Jean-Paul II de A à Z

Allemagne

 

1992

19 décembre 1992 - Aux Evêques d'Allemagne en Visite Ad Limina Apostolorum - ORFL 26.1.1993

  Chers frères dans l’Episcopat !

1- C’est avec une grande joie que je vous salue, pasteurs et évêques auxiliaires de la région du sud ouest et des diocèses de Fulda et Limbourg. Ma pensée se tourne vers tous les diocèses pour lesquels le Seigneur a ordonné que vous deveniez de « vrais et authentiques maîtres de la Foi » (Christus dominus, N. 2).

           A travers vous, je salue aussi vos prètres, les religieux et les laïcs, qui contribuent, dans votre région bien-aimée, avec dévouement et non sans sacrifice, à la construction du Royaume de Dieu. Vous avez apporté à Rome, au siège du successeur de Saint Pierre, vos préoccupations et vos craintes, vos désirs et vos espoirs, pour confirmer chacun dans la foi et donner ainsi une nouvelle vigueur à l’ardeur évangélisatrice dont vous êtes animés, à travers l’exemple et l’intercession des apôtres Pierre et Paul. Les rencontres personnelles avec chacun de vous, qui culminent maintenant dans cette rencontre collective, ont contribué à renforcer les liens d’union et de fraternité avec l’Evêque de Rome, qui « préside dans la charité » cette réunion.

 

2- Je remercie l’Archevêque de Fribourg pour les affectueuses paroles de salut et de présentation de votre groupe. Je désire également exprimer ma gratitude pour votre sollicitude pour obtenir et renforcer l’unité et la communion au sein de l’Église et à l’intérieur de votre Conférence épiscopale. Vous connaissez personnellement l’importance du témoignage d’unité et d’aide réciproque dans l’esprit d’amour fraternel et de solidarité apostolique, selon les paroles du Concile Vatican II : « De notre temps surtout, il n’est pas rare que les évêques ne puissent accomplir leur charge convenablement et avec fruit, s’ils ne réalisent pas avec les autres évêques une concorde chaque jour plus étroite et una action plus coordonnée » (Christus dominus, n. 37).

            Unité et collaboration sont toujours la clef de voûte de l’action concernant le soin pastoral des âmes. Nous devons toujours suivre davantage ces principes ecclésiologiques selon l’exhortation de la lettre aux Ephésiens, « organisant ainsi les frères pour l’oeuvre du ministère,en vue de la construction du Corps du Christ » (Ep 4,11). En outre, du moment que vous demandez, comme par le passé, le consensus collégial qui caractérise les rapports au sein de votre Conférence et avec vos frères dans l’Episcopat du monde entier, vous serez aussi en mesure à l’avenir d’accomplir les importantes tâches qui se présenteront. La prière du Seigneur « pour tous soient un » (Jn 17,21) doit devenir vivante à travers votre exemple chez vos prêtres, dans les ordres religieux, dans les paroisses et dans les familles. Si vous ne faites qu’un, vous pourrez réveiller votre espérance vitale et votre dynamisme et vous ne devrez pas vous abandonner à la commisération sur vous-même qui caractérise aujourd’hui, hélas, une partie de l’Église en Allemagne.

3 – En tant que Maîtres de la foi, vous avez souvent traité des thèmes qui sont actuels dans la vie de votre société. Les indications que vous avez données, par exemple, pour la défense de la vie méritent une profonde reconnaissance. Il est impossible de mentionner toutes les initiatives proposées, qui existent et qui ont trouvé un soutien dans la direction entreprise par le Président de votre Conférence. Je me réfère en particulier aux nombreuses initiatives  pour la vie, par les quelles les catholiques, les chrétiens appartenant à d’autres confessions et les hommes de bonne volonté, qui ne se reconnaissent  en aucune communauté religieuse, ont manifesté leur conviction que la valeur de la vie humaine est inviolable de l’instant de la conception jusqu’au moment de la mort naturelle. Cela a aussi été rendu possible par la prise de conscience que la raison de la valeur de la vie humaine réside dans son essence même et dans sa dignité naturelle, et ici aucune instance ecclésiastique n’est recherchée de façon particulière, mais une exigence de l’humanité et des droits de l’homme.

            Fondamentalement, on ne peut pas disposer de la vie humaine ; et puisque l’enfant à naître est un homme dès l’instant de sa conception, et pas seulement plus tard, on ne peut pas établir un terme fixe pour disposer de sa vie. Les termes temporels mettent en discussion le fait que le droit doit promouvoir la défense de la vie.

