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Familiaris Consortio - Exhortation Apostolique du 22 novembre 1981

EXHORTATION APOSTOLIQUE
FAMILIARIS CONSORTIO
DE SA SAINTETE LE PAPE
JEAN-PAUL II
A L'EPISCOPAT
AU CLERGE ET AUX FIDELES
DE TOUTE L'EGLISE CATHOLIQUE
SUR LES TACHES
DE LA FAMILLE CHRETIENNE
DANS LE MONDE D'AUJOURD'HUI

 

 

INTRODUCTION

L'Eglise au service de la famille

1. A NOTRE ÉPOQUE, la famille, comme les autres institutions et peut-être plus qu'elles, a été atteinte par les transformations, larges, profondes et rapides, de la société et de la culture. De nombreuses familles vivent cette situation dans la fidélité aux valeurs qui constituent le fondement de l'institution familiale. D'autres sont tombées dans l'incertitude et l'égarement devant leurs tâches, voire dans le doute et presque l'ignorance en ce qui concerne le sens profond et la valeur de la vie coujugale et familiale. D'autres enfin voient la réalisation de leurs droits fondamentaux entravée par diverses situations d'injustice.

Sachant que le mariage et la famille constituent l'un des biens les plus précieux de l'humanité, l'Eglise veut faire entendre sa voix et offrir son aide à ceux qui, connaissant déjà la valeur du mariage et de la famille, cherchent à la vivre fidèlement, à ceux qui, plongés dans l'incertitude et l'anxiété, sont à la recherche de la vérité, et à ceux qui sont injustement empêchés de vivre librement leur projet familial. Apportant son soutien aux premiers, sa lumière aux deuxièmes et son secours aux autres, l'Eglise se met au service de tout homme soucieux du sort du mariage et de la famille(1).

Elle s'adresse en particulier aux jeunes qui s'apprêtent à s'engager sur le chemin du mariage et de la famille, afin de leur ouvrir de nouveaux horizons en les aidant à découvrir la beauté et la grandeur de la vocation à l'amour et au service de la vie.

Le Synode de 1980
en continuité avec les Synodes précédents

2. Le dernier Synode des Evêques, tenu à Rome du 26 septembre au 25 octobre 1980, est un signe de ce profond intérêt de l'Eglise pour la famille. Il a été la continuation naturelle des deux précédents(2). La famille chrétienne, en effet, est la première communauté appelée à annoncer l'Evangile à la personne humaine en développement et à conduire cette dernière, par une éducation et une catéchèse progressives, à sa pleine maturité humaine et chrétienne.

On peut même dire que le récent Synode se relie d'une certaine façon, par son thème, au Synode sur le sacerdoce ministériel et sur la justice dans le monde contemporain. En effet, en tant que communauté éducative, la famille doit aider l'homme à discerner sa vocation et à assumer l'engagement indispensable pour une plus grande justice, en le formant dès le début de son existence à des relations interpersonnelles riches de justice et d'amour.

Les Pères du Synode, en conclusion de leur Assemblée, m'ont présenté une longue série de propositions dans lesquelles ils avaient recueilli le fruit des réflexions mûries au cours de leurs journées de travail intense, et ils m'ont demandé à l'unanimité de me faire devant l'humanité l'interprète de la vive sollicitude de l'Eglise pour la famille et d'indiquer les orientations opportunes pour un engagement pastoral renouvelé dans ce secteur fondamental de la vie humaine et ecclésiale.

Je m'acquitte de cette tâche en publiant la présente exhortation comme une façon particulière d'accomplir le ministère apostolique qui m'a été confié, et je désire exprimer à tous ceux qui ont participé au Synode ma gratitude pour la précieuse contribution de doctrine et d'expérience qu'ils m'ont apportée, surtout au moyen des «Propositions»; j'en ai confié le texte au Conseil pontifical pour la Famille, en lui demandant d'en approfondir l'étude, afin de valoriser chacun des aspects des richesses qu'il contient.

Le bien précieux
du mariage et de la famille

3. L'Eglise, éclairée par la foi, qui lui fait connaître toute la vérité sur le bien précieux que sont le mariage et la famille et sur leur signification la plus profonde, ressent encore une fois l'urgence d'annoncer l'Evangile, c'est-à-dire la «bonne nouvelle», à tous sans distinction, mais en particulier à ceux qui sont appelés au mariage et qui s'y préparent, à tous les époux et à tous les parents du monde.

Elle est profondément convaincue que c'est seulement en accueillant l'Evangile que l'on peut assurer la pleine réalisation de toute espérance que l'homme place légitimement dans le mariage et dans la famille.

Voulus par Dieu en même temps que la création(3), le mariage et la famille sont en eux-mêmes destinés à s'accomplir dans le Christ(4) et ils ont besoin de sa grâce pour être guéris de la blessure du péché(5) et ramenés à leur «origine»(6), c'est-à-dire à la pleine connaissance et à la réalisation intégrale du dessein de Dieu.

En un moment historique où la famille subit de nombreuses pressions qui cherchent à la détruire ou tout au moins à la déformer, l'Eglise, sachant que le bien de la société et son bien propre sont profondément liés à celui de la famille(7), a une conscience plus vive et plus pressante de sa mission de proclamer à tous le dessein de Dieu sur le mariage et sur la famille, en assurant leur pleine vitalité et leur promotion humaine et chrétienne et en contribuant ainsi au renouveau de la société et du peuple de Dieu.

