Benoît XVI de A à Z

Liturgie

2005



26 mai 2005 - Homélie Messe Corpus Domini
L'Eucharistie est, pour la foi, un mystère d'intimité. Le Seigneur a institué le Sacrement du Cénacle, entouré de sa nouvelle famille, des douze apôtres, préfiguration et anticipation de l'Eglise de tous les temps. C'est pourquoi, dans la liturgie de l'Eglise antique, la distribution de la sainte communion était introduite par les paroles suivantes: Sancta sanctis - le don saint est destiné à ceux qui sont rendus saints. On répondait de cette façon à l'avertissement de saint Paul aux Corinthiens: "Que chacun donc s'éprouve soi-même, et qu'ainsi il mange de ce pain et boive de cette coupe" (1 Co 11, 28). Toutefois, de cette intimité, qui est un don très personnel du Seigneur, la force du sacrement de l'Eucharistie va au-delà des murs de notre Eglise. Dans ce Sacrement, le Seigneur est toujours en marche vers le monde.



2006



5 février 2006 - Homélie de la Messe
Jésus dort dans la maison de Pierre, mais au petit matin, alors qu'il fait encore nuit, il se lève, cherche un lieu désert et se met à prier. Et ici apparaît le centre véritable du mystère de Jésus. Jésus parle avec le Père et élève son âme humaine dans la communion avec la personne du Fils, si bien que l'humanité du Fils, unie à Lui, parle dans le dialogue trinitaire avec le Père; et ainsi, il rend possible également pour nous la véritable prière. Dans la liturgie, Jésus prie avec nous, nous prions avec Jésus et ainsi nous entrons en contact réel avec Dieu, nous entrons dans le mystère de l'amour éternel de la Très Sainte Trinité.



2 mars 2006 - Avec les prêtres du Diocèse de Rome
La formation sacerdotale entre générations, même proches, semble être un peu différente pour de nombreuses personnes, et cela complique l'engagement commun pour la transmission de la foi. J'ai noté cela lorsque j'étais Archevêque de Munich. Quand nous sommes entrés au séminaire, nous avons tous eu une spiritualité catholique commune, plus ou moins mûre. Disons que le fondement spirituel était commun. A présent, les prêtres viennent d'expériences spirituelles très différentes. J'ai constaté dans mon séminaire qu'ils vivaient dans différentes "îlots" de spiritualité qui communiquaient difficilement. Nous en rendons d'autant plus grâce au Seigneur, car il a donné de nombreux et nouveaux élans à l'Eglise et aussi de nombreuses et formes de vie spirituelle, de découverte de la richesse de la foi. Il ne faut surtout pas négliger la spiritualité catholique commune, qui s'exprime dans la Liturgie et dans la grande Tradition de la foi. Cela me semble très important. Ce point est important également par rapport au Concile. Il ne faut pas vivre - comme je l'ai dit avant Noël à la Curie romaine - l'herméneutique de la discontinuité, mais vivre l'herméneutique du renouveau, qui est la spiritualité de la continuité, du mouvement en avant dans la continuité. Cela me semble très important. Ce point est important également par rapport à la Liturgie. Je prends un exemple concret, qui m'est venu précisément aujourd'hui avec la brève méditation de ce jour. La "Statio" de ce jour, le jeudi qui suit le Mercredi des Cendres, est la saint Georges. Il y avait autrefois deux lectures sur deux saints soldats correspondant à ce saint soldat. La première parle du roi Ezéchiel qui, malade, est condamné à mort et prie le Seigneur en pleurant: Donne-moi encore un peu de vie! Et le Seigneur est bon et lui accorde encore dix-sept ans de vie. C'est donc une belle guérison et ce soldat peut à nouveau reprendre en main son activité. La deuxième lecture est l'épisode de l'Evangile qui rapporte l'histoire de l'officier de Capharnaüm avec son serviteur malade. Nous avons ainsi deux motifs: celui de la guérison et celui de la "milice" du Christ, de la grande lutte. A présent, dans la liturgie actuelle, nous avons deux lectures totalement opposées. Nous avons celle du Deutéronome: "Choisis la vie" et celle de l'Evangile: "Suivre le Christ et prendre la croix avec soi", qui veut dire ne pas chercher sa propre vie, mais donner la vie, et c'est une interprétation de ce que signifie "choisis la vie". Je dois dire que j'ai toujours beaucoup aimé la liturgie. J'aimais vraiment le chemin quadragésimal de l'Eglise, avec ces "églises stations" et les lectures liées à ces églises: une géographie de la foi qui devient une géographie spirituelle du pèlerinage avec le Seigneur. Et j'avais été un peu déçu du fait que l'on nous ait enlevé ce lien entre la "station" et les lectures. Aujourd'hui, je vois que ces lectures sont vraiment très belles et expriment le programme du Carême: choisir la vie, c'est-à-dire renouveler le "oui" du Baptême, qui est précisément le choix de la vie. Dans ce sens, il existe une intime continuité et il me semble que nous devons l'apprendre de cela, qui n'est qu'un très petit exemple entre discontinuité et continuité. Nous devons accepter la nouveauté, mais également aimer la continuité et voir le Concile dans cette optique de la continuité. Cela nous aidera également à servir de médiateurs entre les générations dans leur façon de transmettre la foi.



