Vie spirituelle

Si je n'ai pas la charité _ Padre R.Cantalamessa - 28 janvier 2007


« Si je n'ai pas la charité... » : Méditation du père Cantalamessa
Homélie sur la deuxième lecture du dimanche 28 janvier


Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 12,31.13,1-13


« Si je n'ai pas la charité »

Nous consacrons notre réflexion à la deuxième lecture qui contient un message très important. Il s'agit du célèbre hymne de saint Paul à la charité. « Charité » est le terme religieux signifiant « amour ». Il s'agit donc d'un hymne à l'amour, peut-être le plus célèbre et le plus sublime ayant jamais été écrit.

Lorsque le christianisme apparut sur la scène du monde, divers auteurs avaient déjà chanté l'amour. Le plus célèbre était Platon qui avait écrit un traité entier sur ce thème. Le nom commun de l'amour était alors eros (d'où viennent nos termes « érotique » et « érotisme »). Le christianisme sentit que cet amour passionnel de recherche et de désir ne suffisait pas pour exprimer la nouveauté du concept biblique. Il évita donc complètement le terme eros et le remplaça par celui de agape, qui devrait se traduire par « amour spirituel » ou par « charité », si ce terme n'avait pas désormais acquis un sens trop restreint (faire la charité, oeuvre de charité).

La principale différence entre les deux amours est la suivante : l'amour de désir, ou érotique, est exclusif ; il se consume entre deux personnes ; l'ingérence d'une troisième personne signifierait sa fin, la trahison. Parfois l'arrivée même d'un enfant parvient à mettre en crise ce type d'amour. L'amour de don, ou agape embrasse en revanche toute personne, il n'en exclut aucune, pas même l'ennemi. La formule classique du premier amour est celle que nous entendons sur les lèvres de Violetta dans la Traviata de Verdi : « Aime-moi Alfredo, aime-moi autant que je t'aime ». La formule classique de la charité est celle de Jésus qui dit : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Il s'agit d'un amour fait pour circuler, pour se diffuser.

Il existe une autre différence : l'amour érotique, dans sa forme la plus typique qui est l'état amoureux, ne dure pas, de par sa nature, ou ne dure qu'en changeant d'objet, c'est-à-dire en tombant successivement amoureux de différentes personnes. Saint Paul dit en revanche que la charité « demeure », que c'est même la seule chose qui demeure éternellement, et qui demeurera même lorsque la foi et l'espérance auront disparu.

Entre ces deux amours - celui de recherche et de don - il n'existe toutefois pas de séparation nette et d'opposition, mais plutôt un développement, une croissance. Le premier, l'eros est pour nous le point de départ, le deuxième, la charité est le point d'arrivée. Entre les deux existe tout un espace pour une éducation à l'amour et pour grandir dans l'amour. Prenons le cas le plus commun qui est l'amour du couple. Dans l'amour entre deux époux, au début dominera l'eros, l'attrait, le désir réciproque, la conquête de l'autre, et donc un certain égoïsme. Si, chemin faisant, cet amour ne s'efforce pas de s'enrichir d'une dimension nouvelle, faite de gratuité, de tendresse réciproque, de capacité à s'oublier pour l'autre et se projeter dans les enfants, nous savons tous comment il se terminera.

Le message de Paul est d'une grande actualité. L'ensemble du monde du spectacle et de la publicité semble s'être aujourd'hui engagé à enseigner aux jeunes que l'amour se réduit à l'eros et l'eros au sexe ; que la vie est une idylle permanente, dans un monde où tout est beau, jeune, sain, où la vieillesse et la maladie n'existent pas, et où tous peuvent dépenser autant qu'ils le désirent. Mais ceci est un mensonge colossal qui génère des attentes disproportionnées qui, déçues, provoquent des frustrations, des rébellions contre la famille et la société et ouvrent souvent la voie au crime. La parole de Dieu nous aide à faire en sorte que le sens critique ne s'éteigne pas complètement chez les personnes, face à ce qui leur est servi quotidiennement.
ZF07012605

Sommaire documents

t>