Parole de Dieu, transmise par l'Église, joue ce rôle en mettant des jeunes en relation avec Dieu qui se rencontre à travers les médiations humaines, inaugurées par le Christ, et qui deviennent signes de sa présence. Dans la confiance de la prière, guidée et portée par l'Eglise, une relation privilégiée se noue entre Dieu et ceux qu'Il appelle à Le connaître. L'expérience priante est le creuset de l'intériorité humaine. Les JMJ l'ont à maintes reprises prouvé. Il y a un effort éducatif à poursuivre en ce sens.
4 - La vie affective des jeunes
4 - 1 Etat général de l'affectivité
Les représentations sociales centrées sur une vie affective et sexuelle éclatée influencent les psychologies contemporaines. L'expression affective doit être immédiate, comme un appel téléphonique ou une connexion à Internet, sans avoir à respecter les délais et le sens de la construction d'une relation. Une expression sexuelle facile, fusionnelle et de l'instant marque aussi les images actuelles dans les médias et dans les fictions cinématographiques.
Des jeunes sont également conditionnés par les séparations et les divorces de leurs parents qui ont inscrit, dans le cœur de leur vie psychique, la désunion et le manque de confiance en l'autre et parfois dans l'avenir. Les personnalités actuelles revendiquent l'autonomie alors qu'elles ne savent pas se séparer des objets infantiles. Le problème est déplacé sur les personnes desquelles on se sépare dès qu'un problème se pose. De façon paradoxale, ils manifestent aussi une peur d'être rejetés et un besoin d'être rassurés sur l'image que les autres leur renvoient. Cette attitude est le résultat du type de vie familiale éclatée qui se développe en occident.
Enfin, ils sont relativement influencés par l'exhibitionnisme sexuel qui sévit à travers la pornographie et la banalisation d'une sexualité impulsive et anti-relationnelle. De récentes études ont montré que 75% des films recherchés sur les chaînes de télévision câblées sont pornographiques dont les scénarios sont de plus en plus violents et agressifs. Ce taux monte à 92% dans les hôtels lors des voyages et des déplacements des clients. Le développement des visuels sexuels dénote que nous sommes dans une société érotique qui excite sexuellement en permanence les individus et qui pèse sur l'élaboration de la sexualité juvénile. De nombreux jeunes fréquentent les sites pornographiques sur Internet. En se nourrissant ainsi, certains s'enferment dans une sexualité imaginaire et violente où domine la masturbation qui est vécue comme un échec de ne pouvoir rejoindre l'autre et qui peut compliquer l'élaboration de la pulsion sexuelle. La masturbation, quand elle se prolonge, est toujours le symptôme d'un problème affectif et d'un manque de maturité sexuelle. La vie de couple, par la suite, peut pâtir dans son expression sexuelle de cette dépendance à une sexualité narcissique.
La plupart des jeunes restent néanmoins attentifs à un discours qui révèle le sens de l'amour humain, du couple et de la famille. Ce qui manifeste le besoin d'apprendre à aimer et à être créateur de relation et de vie.
4 - 2 De la mixité à la relation unisexuée
Ils sont tributaires d'une forme de mixité qui ne contribue pas, comme on l'espérait, au développement d'une relation égalitaire et de meilleure qualité entre les hommes et les femmes mais au contraire qui a favorisé la confusion des identités sexuelles et l'hésitation relationnelle. Nous récoltons ici les influences idéologiques du féminisme qui confond l'égalité des sexes, qui n'existe pas, avec l'égalité des personnes. Le féminisme nord-américain et beauvoirien a favorisé une haine de l'homme et un rejet de la procréation. Il a encouragé un puritanisme et de nouvelles inhibitions en interprétant le moindre regard, la moindre parole ou le moindre geste comme une tentative d'agression, de harcèlement voire de viols. En plus de ces aberrations, que l'on inscrit progressivement dans les lois en Europe, la procréation a été présentée comme un handicap pour la femme et comme une dimension qui ne doit pas entrer dans la définition de la féminité. La mixité a été conditionnée par ce type de féminisme qui n'a pas préparé les jeunes à apprendre à vivre dans une relation de couple formée entre un homme et une femme. Une mixité qui alterne entre l'unisexualité (confusion sexuelle) et la mise à l'écart des individus (célibat et isolement).