6 avril 2006 - Rencontre avec les jeunes du diocèse de Rome, Place Saint Pierre
En ce qui me concerne, j'ai grandi dans un monde très différent du monde actuel, mais à la fin, les situations se ressemblent. D'une part, il y avait encore la situation de "chrétienté", dans laquelle il était normal d'aller à l'église et d'accepter la foi comme la révélation de Dieu et chercher à vivre selon la révélation; d'autre part, il y avait le régime nazi, qui affirmait à voix haute: "Dans la nouvelle Allemagne il n'y aura plus de prêtres, il n'y aura plus de vie consacrée, nous n'avons plus besoin de ces gens; cherchez une autre profession". Mais précisément en entendant ces voix "fortes", dans la confrontation avec la brutalité de ce système au visage inhumain, j'ai compris qu'il y avait, en revanche, un grand besoin de prêtres. Ce contraste, voir cette culture antihumaine, m'a confirmé dans la conviction que le Seigneur, l'Evangile, la foi nous montraient la voie juste et que nous devions nous engager pour que cette voie survive. Dans cette situation, la vocation au sacerdoce a grandi presque naturellement en moi et sans grands événements de conversion. En outre, deux choses m'ont aidé sur ce chemin: dès l'enfance, aidé par mes parents et par mon curé, j'ai découvert la beauté de la Liturgie et je l'ai toujours aimée davantage, car je sentais que dans celle-ci apparaît la beauté divine et que le ciel s'ouvre devant nous; le deuxième élément a été la découverte de la beauté et de la connaissance, la connaissance de Dieu, l'Ecriture Sainte, grâce à laquelle il est possible de s'introduire dans cette grande aventure du dialogue avec Dieu qu'est la théologie. Ainsi, cela a été une joie d'entrer dans ce travail millénaire de la théologie, dans cette célébration de la liturgie, dans laquelle Dieu est avec nous et se réjouit avec nous.



