Chers amis
L’Italie vient de connaître un nouveau tremblement de terre. Avec de très nombreuses répliques. Plusieurs jours après, la terre semble même ne pas vouloir se calmer, se reposer. Donner un peu de repos à ses habitants. Tremblement de terre plus violent et plus dévastateur que celui de l'Aquila, souvenez-vous, il y a sept ans. Le nombre de morts augmente chaque jour. Les répliques ne font qu'achever le sale travail commencé à 3h33, la nuit du 24 août 2016. Tournez le visage à droite ou à gauche, vous ne trouverez que dévastations, maisons, écoles, entreprises écroulées. Églises et chapelles effondrées : ces cloches ne sonneront plus !... . "Il ne reste pierre sur pierres". La beauté séculaire de ces villages d'Italie centrale laisse la place à un paysage de désolation ! La beauté séculaire de ces montagnes d'Italie centrale laisse, en quelques instants, la place à des montagnes de maisons écroulées, montagnes de gravats ! La mort a frappé. En quelques secondes. En quelques secondes la terre a tremblé et a tout dévasté. Tout détruit, sur place. En pleine nuit. La terre a tué. Des familles entières arrachées à la vie.
Des villages entiers en ruines, rayés de la carte. Il ne reste que poussière. Que poussière. Cette terrible poussière qui vous prend la gorge et descend jusqu'aux poumons, vous empêchant de respirer. Poussière qui vous asphyxie. Cette poussière qui vous aveugle. Il ne reste que poussière.
Là-bas, on entend des cris : la vie est retenue à un souffle. La vie est retenue à l'intervention de sauveteurs qui ne ménagent pas leurs efforts. La vie cette nuit-là, c'est un cri lancé : "O mort, où donc est ta victoire ?" La vie, au cœur de la nuit, dévastée. Cette nuit, "un sera pris, l'autre laissé", dit l’Evangile. Cette nuit, nos lampes ne peuvent même plus s'allumer, même plus éclairer. Elles semblent définitivement éteintes. Sous une maison écroulée, deux petites filles enlacées. L'une sera prise, l'autre sera laissée. C'est la nuit. Ici, des cris, des gémissements de femmes, d'enfants, de vieillards... prisonniers sous des montagnes de gravats. Là, du linge qui sèche. Non loin de là, un crucifix, intact. Il sera le crucifix de l'improvisée cathédrale dans le gymnase du village, pour la Messe d'enterrement de dizaines de nos frères et sœurs. A l'autre bout du village, une statue de la Sainte Vierge, intacte.
Bon pasteur, Mgr d'Ercole, se rend immédiatement sur place. C'est la nuit. Ah, si un peu de lumière pouvait nous être donnée pour rejoindre ces personnes prises en embuscades, se trouvant entre la vie et la mort. Ah, si quelques mains pouvaient être tendues et aller rejoindre celles qui se tendent de dessous les pierres, pour accompagner le dernier souffle d'un papa, d'une maman. D'un grand-père. D'un enfant. D'une religieuse. D'une femme enceinte. Simplement, tout simplement pour ne pas mourir seul. Ah, si quelques mains pouvaient se tendre pour me donner à boire ; pour verser quelques gouttes d'eau sur mon visage. Pour recevoir quelques confidences au cœur de la nuit, venue arracher la vie.
Mon cœur de père est blessé. Déchiré. Mon peuple que j'aime, le voilà en pleine nuit, en quelques secondes, projeté sur la Croix de Jésus. La Croix que je porte autour du cou comme Evêque, comme elle est lourde cette nuit ! Nuit de douleurs, de souffrances. Il fait nuit. Je n'ai que sueur et larmes qui s'entremêlent et coulent sur mon visage alors que je parcours les gravats. Ici, ce sont deux jeunes ensevelis. J'entends leurs gémissements. Je m'agenouille auprès d'eux, et leur donne l'absolution. Là, un réconfort auprès d'une personne âgée sortie des gravats grâce aux secours. La vie semble être tombée comme dans une embuscade. Ces âmes nombreuses, trop nombreuses, qui viennent de paraître devant Dieu, qui vont paraître devant Dieu. Mes frères et sœurs, sont-ils prêts ?
Ce tremblement de terre est-il l’œuvre du démon qui passe son temps à nous faire croire qu’il n’existe pas et envahit toujours davantage nos vies, la pourrissant du dedans ? Dois-je exorciser mon diocèse ? Ce tremblement de terre, est-ce la nature qui ne pardonne pas tout ce que nous lui faisons subir au profit de l’argent ? Ce tremblement de terre, est-ce la colère de Dieu ? Est-ce une punition de Dieu ? Et alors, pourquoi sur des innocents ?
"Dieu, toi qui es notre Père, où étais-tu cette nuit-là ? Que faisais-tu ? Pourquoi ton silence ? Ton absence ? Pourquoi laisser faire la nature que tu as toi-même créée bonne ? Pourquoi ne pas intervenir ? Pourquoi permets-tu cela ? Pourquoi ? Pour quoi ? Que faire maintenant?" Questions posées par Mgr d'Ercole lors de son homélie de la Messe d'enterrement samedi 27 août.
"Toi Evêque, ne nous réponds pas avec tes réponses de curés, toutes faites, l'habituel"Dieu est amour."