            Votre constitution commence par cette reconnaissance fondamentale et par cette déclaration : « La dignité de l’homme est inviolable ». Il existe cependant des situations ou cette reconnaissance ne semble plus être évidente. Vous ne devez pas vous laisser décourager lors des débats animés pour la défense de la vie et vous devez être conscients du fait que sur cette question in n’existe pas d’arguments modernes ou anciens, mais seulement des considérations justes ou erronées. Le critère de ces considérations doit toujours être le droit à la vie de l’homme, même de celui qui n’est pas encore visible, petit et sans possibilité de s’exprimer. Le droit à la vie dans so totalité et sa richesse donnée par Dieu ne peut jamais être nié aux plus faibles pour qu’un autre puisse jouir de ce droit. L’affirmation eschatologique de Jésus-Christ, qui est venu, « afin qu’ils aient la vie en abondance » (Jn 10,10) vaut assurément pour chaque type de vie.

            C’est avec une profonde satisfaction que j’ai appris vos efforts pour assister les femmes dans leurs souffrances, même si celles-ci ont peut-être pris une décision contre la vie à son stade initial. L’Église agit en faveur des femmes lorsqu’elle tente d’empêcher les interruptions de grossesse. Et l’Église agit ouvertement en faveur des femmes lorsqu’elle s’engage à créer dans notre société des conditions favorables aux enfants.

 

4 – Je voudrais affronter ici un autre défi, qui se présentera ces prochaines années, à nous, chrétiens d’Europe, et qui touche profondément la dignité de l’homme. Nous faisons l’expérience qu’un nombre toujours plus grand de personnes ne savent  pas affronter la mort ; leur vie est orientée de façon à l’éloigner. Nos sociétés modernes et sécularisées courent le risque d’éliminer de la vie personnelle, comme une norme, la souffrance, le vieillissement et la mort. Comme dans la vie rien n’est plus sûr que la mort (cf Si 8;14,12 ; Rm 5,12), nous observons, en conséquence de ce processus d’éloignement, un manque de préparation et une grande confusion à l’égard de la mort. Le délicat thème de l’euthanasie acquiert dans ce contexte une signification  entièrement nouvelle. En Europe, il semble qu’il y ait toujours plus de partisan de l’idée qu’il puisse être permis de mettre fin d’une manière consciente à sa propre vie ou à la vie d’un autre être humain. Le concept de l’euthanasie a perdu depuis longtemps, pour beaucoup de personnes, la connotation d’horreur que les atroces événements du plus sombre et plus triste chapitre de l’histoire de votre pays lui avait conférée. La gravité du suicide et du meurtre est à nouveau atténuée aujourd’hui par des noms comme mort libre et euthanasie.

            Peu de catholiques dans votre pays ont reconnu que les chrétiens ont l’important et précieux devoir d’assistance face à la mort, qui garantisse à l’homme sa propre dignité même au cours de l’ultime phase de sa vie. Une vie sans Dieu et, par conséquent, sans référence à l’éternité, doit capituler face à la mort. D’autre part, et en tant que chrétiens, nous savons que la mort a un sens et qu’elle n’est pas la fin puisque « nous recevrons un édifice qui est l’oeuvre de Dieu, une maison éternelle qui n’est pas faite de main d’homme, dans les cieux » (2 Co 5,1 ; cf 1 Co 15,21; Ph 1,20).

            Mes remerciements et nos encouragements s’adressent à tous les chrétiens qui ravivent l’engagement ancien mais toujours actuel pour les centres d’assistance. La promotion des institutions qui favoriseront l’assistance des catholiques aux mourants sera plus importante à l’avenir que la construction ou l’acquisition d’un nouvel hôpital par une organisation catholique, dans lequel de bons médecins peuvent agir avec les équipements les plus modernes, et sera plus importante aussi  que la rénovation d’un centre de congrès. Il faut que les chrétiens soient porteurs d’espérance. Cela sera pour nous, en tant qu’Eglise, une nouvelle épreuve, car il s’agit de l’inviolabilité de la dignité humaine. Ici, plus que dans d’autres milieux, nous pouvons illustrer ce qui est véritablement important:apprendre la vie par la mort et la mort pas la vie. Si vous parvenez à instituer en Allemagne, en temps utile,d’autres centres d’assistance qui soient des îlots d’humanité, vous empêcherez que se fassent valoir ceux qui affirment aider les mourants, mais qui capitulent en vérité face à ce défi car, ayant recours aux pilules de la mort, ils confondent l’aide face à la mort avec l’aide à mourir. L’homme qui est en train de mourir ne veut pas de médicaments, pour être ensuite laissé tout seul, mais il désire une espérance authentique, de la chaleur humaine et une main tendue. Encouragez vos fidèles à remplir cette tâche  vraiment chrétienne, car la dignité de l’homme est inviolable.