La plupart des postadolescents ont vécu durant leur enfance dans l'univers de la mixité. Il était prévisible[8] que la mixité, qui n'a jamais été pensée en termes de psychologie différentielle et de pédagogie, serait à l'origine de nouvelles inhibitions entre garçons et filles et d'altération du lien social. On commence à peine à vouloir entendre les questions qu'elle pose et à sortir du moralisme qui l'a fabriquée. Il y a des âges où la mixité est plus favorable qu'à d'autres moments. L'expérience, une fois de plus, prouve qu'elle est contraignante et gêne le développement de l'intelligence, de l'affectivité et de la sexualité durant l'adolescence. Elle va souvent être vécue à travers des mouvements de séduction et d'agression sexuelle ou, au contraire, des jeunes vont s'en extraire pour se retrouver entre partenaires de même sexe. Cette diversion correspond au besoin d'assurer et de conforter leur identité respective alors que la mixité confine à la confusion des genres sexuels. La mixité a favorisé l'hésitation relationnelle entre hommes et femmes à la postadolescence, le célibat et une forme d'homosexualité réactionnelle pour se différencier, paradoxalement, de l'autre sexe et se rassurer aussi sur son identité sexuelle. Les enfants et les adolescents ont besoin d'élaborer leur tendance fusionnelle alors que la mixité les y enferme et les empêche d'accéder au sens de la différence sexuelle et de la relation de sujet à sujet.
Ainsi certains ont pu, lors de l'adolescence, vivre quelques attachements sentimentaux et des relations de couple provisoire, voire même des expériences sexuelles. Ils commencent ainsi leur éveil affectivo-sexuel par des élections sentimentales mais qui sont, le plus souvent, sans suite ou bien se maintiennent comme des relations fraternelles sans expression sexuelle. Puis, au moment de la postadolescence, alors qu'ils pourraient se mettre en œuvre dans une relation affectivo-sexuelle et s'engager, c'est l'inverse qui se produit. Ils éprouvent souvent le besoin de se retrouver en " célibataires " et avec des partenaires sociaux du même sexe pour partager un certain nombre d'activités et de loisirs. Après avoir connu des expériences d'attachements sentimentaux qui ne pouvaient pas déboucher, mais qui se dénouaient de façon œdipienne, ils cherchent davantage, pendant la postadolescence, à socialiser leur vie affective et à prendre leur distance avec l'autre sexe. Ce qu'ils n'ont pas vécu et réalisé pendant leur adolescence.
De jeunes adultes, mais aussi des moins jeunes, sont en train de découvrir la nécessaire séparation des sexes. Par exemple, des femmes qui ont besoin de se retrouver entre elles pour discuter, sortir ou partager des activités " en filles " indépendamment de leur compagnon. Les hommes font de même en entretenant des lieux et des activités qui leur sont propres. Nous retrouvons ce phénomène à travers la situation nouvelle des colocataires où des jeunes, entre 25/35 ans, qui ont une activité professionnelle, louent à plusieurs un appartement qu'ils partagent entre garçons ou entre filles mais rarement de façon mixte.
Il est important que les hommes comme les femmes puissent se structurer dans leur identité respective. L'éducation doit en avoir le souci dès l'enfance.
4 - 3 La peur de s'engager
Le propre du couple juvénile est d'être incertain et temporaire quand il repose uniquement sur le besoin d'être protégé, rassuré et sur l'instabilité des sentiments sans qu'ils soient intégrés à un projet de vie et au sens de l'amour.