PREMIÈRE PARTIE

LUMIERES ET OMBRES
DE LA FAMILLE AUJOURD'HUI

Nécessité de connaître la situation

4. Le dessein de Dieu sur le mariage et sur la famille concerne l'homme et la femme dans la réalité concrète de leur existence quotidienne dans telle ou telle situation sociale et culturelle. C'est pourquoi l'Eglise, pour accomplir son service, doit s'appliquer à connaître les situations au milieu desquelles le mariage et la famille se réalisent aujourd'hui(8).

Cette connaissance est donc, pour l'œuvre d'évangélisation, une exigence que l'on ne saurait négliger. C'est en effet aux familles de notre temps que l'Eglise doit apporter l'Evangile immuable et toujours nouveau de Jésus-Christ, de même que ce sont les familles plongées dans les conditions actuelles du monde qui sont appelées à accueillir et à vivre le projet de Dieu les concernant. De plus, les exigences, les appels de l'Esprit se font entendre aussi à travers les événements de l'histoire, et c'est pourquoi l'Eglise peut être amenée à une compréhension plus profonde de l'inépuisable mystère du mariage et de la famille, même à partir des situations, des questions, des angoisses et des espoirs des jeunes, des époux et des parents d'aujourd'hui(9).

A cela il faut ajouter une réflexion d'une importance particulière pour le temps présent. Il n'est pas rare qu'aux hommes et aux femmes d'aujourd'hui qui cherchent sincèrement et sérieusement une réponse aux problèmes quotidiens et graves de leur vie matrimoniale et familiale, soient offertes des visions et des propositions peut-être séduisantes, mais qui compromettent plus ou moins la vérité et la dignité de la personne humaine. Cette offre est souvent soutenue par l'organisation puissante et partout diffuse des moyens de communication sociale qui mettent subtilement en péril la liberté et la capacité de juger en toute objectivité.

Beaucoup sont déjà conscients de ce danger qui menace la personne humaine, et ils s'emploient à faire triompher la vérité. L'Eglise, avec son discernement évangélique, s'unit à eux, apportant son propre concours au service de la vérité, de la liberté et de la dignité de tout homme et de toute femme.

Le discernement évangélique

5. Par le discernement qu'elle opère, l'Eglise propose une orientation permettant de sauver et de réaliser toute la vérité et la pleine dignité du mariage et de la famille.

Ce discernement est accompli grâce au sens de la foi(10), don que l'Esprit accorde à tous les fidèles(11). C'est donc une œuvre de toute l'Eglise selon la diversité des dons et des charismes qui, en fonction des responsabilités propres à chacun, agissent ensemble en vue d'une plus profonde intelligence et mise en œuvre de la Parole de Dieu. Ainsi l'Eglise opère son discernement évangélique non seulement par les Pasteurs, qui enseignent au nom du Christ et avec son pouvoir, mais aussi par les laïcs, dont le Christ fait «des témoins en les pourvoyant du sens de la foi et de la grâce de la paroIe (cf. Ac 2, 17-18; Ap 19, 10), afin que brille dans la vie quotidienne familiale et sociale, la force de l'Evangile»(12). Bien plus, en raison de leur vocation particulière les laics ont pour tâche spécifique d'interpréter à la lumière du Christ l'histoire de ce monde, car ils sont appelés à éclairer et à ordonner les réalités temporelles selon le dessein de Dieu Créateur et Rédempteur.

Le «sens surnaturel de la foi»(13) ne consiste pas seulement ou nécessairement dans le consensus des fidèles. L'Eglise, qui suit le Christ, cherche la vérité, qui ne coincide pas toujours avec l'opinion de la majorité. Elle écoute la conscience et non le pouvoir, et par cela même elle défend les pauvres et les méprisés. L'Eglise peut apprécier aussi la recherche sociologique et statistique lorsqu'elle s'avère utile pour saisir le contexte historique dans lequel l'action pastorale doit s'exercer et pour mieux connaître la vérité; mais il ne faut pas penser que cette recherche est purement et simplement l'expression du sens de la foi.

Le rôle du ministère apostolique est d'assurer la permanence de l'Eglise dans la vérité du Christ et de l'y insérer toujours plus profondément. Aussi les Pasteurs doivent-ils promouvoir le sens de la foi chez tous les fidèles, examiner et juger d'une manière autorisée l'authenticité de ses expressions, et former les fidèles à un discernement évangélique toujours plus réfléchi(14).

Pour l'élaboration d'un authentique discernement évangélique dans les diverses situations et cultures dans lesquelles l'homme et la femme vivent leur mariage et leur existence familiale, les époux et les parents chrétiens peuvent et doivent apporter leur contribution propre qui est irremplaçable. Ils sont pour cela habilités par leur charisme ou don propre, celui du sacrement de mariage(15).

La situation de la famille
dans le monde d'aujourd'hui

6. La situation dans laquelle se trouve la famille présente des aspects positifs et négatifs: les uns sont le signe du salut du Christ à l'œuvre dans le monde; les autres, du refus que l'homme oppose à l'amour de Dieu.