 

5 – La disparition, au sein d’une société, de la sensibilité qui fait que l’appel à la conscience ne soit pas une licence pour tuer un autre homme, aussi bien d’un homme qui grandit dans le sein maternel, que d’un homme âgé ou gravement malade, dont l’existence serait considérée comme une entrave à la liberté du progrès, orientée vers la satisfaction de ses propres intérêts, serait sans doute un symptôme alarmant. Seul un peuple d’égoïstes pourrait ignorer que la conscience digne de ce nom exhorte toujours à empêcher de tuer.

            L’appel à la conscience est souvent lancé aujourd’hui sans un minimum de reflexion sur sa fonction. Le Concile Vatican II souligne qu’ »il arrive souvent que la conscience s’égare, par suite d’une ignorance invincible, sans perdre pour autant sa dignité. Ce que l’on ne peut dire lorsque l’homme se soucie peu de rechercher le vrai et le bien et lorsque l’habitude du péché rend peu à peu sa conscience presque aveugle » (Gaudium et spes, N. 16). Le thème de la dignité de la conscience ne doit pas être utilisé à l’encontre de la signification de la vérité morale, comme si elles n’étaient pas attenantes l’une à l’autre. Cela ne constituerait rien d’autre qu’une interprétation pharisienne de la liberté de conscience. Lorsque la conscience ne s’oriente plus vers des valeurs universellement valables et vers le transcendant, il apparaît difficile de reveiller en elle le sens du péché et de la faute (cf 1 Jn 1,8 ; Reconciliato et paenitentia, N. 18).

            Le manque de conscience des péchés va de pair avec la diminution de la pratique sacramentelle de la pénitence. Le renouvellement et la conversion sous l’aspect sacramentel de la confession individuelle doivent rester un thème central de la pastorale ( Reconciliato et paenitentia, n. 31,I). Pour cette raison, je vous demande fortement d’aider vos prêtres à  attribuer toujours plus d’importance et de valeur à leur service de confesseurs. En même temps, je vous remercie de tout ce que vous faites pour illustrer la signification et l’importance de la discipline ecclésiastique dans un domaine étroitement lié à l’oeuvre de réconciliation. Cherchez à convaincre vos fidèles des grands avantages qui découlent de la confession individuelle. La confession vaut plus et mieux que tout encouragement humain, que n’importe quelle technique psychologique ou de n’importe quelle solution dialectique ou sociologique.

 

6 – L’augmentation de la mobilité des hommes dans la société moderne requiert également de l’Église de nouvelles formes ou modèles d’organisation possibles. La tâche d’une pastorale spéciale est sans cesse davantage mise au premier plan. Les fidèles cherchent et se trouvent chez eux dans de petits groupes restreints où ils peuvent parler avec d’autres de leur foi et de leur vie.

            Malgré cela on ne peut pas renoncer à la communauté paroissiale territoriale. L’on s’y occupe de la diffusion de la foi à différents niveaux. Elle est, en tant qu’exemple visible de l’apostolat communautaire, la cellule de tout diocèse qui « rassemble dans l’unité tout ce qui se trouve  en elle de diversités humaines et les insère dans l’universalité de l’Eglise » ( Apostolicam actuositatem, n. 10). Veillez à ce que la communauté paroissiale reste vivante et à ce qu’elle ait un interlocuteur stable pour les fidèles. Malgré les problèmes qui naissent du manque de prêtres, les structures organiques ne devraient pas être démembrées et les structures plus petites ne devraient pas être spirituellement appauvries par la centralisation.

            Considérant les nombreux éléments positifs que les nouveaux mouvements et les nouvelles communautés introduisent dans la vie ecclésiale, je vous prie de veiller à ce que ces éléments se retrouvent dans la célébration dominicale de l’Eucharistie avec le peuple de Dieu (cf. Sacrosanctum  consilium, n.42). La messe dominicale en tant que fête du peuple de Dieu est fondamentale pour l’Église et doit réunir les différents groupes qui forment le peuple de Dieu. En outre, étant donné le manque croissant de personnel, il serait compréhensible que des groupes ou des formations de quelque type que ce soit demandent une célébration dominicale particulière de l’Eucharistie.