Chers amis, soyons vrais un instant. Permettez-moi de me mettre du côté de Dieu. Quel regard pose Dieu sur nous, à travers cette épreuve ? A travers nos épreuves. Permettons à Dieu notre Père, en cet instant, de frapper à la porte de notre âme, de notre conscience. Et toi, homme, où es-tu ? Toi que j'ai créé à mon image et ma ressemblance, où es-tu ? Toi que j'ai créé par amour et appelé à partager ma vie, mon intimité, dès cette terre, avant de la vivre pleinement ans le Ciel, où es-tu ? Toi que j’ai sauvé du péché, où es-tu ? Toi homme, femme, créés à mon image et ressemblance, où es-tu ? Te laisses-tu approche par mon Amour ? Acceptes-tu que le Salut offert gratuitement par mon Fils sur la Croix puisse venir te rejoindre dans ta vie et le laisser jaillir au cours de ton existence ? Homme, où es-tu ? Qu'as-tu fais-tu don de mon Amour ? Qu'as-tu fait du don de la vie ? Qu'as-tu fait de la Création ? Qu'en as-tu fait ?
Un tremblement de terre extérieur n'est-il pas le reflet d'un tremblement de terre intérieur ? La mort extérieure n'est-elle pas le reflet de la mort de l'âme ? Les gravats extérieurs ne sont-ils pas le reflet des gravats présents dans ton âme, par ta course à convoiter sans trêve l’éphémère ? La poussière extérieure qui va jusqu'à asphyxier tes poumons, n'est-elle pas le reflet de la poussière intérieure du relativisme, du nihilisme, du positivisme qui asphyxie petit à petit ton intelligence jusqu'à la mener au refus de Dieu, de la Vérité ... et à agir contre Dieu et contre l'homme ; pour finir par se retourner contre toi-même ? Les gravats, la poussière extérieure, n’est-ce pas le reflet de l’apostasie silencieuse ou publique de la foi ? La désolation extérieure n’est-elle pas le reflet de la désolation intérieure de l’âme fatiguée, épuisée par les mirages ambiants pensant
se passer de Dieu au quotidien ? Le vide extérieur, les ruines extérieures ne sont-elles pas le reflet de ta vie construite sans moi, trop souvent sans moi ; ou même contre moi ? N'est-ce pas le reflet d’une société construite contre son Créateur, contre la grammaire commune à tous les hommes inscrite dans la conscience de chaque personne humaine depuis le matin du monde ?
Un tremblement de terre extérieur avec ses innombrables destructions, gravats, poussière, n'est-il pas le cri des entrailles de la terre face aux entrailles de tant de femmes, de tant de mères devenues des tombeaux par l'avortement au lieu d’être des berceaux de la vie ? … "La voix du sang de ton frère crie de la terre vers moi" (Gn 4,10-11) Ces Rachel d'aujourd'hui, qui pleurent leurs enfants parce qu'ils ne sont plus (Jér 3,15)... et qui trouvent encore trop peu d'écoute, de consolation ! Face à la lâcheté de tant d’hommes qui fuient leur responsabilité ? Face au silence de trop de serviteurs de l’Evangile à ne pas annoncer l’Evangile de la Vie et de la Famille comme Dieu nous l’a appris et donné ?
- "Dieu, pourquoi ton silence ? Pourquoi ton absence ? Pourquoi nous as-tu abandonnés ?"
- Jésus : permets-moi de te prendre sur mes épaules, comme j'ai pris tant de brebis égarées, perdues, révoltées, dans le doute ou l'angoisse. Permets-moi de te prendre sur mes épaules. Écoute ma voix : "N'es-tu pas bien avec moi ? N'étais-tu pas bien avec moi ? " A travers ta peine, ton extrême douleur, ta fatigue intérieure, ta lassitude intérieure : viens, je veux parler à ton cœur. Viens, je veux te donner mon Pardon. Je connais tes blessures, tes refus, ton orgueil. Viens, mets-toi à genoux un instant. Un tout petit instant... Permets-moi de faire jaillir la vie là où la mort a frappé.

Chers amis, les sismologues peuvent-ils tout prévoir ? La Science peut-elle tout nous expliquer ? La raison peut-elle nous expliquer pourquoi cette colère grandissante de la nature au fur et à mesure des dernières décennies ? Le journal télévisé peut-il répondre à toutes nos questions profondes ? Soyons vrais. Benoit XVI posait cette question : "Quel avenir voulons-nous pour nos enfants" ?Avec Dieu ou sans Dieu ? ...Si nous continuons à priver nos enfants de la Vie de Dieu, de les priver de l’annonce du Royaume, de la Vie Eternelle et du salut de leurs âmes ; si nous continuons à les infantiliser au lieu de les forger à prendre leurs responsabilités envers Dieu, envers la personne humaine, envers la Création… la terre continuera de crier depuis ses entrailles. De nous laisser ruines, gravats, poussière. Comprenons que nous devons convertir notre cœur, notre vie, des entrailles de la colère, à celles de la Miséricorde !
"Émerge avec une force dramatique la question fondamentale de savoir si l’homme s’est produit lui-même ou s’il dépend de Dieu.", demande Benoit XVI (CV,74) "Sans Dieu, l’homme ne sait où aller et ne parvient même pas à comprendre qui il est." (CV 78) Car "Dieu révèle l’homme à l’homme; la raison et la foi collaborent pour lui montrer le bien, à condition qu’il veuille bien le voir" (CV,74)
« Le tremblement de terre peut tout enlever, excepté le courage de la foi. Je sais, je sens que Dieu est Père. Dieu est un Père qui ne peut jamais renier sa paternité. Lançait d’une voix forte et émue, Mgr d’Ercole, samedi 27 août, lors de la Messe. Avant de conclure, en s'adressant aux nombreux jeunes présents : "C'est seulement la foi qui nous enseigne comment dépasser cette épreuve. Notre foi, notre difficile foi nous indique comment reprendre le chemin : les pieds sur terre et le visage tourné vers le Ciel... Alors, nos maisons, oui, nous les reconstruirons. Alors, les cloches sonneront à nouveau"
Abbé Lelièvre - 28.8.2016