31 août 2006 - Avec les prêtres du diocèse d'Albano
Ars celebrandi : ici aussi, je dirais qu'il existe diverses dimensions. La première dimension est que la celebratio est une prière et un dialogue avec Dieu : Dieu avec nous et nous avec Dieu. La première exigence pour une bonne célébration est donc que le prêtre entre réellement dans ce dialogue. En annonçant la Parole, il se sent lui-même en dialogue avec Dieu, Il écoute la Parole et annonce cette Parole, dans le sens où il devient un instrument du Seigneur et cherche à comprendre cette Parole de Dieu qui doit ensuite être transmise au Peuple. Il est en dialogue avec Dieu, car les textes de la Messe ne sont pas des textes de théâtre ou quelque chose de semblable, mais ce sont des prières grâce auxquelles, avec l'assemblée, je parle avec Dieu. Entrer dans ce dialogue est donc important. Saint Benoît, dans sa « Règle », dit aux moines, en parlant de la récitation des Psaumes: « Mens concordet voci ». La voix, les paroles, précèdent notre esprit. D'habitude, ce n'est pas comme cela : d'abord on doit penser, puis la pensée devient parole. Mais ici, la parole précède. La Sainte Liturgie nous donne les paroles ; et nous, nous devons entrer dans ces paroles, trouver l'harmonie avec cette réalité qui nous précède.

A côté de cela, nous devons également apprendre à comprendre la structure de la Liturgie et la raison pour laquelle elle est organisée ainsi. La Liturgie s'est développée à travers deux millénaires et même après la Réforme. Elle n'est pas devenue une chose élaborée uniquement par une poignée de liturgistes. Elle demeure toujours la continuation de cette croissance permanente de l'adoration et de l'annonce. Ainsi, il est très important, pour pouvoir être en pleine harmonie, de comprendre cette structure, qui s'est développée dans le temps, et entrer ainsi avec notre mens dans la voix de l'Eglise. Dans la mesure où nous avons intériorisé cette structure, compris cette structure, assimilé les paroles de la Liturgie, nous pouvons entrer dans cette harmonie intérieure et ainsi, non seulement parler avec Dieu comme des personnes individuelles, mais entrer dans le « nous » de l'Eglise qui prie. Et de cette façon, transformer également notre « moi » en entrant dans le « nous » de l'Eglise, en enrichissant, en élargissant ce « moi », en priant avec l'Eglise, avec les paroles de l'Eglise, en étant réellement en dialogue avec Dieu.

Telle est la première condition : nous devons nous-mêmes intérioriser la structure, les paroles de la Liturgie, la Parole de Dieu. Ainsi, notre célébration devient réellement une célébration « avec » l'Eglise : notre cœur s'élargit et nous ne faisons pas simplement quelque chose, mais nous sommes « avec » l'Eglise et en dialogue avec Dieu. Il me semble que les personnes savent percevoir si nous sommes véritablement en dialogue avec Dieu, avec elles et, en quelque sorte, si nous attirons les autres dans notre prière commune, si nous attirons les autres dans la communion avec les fils de Dieu ; ou si, au contraire, nous faisons uniquement quelque chose d'extérieur. L'élément fondamental du véritable ars celebrandi est donc cet accord, cette harmonie entre ce que nous disons avec nos lèvres et ce que nous pensons avec le cœur. Le Sursum corda, qui est une très ancienne parole de la Liturgie, devrait venir bien avant la Préface, bien avant la Liturgie, la « voie » de nos paroles et de notre pensée. Nous devons élever notre cœur au Seigneur, non seulement comme une réponse rituelle, mais comme une expression de ce qui a lieu dans ce cœur, qui s'élève vers le haut et qui attire vers le haut également les autres.

En d'autres termes, l'ars celebrandi n'entend pas inviter à une sorte de théâtre, ni de spectacle, mais à une intériorité qui se fait sentir et qui devient acceptable et évidente pour les personnes présentes dans l'assemblée. Ce n'est que si les personnes voient qu'il ne s'agit pas d'un ars extérieur, spectaculaire - nous ne sommes pas des acteurs ! - mais qu'il s'agit de l'expression du chemin de notre cœur qui attire également leur cœur, qu'alors la Liturgie devient belle, qu'elle devient une communion de toutes les personnes présentes avec le Seigneur.

