2011 : Homélies, discours, Audiences, Angelus...

Chemin de Croix au Colisée - Vendredi Saint 2011

OFFICE DES CELEBRATIONS LITURGIQUES
DU SOUVERAIN PONTIFE

CHEMIN DE CROIX
AU COLISÉE

PRÉSIDÉ PAR LE SAINT-PÈRE

BENOÎT XVI

 

VENDREDI SAINT 2011


MÉDITATIONS

DE

Sœur Maria Rita Piccione, O.S.A.

Présidente de la Fédération
des Monastères Augustiniens d'Italie
« Madonna Del Buon Consiglio »

 

PRÉSENTATION

« Ainsi en est-il de celui qui voit de loin sa patrie, mais qui en est séparé par la mer; il a beau voir le but où il doit diriger ses pas, les moyens lui manquent pour s'y transporter. Pareillement (...) entre elle et nous s'étend la mer du siècle présent (...) ; toutefois dès maintenant nous voyons où nous allons. Afin de nous procurer le moyen d'y parvenir, celui-là est venu vers qui nous voulions aller. Il a préparé un navire sur lequel nous pourrons traverser la mer. Personne, en effet, ne peut traverser la mer de ce siècle, à moins que la Croix de Jésus-Christ ne le porte. (...) Il vaut donc mieux (...) ne pas se séparer de la Croix (...) et elle le conduira au port. »

Ces paroles de saint Augustin, tirées des Traités sur l'Évangile de saint Jean (2, 2), nous introduisent à la prière de la Via Crucis.

En effet, la Via Crucis a pour but de revivifier en nous ce geste de nous agripper au bois de la Croix du Christ tout au long de la mer de notre existence. La Via Crucis n'est donc pas une simple pratique de dévotion populaire à la veinure sentimentale ; elle exprime l'essence de l'expérience chrétienne : « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge de sa Croix et qu'il me suive » (Mc 8, 34).

C'est pour cela que, tous les Vendredis Saints, le Saint-Père parcourt à nouveau la Via Crucis devant le monde entier et en communion avec lui.

Pour préparer cette prière, le Pape Benoît XVI s'est adressé cette année au monde monastique augustinien féminin, confiant la rédaction des textes à sœur Maria Rita Piccione, o.s.a., Mère Présidente de la Fédération des Monastères Augustiniens d'Italie « Madonna del Buon Consiglio ».

Sœur Maria Rita, qui appartient à l'ermitage augustinien de Lecceto (Sienne) - l'un des ermitages toscans du XIIIème siècle, berceau de l'Ordre de Saint-Augustin - est actuellement membre de la Communauté des Quatre Saints Couronnés à Rome, où se trouve la Maison de Formation commune pour les Novices et les Professes augustiniennes d'Italie.

Non seulement les textes sont l'œuvre d'une Moniale augustinienne, mais les images aussi prennent la forme et la couleur d'une sensibilité artistique féminine et augustinienne. Sœur Elena Maria Manganelli, O.S.A., de l'ermitage de Lecceto, ex-sculptrice de profession, est l'auteur des planches qui illustrent les différentes stations de la Via Crucis.

Cet entrelacs de paroles, de formes et de couleurs nous communique quelque chose de la spiritualité augustinienne,inspirée de la première communauté de Jérusalem et fondée sur la communion de vie.

C'est un don pour tous de savoir que la préparation de cette Via Crucis naît de l'expérience de Moniales qui « vivent ensemble, pensent, prient, dialoguent » pour reprendre le portrait vivant et clair que Romano Guardini esquisse d'une communauté monastique augustinienne.

Chaque station comporte dans l'incipit, sous l'énonciation classique, une très brève phrase qui veut offrir la clé de lecture de la station elle-même. L'idéal serait que nous puissions l'accueillir comme si elle était prononcée par un enfant, comme un appel à la simplicité des petits qui savent saisir le cœur de la réalité et comme un espace symbolique d'accueil, dans la prière de l'église, de la voix de l'enfance parfois blessée et exploitée.

La Parole de Dieu proclamée est puisée dans l'Évangile de saint Jean, exception faite pour les stations qui n'ont pas un texte évangélique de référence ou qui l'ont dans d'autres Évangiles. À travers ce choix, c'est le message de gloire de la Croix de Jésus qui a voulu être souligné.

Le texte biblique est ensuite illustré par une réflexion brève, mais claire et originale.

La prière adressée à l'« humble Jésus » - expression chère au cœur d'Augustin (Conf. 7, 18, 24), mais qui abandonne l'adjectif humble avec la crucifixion-exaltation du Christ - est la confession que l'Église-Épouse adresse à l'Époux de Sang.

Suit alors une invocation à l'Esprit Saint qui guide nos pas et répand dans notre cœur l'amour divin (cf. Rm 5, 5) : c'est l'Église apostolique et pétrinienne qui frappe à la porte du cœur de Dieu.

Chaque station recueille une empreinte particulière laissée par Jésus le long du Chemin de Croix, que le croyant est appelé à parcourir. Ainsi, les pas qui scandent le parcours de la Via Crucis sont : vérité, honnêteté, humilité, prière, obéissance, liberté, patience, conversion, persévérance, essentialité, royauté, don de soi, maternité, attente silencieuse.

Les planches de Sœur Elena Maria - dépouillées de figures et d'éléments accessoires, essentiels dans la couleur - représentent Jésus, seul dans sa passion, qui passe sur la terre aride en y creusant un sillon et en l'irriguant de sa grâce. Un rayon de lumière, toujours présent et placé de manière telle qu'il forme une Croix, indique le regard du Père, tandis que l'ombre d'une colombe, l'Esprit Saint, rappelle que le Christ « par un Esprit éternel s'est offert lui-même sans tache à Dieu » (He 9, 14).

