Benoît XVI de A à Z

Dieu parle

2005



24 avril 2005 - Homélie Messe Intronisation
Ce n'est pas le pouvoir qui rachète, mais l'amour ! C'est là le signe de Dieu: Il est lui-même amour. Combien de fois désirerions-nous que Dieu se montre plus fort! Qu'il frappe durement, qu'il terrasse le mal et qu'il crée un monde meilleur! Toutes les idéologies du pouvoir se justifient ainsi, justifient la destruction de ce qui s'oppose au progrès et à la libération de l'humanité. Nous souffrons pour la patience de Dieu. Et nous avons néanmoins tous besoin de sa patience. Le Dieu qui est devenu agneau nous dit que le monde est sauvé par le Crucifié et non par ceux qui ont crucifié. Le monde est racheté par la patience de Dieu et détruit par l'impatience des hommes.



2006



6 avril 2006 - Rencontre avec les jeunes du diocèse de Rome, Place Saint Pierre
Il faut avant tout dire qu'il faut lire l'Ecriture Sainte non pas comme un quelconque livre d'histoire, comme nous lisons, par exemple, Homère, Ovide, Horace; il faut la lire réellement comme la Parole de Dieu, c'est-à-dire en instaurant un dialogue avec Dieu. Il faut avant tout prier, prier avec le Seigneur: "Ouvre-moi la porte". C'est ce que dit souvent saint Augustin dans ses homélies: "J'ai frappé à la porte de la Parole pour trouver finalement ce que le Seigneur veut me dire". Cela me semble un point très important. On ne lit pas l'Ecriture dans un climat académique, mais en priant et en disant au Seigneur: "Aide-moi à comprendre ta Parole, ce que tu veux me dire dans cette page".

Un second point est: l'Ecriture Sainte introduit à la communion avec la famille de Dieu. On ne peut donc pas lire seul l'Ecriture Sainte. Certes, il est toujours important de lire la Bible de façon très personnelle, dans un dialogue personnel avec Dieu, mais dans le même temps, il est important de la lire en compagnie des personnes avec lesquelles on marche. Se laisser aider par les grands maîtres de la "Lectio divina". Nous avons, par exemple, tant de beaux livres du Cardinal Martini, un véritable Maître de la "Lectio divina", qui aide à entrer dans le vif de l'Ecriture Sainte. Lui qui connaît bien toutes les circonstances historiques, tous les éléments caractéristiques du passé, cherche toutefois toujours à ouvrir également la porte pour faire voir que des paroles appartenant apparemment au passé sont également des paroles du présent. Ces maîtres nous aident à mieux comprendre et également à connaître la façon dont il faut lire l'Ecriture Sainte. Il est ensuite généralement opportun de la lire en compagnie des amis qui sont en chemin avec moi et qui cherchent, avec moi, comment vivre avec le Christ, quelle vie nous vient de la Parole de Dieu.

Troisième point: s'il est important de lire l'Ecriture Sainte aidés par les maîtres, accompagnés par les amis, les compagnons de route, il est important en particulier de la lire en compagnie du Peuple de Dieu en pèlerinage, c'est-à-dire dans l'Eglise. L'Ecriture Sainte a deux sujets. Tout d'abord le sujet divin: c'est Dieu qui parle. Mais Dieu a voulu faire participer l'homme à sa Parole. Tandis que les Musulmans sont convaincus que le Coran est inspiré oralement par Dieu, nous croyons que pour l'Ecriture Sainte, la synergie, comme le disent les théologiens, est caractéristique; la collaboration de Dieu avec l'homme. Celui-ci fait participer son peuple à travers sa Parole et ainsi, le deuxième sujet - le premier sujet étant, comme je l'ai dit, Dieu - est humain. Il existe des écrivains individuels, mais il existe la continuité d'un sujet permanent, le Peuple de Dieu qui marche avec la Parole de Dieu et qui est en dialogue avec Dieu. En écoutant Dieu, on apprend à écouter la Parole de Dieu et puis également à l'interpréter. Et ainsi, la Parole de Dieu devient présente, car les personnes meurent, mais le sujet vital, le Peuple de Dieu, est toujours vivant, et est identique au cours des millénaires: c'est toujours le même sujet vivant, dans lequel vit la Parole.

Je pense que nous devons apprendre ces trois éléments: lire dans un dialogue personnel avec le Seigneur; lire accompagnés par des maîtres qui ont l'expérience de la foi, qui sont entrés dans l'Ecriture Sainte; lire au sein de la grande communauté de l'Eglise, dans la Liturgie de laquelle ces événements deviennent toujours à nouveau présents, dans laquelle le Seigneur parle à présent avec nous, afin que nous entrions toujours plus dans l'Ecriture Sainte, dans laquelle Dieu parle réellement avec nous aujourd'hui.