Naturellement, à cette condition fondamentale, exprimée dans les paroles de saint Benoît : Mens concordet voci - que le cœur monte, s'élève réellement vers le Seigneur - doivent également correspondre des éléments extérieurs. Nous devons apprendre à bien prononcer les paroles. Parfois, lorsque j'étais encore professeur dans mon pays, les jeunes lisaient les Ecritures Saintes. Mais ils les lisaient comme on lit le texte d'un poète que l'on n'a pas compris. Naturellement, pour apprendre à bien prononcer, il faut avant tout avoir compris le texte dans sa dimension dramatique, dans son présent. Il en est de même pour la Préface. Et la Prière eucharistique. Il est difficile pour les fidèles de suivre un texte aussi long que notre Prière eucharistique. C'est pourquoi naissent toujours ces nouvelles « inventions ». Mais on ne répond pas au problème avec des Prières eucharistiques sans cesse nouvelles. Le problème est de faire en sorte que ce soit un moment qui invite également les autres au silence avec Dieu et à prier avec Dieu. Les choses ne peuvent donc s'améliorer que si la Prière eucharistique est correctement prononcée, avec les temps de silence appropriés, que si elle est prononcée avec intériorité, mais également avec l'art de parler.

La récitation de la Prière eucharistique exige donc un moment d'attention particulière, pour être prononcée de façon à toucher les autres. Je pense que nous devons également trouver des occasions, que ce soit dans la catéchèse, dans les homélies ou à d'autres occasions, pour bien expliquer au peuple de Dieu cette Prière eucharistique afin qu'il puisse en suivre les grand moments : le récit et les paroles de l'institution, la prière pour les vivants et pour les défunts, l'action de grâce au Seigneur, l'épiclèse, pour faire réellement participer la communauté à cette prière.

Ensuite, les paroles doivent être bien prononcées. Et une préparation adéquate est nécessaire. Les servants d'autel doivent connaître leur rôle, les lecteurs doivent savoir réellement comment prononcer. Et le chœur, le chant, doivent être préparés ; l'autel doit être correctement décoré. Tout cela fait partie - même s'il s'agit de nombreux aspects pratiques - de l'ars celebrandi. Mais, pour conclure, l'élément fondamental est cet art d'entrer en communion avec le Seigneur, que nous préparons à travers toute notre vie de prêtres. …

Une autre expérience est celle des groupes de prière, dans lesquels ils apprennent à écouter la Parole de Dieu, à apprendre la Parole de Dieu précisément dans leur contexte de jeunes, à entrer en contact avec Dieu. Cela veut dire également apprendre la forme commune de la prière, la liturgie, qui sans doute dans un premier temps leur apparaît assez inaccessible. Ils apprennent qu'il existe la Parole de Dieu qui nous cherche, en dépit de la distance du temps, qui nous parle aujourd'hui. Nous portons le fruit de la terre et de notre travail au Seigneur et nous le trouvons transformé en don de Dieu. Nous parlons en tant que fils au Père, et nous recevons ensuite le don de Lui-même. Nous recevons la mission d'aller dans le monde avec le don de sa Présence.

Il serait également utile d'avoir des écoles de liturgie, auxquelles les jeunes puissent accéder.



2007



21 février 2007 - Homélie Messe Mercredi des Cendres
Avec la procession pénitentielle, nous sommes entrés dans le climat austère du Carême, et au début de cette célébration eucharistique, nous venons de prier pour que le Seigneur aide le peuple chrétien à "commencer un chemin de conversion véritable pour affronter de façon victorieuse, avec les armes de la pénitence, le combat contre l'esprit du mal" (Prière de la Collecte). Lorsque nous recevrons, dans quelques instants, les cendres sur le front, nous réécouterons encore une claire invitation à la conversion qui peut s'exprimer par une double formule: "Convertissez-vous et croyez à l'Evangile", ou bien: "Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière". C'est précisément en raison de la richesse des symboles et des textes bibliques et liturgiques que le Mercredi des Cendres est considéré comme la "porte" du Carême. En effet, la liturgie d'aujourd'hui et les gestes qui la caractérisent forment un ensemble qui anticipe de manière synthétique la physionomie même de toute la période quadragésimale. Dans sa tradition, l'Eglise ne se limite pas à nous offrir la thématique liturgique et spirituelle de l'itinéraire quadragésimal, mais elle nous indique également les instruments ascétiques et pratiques pour le parcourir de façon fructueuse.