À travers leur contribution à la prière de la Via Crucis, les Moniales augustiniennes désirent témoigner leur amour à l'Église et au Saint-Père Benoît XVI, en profonde syntonie avec la particulière dévotion et fidélité à l'Église et aux Souverains Pontifes professée par l'Ordre Augustinien.

Nous sommes reconnaissants envers ces deux religieuses, Sœur Maria Rita et Sœur Elena Maria, qui, nourries par la méditation continuelle de la parole de Dieu et des écrits de saint Augustin et, soutenues par la prière des communautés de la fédération, ont accepté de partager, avec beaucoup de simplicité, leur expérience du Christ et du Mystère pascal, en cette année où la célébration de pâques tombe justement le 24 avril, jour anniversaire du baptême de saint augustin.

INTRODUCTION

Le Christ a souffert pour vous, vous laissant un modèle afin que vous suiviez ses traces[1].

Frères et Sœurs dans le Christ,

Nous nous retrouvons ce soir dans le cadre suggestif du Colisée romain, convoqués par la Parole qui vient d'être proclamée, pour parcourir avec le Saint-Père Benoît XVI le Chemin de Croix de Jésus.

Fixons sur le Christ notre regard intérieur et invoquons-le d'un cœur ardent : « Je te prie, Seigneur, dis à mon âme : je suis ton salut ! Dis-le afin que je l'entende ! »[2].

Sa voix réconfortante se noue au fil fragile de notre « oui » et l'Esprit Saint, doigt de Dieu, tisse la trame solide de la foi qui conforte et conduit.

Suivre, croire, prier : voici les pas simples et sûrs qui soutiennent notre marche tout au long du Chemin de Croix et qui nous laissent entrevoir petit à petit le chemin de la Vérité et de la Vie.

PRIÈRE INITIALE

Le Saint-Père :

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

R. Amen.

Le Saint-Père :

Prions.

Brève pause de silence.

Seigneur Jésus,
tu nous invites à te suivre aussi en ton heure ultime.
En toi se trouve chacun de nous,
et nous, en grand nombre, nous sommes un en toi.
Ton heure est l'heure de l'épreuve de notre vie,
dans ses aspects les plus rudes et les plus durs ;
c'est l'heure de la passion de ton Église
et de l'humanité entière.

C'est l'heure des ténèbres :
quand « les fondements de la terre ont tremblé »[3]
et l'homme, « parcelle de ta création »[4], gémit et souffre avec elle ;
quand les différents masques du mensonge raillent la vérité
et les illusions du succès étouffent l'intime rappel de l'honnêteté
quand le vide de sens et de valeurs annule l'œuvre éducative
et le désordre du cœur entame l'ingénuité des petits et des faibles ;
quand l'homme perd le chemin qui le conduit au Père
et ne reconnaît plus en toi le beau visage de sa propre humanité.

En cette heure s'insinuent la tentation de la fuite,
le sentiment du désarroi et de l'angoisse,
tandis que le tourment du doute ronge l'esprit
et le rideau de l'obscurité descend sur l'âme.

Et toi, Seigneur, qui lis dans le livre ouvert de notre cœur fragile,
tu reviens nous demander ce soir
comme un jour aux Douze :
« Voulez-vous partir, vous aussi ? »[5]

Non, Seigneur, nous ne pouvons ni ne voulons partir,
car « tu as les paroles de la vie éternelle »[6],
toi seul tu es « la parole de vérité »[7]
et ta Croix
est la seule « clé qui nous ouvre aux secrets de la vérité et de la vie »[8].

« Nous te suivrons où que tu ailles »[9].

Dans cette adhésion réside notre adoration,
tandis qu'à l'horizon du pas encore
un rayon de joie embrasse le déjà de notre marche.

R. Amen.

 

 

PREMIÈRE STATION
Jésus est condamné à mort

Jésus se tait ; il garde en lui la vérité

V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.

R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.

De l'Évangile selon saint Jean. 18, 37-40

Pilate dit à Jésus : « Donc tu es roi? » Jésus répondit: « Tu le dis : je suis roi. Je ne suis né, et je ne suis venu dans le monde, que pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix ». Pilate lui dit : « Qu'est-ce que la vérité? » Et, sur ce mot, il sortit de nouveau et alla vers les juifs. Et il leur dit: « Je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. Mais c'est pour vous une coutume que je vous relâche quelqu'un à la Pâque. Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs? » Alors ils vociférèrent de nouveau, disant : « Pas lui, mais Barabbas! » Or Barabbas était un brigand.

Pilate ne trouve en Jésus aucun motif de condamnation, de même qu'il ne trouve pas en lui la force de s'opposer à cette condamnation.
Son oreille intérieure reste sourde à la parole de Jésus et ne comprend pas son témoignage de vérité.
« Écouter la vérité veut dire obéir à la vérité et croire à la vérité »[10]. Cela signifie vivre librement sous sa conduite et lui donner son propre cœur.
Pilate n'est pas libre : il est conditionné par le monde extérieur, mais cette vérité écoutée continue à résonner en son for intérieur comme un écho qui frappe et qui inquiète.
C'est pourquoi il sort dehors, vers les juifs ; « il sort de nouveau », souligne le texte, comme une impulsion à fuir à soi-même. et la voix qui lui parvient du dehors l'emporte sur la parole qui est au dedans.
Ici se décide la condamnation de Jésus, la condamnation de la vérité.

Humble Jésus,
nous aussi nous nous laissons conditionner par ce qui est dehors.
Nous ne savons plus écouter la voix subtile,
exigeante et libératrice de notre conscience
qui au dedans appelle tendrement et invite :
« ne va pas au dehors, cherche en toi-même ;
la vérité réside dans l'homme intérieur »[11].

Viens, Esprit de Vérité,
aide-nous à rencontrer dans l'« homme caché au fond de notre cœur »[12]
le visage saint du fils
qui nous renouvelle dans la divine ressemblance !

Tous :

Pater noster, qui es in cælis:
sanctificetur nomen tuum;
adveniat regnum tuum;
fiat voluntas tua, sicut in cælo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem;
sed libera nos a malo.