 

7 – En vue de cette situation, une plus grande importance est attribuée aux laïcs et à leur responsabilité au sein de la communauté paroissiale. Le Concile Vatican II a décrit la participation des laïcs à la mission de l’Église : « mais les laïcs rendus participants de la charge sacerdotale, prophétique et royale du Christ, assurent, dans l’Église et dans le monde, leur part dans ce que est la mission du peuple de Dieu tout entier » (Apostolicam actuositatem, n. 2). Encouragez donc les fidèles à se faire guider dans leurs actions par cette conscience. Il n’y a pas de raison de se décourager et s’excuser constamment avec ceux qui suivent une autre foi et avec les non-croyants, en cherchant à se justifier. L’apostolat des laïcs doir être caractérisé par l’auto-conscience puisque le Concile dit à cet égard : « Ils exercent concrètement leur apostolat en se dépensant à l’évangélisation et à la sanctification des hommes ; il en est de même quand ils s’efforcent de pénétrer l’ordre temporel d’esprit évangélique et travaillent à son progrès de telle manière que, en ce domaine, leur action rende clairement témoignage au Christ et serve au salut des hommes » (Apostolicam actuositatem, n. 2).

            Dans la communauté de l’Église, tout croyant doit occuper sa place et doit considérer sa mission dans son propre milieu d’évangélisation. Des charismes ont été donnés à chaque chrétien (cf. 1 Co 12,11) ; nous devons seulement les reconnaître et les accepter avec gratitude ; toutefois les charismes doivent toujours être reliés à la hiérarchie.

 

8 – Dans vos efforts pour transmettre aux hommes les contenus de la foi, il est nécessaire d’accorder une attention particulière aux moyens de communication sociale. Ils permettent au message du Christ de parvenir en même temps à des millions de personnes.

            L’usage approprié de ces moyens représente pour l’Église un engagement constant puisque, à travers eux, le message de l’évangile peut atteindre tous les hommes, « mais avec la capacité de percer la conscience de chacun, de se déposer dans le coeur de chacun comme si il était unique, avec tout ce qu’il a de plus singulier et personnel, et de recueillir en sa faveur une adhésion, un engagement tout à fait personnels » (Evangelii nuntiandi, n. 45).

            Comme je l’ai fait observer dans mon Encyclique Redemptoris missio, « les médias ont pris une telle importance, qu’ils sont, pour beaucoup de gens, le moyen principal d’information et de formation ; ils guident et inspirent les comportements individuels, familiaux et sociaux » (n.37). Il est nécessaire que les agents pastoraux apprennent à connaître les moyens de communication sociale et donc qu’ils les utilisent de telle sorte que les valeurs chrétiennes et le message chrétien ne soient pas mis en relief seulement durant les tranches horaires réservées aux thèmes religieux, mais aussi dans les émissions consacrées à l’information, à la science et à l’art, ainsi qu’aux loisirs. Les responsables de mass média doivent veiller à éviter toute forme de manipulation de la vérité et des valeurs éthiques ; trop d’intérêts personnels ou discutables transforment l’échelle de ces valeurs et blessent les sentiments les plus intimes de la personne. Au contraire, les citoyens ont le droit de voir respectées leurs convictions morales et religieuses par les moyens de communication, puisque ceux-ci sont au service du bien commun. Le rôle toujours plus important joué par les moyens de communications sociale dans la vie quotidienne étend également son influence à la mentalité et aux structures de la communauté ainsi qu’aux Eglises et aux communautés religieuses. L’instruction pastorale du Conseil pontifical pour les Communications sociales Aetatis novae traite ce thème d’une façon approfondie : nous devons nous occuper activement des moyens de communication dans le monde et soutenir ceux qui travaillent dans le milieu des mass média.

