JMJ 2005 - 2011

Homélie à l'ouverture des Journées mondiales de la Jeunesse de Cologne 2005

Homélie prononcée pendant la Célébration Eucharistique marquant l'ouverture des Journées mondiales de la Jeunesse le mardi 16 août 2005 au stade LTU arena de Düsseldorf Karl Cardinal Lehmann, président de la conférence épiscopale allemande Thème : "Nous avons vu son astre à son lever et sommes venus l'adorer" (Mt 2,2b), IL nous a appelé. Lectures : 1 S 3, 1-10 ; 1 Co 12, 12-27; Mt 2, 1-2 Le nombre de jeunes en provenance du monde entier qui ont convergé vers les Journées mondiales de la Jeunesse depuis leur fondation il y a presque 20 ans a de quoi étonner (premières JMJ officielles le dimanche des Rameaux en 1986 à Rome ; premières JMJ hors de Rome, à Buenos Aires en l'occurrence, en 1987). Aucun obs-tacle n'a pu les retenir. Ce sont leurs aspirations intenses en faveur de la paix, leur volonté de lutte contre la pauvreté et une "culture de l'amour" (expression du Pape Jean Paul II) qui sous-tendent un tel rassemblement. Des jeunes, nous en avons aussi besoin pour construire l'avenir de notre monde. Comme toujours, les motifs poussant à partir pour un tel pèlerinage sont nombreux et même assez différents les uns des autres. Les jeunes veulent découvrir le monde, faire connaissance avec d'autres conditions de vie. Peut-être découvriront-ils, dans d'autres pays, des modes d'existence, ou feront des expériences de nature à les faire avancer dans leur propre vie. Dans cette activité la curiosité n'est pas absente. Rappelons-nous au passage qu'il n'en allait guère différemment dans les pèlerinages des millénaires et siècles passés. Mais cela ne saurait suffire comme explication. Nous pouvons constater qu'un grand pèlerinage et un grand voyage ont besoin, pour se produire, d'un motif plus profond afin que l'on se donne la peine de les accomplir sans se laisser dominer par la peur. Parfois, c'est un instinct intérieur, une voix encore indistincte qui nous attire et nous anime à la fois. Il est certains mobiles de nos départs qui ne viennent pas simple-ment de nous. La Bible fait preuve de beaucoup de sensibilité sur ce point et nous en livre quelques exemples inoubliables. La promesse faite à Abraham, que Dieu lui donnera un grand peuple, est étroitement liée à pareil appel à se rendre dans un pays et en direction d'un futur lointains. "Yahvé dit à Abraham : Quitte ton pays, quitte ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t'indiquerai." (Gn 12,1). Nous observons aussi la même situation avec Jésus et les disciples qu'il invite à le suivre. En pleine pêche, ils abandonnent leurs filets, suivent Jésus et deviennent pêcheurs d'hommes (cf. Mk 1, 14-20). Toutefois, les choses ne sont pas toujours aussi évidentes qu'avec Abraham et les disciples de Jésus, pas aussi évidentes dès le départ et avec tout le monde. Diffé-rents sont les appels que nous entendons dans le brouhaha des voix et qu'ils nous faut discerner. Il n'est pas facile de déterminer si une voix vient de Dieu ou s'il s'agit d'un réflexe inscrit dans nos habitudes, d'un écho de séducteurs secrets et raffinés, ceux par exemple de la publicité et de la propagande, ou au bout du compte simple-ment l'expression de nos propres désirs secrets. Cela se voit bien dans l'histoire de la vocation de Samuel, que avons entendus précédemment en première lecture. Samuel assure le service au temple. Nombreuses déjà sont les expériences qu'il a faites dans la pratique de sa foi. Mais il semble que, visiblement, il ait rarement au fil de sa vie entendu la parole directe de Dieu. "En ce temps-là, il était rare que Yahvé parlât, les visions n'étaient pas fréquentes." (1 S 3,1). Dieu cependant parle. Toute-fois, Samuel ne le reconnaît pas au début. Il pense que c'est son maître Éli qui nui-tamment l'appelle. Il faudra attendre un troisième appel pour que Samuel comprenne qu'il ne s'agissait pas de Samuel, mais de Dieu lui-même. Ensuite, Samuel trouve la réponse correcte. Il a donc besoin de ce que les Saintes Écritures et la tradition de la spiritualité dénomment dès le départ le "discernement des esprits" (cf. 1 C 12,10 ; He 5,14). Notamment les signes des temps, aussi équivoques et aussi changeants que le temps soient-ils, ont besoin d'une interprétation claire (cf. Mt 16,3 ; Lc 12,54 ; 21,7). On peut reconnaître l'appel de Dieu et aussi l'appel de Jésus à ce qu'il nous arrache de la masse dans laquelle nous somme plus susceptibles de nous cacher, et de nos habitudes de vie envers lesquelles nous ne nous sentons pas vraiment responsable ("Les autres font bien la même chose !"). Il est important ici que nous soyons appelés par notre nom : tout comme Dieu nous a donné un nom au moment de notre nais-sance et de devenir chrétiens (par la foi et le baptême), nom qui exprime la dignité, unique en son genre, de chaque être humain. Lorsque Dieu nous appelle, il le fait jusqu'au plus grandes profondeurs de notre existence. L'appel de Dieu demande tou-jours du courage, car c'est nous qu'il appelle, sans option pour nous de nous faire remplacer. Tous nous aimerions bien tout remplacer, les moments difficiles de la vie surtout, les responsabilités et les fardeaux. L'appel de Dieu s'assortit de ce qu'il nous conduit d'abord vers un environnement différent, vers un avenir inconnu. Ceci