Stabat mater dolorosa

iuxta crucem lacrimosa,

dum pendebat Filius.

Debout, la Mère douloureuse

près de la Croix était en larmes

devant son Fils suspendu.

DEUXIÈME STATION
Jésus est chargé de la Croix

Jésus porte sa Croix, il se charge du poids de la vérité

V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.

R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.

De l'Évangile selon saint Jean. 19, 6-7. 16-17

Les grands prêtres et les gardes vociférèrent, disant : « crucifie-le! crucifie-le! » Pilate leur dit : « prenez-le, vous, et crucifiez-le; car moi, je ne trouve pas en lui de motif de condamnation. » Les juifs lui répliquèrent : « nous avons une loi et d'après cette loi il doit mourir, parce qu'il s'est fait fils de Dieu. » (...) alors [Pilate] le leur livra pour être crucifié. Ils prirent donc Jésus. et il sortit, portant sa Croix, et vint au lieu dit du crâne - ce qui se dit en hébreu Golgotha -.

Pilate hésite, cherche un prétexte pour libérer Jésus, mais il cède à la volonté qui prédomine et maugrée : « Qu'on en appelle à la loi ! », lançant des insinuations.
L'histoire du cœur blessé de l'homme continue de se répéter : sa mesquinerie, son incapacité à sortir de lui-même pour ne pas se laisser tromper par les illusions de son propre petit intérêt personnel et s'élever vers le haut, porté par le libre élan de sa bonté et de son honnêteté.
Le cœur de l'homme est un microcosme.
En lui se décident les grandes destinées de l'humanité, se résolvent ou s'accentuent ses conflits. mais l'alternative est toujours la même : saisir ou perdre la vérité qui libère.

Humble Jésus,
dans le déroulement quotidien de notre vie
notre cœur regarde en bas, vers son petit monde,
et, entièrement pris par la gestion de son propre bien-être,
il reste aveugle face à la main du pauvre et à celui qui est sans défense,
qui mendie une écoute et qui demande de l'aide.
Tout au plus il s'émeut, mais il ne bouge pas.

Viens, Esprit de Vérité,
étreins notre cœur et attire-le à toi.
« Pourquoi désirer un palais plus apte à juger des saveurs,
sinon pour se nourrir et s'abreuver
de la sagesse, de la justice, de la vérité, de l'éternité? »[13].

Tous :

Pater noster, qui es in cælis:
sanctificetur nomen tuum;
adveniat regnum tuum;
fiat voluntas tua, sicut in cælo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem;
sed libera nos a malo.

Cuius animam gementem,
contristatam et dolentem
pertransivit gladius.

 

 

Dans son âme qui gémissait,
toute brisée, endolorie,
le glaive était enfoncé.

TROISIÈME STATION
Jésus tombe pour la première foi

Jésus tombe, mais doux et Humble, il se relève

V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.

De l'Évangile selon saint Matthieu. 11, 28-30

Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai. Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et Humble de cœur, et vous trouverez soulagement pour vos âmes. oui, mon joug est aisé et mon fardeau léger.

Les chutes de Jésus le long du chemin de Croix n'appartiennent pas au texte sacré ; elles sont une transmission de la piété traditionnelle, conservée et cultivée dans le cœur de nombreux priants.
En tombant la première fois, Jésus nous adresse une invitation, il nous ouvre une voie, il inaugure pour nous une école.
C'est l'invitation à aller à lui quand nous faisons l'expérience de l'impuissance humaine, pour découvrir en elle la puissance divine qui s'y greffe.
C'est la voie qui conduit à la source du réconfort authentique, celui de la grâce qui satisfait.
C'est l'école où nous apprenons la douceur qui apaise la rébellion et où la confiance remplace la présomption.
De la chaire de sa chute, Jésus nous donne surtout la grande leçon de l'humilité, « la voie qui le porta à la résurrection »[14]. la voie qui, après chacune de nos chutes, nous donne la force de dire : « maintenant je recommence, seigneur, mais avec toi, pas seul ! ».

Humble Jésus,
nos chutes, tissées de limite et de péché,
blessent l'orgueil de notre cœur,
le ferment à la grâce de l'humilité
et arrêtent notre marche à ta rencontre.

Viens, Esprit de Vérité,
libère-nous de toute prétention d'autosuffisance
et donne-nous de reconnaître en chacune de nos chutes
une marche de l'escalier pour monter vers toi !

Tous:

Pater noster, qui es in cælis:
sanctificetur nomen tuum;
adveniat regnum tuum;
fiat voluntas tua, sicut in cælo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem;
sed libera nos a malo.

O quam tristis et afflicta
fuit illa benedicta
mater Unigeniti !

Qu'elle était triste et affligée,
la Mère entre toutes bénie,
la Mère du Fils unique !

QUATRIÈME STATION
Jésus rencontre sa Mère

Auprès de la Croix de Jésus « se tient » sa mère :
c'est là sa prière et sa maternité

V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.

De l'Évangile de saint Jean. 19, 25-27

Or près de la Croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala. Jésus donc voyant sa mère et, se tenant près d'elle, le disciple qu'il aimait, dit à sa mère : « femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple: « Voici ta mère. » Dès cette heure-là, le disciple l'accueillit chez lui.

Saint Jean nous indique la présence de la mère auprès de la Croix de Jésus, mais aucun évangéliste ne parle directement d'une rencontre entre eux deux.
En réalité, dans cette présence de la mère est concentrée l'expression la plus dense et la plus élevée de la rencontre. Dans l'apparente immobilité du verbe se tenir vibre l'intime vitalité d'un dynamisme.
C'est le dynamisme intense de la prière, qui se joint à sa passivité apaisée. prier c'est se laisser envelopper par le regard amoureux et vrai de Dieu, qui nous révèle à nous-mêmes et nous envoie en mission.
Dans la prière authentique, la rencontre personnelle avec Jésus rend mère et disciple aimé, engendre la vie et transmet l'amour. Elle dilate l'espace intérieur de l'accueil et tisse des liens mystiques de communion, en nous confiant l'un à l'autre et en ouvrant le tu au nous de l'église.