Une culture de la consommation fausse notre vie en raison d'un relativisme qui semble tout nous permettre, mais qui en réalité nous vide. Mais alors, écoutons la Parole de Dieu à ce propos. Pour ma part, j'ai trouvé qu'il était très beau que dès les premières pages de l'Ecriture Sainte, immédiatement après le récit de la Création de l'homme, nous trouvions la définition de l'amour et du mariage. L'auteur sacré nous dit: "Ainsi donc, l'homme quittera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et les deux ne feront qu'une seule chair, une seule existence". Nous sommes au début et nous trouvons déjà une prophétie de ce qu'est le mariage; et cette définition demeure identique également dans le Nouveau Testament. Le mariage signifie suivre l'autre dans l'amour et devenir ainsi une seule existence, une seule chair, et donc inséparables; une nouvelle existence qui naît de cette communion d'amour, qui unit et crée ainsi également l'avenir. Les théologiens du Moyen-Age, en interprétant cette affirmation qui se trouve au début de l'Ecriture Sainte, ont dit que des sept Sacrements, le mariage a été le premier institué par Dieu, ayant été déjà institué au moment de la création, au Paradis, au début de l'histoire, et avant toute histoire humaine. Il s'agit d'un sacrement du Créateur de l'univers, et donc inscrit précisément dans l'être humain lui-même, qui est orienté vers ce chemin, dans lequel l'homme abandonne ses parents et s'unit à sa femme pour former une seule chair, afin que les deux ne deviennent qu'une seule existence. Le sacrement du mariage n'est donc pas une invention de l'Eglise, il a réellement été "co-créé" avec l'homme en tant que tel, en tant que fruit du dynamisme de l'amour, dans lequel l'homme et la femme se trouvent mutuellement et trouvent ainsi également le Créateur qui les a appelés à l'amour. Il est vrai que l'homme est tombé et a été chassé du Paradis, ou, en d'autres termes, plus modernes, il est vrai que toutes les cultures ont été souillées par le péché, par les erreurs de l'homme dans son histoire, et ainsi, le dessein initial inscrit dans notre nature apparaît obscurci. En effet, dans les cultures humaines, nous trouvons cet obscurcissement du dessein originel de Dieu. Dans le même temps, toutefois, en observant les cultures, toute l'histoire culturelle de l'humanité, nous constatons également que l'homme n'a jamais pu totalement oublier ce dessein qui existe dans la profondeur de son être. Il a toujours su, en un certain sens, que les autres formes de relations entre l'homme et la femme ne correspondaient pas réellement au dessein originel de son être. Et ainsi, dans les cultures, en particulier dans les grandes cultures, nous constatons toujours à nouveau qu'elles s'orientent vers cette réalité, la monogamie, l'homme et la femme ne faisant qu'une seule chair. Ainsi, c'est dans la fidélité, que peut croître une nouvelle génération, que peut se poursuivre une tradition culturelle, se renouvelant et réalisant, dans la continuité, un progrès authentique.

Le Seigneur, qui a parlé de cela dans la langue des prophètes d'Israël, en évoquant la permission de divorcer de la part de Moïse, a dit: "C'est en raison de votre dureté de coeur". Après le péché, le coeur est devenu "dur", mais tel n'était pas le dessein du Créateur et les Prophètes ont insisté toujours plus clairement sur ce dessein originel. Pour renouveler l'homme, le Seigneur - en faisant allusion aux voix prophétiques qui ont toujours guidé Israël vers la clarté de la monogamie - a reconnu avec Ezéchiel que nous avons besoin - pour vivre cette vocation, d'un coeur nouveau; au lieu du coeur de pierre - comme dit Ezéchiel - nous avons besoin d'un coeur de chair, d'un coeur véritablement humain. Et le Seigneur, dans le Baptême, à travers la foi, "greffe" en nous ce coeur nouveau. Il ne s'agit pas d'une greffe physique, mais nous pouvons peut-être nous servir précisément de cette comparaison: après la greffe, il est nécessaire que l'organisme soit soigné, qu'il dispose des médicaments nécessaires pour pouvoir vivre avec son nouveau coeur, afin qu'il devienne "son coeur", et non le "coeur d'un autre". Dans cette "greffe spirituelle", où le Seigneur nous offre un coeur nouveau, un coeur ouvert au Créateur, à la vocation de Dieu, pour pouvoir vivre avec ce coeur nouveau, nous avons encore plus besoin de traitements adéquats, il faut avoir recours à des médicaments adaptés afin qu'il devienne véritablement "notre coeur". En vivant ainsi dans la communion avec le Christ, avec son Eglise, le nouveau coeur devient réellement "notre coeur" et le mariage devient possible. L'amour exclusif entre un homme et une femme, la vie à deux projetée par le Créateur devient possible, même si le climat de notre monde la rend difficile, jusqu'à la faire apparaître impossible.

Le Seigneur nous donne un coeur nouveau et nous devons vivre avec ce coeur nouveau, en utilisant les thérapies opportunes afin qu'il soit réellement "le nôtre". C'est ainsi que nous vivons ce que le Créateur nous a donné et cela engendre une vie véritablement heureuse. En effet, nous pouvons le voir également dans ce monde, en dépit des nombreux autres modèles de vie: il existe tant de familles chrétiennes qui vivent avec fidélité et joie la vie et l'amour indiqués par le Créateur et c'est ainsi que se développe une nouvelle humanité.

