Vie spirituelle

Pentecôte ou Babel ? - Père Raniero Cantalamessa 4.6.2006


Homélie du dimanche 4 juin 2006 du Père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.


Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 20, 19-23




Pentecôte ou Babel ?

Le sens de la Pentecôte est entièrement contenu dans la phrase des Actes des Apôtres : « Alors ils furent tous remplis de l'Esprit Saint ». Que signifie : ils furent « remplis de l'Esprit Saint », et qu'éprouvèrent les apôtres à ce moment-là ? Ils firent une expérience bouleversante de l'amour de Dieu, ils se sentirent inondés par l'amour, comme par un océan. C'est ce qu'affirme saint Paul lorsqu'il dit que « l'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5). Tous ceux qui ont fait une forte expérience de l'Esprit Saint confirment cela. Le premier effet produit par l'Esprit Saint lorsqu'il vient sur une personne est de la faire se sentir aimée de Dieu d'un amour infini, rempli d'une immense tendresse.

Le phénomène des langues est le signe qu'une chose nouvelle s'est produite dans le monde. Il est surprenant que le fait de parler en « d'autres langues », au lieu d'engendrer la confusion, crée au contraire une merveilleuse entente et unité. De cette manière l'Ecriture a voulu souligner le contraste entre la tour de Babel et la Pentecôte. A Babel tous parlent la même langue et, à un moment donné, plus personne ne comprend l'autre et c'est la confusion des langues ; à la Pentecôte, tous parlent des langues différentes et tous se comprennent.

Comment cela se fait-il ? Pour le comprendre il suffit de voir de quoi parlent les constructeurs de Babel et de quoi parlent les apôtres à la Pentecôte. Les premiers se disent entre eux : « Allons ! bâtissons une ville, avec une tour dont le sommet soit dans les cieux. Nous travaillerons à notre renommée, pour n'être pas dispersés sur toute la terre » (Gn 11, 4). Ces hommes sont animés par une volonté de puissance. Ils veulent se faire « une réputation », ils recherchent leur propre gloire. A la Pentecôte, les apôtres proclament en revanche « les grandes oeuvres de Dieu ». Ils ne pensent pas à travailler à leur renommée mais à celle de Dieu ; ils ne cherchent pas à s'affirmer personnellement, mais à affirmer Dieu. C'est pour cette raison que tout le monde les comprend. Dieu est revenu au centre ; la volonté de puissance a fait place à la volonté de servir, la loi de l'égoïsme à celle de l'amour.

Il y a là un message d'une importance vitale pour le monde d'aujourd'hui. Nous vivons à l'époque de la communication de masse. Les « moyens de communication » sont les grands acteurs du moment. Cela marque un immense progrès mais comporte également un risque. De quelle communication s'agit-il donc ? D'une communication exclusivement horizontale, superficielle, souvent manipulée et vénale, c'est-à-dire utilisée pour gagner de l'argent. Le contraire en somme d'une information créative, à la source, qui émet dans le cycle des informations, des contenus qualitativement nouveaux et qui aide à creuser en profondeur en nous-mêmes et dans les événements. La communication devient un échange de pauvretés, d'angoisses, d'insécurités et d'appels à l'aide non entendus. Un dialogue de sourds. Plus la communication se développe et plus on fait l'expérience l'incommunicabilité.

Redécouvrir le sens de la Pentecôte chrétienne est la seule chose qui puisse sauver notre société moderne en l'empêchant de sombrer toujours davantage dans une Babel des langues. L'Esprit Saint introduit en effet dans la communication humaine le mode et la loi de la communication divine qui est la piété et l'amour. Pourquoi Dieu communique-t-il avec les hommes, s'attarde-t-il et parle-t-il avec eux, tout au long de l'histoire du salut ? Seulement par amour, car le bien est par nature « communicatif ». Dans la mesure où il est accueilli, l'Esprit Saint purifie les eaux polluées de la communication humaine, en fait un authentique instrument d'enrichissement, de partage et de solidarité.

Chacune de nos initiatives civile ou religieuse, privée ou publique se trouve devant un choix : elle peut être Babel ou Pentecôte. Elle est Babel si elle est dictée par l'égoïsme et la recherche du pouvoir ; elle est Pentecôte si elle est dictée par l'amour et le respect de la liberté de l'autre.
ZF06060205

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