La liturgie du Mercredi des Cendres indique ainsi dans la conversion du cœur à Dieu la dimension fondamentale du temps quadragésimal. Tel est le rappel très suggestif qui nous vient du rite traditionnel de l'imposition des cendres, que nous renouvellerons d'ici peu. Un rite qui revêt une double signification: la première relative au changement intérieur, à la conversion et à la pénitence, alors que la seconde renvoie à la précarité de la condition humaine, comme on le perçoit facilement dans les deux formules différentes qui accompagnent le geste. Ici, à Rome, la procession pénitentielle du Mercredi des Cendres part de Saint-Anselme pour se conclure dans cette Basilique Sainte-Sabine, où a eu lieu la première station quadragésimale. A ce propos, il est intéressant de rappeler que l'antique liturgie romaine, à travers les stations quadragésimales, avait élaboré une géographie singulière de la foi, en partant de l'idée que, avec l'arrivée des apôtres Pierre et Paul et avec la destruction du Temple, Jérusalem s'était transférée à Rome. La Rome chrétienne était entendue comme une reconstruction de la Jérusalem du temps de Jésus à l'intérieur des murs de l'Urbs. Cette nouvelle géographie intérieure et spirituelle, inhérente à la tradition des églises "stationnelles" du Carême, n'est pas un simple souvenir du passé, ni une vaine anticipation de l'avenir; au contraire, elle entend aider les fidèles à parcourir un chemin intérieur, le chemin de la conversion et de la réconciliation, pour parvenir à la gloire de la Jérusalem céleste où habite Dieu.

Chers frères et sœurs, nous avons quarante jours pour approfondir cette extraordinaire expérience ascétique et spirituelle. Dans l'Evangile qui a été proclamé, Jésus indique quels sont les instruments utiles pour accomplir l'authentique renouvellement intérieur et communautaire: les œuvres de charité (l'aumône), la prière et la pénitence (le jeûne). Ce sont trois pratiques fondamentales chères également à la tradition juive, parce qu'elles contribuent à purifier l'homme devant Dieu (cf. Mt 6, 1-6.16-18). Ces gestes extérieurs, qui sont accomplis pour plaire à Dieu et non pour obtenir l'approbation ou l'assentiment des hommes, sont acceptés par Lui s'ils expriment la détermination du cœur à le servir, avec simplicité et générosité. Cela nous est rappelé également par une des Préfaces quadragésimales où, à propos du jeûne, nous lisons cette expression singulière: "ieiunio... mentem elevas: par le jeûne, tu élèves ton esprit" (Préface IV).



5 avril 2007 - Homélie Messe chrismale
In persona Christi - au moment de l'Ordination sacerdotale, l'Eglise a rendu visible et tangible pour nous cette réalité des « vêtements nouveaux », même extérieurement, car nous avons été revêtus des parements liturgiques. Dans ce geste extérieur, celle-ci veut mettre pour nous en évidence l'événement intérieur et la tâche qui en découle pour nous : revêtir le Christ ; se donner à Lui comme Il s'est donné à nous. Cet événement, « se revêtir du Christ », est toujours représenté à nouveau lors de chaque Messe à travers le fait que nous nous revêtons des parements liturgiques. Les mettre doit représenter plus qu'un fait extérieur pour nous : c'est entrer toujours à nouveau dans le « oui » de notre charge - dans ce « non plus moi » du baptême que l'Ordination sacerdotale nous donne de manière nouvelle et, dans le même temps, nous demande. Le fait que nous soyons à l'autel, revêtus des parements liturgiques, doit immédiatement rendre visible aux personnes présentes et à nous-mêmes que nous sommes là « en la personne d'un Autre ». Les habits sacerdotaux, tels qu'ils se sont développés au cours du temps, sont une profonde expression symbolique de ce que signifie le sacerdoce. Chers confrères, je voudrais donc expliquer en ce Jeudi Saint l'essence du ministère sacerdotal en interprétant les parements liturgiques qui, pour leur part, veulent précisément illustrer ce que signifie « se revêtir du Christ », parler et agir « in persona Christi ».