Humble Jésus,
quand les tribulations et les injustices de la vie,
la souffrance innocente et la violence impitoyable
nous font vitupérer contre toi,
tu nous invites à nous tenir, comme ta mère, au pied de la Croix.
Quand nos attentes et nos initiatives,
sans avenir ou marquées par l'échec,
nous amènent à fuir dans le désespoir,
tu nous ramènes à la force de l'attente.
Nous avons réellement oublié
la puissance de se tenir comme expression de la prière !

Viens, Esprit de Vérité,
sois le « cri de notre cœur »[15],
qui, incessant et inexprimable,
se tient en confident en présence de Dieu !

Tous:

Pater noster, qui es in cælis:
sanctificetur nomen tuum;
adveniat regnum tuum;
fiat voluntas tua, sicut in cælo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem;
sed libera nos a malo.

Quæ mærebat et dolebat,
pia mater, cum videbat
Nati pœnas incliti.

Qu'elle avait mal, qu'elle souffrait
la tendre Mère, en contemplant
son divin Fils tourmenté !

CINQUIÈME STATION
Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa Croix

Jésus apprend l'obéissance par amour
au cours du chemin de sa passion

 

V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.

De l'Évangile de saint Luc. 23, 26

Quand ils l'emmenèrent, ils mirent la main sur un certain Simon de Cyrène qui revenait des champs, et le chargèrent de la Croix pour la porter derrière Jésus.

Simon de Cyrène est un homme que les évangélistes décrivent avec une précision particulière, indiquant son nom et sa provenance, sa parenté et son activité ; c'est un homme photographié à un endroit et à un moment déterminés, qui, de quelque manière, est contraint à porter une Croix qui n'est pas la sienne. en réalité, Simon de Cyrène est chacun de nous. Il reçoit le bois de la Croix de Jésus, comme nous, un jour, nous en avons reçu et accueilli le signe au baptême.
La vie du disciple de Jésus consiste en cette obéissance au signe de la Croix, dans un geste qui est toujours plus caractérisé par la liberté de l'amour. elle est le reflet de l'obéissance de son maître. elle est le plein abandon à se laisser instruire comme lui par la géométrie de l'amour[16], par les dimensions mêmes de la Croix : « la largeur des bonnes œuvres ; la longueur de la persévérance dans la tribulation ; la hauteur de l'attente qui espère et élève le regard ; laprofondeur de la racine de la grâce qui s'enfonce dans la gratuité »[17].

Humble Jésus,
quand la vie nous présente un calice amer et difficile à boire,
notre nature se referme, regimbe,
elle n'ose pas se laisser attirer par la folie
de cet amour plus grand
qui transforme le renoncement en joie,
l'obéissance en liberté,
le sacrifice en dilatation du cœur !

Viens, Esprit de Vérité,
rends-nous obéissants lorsque la Croix nous visite,
dociles à son signe qui nous embrasse totalement :
« corps et âme, pensée et volonté,
sens et sentiment, agir et souffrir »[18],
et qui dilate tout à la mesure de l'amour !

Tous:

Pater noster, qui es in cælis:
sanctificetur nomen tuum;
adveniat regnum tuum;
fiat voluntas tua, sicut in cælo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem;
sed libera nos a malo.

Quis est homo qui non fleret,
matrem Christi si videret
in tanto supplicio ?

Quel est celui qui sans pleurer
pourrait voir la Mère du Christ
dans un supplice pareil ?

SIXIÈME STATION
Véronique essuie le visage de Jésus

Jésus ne tient pas compte de l'apparence.
Jésus scrute le cœur

V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.

De la seconde Lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens 4, 6

Le Dieu qui a dit : « Que des ténèbres resplendisse la lumière », est celui qui a resplendi dans nos cœurs, pour faire briller la connaissance de la gloire de Dieu, qui est sur la face du Christ.

Au long du chemin de Croix, la piété populaire décrit le geste, plein de délicatesse et de vénération, d'une femme, comme une traînée du parfum de Béthanie : Véronique essuie le visage de Jésus. dans ce visage, défiguré par la douleur, Véronique reconnaît le visage transfiguré par la gloire ; sous les traits du serviteur souffrant, elle voit le plus beau des enfants des hommes. C'est ce regard qui suscite le geste gratuit de la tendresse et qui reçoit en récompense le sceau du saint visage ! Véronique nous enseigne le secret de son regard de femme, « qui cherche à venir à sa rencontre et à lui être une aide : voir avec le cœur ! »[19]

Humble Jésus,
notre regard est un regard qui est incapable d'aller au-delà :
au-delà de l'indigence, pour reconnaître ta présence,
au-delà de l'ombre du péché, pour apercevoir le soleil de ta miséricorde,
au-delà des rides de l'église, pour contempler le visage de la mère.

Viens, Esprit de Vérité,
verse dans nos yeux « le collyre de la foi »[20]
afin qu'ils ne se laissent pas attirer par l'apparence des choses visibles,
mais qu'ils apprennent l'attrait de celles qui sont invisibles.

Tous:

Pater noster, qui es in cælis:
sanctificetur nomen tuum;
adveniat regnum tuum;
fiat voluntas tua, sicut in cælo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem;
sed libera nos a malo.

Quis non posset contristari,
piam matrem contemplari
dolentem cum Filio?

Qui pourrait sans souffrir comme elle
contempler la Mère du Christ
douloureuse avec son Fils ?

SEPTIÈME STATION
Jésus tombe pour la deuxième fois

Jésus ne manifeste pas la puissance,
mais il enseigne la patience[21]

V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.