Car, d'une part, on constate une conscience plus vive de la liberté personnelle et une attention plus grande à la qualité des relations interpersonnelles dans le mariage, à la promotion de la dignité de la femme, à la procréation responsable, a l'éducation des enfants; il s'y ajoute la conscience de la nécessité de développer des liens entre familles en vue d'une aide spirituelle et matérielle réciproque, la redécouverte de la mission ecclésiale propre à la famille et de sa responsabilite dans la construction d'une société plus juste Mais, par ailleurs, il ne manque pas d'indices d'une dégradation préoccupante de certaines valeurs fondamentales: une conception théorique et pratique erronée de l'indépendance des conjoints entre eux; de graves ambiguïtés à propos du rapport d'autorité entre parents et enfants; des difficultés concrètes à transmettre les valeurs, comme bien des familles l'expérimentent; le nombre croissant des divorces; la plaie de l'avortement; le recours sans cesse plus fréquent à la stérilisation; l'installation d'une mentalité vraiment et proprement contraceptive.

A la racine de ces phénomènes négatifs, il y a souvent une corruption du concept et de l'expérience de la liberté, celle-ci étant comprise non comme la capacité de réaliser la vérité du projet de Dieu sur le mariage et la famille, mais comme une force autonome d'affirmation de soi, assez souvent contre les autres, pour son bien-être égoïste.

Un autre fait mérite également notre attention: dans les pays du tiers monde, les familles manquent souvent aussi bien des moyens fondamentaux pour leur survie, tels que la nourriture, le travail, le logement, les médicaments, que des plus élémentaires libertés. Dans les pays plus riches, en revanche, le bien-être excessif et l'esprit de consommation, celui-ci étant paradoxalement uni à une certaine angoisse et à quelque incertitude quant à l'avenir, enlèvent aux énoux la générosité et le courage de susciter de nouvelles vies humaines: souvent la vie n'est plus alors percue comme une bénédiction, mais comme un péril dont il faut se défendre.

La situation historique dans laquelle vit la famille se présente donc comme un mélange d'ombres et de lumières.

Ce mélange montre que l'histoire n'est pas simplement un progrès nécessaire vers le mieux, mais un avènement de la liberté, et plus encore un combat entre libertés qui s'opposent, c'est-à-dire, selon l'expression bien connue de saint Augustin, un conflit entre deux amours: l'amour de Dieu, poussé jusqu'au mépris de soi; l'amour de soi, poussé jusqu'au mépris de Dieu(16).

Il s'ensuit que seule l'éducation de l'amour enracinée dans la foi peut conduire à acquérir la capacité d'interpréter les «signes des temps», qui sont l'expression historique de ce double amour.

L'influence de cette situation
sur la conscience des fidèles

7. En vivant dans un tel monde, et sous l'influence provenant surtout des mass media, les fidèles n'ont pas toujours su et ne savent pas toujours demeurer indemnes de l'obscurcissement des valeurs fondamentales ni se situer comme conscience critique de cette culture familiale et comme sujets actifs de la construction d'un authentique humanisme familial.

Au nombre des signes les plus préoccupants de ce phénomène, les Pères du Synode ont souligné en particulier l'expansion du divorce et du recours à une nouvelle union de la part des fidèles eux-mêmes; l'acceptation du mariage purement civil, en contradiction avec leur vocation de baptisés à «s'épouser dans le Seigneur»; la célébration du mariage-sacrement sans foi vivante, mais pour d'autres motifs; le refus de normes morales qui éclairent et soutiennent l'exercice humain et chrétien de la sexualité dans le mariage.

Notre époque a besoin de sagesse

8. Toute l'Eglise a le devoir de réfléchir et de s'engager en profondeur afin que la nouvelle culture qui apparaît soit intimement évangélisée, que soient reconnues les vraies valeurs, que soient défendus les droits de l'homme et de la femme et que la justice soit promue dans les structures mêmes de la société. Ainsi, le «nouvel humanisme» ne détournera pas les hommes de leurs rapports avec Dieu, mais il les y conduira de facon plus plénière.

Dans la construction d'un tel humanisme, la science et ses applications techniques offrent de nouvelles et immenses possibilités. Cependant, la science, par suite de choix politiques qui déterminent l'orientation de la recherche et ses applications, est fréquemment utilisée contre sa signification originelle, la promotion de la personne humaine.

Il est donc nécessaire que tous reprennent conscience du primat des valeurs morales: elles sont celles de la personne humaine comme telle. La compréhension du sens ultime de la vie et de ses valeurs fondamentales est le grand défi qui s'impose aujourd'hui en vue du renouvellement de la société. Seul le sentiment du primat de ces valeurs permet d'utiliser les immenses possibilités mises par la science dans les mains de l'homme de manière à promouvoir vraiment la personne humaine dans sa vérité tout entière, dans sa liberté et dans sa dignité. La science est appelée à s'unir à la sagesse.

On peut donc appliquer aussi aux problèmes de la famille les termes du Concile Vatican II: «Plus que toute autre, notre époque a besoin d'une telle sagesse, pour humaniser ses propres découvertes, quelles qu'elles soient. L'avenir du monde serait en péril, si elle ne savait pas se donner des sages»(17).