L'acte de revêtir les vêtements sacerdotaux était autrefois accompagné par des prières qui nous aident à mieux comprendre chaque élément du ministère sacerdotal. En commençant par l'amict. Par le passé - et aujourd'hui encore dans les ordres monastiques -, il était tout d'abord placé sur la tête, comme une sorte de capuche, devenant ainsi un symbole de la discipline des sens et de la concentration de la pensée nécessaire pour une juste célébration de la Messe. Les pensées ne doivent pas errer ici et là derrière les préoccupations et les attentes de ma vie quotidienne; mes sens ne doivent pas être attirés par ce qui, à l'intérieur de l'église, voudrait fortuitement attirer les yeux et les oreilles. Mon coeur doit docilement s'ouvrir à la parole de Dieu et être recueilli dans la prière de l'Eglise, afin que ma pensée reçoive son orientation des paroles de l'annonce et de la prière. Et le regard de mon coeur doit être tourné vers le Seigneur qui est parmi nous : voilà ce que signifie ars celebrandi - la juste façon de célébrer. Si je suis ainsi avec le Seigneur, alors avec mon écoute, ma façon de parler et d'agir, j'attire également les autres personnes dans la communion avec Lui.

Les textes de la prière qui interprètent l'aube et l'étole vont tous deux dans la même direction. Ils évoquent le vêtement de fête que le maître donne au fils prodigue revenu à la maison, sale et en haillons. Lorsque nous nous approchons de la liturgie pour agir en la personne du Christ, nous nous apercevons tous combien nous sommes loin de Lui ; combien il existe de saleté dans notre vie. Lui seul peut nous donner le vêtement de fête, nous rendre digne de présider à sa table, d'être à son service. Ainsi, les prières rappellent également les paroles de l'Apocalypse selon lequel les vêtements des 144.000 élus, non par leurs mérites, étaient dignes de Dieu. L'Apocalypse commente qu'ils avaient lavé leurs vêtements dans le sang de l'Agneau et que, de cette façon, ils étaient devenus blancs comme la lumière (cf. Ap 7, 14). Dès l'enfance, je me suis demandé : mais lorsqu'on lave une chose dans le sang, elle ne devient certainement pas blanche ! La réponse est : le « sang de l'Agneau » est l'Amour du Christ crucifié. C'est cet amour qui rend propres nos vêtements sales ; qui rend vrai notre esprit obscurci et l'illumine ; qui, malgré toutes nos ténèbres, nous transforme en « lumière du Seigneur ». En revêtant l'aube, nous devrions nous rappeler : Il a souffert pour moi aussi. Ce n'est que parce que son amour est plus grand que tous mes péchés, que je peux le représenter et être témoin de sa lumière.