Les représentations actuelles ne simplifient pas non plus la tâche des jeunes lorsque la rupture et le divorce sont présentés comme une norme pour traiter les problèmes affectifs et relationnels au sein du couple. En France, la loi sur le divorce par consentement mutuel de 1974 n'a fait qu'amplifier et normaliser le divorce qui reste un fléau social. Une société qui perd le sens de l'engagement et du traitement des conflits et des phases du développement est une société qui n'a pas le sens de l'avenir et de la durée. Le divorce est devenu l'une des causes de l'insécurité affective des individus qui se répercute sur le lien social et sur la vision du sens de l'engagement dans tous les domaines de la vie que l'on transmet aux jeunes. En voulant de plus en plus simplifier le divorce, les pouvoirs publics jouent avec les symptômes mais ne voient pas les causes sur lesquelles il faudrait agir et encore moins les conséquences de ces lois qui portent atteintes au lien social.
Une crainte de s'engager affectivement domine les psychologies juvéniles qui sont hésitantes, incertaines et sceptiques sur le sens d'une relation durable. Les jeunes croient rester libres en ne s'engageant pas : ils sont plutôt dans le déni de la liberté. Car c'est en s'engageant que l'on se découvre libre et que l'on met en acte sa liberté. Le célibat qui se prolonge les habitue à vivre et à s'organiser seuls. Certains ont du mal à accepter de façon continue la présence de quelqu'un dans leur vie quotidienne. Ils en sont angoissés et ont le sentiment de manquer de liberté. Ils alternent des moments de vie commune avec des temps de vie plus individuels. Ils pensent encore, à 35 ans, qu'ils ne sont pas mûrs ni prêts à s'engager, ils ont besoin de délai. Mais plus le temps passe et moins leur mentalité évolue pour être en mesure de s'associer avec une personne qu'ils pensent aimer par ailleurs.
Pourtant les sondages montrent qu'une majorité de jeunes veulent se marier et fonder une famille. Ils ne savent pas toujours comment se construit une relation dans le temps. Il faudrait qu'elle s'établisse immédiatement et que toutes les questions, concernant le présent et l'avenir, soient réglées. Ils ont sans doute besoin d'apprendre à faire l'expérience de la fidélité dans la vie quotidienne, une valeur qui est plébiscitée par les jeunes mais qui n'est pas valorisée dans les médias contemporains. C'est la peur du mariage et la peur de concevoir des enfants qui sont entretenues dans le discours social. Cela n'incite guère à avoir confiance en soi et encore moins dans la vie qui devrait se limiter et s'arrêter avec soi.
En effet, la société et les lois (cf. le pacs - pacte civil de solidarité - qui donne un statut juridique à une relation antinomique et souvent provisoire) ne favorisent pas le sens de la durée et de l'engagement mais entretiennent, bien au contraire, la précarité affective et la fragilité du lien social en oubliant de soutenir le mariage de façon privilégiée. Pourtant de nombreux jeunes ont besoin de savoir durer face à une conception courte et morcelée du temps.
Nous sommes dans une société qui sème le doute quant à l'idée de s'engager au nom de l'amour. Les jeunes le désirent et doivent être accompagnés pour en découvrir les possibilités et les chemins de cette fidélité.
4 - 4 La bisexualité psychique
Le postadolescent est également concerné par le traitement de la bisexualité psychique qui est le résultat de ses identifications aux deux sexes, et non pas le fait d'être homme et femme en même temps, afin d'intérioriser son identité sexuelle et de s'acheminer vers l'hétérosexualité. La bisexualité psychique c'est la capacité d'être en relation avec l'autre sexe et d'être dans la cohérence de son identité sexuelle dans sa vie affective et pas seulement dans sa vie sociale. Nous l'avons évoqué, pendant la postadolescence la vie psychique se met en œuvre en rapport avec la réalité extérieure. Or la société actuelle entretient une certaine confusion des deux seules identités sexuelles qui existent, celle de l'homme et de la femme, avec des tendances sexuelles qui, elles, sont multiples, et des pratiques sexuelles qui renvoient au morcellement pulsionnel. Il ne faut pas confondre l'identité avec des orientations sexuelles et encore plus lorsqu'elles sont en contradiction avec l'identité sexuelle. Dans ce contexte il n'est pas facile de s'unifier et d'être cohérent sexuellement surtout lorsque l'homosexualité est valorisée et présentée comme une alternative à l'hétérosexualité. L'élaboration de la bisexualité psychique risque d'être compromise. Et comme les relations entre hommes et femmes se compliquent au point d'encourager le célibat du chacun chez soi, le modèle social de l'homosexualité se banalise.