L'éducation de la conscience morale, qui rend chaque homme capable de juger et de discerner les moyens adéquats pour se réaliser selon sa vérité originelle, devient ainsi une exigence prioritaire à laquelle on ne peut renoncer.

C'est l'alliance avec la divine Sagesse qui doit être fortement scellée à nouveau dans la culture contemporaine. Chaque homme est rendu participant de cette Sagesse par le geste créateur de Dieu lui-même. Et c'est seulement dans la fidélité à cette alliance que les familles d'aujourd'hui seront en mesure d'exercer une influence positive sur la construction d'un monde plus juste et plus fraternel.

Gradualité et conversion

9. A l'injustice qui vient du péché - celui-ci ayant pénétré profondément les structures du monde d'aujourd'hui - et qui empêche souvent la famille de se réaliser vraiment elle-même et d'exercer ses droits fondamentaux, nous devons tous nous opposer par une conversion de l'esprit et du cœur qui implique de suivre le Christ crucifié en renonçant à son propre égoisme: une telle conversion ne peut pas ne pas avoir une influence bénéfique et rénovatrice même sur les structures de la société.

Il faut une conversion continuelle, permanente, qui, tout en exigeant de se détacher intérieurement de tout mal et d'adhérer au bien dans sa plénitude, se traduit concrètement en une démarche conduisant toujours plus loin. Ainsi se développe un processus dynamique qui va peu à peu de l'avant grâce à l'intégration progressive des dons de Dieu et des exigences de son amour définitif et absolu dans toute la vie personnelle et sociale de l'homme. C'est pourquoi un cheminement pédagogique de croissance est nécessaire pour que les fidèles, les familles et les peuples, et même la civilisation, à partir de ce qu'ils ont déjà reçu du mystère du Christ, soient patiemment conduits plus loin, jusqu'à une conscience plus riche et à une intégration plus pleine de ce mystère dans leur vie.

Inculturation

10. Il est conforme à la tradition constante de l'Eglise d'accueillir à partir des cultures des peuples tout ce qui est susceptible de mieux exprimer les inépuisables richesses du Christ(18). Et ce n'est qu'avec le concours de toutes les cultures que ces richesses pourront se manifester toujours plus clairement et que l'Eglise pourra cheminer vers une connaissance chaque jour plus complète et plus approfondie de la vérité, qui lui a déjà été entièrement donnée par son Seigneur.

En tenant ferme le double principe de la compatibilité avec l'Evangile des diverses cultures à assumer et de la communion avec l'Eglise universelle, on devra poursuivre l'étude - cela vaut particulièrement pour les Conférences épiscopales et les dicastères compétents de la Curie romaine - et l'action pastorale, de sorte que cette «inculturation» de la foi chrétienne se réalise d'une manière toujours plus vaste, même dans le domaine du mariage et de la famille.

Par cette «inculturation», on se dirige vers la reconstitution plénière de l'alliance avec la Sagesse de Dieu, qui est le Christ lui-même. L'Eglise s'enrichira aussi de toutes les cultures qui, bien que manquant de technologie, sont riches de sagesse humaine et vivifiées par de grandes valeurs morales.

Pour que soit clair le but de ce cheminement et que, par conséquent, la route soit indiquée avec certitude, le Synode a, en premier lieu et à juste titre, considéré à fond le projet originel de Dieu à propos du mariage et de la famille; il a voulu «revenir au commencement» pour respecter l'enseignement du Christ(19).

DEUXIÈME PARTIE

LE DESSEIN DE DIEU
SUR LE MARIAGE ET SUR LA FAMILLE

L'homme, image du Dieu Amour

11. Dieu a créé l'homme à son image et à sa ressemblance(20): en l'appelant à l'existence par amour, il l'a appelé en même temps à l'amour.

Dieu est amour(21) et il vit en lui-même un mystère de communion personnelle d'amour. En créant l'humanité de l'homme et de la femme à son image et en la conservant continuellement dans l'être, Dieu inscrit en elle la vocation, et donc la capacité et la responsabilité correspondantes, à l'amour et à la communion(22). L'amour est donc la vocation fondamentale et innée de tout être humain.

Puisque l'homme est un esprit incarné, c'est-à-dire une âme qui s'exprime dans un corps et un corps animé par un esprit immortel, il est appelé à l'amour dans sa totalité unifiée. L'amour embrasse aussi le corps humain et le corps est rendu participant de l'amour spirituel.

La Révélation chrétienne connaît deux façons spécifiques de réaliser la vocation à l'amour de la personne humaine, dans son intégrité: le mariage et la virginité. L'une comme l'autre, dans leur forme propre, sont une concrétisation de la vérité la plus profonde de l'homme, de son «être à l'image de Dieu».

En conséquence, la sexualité, par laquelle l'homme et la femme se donnent l'un à l'autre par les actes propres et exclusifs des époux, n'est pas quelque chose de purement biologique, mais concerne la personne humaine dans ce qu'elle a de plus intime. Elle ne se réalise de façon véritablement humaine que si elle est partie intégrante de l'amour dans lequel l'homme et la femme s'engagent entièrement l'un vis-à-vis de l'autre jusqu'à la mort. La donation physique totale serait un mensonge si elle n'était pas le signe et le fruit d'une donation personnelle totale, dans laquelle toute la personne, jusqu'en sa dimension temporelle, est présente. Si on se réserve quoi que ce soit, ou la possibilité d'en décider autrement pour l'avenir, cela cesse déjà d'être un don total.