Mais avec le vêtement de lumière que le Seigneur nous a donné lors du Baptême et, de manière nouvelle, lors de l'Ordination sacerdotale, nous pouvons aussi penser au vêtement nuptial, dont Il nous parle dans la parabole du banquet de Dieu. Dans les homélies de saint Grégoire le Grand, j'ai trouvé à ce propos une réflexion digne d'intérêt. Grégoire distingue entre la version de Luc de la parabole et celle de Matthieu. Il est convaincu que la parabole de Luc parle du banquet nuptial eschatologique, alors que - selon lui - la version transmise par Matthieu traiterait de l'anticipation de ce banquet nuptial dans la liturgie et dans la vie de l'Eglise. En effet, chez Matthieu - et seulement chez Matthieu - le roi vient dans la salle remplie de monde pour voir ses hôtes. Et voilà qu'au sein de cette multitude, il trouve aussi un hôte sans habit nuptial, que l'on jette ensuite dehors dans les ténèbres. Alors Grégoire se demande : « Mais quelle espèce d'habit lui manquait-il ? Tous ceux qui sont réunis dans l'Eglise ont reçu l'habit nouveau du baptême et de la foi ; autrement ils ne seraient pas dans l'Eglise. Que manque-t-il donc encore ? Quel habit nuptial doit encore être ajouté ? ». Le Pape répond : « Le vêtement de l'amour. Et, malheureusement, parmi ses hôtes auxquels il avait donné l'habit nouveau, le vêtement blanc de la renaissance, le roi en trouve certains qui ne portent pas le vêtement de couleur pourpre du double amour envers Dieu et envers le prochain. « Dans quelle condition voulons-nous nous approcher de la fête du ciel, si nous ne portons pas l'habit nuptial - c'est-à-dire l'amour, qui seul peut nous rendre beaux ? », demande le Pape. Sans l'amour, une personne est obscure intérieurement. Les ténèbres extérieures, dont parle l'Evangile, ne sont que le reflet de la cécité intérieure du coeur (cf. Hom. 38, 8-13).

A présent, alors que nous nous apprêtons à célébrer la Messe, nous devrions nous demander si nous portons cet habit de l'amour. Demandons au Seigneur d'éloigner toute hostilité en nous, de nous ôter tout sens d'autosuffisance et de nous revêtir véritablement du vêtement de l'amour, afin que nous soyons des personnes lumineuses, qui n'appartiennent pas aux ténèbres.

Pour finir, encore quelques mots à propos de la chasuble. La prière traditionnelle, lorsque l'on revêt la chasuble, voit représenté en celle-ci le joug du Seigneur qui, en tant que prêtres, nous a été imposé. Et elle rappelle la parole de Jésus qui nous invite à porter son joug et à apprendre de Lui, qui est « doux et humble de coeur » (Mt 11, 29). Porter le joug du Seigneur signifie tout d'abord : apprendre de Lui. Etre toujours disposés à aller à son école. De Lui, nous devons apprendre la douceur et l'humilité - l'humilité de Dieu qui se montre dans son être homme. Saint Grégoire de Nazianze s'est demandé une fois pourquoi Dieu avait voulu se faire homme. La partie la plus importante, et pour moi la plus touchante de sa réponse est : « Dieu voulait se rendre compte de ce que signifie pour nous l'obéissance et il voulait tout mesurer sur la base de sa propre souffrance, de la création de son amour pour nous. De cette façon, Il peut directement connaître en lui-même ce que nous ressentons - combien il nous est demandé, combien d'indulgence nous méritons - en calculant, sur la base de sa souffrance, notre faiblesse » (Discours 30; Disc. théol. IV, 6). Nous voudrions parfois dire à Jésus : Seigneur, ton joug n'est pas du tout léger. Il est même terriblement lourd dans ce monde. Mais, ensuite, en Le regardant, Lui qui a tout porté - qui a éprouvé en lui l'obéissance, la faiblesse, la douleur, toute l'obscurité -, toutes nos plaintes se taisent. Son joug est d'aimer avec Lui. Et plus nous L'aimons, plus nous devenons avec Lui des personnes qui aiment, plus son joug apparemment lourd devient léger pour nous.