De nombreux adolescents et postadolescents sont inquiets et déstabilisés pour traiter la bisexualité psychique. Des jeunes codent parfois leur ambivalence passagère, et fréquente lors de l'adolescence, en termes d'homosexualité constituée et figée. Ils se pensent homosexuels, sans le désirer ni le vouloir, et vivent parfois des passages à l'acte qui les entament psychologiquement. Certes, tous les individus ont été amenés à vivre des identifications homosexuées pour conforter leur identité sexuée à commencer avec le parent du même sexe. Lorsque ces identifications subissent un échec, elles risquent d'être érotisées et débouchent sur de l'homosexualité. Il faut rappeler que le choix d'objet homosexuel, qui est inhérent à la vie psychique, ne se confond pas avec l'homosexualité dans laquelle un sujet va éventuellement s'orienter.
L'homosexualité n'est pas une " variante " de la sexualité humaine, qui serait à égalité avec l'hétérosexualité, mais l'expression d'une tension conflictuelle irrésolue entre une tendance qui est en discontinuité avec l'identité sexuelle.
L'éducation au sens de l'autre et de la différence entre l'homme et la femme est au cœur de la découverte du sens réel de l'altérité.
5 - Les jeunes et les nouvelles influences idéologiques
L'effondrement des idéologies politiques au profit du libéralisme des sociétés marchandes et la montée de l'individualisme ont favorisé la dévalorisation du politique et du système de représentation démocratique. Ce sont les revendications subjectives et sectorielles qui se sont substituées aux grands enjeux sociaux.
En revanche, il faut noter que le politique se déconsidère aux yeux des jeunes générations lorsqu'il n'est plus capable d'avoir le sens de l'intérêt général. La valorisation du mariage, la famille composée autour d'un homme et d'une femme avec leurs enfants, l'école et l'éducation, la formation au sens de la loi civile et de la loi morale, l'insertion sociale et professionnelle des nouvelles générations, la qualité de l'environnement écologique, le sens de la justice et de la paix sont, parmi d'autres, des projets à promouvoir pour retenir leur intérêt dans la vie politique de la cité. Examinons l'influence de quelques mouvements d'idées sur les jeunes.
5 - 1 La théorie du gender
Nous l'avons évoqué plus haut, nos sociétés actuelles sont influencées par la confusion sexuelle. La théorie du gender laisse entendre que la différence sexuelle, c'est-à-dire le fait d'être un homme ou d'être une femme, serait secondaire pour fonder le lien social et les associations affectives qui se contractent dans le mariage et participent ainsi à la fondation d'une famille. Il faudrait plutôt privilégier et reconnaître le genre sexuel qui ne dépend plus du genre masculin ou féminin mais de celui que chacun construit subjectivement et qui l'oriente vers l'hétérosexualité, l'homosexualité, le transsexualisme etc. On pourra ainsi parler de couple et de famille hétérosexuelle et homosexuelle. Autrement dit, la différence sexuelle sera remplacée par la différence des sexualités.
La théorie du gender est largement diffusée par la Commission Populations de l'ONU et par le Parlement européen afin d'obliger les pays à modifier leur législation et reconnaître, par exemple, l'union homosexuelle ou l'homoparenté par l'adoption d'enfants. Cette nouvelle idéologie représente une véritable manipulation sémantique en appliquant la notion de couple et de parenté à l'homosexualité. Or le couple implique la dissymétrie sexuelle et ne repose que sur la relation d'un homme et d'une femme. De plus l'homosexualité ne peut pas être à l'origine de la conjugalité et de la parenté ; elle ne représente socialement aucune valeur. Si l'homosexualité relève d'une problématique individuelle, elle ne peut pas être une norme sociale et reconnue comme une valeur à partir de laquelle il serait possible d'éduquer les enfants.