De la première Lettre de saint Pierre apôtre. 2, 21b-24

Le Christ aussi a souffert pour vous, vous laissant un modèle afin que vous suiviez ses traces, lui qui n'a pas commis de faute - et il ne s'est pas trouvé de fourberie dans sa bouche ; lui qui insulté ne rendait pas l'insulte, souffrant ne menaçait pas mais s'en remettait à celui qui juge avec justice, lui qui, sur le bois, a porté lui-même nos fautes dans son corps, afin que, morts à nos fautes, nous vivions pour la justice ; lui dont la meurtrissure vous a guéris.

Jésus tombe de nouveau sous le poids de la Croix. sur le bois de notre salut pèsent non seulement les infirmités de la nature humaine, mais aussi les adversités de l'existence. Jésus a porté le poids de la persécution contre l'église d'hier et d'aujourd'hui, de celle qui tue les chrétiens au nom d'un dieu étranger à l'amour et de celle qui porte atteinte à la dignité par « des lèvres trompeuses et des paroles arrogantes »[22]. Jésus a porté le poids de la persécution à l'égard de pierre, de celle contre la voix limpide de la « vérité qui interroge et libère le cœur »[23]. avec sa Croix, Jésus a porté le poids de la persécution contre ses serviteurs et ses disciples, contre ceux qui répondent par l'amour à la haine, par la douceur à la violence. avec sa Croix, Jésus a porté le poids de l'excessif « amour de soi-même qui aboutit au mépris de Dieu »[24] et dédaigne le frère. il a porté volontairement toutes choses, il a souffert toutes choses « avec sa patience, pour enseigner notre patience »[25].

Humble Jésus,
les injustices et les adversités de cette vie
nous n'arrivons pas à les supporter avec patience.
Souvent, nous implorons, comme signe de ta puissance,
de nous libérer du poids du bois de notre Croix.

Viens, Esprit de Vérité,
enseigne-nous à cheminer à l'exemple du Christ
pour « réaliser ses grands préceptes de patience par les attitudes du cœur »[26] !

Tous:

Pater noster, qui es in cælis:
sanctificetur nomen tuum;
adveniat regnum tuum;
fiat voluntas tua, sicut in cælo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem;
sed libera nos a malo.

Pro peccatis suae gentis
vidit Iesum in tormentis
et flagellis subditum.

Pour les péchés de tout son peuple
elle le vit dans les tourments,
subissant les coups de fouet.

HUITIÈME STATION
Jésus rencontre les femmes de Jérusalem

Jésus nous regarde
et provoque les larmes de la conversion

V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.

De l'Évangile selon saint Luc. 23, 27-31

Une grande masse du peuple le suivait, ainsi que des femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur lui. Mais, se retournant vers elles, Jésus dit : « filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! Pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants ! Car voici venir des jours où l'on dira : heureuses les femmes stériles, les entrailles qui n'ont pas enfanté, et les seins qui n'ont pas nourri ! Alors on se mettra à dire aux montagnes : tombez sur nous ! Et aux collines : couvrez-nous ! Car si l'on traite ainsi le bois vert, qu'adviendra-t-il du sec ? »

Jésus le maître, sur le chemin du calvaire, continue à former notre humanité. rencontrant les femmes de Jérusalem, il recueille dans son regard de vérité et de miséricorde les larmes de compassion répandues sur lui. le Dieu qui a pleuré sur Jérusalem[27], éduque à présent ces femmes afin que leurs larmes ne demeurent pas une stérile commisération extérieure. Il les invite à reconnaître en lui le destin de l'innocent injustement condamné et brûlé, comme du bois vert, par le « châtiment qui nous rend la paix »[28]. Il les aide à interroger le bois sec de leur propre cœur pour expérimenter la douleur bénéfique du repentir.
Les larmes authentiques jaillissent ici, quand les yeux confessent à travers elles non seulement le péché, mais aussi la souffrance du cœur. ce sont des larmes bénies, comme celles de pierre, signe de repentir et gage de conversion, qui renouvellent en nous la grâce du baptême.

Humble Jésus,
dans ton corps souffrant et maltraité,
discrédité et raillé,
nous ne savons pas reconnaître
les blessures de nos infidélités et de nos ambitions,
de nos trahisons et de nos rebellions.
ce sont ces blessures qui gémissent
et invoquent le baume de notre conversion,
tandis qu'aujourd'hui nous ne savons plus pleurer nos péchés.

Viens, Esprit de Vérité,
répands sur nous le don de sagesse !
Dans la lumière de l'amour qui sauve,
donne-nous de connaître notre misère,
« les larmes qui lavent la faute,
les pleurs qui méritent le pardon ! »[29]

 

 

Tous:

Pater noster, qui es in cælis:
sanctificetur nomen tuum;
adveniat regnum tuum;
fiat voluntas tua, sicut in cælo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem;
sed libera nos a malo.

Tui Nati vulnerati,
tam dignati pro me pati,
pœnas mecum divide.

Ton enfant n'était que blessures,
lui qui daigna souffrir pour moi;
donne-moi part à ses peines.

NEUVIÈME STATION

Jésus tombe pour la troisième fois

Jésus, par sa faiblesse,
fortifie notre faiblesse

V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.

De l'Évangile selon saint Luc. 22, 28-30a.31-32

« Vous êtes, vous, ceux qui sont demeurés constamment avec moi dans mes épreuves ; et moi je dispose pour vous du royaume, comme mon père en a disposé pour moi : vous mangerez et boirez à ma table en mon royaume [...].
Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le froment ; mais moi j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères. »

En tombant pour la troisième fois, Jésus confesse avec quel amour il a embrassé pour nous le poids de l'épreuve et il réitère son appel à le suivre jusqu'au bout dans la fidélité. mais il nous concède aussi de jeter un regard au-delà du voile de la promesse : « si nous tenons ferme, avec lui nous règnerons »[30].
Ses chutes appartiennent au mystère de son incarnation. Il nous a cherchés dans notre faiblesse, descendant jusqu'au fond de celle-ci, pour nous élever à lui. « Il nous a montré ainsi la voie d'humilité, pour nous ouvrir le chemin du retour »[31]. « Il nous a enseigné la patience comme arme pour triompher du monde »[32]. à présent, [...] tombé à terre pour la troisième fois, tandis qu'« il compatit à nos faiblesses »[33], il nous montre comment ne pas succomber sous l'épreuve : persévérer, rester fermes et inébranlables. Tout simplement : « rester en lui »[34].