 

9 – Je voudrais adresser mes remerciements particuliers à vos fidèles : depuis des décennies déjà, ils soutiennent d’une manière exemplaire les activités relatives à la mission, à l’aide au développement et aux nécessiteux dans votre pays comme dans les pays voisins de l’Est et du Sud-Est. Vos catholiques ont donné à de nombreuses personnes un aide et la confiance dans la vie. Persécutés, émigrés et pauvres provenant du monde entier ont été accueillis. Les catholiques allemands ont fourni une démonstration exemplaire de solidarité et ils seront encore disposés à l’avenir à aimer concrètement leur prochain et à s’occuper de leurs frères et de leurs sœurs dans la foi en difficulté. En plus de l’excellent travail accompli par la Caritas allemande, je voudrais surtout mentionner les œuvres d’assistance comme Missio à Aix la Chapelle et à Munich, ainsi que – au-delà de nombreuses initiatives individuelles – Miseror et Adveniat, dont l’action, à l’avenir aussi, aura besoin de votre attention et de votre guide.

            Toute œuvre d’assistance a sa propre sphère d’activité à l’intérieur de laquelle on n’est pas seulement invité à faire œuvre de bienfaisance, mais on agit dans l’Église et au sein de la société pour former les consciences. Malgré leur division formelle, ces trois œuvres présentent de nombreux points communs dans leur contenu et dans leur organisation, puisque l’action pastorale et l’action socio-économique nécessaires offertes aux pays pauvres, on ne peut renoncer à l’engagement missionnaire de l’Église. Dans ces deux domaines, les croyants sont invités à rendre témoignage : le travail qui tend au développement est un témoignage, tout comme l’est dans l’action tendant au développement, la solidarité dans l’Église.

            Je confie au soin particulier de la Caritas, mais aussi à votre soin pastoral général, le grand nombre de personnes qui s’adonnent aux stupéfiants et à l’alcool et qui est allé en augmentant ces dernières années dans de nombreux pays européens. Les jeunes surtout sont les plus éxposés à ces dangers. Efforcez vous de renforcer votre travail avec les jeunes, afin qu’ils se sentent chez eux dans le groupe et afin de leur offrir une « occupation «  durant leur temps libre ; la sensation de vide intérieur et l’absence de sens ne peuvent être laissés à une griserie artificielle, mais requièrent un travail social qui forme la personne, lui offre des contenus et la réinsère dans la réalité, comme une sollicitude et un engagement pastoral à l’égard de ceux qui se sentent marginaux et incompris.

 

10 – Je salue également avec gratitude le programme concret de la Conférence épiscopale allemande pour une action de solidarité en faveur des hommes et des Eglises d’Europe centrale et de l’Est. Cette initiative s’exerce sous forme de coordination et de collaboration avec les Institutions qui existent déjà dans votre pays et en Europe. Les personnes vivant dans les nations libérées du communisme ont besoin d’aide financière, mais elles ont davantage besoin aussi de se rencontrer et d’échanger les expériences qu’elles ont vécues durant les quatre décennies de division forcée du continent.

            Vous considérez cette œuvre comme une concrétisation de la réévangélisation nécessaire de l’Europe. En effet, le réévangélisation, qui selon la Lettre apostolique Evangelii nuntiandi se réfère à la transformation en Jésus-Christ, s’adresse à tout homme, sous tous ces aspects sociaux, culturels et intellectuels. Elle concernera aussi les structures.  C’est la raison pour laquelle une telle œuvre peut aider l’Église et les chrétiens d’une manière déterminante à trouver leur rôle dans la nouvelle Europe qui est en train de se dessiner.

            Je suis conscient du fait que l’Allemagne ne peut réaliser son unification interne que graduellement. C’est pourquoi j’accueille très favorablement votre initiative visant à affronter l’important défi du processus d’unification européenne avec les catholiques de tous les pays d’Europe. Je suis certain que, comme vous l’avez fait jusqu’ici, vous ne perdrez pas de vue les efforts du processus d’unification encore plus vaste en vue d’un monde unique. Laisser un signe pour que les différents organismes travaillant à l’unification du monde actuel ne soient jamais montés les uns contre les autres, car la solidarité humaine qui est indivisible, ne sera certes pas la moindre tâche  d’une telle œuvre de solidarité des catholiques. Tout cela représente un défi que nous, naturellement, nous devons affronter avec toutes les Eglises et toutes les communautés chrétiennes, et avec tous les hommes de bonne volonté.

 

11 – Ces dernières années, vous  vous êtes occupés d’une manière exemplaire des réfugiés et de la protection des persécutés politiques. Etant donné les effrayantes agressions contre les réfugiés et les étrangers, on a beaucoup parlé dernièrement du droit d’asile. Malgré la dénonciation d’une xénophobie croissante en Allemagne, il faut observer que la gentillesse à l’égard des étrangers et la disponibilité à les aider est aussi grande aujourd’hui qu’hier parmi les gens de votre pays. Mes remerciements vont aux nombreuses personnes qui, d’une manière exemplaire, ont offert leur aide aux étrangers.