L'éducation doit porter sur le renouvellement d'une civilisation fondée sur le couple formé entre un homme et une femme. Il n'est pas indifférent que la bible s'ouvre sur l'existence d'un couple dont la relation est à l'image de celle de Dieu avec l'humanité. Nous avons à entrer dans une culture de l'alliance et non pas dans l'intrigue d'une lutte de pouvoir entre les sexes.
5 - 2 La société marchande et le libéralisme
La plupart des jeunes restent soumis aux normes de la société marchande. La satisfaction des désirs immédiats est largement sollicitée par la publicité. L'organisation politique de la société repose sur cette mentalité marchande qui transforme le citoyen en consommateur. Les règles économiques se substituent aux règles morales et font la loi et imposent leur système de références et d'évaluation à tous les domaines de l'existence avec le consentement du pouvoir politique: l'éducation, l'enseignement, la santé, le travail, la vieillesse sont régulés en fonction de normes économiques au détriment des valeurs de la vie. Ce ne sont pas la personne et le bien commun qui sont au centre de ce dispositif, mais le coût et la rentabilité financière. La dictature de l'argent et de l'économie fabrique par l'intermédiaire de la publicité une vision de l'existence où ce qui n'est pas rentable ne doit pas exister. Cela contribue à altérer le sens de la personne humaine, du lien social et du bien commun.
5 - 3 Laïcité et l'exclusion du religieux
Le christianisme est à l'origine de la notion qui consiste à distinguer le pouvoir religieux du pouvoir temporel. Au cours de l'histoire, si nous avons connu certaines confusions, le pouvoir politique a souvent voulu régenter l'Eglise et agir, par exemple, sur les décisions des conciles. Ce n'est pas tant le pouvoir religieux qui a voulu étendre son emprise sur le pouvoir temporel, même si, parfois dans certaines sociétés, l'Eglise a dû organiser la vie de la cité avant de remettre ce pouvoir à ceux qui devaient l'exercer, mais c'est le pouvoir politique qui a été, à maintes reprises, jaloux du pouvoir religieux. Il fallait le surveiller, l'encadrer, le contester et parfois le neutraliser.
La laïcité, quand elle dépasse le cadre de la distinction des pouvoirs, pose divers problèmes et influence la conception de la dimension religieuse inhérente à l'existence. La laïcité s'est ainsi développée contre le rôle et l'influence de l'Église. Il fallait exclure le religieux du champ social et le limiter à une affaire privée qui relève de la conscience individuelle: c'est une façon de la mutiler. Un phénomène qui s'est poursuivi en laïcisant la morale, en la séparant des principes universels que la raison peut découvrir, pour la confondre avec la loi civile votée démocratiquement. Ainsi le légal s'est-il substitué au moral et la confusion demeure dans l'esprit de nombreux jeunes qui pensent que ce qui est légal a valeur morale. Or la loi civile ne dit pas ce qui est moral. Elle organise la vie de la cité mais cette organisation, ou la régulation par les droits et les devoirs des citoyens, ne peut se fonder que sur des principes qui respectent la dignité de la personne humaine et la valeurs de la vie[9] qui transcendent toutes les lois.
Après avoir laïcisé la société puis la morale, c'est au tour de la religion d'être également laïcisée. La vie spirituelle se trouve confondue avec la vie intellectuelle et poétique, la Bible est traduite par des incroyants ou par des écrivains de diverses familles de pensée, on promeut également une lecture laïque des évangiles. Le Pape Jean-Paul II a souvent souligné la contradiction avec laquelle la Bible est abordée : " L'être humain de notre époque, déçu par tant de réponses insatisfaisantes aux questions fondamentales de la vie, semble s'ouvrir à la voix qui vient de la Transcendance et qui s'exprime dans le message biblique. Mais en même temps, il supporte de moins en moins l'exigence de se comporter en harmonie avec les valeurs que l'Eglise présente depuis toujours comme fondées sur l'Evangile. Nous assistons ainsi à des tentatives de tout genre pour dissocier la révélation biblique des propositions de vie qui exigent un engagement personnel particulièrement important"[10]. Il faut ainsi ramener la parole de Dieu à un discours mondain qui sera à l'unisson des mœurs et de l'intelligence religieuse laïcisée et réduite à son plus petit dénominateur commun au nom de " la modernité " et d'une " religion modérée ". Ce sont donc les canons à la mode d'une société qui devraient servir de régulateurs de la religion et de la foi chrétienne en particulier. Une vision qui consiste à éliminer du champ social la dimension religieuse et les exigences qui en découlent.