vaut pour tous les chrétiens et aussi bien sûr pour tous ceux qui le suivent de plus près. Mais ici deux choses confluent : l'appel de Dieu vise l'individu, au plus profond de sa personne et de sa conscience. Mais le caractère impossible à confondre de cet appel se réfère aussi à une mission, à l'appartenance de chacun à une communauté et en particulier à la diffusion de l'Évangile dans le monde. L'appel et le voyage sont indis-sociables. Un appel ne sert pas simplement à l'édification personnelle de l'individu privé, ou à étancher une soif intellectuelle. Cet appel nous positionne sur une place bien précise. Les nombreux récits de vocation que contient la Bible nous le montrent bien. Ainsi le voyage répond-il à l'appel. Par ce voyage, Jésus, la plupart du temps par le biais de l'Église qui parle en son nom, nous confie une mission. Chaque personne place ses capacités et son charisme au service de la communauté et plus particuliè-rement de l'Église. La lecture extraite du 12e chapitre de la première lettre aux Corin-thiens nous a montré à quel point les nombreuses offrandes se complètent mutuel-lement, en raison aussi, précisément, de leur diversité chamarrée. "Il y a, certes, di-versité de dons spirituels, mais c'est le même esprit ...mais c'est le même Dieu qui opère tous en tous ...Mais tout cela, c'est l'unique et même Esprit qui l'opère, distri-buant ses dons à chacun en particulier comme il l'entend". (1 Co 12,4.11). Seul cet esprit nous aide à surmonter l'entêtement et un amour propre mal placé. Les dons de l'esprit (charismes) ne sont vrais que si leur particularité n'a rien d'ampoulée et d'arti-ficiellement grossie, et que s'ils sont utiles et servent au quotidien de l'Église en tant que communauté des croyants. Ce faisant, nous devons toujours écouter régulièrement notre voix intérieure et épier la parole de Dieu pour savoir si nous avons réellement perçu son appel ou si nous sommes restés sur certaines des marches qui conduisent vers Lui. Peut-être l'appel de Dieu nous conduit-il vers d'encore plus grandes profondeurs. Aussi les personnes qui ont choisi de servir en suivant Jésus Christ et ont accompli ce service longtemps, se demandent souvent, bien des années plus tard : était-ce tout ? Et si Dieu voulait de moi plus encore et quelque chose d'autre ? Souvent nous faisons barrage contre un tel appel "avancé" de Dieu et aimerions bien nous en excuser comme les prophè-tes eux-mêmes : cherche quelqu'un d'autre, je suis encore trop jeune ! Je ne suis pas bon orateur ! Dieu pourtant insiste sur le caractère intransigeant de son appel. Ici s'applique cette phrase d'une profondeur abyssale adressée à Pierre : "Quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture, et tu allais où tu voulais ; quand tu auras vieilli, tu étendras les mains, et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas." (Jn 21,18)
Nous parlions au début de ce que nous tous, d'une certaines manière, avons reçu une impulsion ou un signe nous incitant à nous rendre aux Journées mondiales de la Jeunesse 2005. Dieu nous parle en nous adressant de nombreux signaux. Parfois ils sont patents et sans équivoque. D'autres fois, il nous est difficile de discerner sa voix parmi celles, nombreuses, fusant dans notre monde, et nous sommes littéralement obligés de les filtrer. Ceci vaut pour chacun d'entre nous. Les JMJ ne génèrent pas une masse anonyme, elles souhaitent montrer à chacune et chacun d'entre nous sa vocation et sa place au sein de l'Église. C'est pour cette raison aussi qu'aux JMJ des jeunes, hommes et femmes, se sont découvert une vocation pour un service spiri-tuel. Simultanément, nous sommes souvent appelés en tant qu'Église dans les diffé-rentes acceptions du terme : dans la plus petite cellule communautaire formée par le mariage et la famille que nous appelons volontiers "Église familiale", dans nos com-munautés paroissiales, nos diocèses et nos provinces, mais aussi en tant qu'Église mondiale qui vit de l'échange entre ses membres. C'est là que nous devons recher-cher notre place concrète. Et enfin, puisque nous allons nous rendre à Cologne à l'occasion des Journées mon-diales de la Jeunesse 2005 pour y séjourner ces prochains jours, il faut parler des "Rois Mages", ces hommes qui se laissèrent appeler de façon bien particulière. Ils ne savaient pas ce qui les attendait. Mais ils étaient, passionnément, à la recherche de la vérité inhérente à notre existence, d'une orientation à l'ensemble de notre vie, d'un dernier repère et d'une vérité infaillible au milieu des égarements de notre vie. Cette recherche est le propre de l'homme lorsqu'il ne se cache pas lui-même. Ces rois sont des païens. Ils captent l'appel de Dieu par le biais de son étoile : "Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu en effet son astre à son lever et sommes venus l'adorer" (Mt 2,2). Car c'est de cela qu'il s'agit : tendre invariablement et pas-sionnément vers une étoile. Jésus est l'étoile de notre vie, l'étoile du matin et l'étoile du soir, il se situe au commencement et à la fin. Aujourd'hui et demain, rapprochons-nous avec cette étoile de Cologne, de nos nombreux frères et soeurs. Au terme de ces Journées, c'est transformés que nous retournerons dans nos foyers. Amen.

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