Cette totalité, requise par l'amour conjugal, correspond également aux exigences d'une fécondité responsable: celle-ci, étant destinée à engendrer un être humain, dépasse par sa nature même l'ordre purement biologique et embrasse un ensemble de valeurs personnelles dont la croissance harmonieuse exige que chacun des deux parents apporte sa contribution de façon permanente et d'un commun accord.

Le «lieu» unique, qui rend possible cette donation selon toute sa vérité, est le mariage, c'est-à-dire le pacte d'amour conjugal ou le choix conscient et libre par lequel l'homme et la femme accueillent l'intime communauté de vie et d'amour voulue par Dieu lui-même(23), et qui ne manifeste sa vraie signification qu'à cette lumière. L'institution du mariage n'est pas une ingérence indue de la société ou de l'autorité, ni l'imposition extrinsèque d'une forme; elle est une exigence intérieure du pacte d'amour conjugal qui s'affirme publiquement comme unique et exclusif pour que soit vécue ainsi la pleine fidélité au dessein du Dieu créateur. Cette fidélité, loin d'amoindrir la liberté de la personne, la met à l'abri de tout subjectivisme et de tout relativisme, et la fait participer à la Sagesse créatrice.

Le mariage et la communion
entre Dieu et les hommes

12. La communion d'amour entre Dieu et les hommes, contenu fondamental de la Révélation et de l'expérience de foi d'Israël, trouve une expression significative dans l'alliance nuptiale réalisée entre l'homme et la femme.

C'est ainsi que les mots essentiels de la Révélation, à savoir «Dieu aime son peuple», sont prononcés également au moyen des termes vivants et concrets par lesquels l'homme et la femme se disent leur amour conjugal. Leur lien d'amour devient l'image et le symbole de l'Alliance qui unit Dieu et son peuple(24). Même le péché qui peut blesser le pacte conjugal devient image de l'infidélité du peuple envers son Dieu: l'idolâtrie est un prostitution(25), l'infidélité est un adultère, la désobéissance à la loi est un abandon de l'amour nuptial du Seigneur. Mais l'infidélité d'Israël ne détruit pas la fidélité éternelle du Seigneur, et par conséquent l'amour toujours fidèle de Dieu est présenté comme exemplaire pour les relations d'amour fidèle qui doivent exister entre les époux(26).

Jésus-Christ, époux de l'Eglise,
et le sacrement de mariage

13. La communion entre Dieu et les hommes trouve son accomplissement définitif en Jésus-Christ, l'époux qui aime et qui se donne comme Sauveur de l'humanité en se l'unissant comme son corps.

Il révèle la vérité originelle du mariage, la vérité du «commencement»(27) et, en libérant l'homme de la dureté du cœur, le rend capable de la réaliser entièrement.

Cette révélation parvient à la plénitude définitive dans le don d'amour que le Verbe de Dieu fait à l'humanité en assumant la nature humaine et dans le sacrifice que Jésus-Christ fait de lui-même sur la croix pour son Epouse, l'Eglise. Dans ce sacrifice se manifeste entièrement le dessein que Dieu a imprimé dans l'humanité de l'homme et de la femme depuis leur création(28); le mariage des baptisés devient ainsi le symbole réel de l'alliance nouvelle et éternelle, scellée dans le sang du Christ. L'Esprit, que répand le Seigneur, leur donne un cœur nouveau et rend l'homme et la femme capables de s'aimer, comme le Christ nous a aimés. L'amour conjugal atteint cette plénitude à laquelle il est intérieurement ordonné, la charité conjugale: celle-ci est la façon propre et spécifique dont les époux participent à la charité du Christ se donnant lui-même sur la croix, et sont appelés à la vivre.

Dans une page à juste titre fameuse, Tertullien a bien exprimé la grandeur et la beauté de cette vie conjugale dans le Christ: «Où vais-je puiser la force de décrire de manière satisfaisante le bonheur du mariage que l'Eglise ménage, que confirme l'offrande, que scelle la bénédiction; les anges le proclament, le Père céleste le ratifie... Quel couple que celui de deux chrétiens, unis par une seule espérance, un seul désir, une seule discipline, le même service! Tous deux enfants d'un même père, serviteurs d'un même maître; rien ne les sépare, ni dans l'esprit ni dans la chair; au contraire, ils sont vraiment deux en une seule chair. Là où la chair est une, un aussi est l'esprit»(29).

En accueillant et en méditant fidèlement la Parole de Dieu, l'Eglise a solennellement enseigné et enseigne que le mariage des baptisés est l'un des sept sacrements de la Nouvelle Alliance(30).

Car, par le baptême, l'homme et la femme sont définitivement insérés dans la nouvelle et éternelle Alliance, Alliance nuptiale du Christ avec l'Eglise. C'est en raison de cette insertion indestructible que la communauté intime de vie et d'amour conjugal fondée par le Créateur(31) a été élevée et assumée dans la charité nuptiale du Christ, soutenue et enrichie par sa force rédemptrice.

