Benoît XVI de A à Z

Nostalgie de Dieu

 

2012

 


11 février 2012 – Message pour la Journée Mondiale du Malade
      Le temps de la souffrance, dans lequel pourrait surgir la tentation de s’abandonner au découragement et au désespoir, peut alors se transformer en temps de grâce pour rentrer en soi-même, et comme le fils prodigue de la parabole, pour réfléchir à sa vie, en y reconnaissant des erreurs et des échecs, pour éprouver la nostalgie de l’étreinte du Père, et reprendre le chemin vers sa maison. Lui, dans son grand amour, veille toujours et partout sur nos vies et nous attend pour offrir à chacun des enfants qui reviennent à Lui le don de la pleine réconciliation et de la joie.


3 mai 2012 – A l’Université catholique du Sacré-Coeur.
     En cette époque qui est la nôtre, les sciences expérimentales ont transformé la vision du monde et la compréhension que l’homme a de lui-même. Les multiples découvertes, les technologies innovatrices qui se succèdent à un rythme rapide, sont autant de motifs d’orgueil justifié, mais souvent, elles ne sont pas dénuées d’aspects inquiétants. En effet, sur la toile de fond de l’optimisme diffus du savoir scientifique se projette l’ombre d’une crise de la pensée. Riche de moyens, mais pas autant de fins, l’homme de notre temps vit souvent conditionné par le réductionnisme et le relativisme, qui conduisent à perdre la signification des choses ; presque aveuglé par l’efficacité technique, il oublie l’horizon fondamental de la question du sens, privant ainsi de son importance la dimension transcendante. Sur cette toile de fonds, la pensée devient faible et fait place à un appauvrissement éthique accru, qui obscurcit les références et les normes de valeurs. Ce qui a été une racine européenne féconde de culture et de progrès semble oubliée. En elle, la recherche de l’absolu — le quaerere Deum — comprenait l’exigence d’approfondir les sciences profanes, le monde du savoir tout entier (cf. Discours au Collège des Bernardins de Paris, 12 septembre 2008). En effet, la recherche scientifique et la question du sens, bien qu'ayant chacune une physionomie épistémologique et méthodologique spécifique, jaillissent d'une unique source, le Logos qui préside à l'œuvre de la création et qui guide l'intelligence de l'histoire. Une mentalité fondamentalement technopratique engendre un déséquilibre dangereux entre ce qui est techniquement possible et ce qui est moralement bon, avec des conséquences imprévisibles.
     Il est important, alors, que la culture redécouvre la vigueur de la signification et le dynamisme de la transcendance, en un mot, qu'elle  ouvre de façon décidée l'horizon du quaerere Deum. La célèbre phrase de saint Augustin vient à l’esprit : « Tu nous as faits pour Toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose en Toi » (Confessions, I, 1). On peut dire que la même impulsion à la recherche scientifique jaillit de la nostalgie de Dieu qui habite le cœur humain: au fond, l’homme de science tend, même inconsciemment, à atteindre cette vérité qui peut donner un sens à la vie. Mais si passionnée et tenace qu’elle soit, la recherche humaine n’est pas capable par ses propres forces d’aboutir à un lieu sûr, car « l’homme n’est pas en mesure d’éclaircir complètement l’étrange pénombre qui enveloppe la question des réalités éternelles… Dieu doit prendre l’initiative de venir à la rencontre de l’homme et de s’adresser à lui » (J. Ratzinger, L’Europe de Benoît dans la crise des cultures). Pour redonner à la raison sa dimension originelle et intégrale, il faut alors redécouvrir le lieu d’origine que la recherche scientifique partage avec la recherche de foi, fides quaerens intellectum, selon l’intuition de saint Anselme. Science et foi possèdent une réciprocité féconde, presque une exigence complémentaire de l’intelligence du réel. Mais, paradoxalement, c’est précisément la culture positiviste, en excluant du débat scientifique la question sur Dieu, qui détermine le déclin de la pensée et l’affaiblissement de la capacité de com-préhension du réel. Mais le quaerere Deum de l’homme se perdrait dans un dédale de voies si ne s’ouvrait pas à lui un chemin d’illumination et d’orientation certaine, qui est celui de Dieu lui-même qui se fait proche de l’homme, à travers un amour immense : « En Jésus Christ, Dieu ne parle pas seulement à l'homme mais il le recherche... C'est une recherche qui naît au cœur même de Dieu et qui a son point culminant dans l'Incarnation du Verbe » (Jean-Paul II, Tertio millennio adveniente, 7).
     Religion du Logos, le christianisme ne relègue pas la foi au domaine de l’irrationnel, mais attribue l’origine et le sens de la réalité à la Raison créatrice, qui, dans le Dieu crucifié, s’est manifestée comme amour et qui invite à parcourir la voie du quaerere Deum : « Je suis le chemin, la vérité, la vie ». Saint Thomas d’Aquin commente : « Le terme de ce chemin est la fin du désir humain. Or, l’homme désire avant tout deux choses: premièrement, la connaissance de la vérité, ce qui lui est propre ; en second lieu, la conservation de son être, ce qui est commun à toutes les réalités. Le Christ se trouve dans l’une et dans l’autre... Si donc tu cherches par où passer, accueille le Christ, parce qu’il est lui-même le Chemin » (Commentaire sur saint Jean, chap. 14, lectio 2). L’Évangile de la vie illumine alors le chemin difficile de l’homme, et devant la tentation de l’autonomie absolue, il rappelle que « la vie de l’homme vient de Dieu, c’est son don, son image et son empreinte, la participation à son souffle vital » (Jean-Paul II, Evangelium vitae, n. 39). Et c’est précisément en parcourant le sentier de la foi que l’homme peut entrevoir dans les réalités mêmes de la souffrance et de la mort qui traversent son existence, une possibilité authentique de bien et de vie. Dans la croix du Christ, il reconnaît l’Arbre de la vie, révélation de l’amour passionné de Dieu pour l’homme. Le soin des personnes qui souffrent est alors une rencontre quotidienne avec le visage du Christ, et le dévouement de l’intelligence et du cœur devient un signe de miséricorde de Dieu et de sa victoire sur la mort.

 


 

publié le : 01 août 2012

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