            Chers confères, en ces jours et ces semaines, vous vivez un moment particulièrement intense. Il s’agit de la tension entre l’attitude fondamentalement chrétienne et les défis politique actuels. D’un côté, on vous demande de continuer à rappeler que l’amour envers le prochain est et demeure une obligation ; de l’autre, cependant, vos paroles ne peuvent négliger la nécessité d’une solution rapide aux problèmes des réfugiés. Vous aussi, avec le Conseil de l’Église évangélique en Allemagne, vous l’avez constaté.

            L’Allemagne a accueilli plus d’étranger ces dernières années que n’importe quel autre pays européens. Les aides accordés aux pauvres et aux opprimés sont exemplaires. Toutefois, l’Église doit être consciente de ce qu’un nombre toujours plus grand de personnes estime que l’afflux de réfugiés exige trop d’elles et que, par conséquent, la disponibilité à aider pourrait se transformer en un refus. Faites prendre conscience à vos fidèles du fait que la marginalisation et le refus, intérieurs ou extérieurs, ne peuvent constituer une solution et qu’ils conduisent au contraire à l’incertitude, pouvant même se transformer en agressions et en protestations. La dignité inaliénable de l’homme, de toute personne, doit être garantie avec la collaboration de tous les hommes de bonne volonté, qui ont des responsabilités dans le domaine politique et social, entre ce qui est éthiquement proposé et ce qui est réalisable.

            Tout cela exige de vous beaucoup de courage et d’efforts. Le danger existe de voir la norme de notre foi chrétienne  consistant à accueillir les étranger (cf. Mt 25,35) et à offrir l’hospitalité (cf Rm 12,13) ne plus pouvoir être observée, face à une théorie excessivement étendue du droit d’asile. L’Église doit plutôt exiger, dans toutes les parties du monde, la justice et la paix, présupposés qui aident à résoudre le problème de l’asile. Entre autres, une justice encore plus grande serait rendue à la dignité de l’homme si vous et votre pays continuiez, comme vous l’avez fait jusqu’à présent, à mettre  généreusement à disposition des aides aux pays en difficulté (cf. Gaudium et spes,n. 84), afin qu’au moins les personnes qui ne veulent pas s’enfuir des territoires en guerre puissent rester dans leur patrie et ne soient pas contraintes à tout abandonner.

            Vous contribuez d’une manière constructive à créer les conditions indispensables afin que le bien précieux du droit d’asile en Allemagne puisse être conservé grâce à une solution et à une définition réalisable, et vous faites en sorte que soient évités des principes éthiques qui, en tant que théorie, n’ont aucun rapport véritable avec la vie réelle. Ainsi vous offrez un service, car vous contribuez à empêcher des déviations malsaines des jeunes qui leur font mépriser la vie humaine. Dans l’Église, personne n’est étranger;mais d’autre part vous devez contribuer à faire en sorte que le peuple allemand, après des années de séparation forcée et après l’unification pacifique qui se réalise non sans difficulté, trouve sa pleine identité.

 

12 – Je voudrais conclure cette rencontre, chers frères, en renouvelant mes remerciements et ma satisfaction. Quand vous rentrerez dans vos diocèses, je vous demande de saluer de tout coeur vos prêtres, vos diacres, les religieux et les fidèles. Nous sommes à la fin de la période de l’avent, un peu avant la fête de Noël. Dieu vient, car il veut que « tous les hommes soient sauvés et qu’ils parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm 2, 4). Il vient, parce qu’il a crée le monde et l’homme par amour, et il a établi avec eux l’ordre de grâce.

            Ne soyons pas surpris si le Seigneur, au cours de la Sainte Nuit, n’a pas trouvé de place dans les maisons de Béthléem et s’il est né dans une étable, dans une grotte qui servait d’abri pour les animaux. Le fait qu’Il soit venu est donc encore plus important.

            Je vous exprime mes meilleurs vœux pour Noël et la nouvelle année, ainsi qu’à tous ceux qui sont confiés à votre soin pastoral, et à tous les citoyens de votre pays très estimé, et je vous donne de grand coeur, ainsi qu’à tous les croyants, ma Bénédiction apostolique.

publié le : 18 février 2018

Sommaire documents

t>