En vertu de la sacramentalité de leur mariage, les époux sont liés l'un à l'autre de la façon la plus indissoluble. S'appartenant l'un à l'autre, ils représentent réellement, par le signe sacramentel, le rapport du Christ à son Eglise.

Les époux sont donc pour l'Eglise le rappel permanent de ce qui est advenu sur la croix. Ils sont l'un pour l'autre et pour leurs enfants des témoins du salut dont le sacrement les rend participants. Le mariage, comme tout sacrement, est un mémorial, une actualisation et une prophétie de l'événement du salut. «Mémorial, le sacrement leur donne la grâce et le devoir de faire mémoire des grandes œuvres de Dieu et d'en témoigner auprès de leurs enfants; actualisation, il leur donne la grâce et le devoir de mettre en œuvre dans le présent, l'un envers l'autre et envers leurs enfants, les exigences d'un amour qui pardonne et qui rachète; prophétie, il leur donne la grâce et le devoir de vivre et de témoigner l'espérance de la future rencontre avec le Christ»(32).

Comme chacun des sept sacrements, le mariage est aussi un symbole réel de l'événement du salut, mais à sa manière propre. «Les époux y participent en tant qu'époux, à deux, comme couple, à tel point que l'effet premier et immédiat du mariage (res et sacramentum) n'est pas la grâce surnaturelle elle-même, mais le lien conjugal chrétien, une communion à deux typiquement chrétienne parce que représentant le mystère d'incarnation du Christ et son mystère d'alliance. Et le contenu de la participation à la vie du Christ est aussi spécifique: l'amour conjugal comporte une totalité où entrent toutes les composantes de la personne - appel du corps et de l'instinct, force du sentiment et de l'affectivité, aspiration de l'esprit et de la volonté -; il vise une unité profondément personnelle, celle qui, au-delà de l'union en une seule chair, conduit à ne faire qu'un cœur et qu'une âme; il exige l'indissolubilité et la fidélité dans la donation réciproque définitive; et il s'ouvre sur la fécondité (cf. encyclique Humanae vitae, n. 9). En un mot, il s'agit bien des caractéristiques normales de tout amour conjugal naturel, mais avec une signification nouvelle qui, non seulement les purifie et les consolide, mais les élève au point d'en faire l'expression de valeurs proprement chrétiennes»(33).

Les enfants,
don très précieux du mariage

14. Selon le dessein de Dieu, le mariage est le fondement de cette communauté plus large qu'est la famille, puisque l'institution même du mariage et l'amour conjugal sont ordonnés à la procréation et à l'éducation des enfants dans lesquels ils trouvent leur couronnement(34).

Dans sa réalité la plus profonde, l'amour est essentiellement don, et l'amour conjugal, en amenant les époux à la «connaissance» réciproque qui fait qu'ils sont «une seule chair»(35), ne s'achève pas dans le couple; il les rend en effet capables de la donation la plus grande qui soit, par laquelle ils deviennent coopérateurs avec Dieu pour donner la vie à une autre personne humaine. Ainsi les époux, tandis qu'ils se donnent l'un à l'autre, donnent au-delà d'eux-mêmes un être réel, l'enfant, reflet vivant de leur amour, signe permanent de l'unité conjugale et synthèse vivante et indissociable de leur être de père et de mère.

En devenant parents, les époux recoivent de Dieu le don d'une nouvelle responsabilité. Leur amour parental est appelé à devenir pour leurs enfants le signe visible de l'amour même de Dieu, «d'où vient toute paternité au ciel et sur la terre»(36).

Il ne faut cependant pas oublier que même dans les cas où la procréation est impossible, la vie conjugale garde toute sa valeur. La stérilité physique peut en effet être pour le couple l'occasion de rendre d'autres services importants à la vie de la personne humaine, tels que l'adoption, les oeuvres variées d'éducation, l'aide à d'autres familles, aux enfants pauvres ou handicapés.

La famille,
communion de personnes

15. Au sein du mariage et de la famille se tisse un ensemble de relations interpersonnelles - rapports entre conjoints, paternité-maternité, filiation, fraternité - à travers lesquelles chaque personne est introduite dans la «famille humaine» et dans la «famille de Dieu» qu'est l'Eglise.

Le mariage et la famille chrétienne construisent l'Eglise. Dans la famille en effet, la personne humaine n'est pas seulement engendrée et introduite progressivement, à travers l'éducation, dans la communauté humaine, mais grâce à la régénération du baptême et à l'éducation de la foi, elle est introduite également dans la famille de Dieu qu'est l'Eglise.

La famille humaine, désagrégée par le péché, est reconstituée dans son unité par la puissance rédemptrice de la mort et de la résurrection du Christ(37). Le mariage chrétien, qui participe à l'efficacité salvifique de cet événement, constitue le lieu naturel où s'accomplit l'insertion de la personne humaine dans la grande famille de l'Eglise.

La mission, donnée au commencement à l'homme et à la femme, de croître et de se multiplier atteint ainsi toute sa vérité et sa pleine réalisation.

Et l'Eglise trouve dans la famille, née du sacrement, son berceau et le lieu où elle peut accomplir sa propre insertion dans les générations humaines, et celles-ci, réciproquement, dans l'Eglise.