Humble Jésus,
face aux épreuves qui mesurent notre foi
nous sommes affligés :
nous ne croyons pas encore que nos épreuves
ont déjà été les tiennes
et que tu nous invites simplement
à les vivre avec toi.

Viens, Esprit de Vérité,
dans les chutes qui marquent notre chemin !
Apprends-nous à nous appuyer sur la fidélité de Jésus,
à croire à sa prière pour nous,
pour accueillir cette force
que lui seul, le Dieu-avec-nous, peut nous donner !

 

 

Tous:

Pater noster, qui es in cælis:
sanctificetur nomen tuum;
adveniat regnum tuum;
fiat voluntas tua, sicut in cælo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem;
sed libera nos a malo.

Eia, mater, fons amoris,
me sentire vim doloris
fac, ut tecum lugeam.

Daigne, ô Mère, source d'amour,
me faire éprouver tes souffrances
pour que je pleure avec toi.

DIXIÈME STATION

Jésus est dépouillé de ses vêtements

Jésus reste nu pour nous revêtir du vêtement des fils

V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.

De l'Évangile selon saint Jean. 19, 23-24

Puis les soldats... prirent les vêtements de Jésus et firent quatre parts, une part pour chaque soldat, et la tunique. or la tunique était sans couture, tissée d'une pièce à partir du haut ; ils se dirent donc entre eux : « ne la déchirons pas, mais tirons au sort qui l'aura » : afin que l'écriture fût accomplie : « Ils se sont partagé mes habits, et mon vêtement, ils l'ont tiré au sort ». voilà ce que firent les soldats.

Jésus reste nu. L'icône du Christ dévêtu est riche de réflexions bibliques : elle nous reconduit à la nudité innocente des origines et à la honte de la chute[35].
Dans l'innocence originelle, la nudité était le vêtement de gloire de l'homme : son amitié transparente et belle avec Dieu. avec la chute, l'harmonie de cette relation se brise, la nudité ressent de la honte et garde en elle le souvenir dramatique de cette perte.
Nudité est synonyme de vérité de l'être.
Jésus, privé de ses vêtements, tisse à partir de la Croix le vêtement nouveau de la dignité filiale de l'homme. cette tunique sans couture reste là, intacte pour nous : le vêtement de sa filiation divine ne s'est pas déchiré, mais il nous est donné du haut de la Croix.

Humble Jésus,
devant ta nudité,
nous découvrons l'essentiel
de notre vie et de notre joie :
être en toi fils du Père.
Mais nous avouons aussi notre résistance
à embrasser la pauvreté comme dépendance du Père,
et à accueillir la nudité comme habit filial.

Viens, Esprit de Vérité,
aide-nous à reconnaître et à bénir en chaque dépouillement que nous endurons
un rendez-vous avec la vérité de notre être,
une rencontre avec la nudité rédemptrice du Sauveur,
un tremplin vers l'étreinte filiale avec le Père !

 

Tous:

Pater noster, qui es in cælis:
sanctificetur nomen tuum;
adveniat regnum tuum;
fiat voluntas tua, sicut in cælo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem;
sed libera nos a malo.

Fac ut ardeat cor meum
in amando Christum Deum,
ut sibi complaceam.

Fais qu'en mon cœur brûle un grand feu
pour mieux aimer le Christ mon Dieu
et que je puisse lui plaire.

ONZIÈME STATION
Jésus est cloué sur la Croix

Jésus, élevé de terre, attire tous à lui

V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.

De l'Évangile selon saint Jean. 19, 18-22

Là, ils le crucifièrent et avec lui deux autres : un de chaque côté et, au milieu, Jésus. Pilate rédigea aussi un écriteau et le fit placer sur la Croix. il y était écrit : « Jésus le Nazôréen, le roi des juifs ». cet écriteau, beaucoup de juifs le lurent, car le lieu où Jésus fut mis en Croix était proche de la ville, et c'était écrit en hébreu, en latin et en grec. les grands prêtres des juifs dirent à Pilate : « n'écris pas : "le roi des Juifs", mais : "cet homme a dit : je suis le roi des Juifs." » Pilate répondit : « ce que j'ai écrit, je l'ai écrit ».

Jésus crucifié est au centre ; l'inscription royale, en-haut de la Croix, dévoile les profondeurs du mystère : Jésus est le roi et la Croix est son trône. La royauté de Jésus, inscrite en trois langues, est un message universel : pour le simple et le savant, pour le pauvre et le puissant, pour celui qui se laisse guider par la loi divine et pour celui qui fait confiance au pouvoir politique. L'image du Crucifié, qu'aucune sentence humaine ne pourra jamais ôter des parois de notre cœur, restera pour toujours la parole royale de la vérité : « lumière crucifiée qui éclaire les aveugles »[36], « trésor caché, enveloppé que seule la prière peut découvrir »[37], cœur du monde.
Jésus ne règne pas en dominant avec un pouvoir de ce monde, il « n'a aucune légion à sa disposition »[38]. « Jésus règne en attirant»[39] : son aimant est l'amour du Père qui se donne en lui pour nous « jusqu'à la fin infinie »[40]. « À sa chaleur rien n'est caché »[41] !

Seigneur Jésus, crucifié pour nous !
Tu es la confession
du grand amour du père pour l'humanité,
l'icône de l'unique vérité crédible.
Attire-nous à toi,
afin que nous apprenions à vivre
« par amour de ton amour »[42].