11 mai 2007 - Homélie Messe Canonisation de Frère Antonio de Sant'Anna Galvão, au Brésil.
Pendant la Messe, lorsque nous contemplons le Seigneur, élevé par le prêtre, après la consécration du pain et du vin, ou bien lorsque nous l'adorons avec dévotion exposé dans l'Ostensoir, nous renouvelons notre foi avec une profonde humilité, dans une attitude constante d'adoration. Tout le bien spirituel de l'Eglise est contenu dans la Sainte Eucharistie, c'est-à-dire le Christ lui-même notre Pâques, le Pain vivant qui est descendu du Ciel, vivifié par l'Esprit Saint, et vivifiant, car il donne la Vie aux hommes. Cette mystérieuse et ineffable manifestation de l'amour de Dieu pour l'humanité occupe une place privilégiée dans le cœur des chrétiens. Ils doivent pouvoir connaître la foi de l'Eglise, à travers ses ministres ordonnés, grâce au caractère exemplaire avec lequel ils accomplissent les rites prescrits, qui indiquent toujours dans la liturgie eucharistique le centre de toute l'œuvre d'évangélisation. Les fidèles doivent, à leur tour, chercher à recevoir et à vénérer le Très Saint Sacrement avec piété et dévotion, en désirant accueillir le Seigneur Jésus avec foi, et en sachant avoir recours, chaque fois que cela sera nécessaire, au Sacrement de la réconciliation pour purifier l'âme de tout péché grave.



7 juin 2007 - Homélie Messe Corpus Domini
Dans l'Exhortation post-synodale, en commentant l'exclamation du prêtre après la consécration: "Il est grand le mystère de la foi!", j'observais: à travers ces paroles, il "proclame le mystère qui est célébré et il manifeste son émerveillement devant la conversion substantielle du pain et du vin en corps et en sang du Seigneur Jésus, réalité qui dépasse toute compréhension humaine" (n. 6). Précisément parce qu'il s'agit d'une réalité mystérieuse qui dépasse notre compréhension, nous ne devons pas nous étonner si, aujourd'hui encore, de nombreuses personnes ont du mal à accepter la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie. Il ne peut en être autrement. Il en fut ainsi depuis le jour où, dans la synagogue de Capharnaüm, Jésus déclara publiquement être venu pour nous donner en nourriture sa chair et son sang (cf. Jn 6, 26-58). Ce langage apparut "dur" et de nombreuses personnes se retirèrent. A l'époque, comme aujourd'hui, l'Eucharistie demeure "un signe de contradiction" et ne peut manquer de l'être, car un Dieu qui se fait chair et se sacrifie pour la vie du monde met en crise la sagesse des hommes. Mais avec une humble confiance, l'Eglise fait sienne la foi de Pierre et des autres Apôtres, et proclame avec eux, tout comme nous proclamons: "Seigneur, à qui irons-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle" (Jn 6, 68).



20 septembre 2007 - Aux Evêques du Bénin, en Visite Ad Limina.
Une solide formation liturgique doit être assurée aux séminaristes et aux prêtres, permettant l'approfondissement de la connaissance des fondements, de la signification et de la valeur théologique des rites liturgiques.



24 septembre 2007 - Aux Evêques d'Ukraine en visite Ad Limina (rite Latin et Gréco-Catholique)
La rencontre d'aujourd'hui met en lumière la beauté et la richesse du mystère de l'Eglise. L'Eglise - rappelle le Concile Vatican II - est une "communauté de foi, d'espérance et de charité, voulue par le Christ unique médiateur, comme organisme visible sur la terre... Constituée et organisée comme société en ce monde, c'est dans l'Eglise catholique qu'elle se trouve, gouvernée par le Successeur de Pierre et les évêques qui sont en communion avec lui" (cf. Lumen gentium, n. 8). Dans la variété de ses rites et de ses traditions historiques, l'unique Eglise catholique annonce et témoigne dans chaque lieu de la terre du même Jésus Christ, Parole de salut pour chaque homme et pour tout l'homme. C'est pourquoi le secret de l'efficacité de chacun de nos projets pastoraux et apostoliques est tout d'abord la fidélité au Christ.



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