Le refus de reconnaître l'héritage religieux et chrétien comme étant, entre autres, à la base du développement de la civilisation en Europe et dans le monde occidental, comme dans d'autres aires culturelles, témoigne de cette laïcisation rampante. La laïcité ainsi conçue ne respecte pas la dimension religieuse de l'existence humaine. Les tenants de cet ordre sont prêts à reconnaître la liberté de croyance, qui relèverait simplement de la vie privée, mais refusent d'accepter la réalité religieuse, le droit de religion, qui implique une dimension sociale et institutionnelle. Dans le meilleur des cas, il est important que le pouvoir religieux en tant qu'Institution, puisse être représenté dans le concert européen et des nations pour le service du bien commun et des intérêts supérieurs de la conscience humaine. Dieu ne peut pas être absent du champ social.
Les jeunes générations ont besoin d'être éduquées à cette dimension sociale et institutionnelle de la religion chrétienne et ne pas vivre l'Eglise comme un groupe uniquement intimiste et individuel.
6 - Les jeunes et l'Eglise
6 - 1 Des jeunes sans racines religieuses.
La plupart des enquêtes sur les jeunes et la religion confirment ce que nous savons déjà. Les jeunes sont les enfants des adultes qui étaient eux-mêmes les adolescents des années 1960-1970 et qui, en leur temps, ont choisi de ne pas toujours transmettre ce qu'ils avaient eux-mêmes reçu dans leur éducation. Ils ont ainsi laissé leurs enfants se débrouiller tout seuls, sur le plan moral et spirituel, et sans autre souci éducatif que de veiller à leur épanouissement affectif. Ils en ont fait, parfois, des égarés spirituels, livrés à eux-mêmes. Ils les voulaient heureux, mais sans leur apprendre les règles de la vie sociale, les coutumes qui font la richesse d'un peuple et la foi chrétienne qui a été la matrice de diverses civilisations. Il faut bien le reconnaître, le sens de la personne humaine, le sens de sa conscience, le sens de la liberté, le sens de la fraternité, le sens de l'égalité nous les devons au message du Christ porté par l'Eglise. Ces valeurs ont été banalisées, c'est-à-dire coupées de leur source, mais au risque de ne plus pouvoir être transmises quand on méconnaît leur origine. Dans cette mentalité anti-éducative, les enfants n'ont pas été baptisés ni catéchisés. Il fallait faire table rase du passé pour se libérer de la tradition. Cette attitude a fabriqué des handicapés culturels. Ils n'ont aucune formation et encore moins de culture religieuse. Il leur est impossible de comprendre des pans entiers de l'histoire de notre civilisation et tout simplement de l'art, de la littérature et de la musique. Ils ne sont pas allergiques aux dogmes, c'est-à-dire aux vérités de la foi chrétienne, pas plus qu'ils ne sont contre l'Eglise. Ils n'en connaissent rien ! C'est pourquoi leurs réponses, dans les enquêtes les plus sérieuses, témoignent de cette carence pour la grande majorité des jeunes et révèlent une ignorance, une indifférence et tout simplement un manque d'éducation religieuse. Ils sont tributaires de tous les clichés et de tous les conformismes qui sont diffusés à propos de la foi chrétienne. Bref, ils sont éloignés de l'Eglise parce que, faute d'éducation, ils ne sont pas entrés dans cette tradition religieuse.
6 - 2 Confusion e

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