Viens, Esprit de Vérité,
aide-nous à choisir toujours « Dieu et sa volonté
face aux intérêts du monde et à ses puissances,
pour découvrir dans l'impuissance extérieure du crucifié
la puissance toujours nouvelle de la vérité »[43].

Tous:

Pater noster, qui es in cælis:
sanctificetur nomen tuum;
adveniat regnum tuum;
fiat voluntas tua, sicut in cælo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem;
sed libera nos a malo.

Sancta mater, istud agas,
Crucifixi fige plagas
cordi meo valide.

Ô sainte Mère, daigne donc
graver les plaies du Crucifié
profondément dans mon cœur.

DOUZIÈME STATION
Jésus meurt sur la Croix

Jésus vit sa mort
comme un don d'amour

V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.

De l'Évangile selon saint Jean. 19, 28-30

Après quoi, sachant que désormais tout était achevé pour que l'écriture fût parfaitement accomplie, Jésus dit : « j'ai soif. » un vase était là, rempli de vinaigre. on mit autour d'une branche d'hysope une éponge imbibée de vinaigre et on l'approcha de sa bouche. quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « c'est achevé » et, inclinant la tête, il remit l'esprit.

« J'ai soif ». « C'est accompli ! ». Par ces deux paroles, Jésus nous confie, en jetant un regard vers l'humanité et un autre vers le Père, le désir ardent qui a animé sa personne et sa mission : l'amour pour l'homme et l'obéissance au Père. Un amour horizontal et un amour vertical : voici le dessin de la Croix ! Et du point de rencontre du double amour, là où Jésus incline la tête, jaillit l'Esprit Saint, premier fruit de son retour au Père.
Dans ce souffle vital de l'accomplissement résonne le rappel à l'œuvre de la création[44], à présent rachetée, ainsi que le rappel à nous tous qui croyons en lui, à « compléter en notre chair ce qui manque aux épreuves du christ »[45]. jusqu'à ce que tout soit accompli !

Seigneur Jésus, mort pour nous !
Tu demandes pour donner,
tu meurs pour délivrer
et, en même temps, tu nous fais découvrir dans le don de soi
le geste qui crée l'espace de l'unité.
Pardonne le vinaigre de notre refus et de notre incrédulité,
pardonne la surdité de notre cœur
à ton cri de soif
qui continue de monter de la souffrance de tant de frères.

Viens, Esprit Saint,
héritage du fils qui meurt pour nous :
sois le guide qui « nous introduit à la vérité tout entière »[46]
et la « racine qui nous garde dans l'unité »[47] !

 

 

Tous:

Pater noster, qui es in cælis:
sanctificetur nomen tuum;
adveniat regnum tuum;
fiat voluntas tua, sicut in cælo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem;
sed libera nos a malo.

Vidit suum dulcem Natum
morientem desolatum,
cum emisit spiritum.

Elle vit son enfant très cher
mourir dans la désolation
alors qu'il rendait l'esprit.

TREIZIÈME STATION
Jésus est descendu de la Croix et confié à sa mère

Le corps de Jésus est accueilli
par l'étreinte de sa mère

V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.

De l'Évangile selon saint Jean. 19, 32-35.38

Les soldats vinrent donc et brisèrent les jambes du premier, puis de l'autre qui avait été crucifié avec lui. Venus à Jésus, quand ils virent qu'il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais l'un des soldats, de sa lance, lui perça le côté et il sortit aussitôt du sang et de l'eau. Celui qui a vu rend témoignage - son témoignage est véritable, et celui-là sait qu'il dit vrai - pour que vous aussi vous croyiez (...)
Après ces événements, Joseph d'Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret par peur des juifs, demanda à Pilate de pouvoir enlever le corps de Jésus. Pilate le permit. Ils vinrent donc et enlevèrent son corps.

Le côté ouvert de Jésus : la blessure devient une fente, une porte ouverte sur le cœur de Dieu. Ici, son amour infini pour nous se laisse puiser comme une eau qui vivifie et une boisson qui désaltère invisiblement, et fait renaître. Nous aussi, nous nous approchons du corps de Jésus descendu de la Croix et soutenu par les bras de sa mère. « Ce n'est pas, en effet, par la marche que nous nous approchons du Christ: c'est par la foi; pour cela, nous n'avons pas de mouvement à imprimer à notre corps : il suffit d'avoir au cœur de la bonne volonté. »[48] Dans ce corps inanimé, nous nous reconnaissons comme ses membres blessés et souffrants, mais protégés par l'étreinte affectueuse de sa Mère.
Mais nous nous reconnaissons aussi dans ces bras maternels, forts et tendres tout à la fois.
Les bras ouverts de l'église-mère sont comme l'autel qui nous offre le Corps du Christ et à ce moment-là, nous devenions Corps mystique du Christ.

Seigneur Jésus,
confié à ta Mère, figure de l'Église-Mère !
Devant l'icône de la Pietà,
nous apprenons à nous vouer au oui de l'amour,
nous apprenons l'abandon et l'accueil,
la confiance et l'attention concrète,
la tendresse qui guérit la vie et suscite la joie.

Viens, Esprit Saint,
guide-nous, comme tu as guidé Marie,
dans la gratuité rayonnante de l'amour
« que Dieu a répandu dans nos cœurs
par le don de ta présence »[49] !

 

Tous:

Pater noster, qui es in cælis:
sanctificetur nomen tuum;
adveniat regnum tuum;
fiat voluntas tua, sicut in cælo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem;
sed libera nos a malo.

Fac me vere tecum flere,
Crucifixo condolere,
donec ego vixero.

Que vraiment je pleure avec toi,
qu'avec le Christ en Croix je souffre,
chacun des jours de ma vie!

QUATORZIÈME STATION

Jésus est mis au tombeau

La terre du silence et de l'attende garde Jésus,
semence féconde de vie nouvelle

V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.