Mariage et virginité

16. La virginité et le célibat pour le Royaume de Dieu ne diminuent en rien la dignité du mariage, au contraire ils la présupposent et la confirment. Le mariage et la virginité sont les deux manières d'exprimer et de vivre l'unique mystère de l'Alliance de Dieu avec son peuple. Là où il n'y a pas d'estime pour le mariage, il ne peut pas y avoir non plus de virginité consacrée; là où l'on ne considère pas la sexualité humaine comme un grand don du Créateur, le fait d'y renoncer pour le Royaume des cieux perd son sens.

Saint Jean Chrysostome dit en effet très justement: «Dénigrer le mariage, c'est amoindrir du même coup la gloire de la virginité; en faire l'éloge, c'est rehausser l'admiration qui est due à la virginité et en accroître l'éclat. Car enfin, ce qui ne paraît un bien que par comparaison avec un mal ne peut être vraiment un bien, mais ce qui est mieux encore que des biens incontestés est le bien par excellence»(38).

Dans la virginité, l'homme est en attente, même dans son corps, des noces eschatologiques du Christ avec l'Eglise, et il se donne entièrement à l'Eglise dans l'espérance que le Christ se donnera à elle dans la pleine vérité de la vie éternelle. Il anticipe ainsi dans sa chair le monde nouveau de la résurrection à venir(39).

Grâce à ce témoignage, la virginité garde vivante dans l'Eglise la conscience du mystère du mariage et elle le défend contre toute atteinte à son intégrité et tout appauvrissement.

En rendant le cœur de l'homme particulièrement libre(40) «pour qu'il brûle davantage de l'amour de Dieu et de tous les hommes»(41), la virginité atteste que le Royaume de Dieu et sa justice sont cette perle précieuse que l'on doit préférer à toute autre valeur, si grande qu'elle soit, et qu'il faut même rechercher comme l'unique valeur définitive. C'est pour cela, en raison du lien tout à fait singulier de ce charisme avec le Royaume de Dieu, que l'Eglise, tout au long de son histoire, a toujours défendu sa supériorité par rapport à celui du mariage(42).

Tout en ayant renoncé à la fécondité physique, la personne vierge devient féconde spirituellement, père et mère d'un grand nombre, coopérant à la réalisation de la famille suivant le dessein de Dieu.

Les époux chrétiens ont donc le droit d'attendre des personnes vierges le bon exemple et le témoignage d'une fidélité à leur vocation jusqu'à la mort. De même que pour les époux la fidélité peut devenir parfois difficile et exiger sacrifice, mortification et oubli de soi, ainsi peut-il en être également pour les personnes vierges. Leur fidélité, même dans l'épreuve, doit édifier celle des époux(43).

Enfin, ces réflexions sur la virginité peuvent éclairer et aider ceux qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, n'ont pas pu se marier et ont accepté leur situation en esprit de service.

TROISIÈME PARTIE

LES DEVOIRS
DE LA FAMILLE CHRETIENNE

Famille, deviens ce que tu es!

17. Dans le dessein du Dieu Créateur et Redempteur, la famille découvre non seulement son «identité», ce qu'elle «est», mais aussi sa «mission», ce qu'elle peut et doit «faire». Les devoirs que la famille est appelée par Dieu à remplir dans l'histoire ont leur source dans son être propre et sont l'expression de son développement dynamique et existentiel. Chaque famille découvre et trouve en elle-même cet appel pressant, qui en même temps la définit dans sa dignité et sa responsabilité: famille, «deviens» ce que tu «es»!

Remonter à l'«origine» du geste créateur de Dieu devient alors une nécessité pour la famille si elle veut se connaître et se réaliser selon la vérité profonde non seulement de son être mais aussi au niveau de son action dans l'histoire. Et comme, selon le dessein de Dieu, elle est constituée en tant que «communauté profonde de vie et d'amour»(44), la famille a la mission de devenir toujours davantage ce qu'elle est, c'est-à-dire communauté de vie et d'amour dans une tension qui trouvera son achèvement - comme toute réalité créée et sauvée - dans le Royaume de Dieu. Dans une perspective qui rejoint les racines mêmes de la réalité, il faut dire que, en définitive, l'essence de la famille et ses devoirs sont définis par l'amour. C'est pourquoi la famille reçoit la mission de garder, de révéler et de communiquer l'amour, reflet vivant et participation réelle de I'amour de Dieu pour l'humanité et de l'amour du Christ Seigneur pour l'Eglise son Epouse.

Tout devoir particulier de la famille est expression de la réalisation concrète de cette mission fondamentale. Il est donc nécessaire de pénétrer plus profondément la singulière richesse de la mission de la famille et d'en faire ressortir les éléments à la fois multiples et un.

Dans cette optique, en partant de l'amour et en s'y référant sans cesse, le récent Synode a mis en lumière quatre devoirs principaux de la famille:

1) la formation d'une communauté de personnes;

2) le service de la vie;

3) la participation au développement de la société;

4) la participation à la vie et à la mission de l'Eglise.

I - LA FORMATION D'UNE COMMUNAUTE DE PERSONNES

L'amour, source et force
de la communion

18. La famille, fondée par amour et vivifiée par lui, est une communauté de personnes: les époux, homme et femme, les parents et les enfants, la parenté. Son premier devoir est de vivre fidèlement la réalité de la communion dans un effort constant pour promouvoir une authentique communauté de personnes.