De l'Évangile selon saint Jean. 19, 40-42

Ils prirent donc le corps de Jésus et le lièrent de linges, avec les aromates, selon le mode de sépulture en usage chez les Juifs. Or il y avait un jardin au lieu où il avait été crucifié, et, dans ce jardin, un tombeau neuf, dans lequel personne n'avait encore été mis. À cause de la Préparation des Juifs, comme le tombeau était proche, c'est là qu'ils déposèrent Jésus.

Un jardin, symbole de la vie avec ses couleurs, accueille le mystère de l'homme créé et racheté. Dans un jardin, Dieu mit sa créature[50], et il l'en chassa après la chute[51]. Dans un jardin commença la Passion de Jésus[52] et dans un jardin un nouveau sépulcre accueille le nouvel Adam qui retourne à la terre[53], sein maternel qui conserve la semence féconde qui meurt.
C'est le temps de la foi qui attend en silence, et de l'espérance qui, sur le rameau sec, aperçoit déjà la naissance d'un petit bourgeon, promesse de salut et de joie.
Maintenant, la voix de « Dieu parle dans le grand silence du cœur »[54].

Tous:

Pater noster, qui es in cælis:
sanctificetur nomen tuum;
adveniat regnum tuum;
fiat voluntas tua, sicut in cælo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem;
sed libera nos a malo.

Quando corpus morietur,
fax ut animæ donetur
paradisi gloria. Amen.

Au moment où mon corps mourra,
fais qu'à mon âme soit donnée
la gloire du Paradis. Amen.

DISCOURS DU SAINT-PÈRE
ET BÉNÉDICTION APOSTOLIQUE

Le Saint-Père s'adresse aux personnes présentes.

À la fin de son discours, le Saint-Père donne la Bénédiction apostolique :

V/. Dominus vobiscum.

R/. Et cum spiritu tuo.

V/. Sit nomen domini benedictum.

R/. Ex hoc nunc et usque in sæculum.

V/. Adiutorium nostrum in nomine domini.

R/. Qui fecit cælum et terram.

V/. Benedicat vos omnipotens Deus,
Pater, et Filius, et Spiritus Sanctus.

R/. Amen.


CHANT

R/. Crux fidelis, inter omnes arbor una nobilis,
Nulla talem silva profert, flore, fronde, germine!
Dulce lignum dulci clavo dulce pondus sustinens.

1. Pange, lingua, gloriosi prœlium certaminis,
Et super crucis trophæo dic triumphum nobilem,
Qualiter redemptor orbis immolatus vicerit. R/.

2. De parentis protoplasti fraude factor condolens,
Quando pomi noxialis morte morsu corruit, ipse
Lignum tunc notavit, damna ligni ut solveret. R/.

[1] 1 P 2, 21.

[2] Saint Augustin, Les Confessions 1, 5, 5 (à partir de maintenant toutes les citations qui ne sont pas de l'Écriture Sainte et qui ne reportent pas le nom de l'auteur, sont de saint Augustin).

[3] Cf. Is 24, 18.

[4] Les Confessions 1, 1, 1.

[5] Jn 6, 67.

[6] Jn 6, 68.

[7] Cf. Ep 1, 13.

[8] Cf. Discours sur les Psaumes 45, 1.

[9] Cf. Mt 8, 19.

[10] Cf. Traités sur L'évangile de Saint Jean 115, 4.

[11] La vraie Religion 39, 72.

[12] Cf. Note de la Bible de Jérusalem, 1 P 3, 4.

[13] Traités sur L'Évangile de saint Jean 26, 5.

[14] Discours sur les Psaumes 127, 10.

[15] Cf. Discours Sur Les Psaumes 118, Discours 29, 1.

[16] Cf. Ep 3, 18.

[17] Cf. Lettre 140, 26, 64.

[18] Cf. R. Guardini, Lo Spirito Della Liturgia. I Santi Segni, Brescia 2000, p. 126.

[19] Cf. Jean-Paul II, Lettre aux femmes, « à vous toutes, femmes du monde entier », n. 12.

[20] Traités sur l'Évangile de saint Jean, 34, 9.

[21] Cf. Discours sur les Psaumes 40, 13.

[22] Ps 11 (12), 4.

[23] Cf. Benoît XVI, L'elogio della coscienza. La Verità interroga il Cuore, Siena 2009.

[24] La Cité de Dieu 14, 28.

[25] Sermons 175, 3, 3.

[26] Traités sur l'Évangile de saint Jean 113, 4.

[27] Lc 19, 41.

[28] Cf. Is 53, 5.

[29] Cf. St Ambroise, Commentaire sur l'Évangile selon saint Luc X, 90.

[30] 2 Tm 2, 12.

[31] Cf. Sermon 50, 11.

[32] Cf. Traités sur l'Évangile de saint Jean 113, 4.

[33] He 4, 15.

[34] Cf. Jn 15, 7.

[35] Gn 2, 25; 3, 7.

[36] Cf. Sermons 136, 4.

[37] Cf. Ib. 160, 3.

[38] Benoît XVI, Jésus de Nazareth. De l'entrée à Jérusalem à la Résurrection, Éd. du Rocher 2011, p. 218.

[39] Cf. Jn 12, 31.

[40] H. U. Von Balthasar, "Tu coroni con la tua grazia", Milano 1990, p. 188.

[41] Ps 19 (18), 7.

[42] Les Confessions 2, 1, 1.

[43] Cf. Benoît XVI, Jésus de Nazareth, p. 221.

[44] Gn 2, 2.73.

[45] Cf. Col 1, 24.

[46] Cf. Jn 16, 13.

[47] Cf. Discours sur les Psaumes 143, 3.

[48] Traités sur l'Évangile de saint Jean 26, 3.

[49] Cf. Rm 5, 5.

[50] Gn 2, 8.

[51] Gn 3, 23.

[52] Jn 18, 1.

[53] Jn 19, 41.

[54] Cf. Discours sur les Psaumes 38, 20.

 

publié le : 21 avril 2011

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