Le principe interne, la force permanente et le but ultime d'un tel devoir, c'est l'amour: de même que sans amour la famille n'est pas une communauté de personnes, ainsi, sans amour, la famille ne peut vivre, grandir et se perfectionner en tant que communauté de personnes. Ce que j'ai écrit dans l'encyclique Redemptor hominis trouve son application originale et privilégiée d'abord dans la famille comme telle: «L'homme ne peut vivre sans amour. Il demeure pour lui-même un être incompréhensible, sa vie est privée de sens s'il ne reçoit pas la révélation de l'amour, s'il ne rencontre pas l'amour, s'il n'en fait pas l'expérience et s'il ne le fait pas sien, s'il n'y participe pas fortement»(45).

L'amour entre l'homme et la femme dans le mariage et en conséquence, de façon plus large, l'amour entre les membres de la même famille - entre parents et enfants, entre frères et sœurs, entre les proches et toute la parenté - sont animés et soutenus par un dynamisme intérieur incessant, qui entraîne la famille vers une communion toujours plus profonde et plus intense, fondement et principe de la communauté conjugale et familiale.

L'indivisible unité
de la communion conjugale

19. La première communion est celle qui s'établit et se développe entre les époux: en raison du pacte d'amour conjugal, l'homme et la femme «ne sont plus deux mais une seule chair»(46) et sont appelés à grandir sans cesse dans leur communion à travers la fidélité quotidienne à la promesse du don mutuel total que comporte le mariage.

Cette communion conjugale plonge ses racines dans la complémentarité naturelle qui existe entre l'homme et la femme, et se nourrit grâce à la volonté personnelle des époux de partager la totalité de leur projet de vie, ce qu'ils ont et ce qu'ils sont: en cela, une telle communion est le fruit et le signe d'une exigence profondément humaine. Mais dans le Christ Seigneur, Dieu prend cette exigence, il la confirme, la purifie et l'élève, la menant à sa perfection par le sacrement de mariage: l'Esprit Saint répandu au cours de la célébration sacramentelle remet aux époux chrétiens le don d'une communion nouvelle, communion d'amour, image vivante et réelle de l'unité tout à fait singulière qui fait de l'Eglise l'indivisible Corps mystique du Christ.

Le don de l'Esprit est règle de vie pour les époux chrétiens et il est en même temps souffle entraînant afin que croisse chaque jour en eux une union sans cesse plus riche à tous les niveaux - des corps, des caractères, des cœurs, des intelligences et des volontés, des âmes(47) -, révélant ainsi à l'Eglise et au monde la nouvelle communion d'amour donnée par la grâce du Christ.

La polygamie s'oppose radicalement à une telle communion: elle nie en effet de façon directe le dessein de Dieu tel qu'il nous a été révélé au commencement, elle est contraire à l'égale dignité personnelle de la femme et de l'homme, lesquels dans le mariage se donnent dans un amour total qui, de ce fait même, est unique et exclusif. Comme l'écrit le Concile Vatican II, «l'égale dignité personnelle qu'il faut reconnaître à la femme et à l'homme dans l'amour plénier qu'ils se portent l'un à l'autre fait clairement apparaître l'unité du mariage, confirmée par le Seigneur»(48).

Une communion indissoluble

20. La communion conjugale se caractérise non seulement par son unité, mais encore par son indissolubilité: «Cette union intime, don réciproque de deux personnes, non moins que le bien des enfants, exigent l'entière fidélité des époux et requièrent leur indissoluble unité»(49).

C'est un devoir fondamental pour l'Eglise d'affirmer encore et avec force - comme l'ont fait les Pères du Synode - la doctrine de l'indissolubilité du mariage: à ceux qui, de nos jours, pensent qu'il est difficile, voire impossible, de se lier à quelqu'un pour la vie, à ceux encore qui sont entraînés par une culture qui refuse l'indissolubilité du mariage et qui méprise même ouvertement l'engagement des époux à la fidélité, il faut redire l'annonce joyeuse du caractère définitif de cet amour conjugal, qui trouve en Jésus-Christ son fondement et sa force(50).

Enracinée dans le don plénier et personnel des époux et requise pour le bien des enfants, l'indissolubilité du mariage trouve sa vérité définitive dans le dessein que Dieu a manifesté dans sa Révélation: c'est Lui qui veut et qui donne l'indissolubilité du mariage comme fruit, signe et exigence de l'amour absolument fidèle que Dieu a pour l'homme et que le Seigneur Jésus manifeste à l'égard de son Eglise.

Le Christ renouvelle le dessein primitif que le Créateur a inscrit dans le cœur de l'homme et de la femme, et dans la célébration du sacrement du mariage il offre «un cœur nouveau»: ainsi, non seulement les époux peuvent surmonter la «dureté du cœur»(51), mais aussi et surtout ils peuvent partager l'amour plénier et définitif du Christ, nouvelle et éternelle Alliance faite chair. De même que le Seigneur Jésus est le «témoin fidèle»(52), le «oui» des promesses de Dieu(53) et donc la réalisation suprême de la fidélité inconditionnelle avec laquelle Dieu aime son peuple, ainsi les époux chrétiens sont appelés à participer réellement à l'indissolubilité ir

publié le : 04 octobre 2014

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