Et enfin, j'ajouterais: nous savons tous que pour arriver à un objectif dans le sport et au niveau professionnel, la discipline et les sacrifices sont nécessaires, mais ensuite, tout cela est couronné par le succès d'avoir atteint un objectif tant désiré. De la même façon, la vie elle-même, c'est-à-dire devenir hommes selon le dessein de Jésus, exige des sacrifices; toutefois, ils ne sont pas une chose négative, au contraire, ils aident à vivre en tant qu'homme avec un coeur nouveau, à vivre une vie véritablement humaine et heureuse. Etant donné qu'il existe une culture hédoniste qui veut nous empêcher de vivre selon le dessein du Créateur, nous devons avoir le courage de créer des îlots, des oasis, puis de grands terrains de culture catholique, dans lesquels vivre le dessein du Créateur.


Je pense qu'il est important d'être attentifs aux gestes du Seigneur sur notre chemin. Il nous parle à travers des événements, à travers des personnes, à travers des rencontres: il faut être attentifs à tout cela. Ensuite, entrer réellement dans une relation d'amitié avec Jésus, dans une relation personnelle avec Lui et ne pas savoir seulement par les autres ou par les livres qui est Jésus, mais vivre une relation toujours plus approfondie d'amitié personnelle avec Jésus, dans laquelle nous pouvons commencer à comprendre ce qu'Il nous demande. Et ensuite, l'attention à ce que je suis, à mes capacités: d'une part du courage et de l'autre de l'humilité, de la confiance et l'ouverture, également avec l'aide des amis, de l'autorité de l'Eglise et aussi des prêtres, des familles: qu'est-ce que le Seigneur veut de moi? Bien sûr, cela reste toujours une grande aventure, mais la vie ne peut réussir que si nous avons le courge de l'aventure, la confiance dans le fait que le Seigneur ne me laissera jamais seul, que le Seigneur m'accompagnera, m'aidera.



2007



1er avril 2007 - Homélie Messe des Rameaux - XXIIème JMJ
Le Psaume 24 [23] se termine par une liturgie d'entrée devant la porte du temple: "Portes, levez vos frontons, levez-les, portes éternelles: qu'il entre le roi de gloire". Dans l'ancienne liturgie du Dimanche des Rameaux, le prêtre, parvenu devant l'église, frappait puissamment avec un bras de la croix de la procession à la porte encore fermée, qui s'ouvrait alors. C'était une belle image du mystère de Jésus lui-même qui, avec le bois de sa croix, avec la force de son amour qui se donne, a frappé du côté du monde à la porte de Dieu; du côté d'un monde qui ne réussissait pas à trouver un accès à Dieu. Avec la croix, Jésus a ouvert toute grande la porte de Dieu, la porte entre Dieu et les hommes. A présent, celle-ci est ouverte. Mais de l'autre côté également, le Seigneur frappe avec sa croix: il frappe aux portes du monde, aux portes de nos cœurs, qui si souvent et en si grand nombre sont fermées pour Dieu. Et il nous parle plus ou moins ainsi: si les preuves que Dieu te donne de son existence dans la création ne réussissent pas à t'ouvrir à Lui; si la parole de l'Ecriture et le message de l'Eglise te laissent indifférent - alors regarde-moi, regarde le Dieu qui pour toi a souffert, qui souffre personnellement avec toi - vois que je souffre par amour pour toi ouvre-toi à moi, ton Seigneur et ton Dieu.

Tel est l'appel, qu'en cette heure, nous laissons pénétrer dans notre cœur. Que le Seigneur nous aide à ouvrir la porte de notre cœur, la porte du monde, afin que Lui, le Dieu vivant, puisse à travers son Fils arriver dans notre temps, atteindre notre vie.



15 avril 2007 - Homélie Messe 80 ans du Saint-Père Benoit XVI
Il est accordé à l'Apôtre Thomas de toucher les blessures de Jésus, et ainsi il le reconnaît - il le reconnaît au-delà de l'identité humaine de Jésus de Nazareth, dans son identité véritable, son identité la plus profonde : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (Jn 20, 28). Le Seigneur a emporté avec lui ses blessures dans l'Eternité. Il est un Dieu blessé ; il s'est laissé blesser par son amour pour nous. Ses blessures sont pour nous le signe qu'Il nous comprend et qu'Il se laisse blesser par son amour pour nous. Ces blessures qui sont les siennes, comme nous pouvons les toucher dans l'histoire de notre temps ! En effet, Il se laisse toujours de nouveau blesser pour nous. Quelle certitude de sa Miséricorde et quelle consolation ne signifient-elles pas pour nous ! Et quelle sécurité ne nous donnent-elles pas sur ce qu'Il est : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Et combien ne constituent-elles pas pour nous un devoir de nous laisser blesser à notre tour par Lui !

Les miséricordes de Dieu nous accompagnent jour après jour. Il suffit que nous ayons le coeur vigilant pour pouvoir les percevoir. Nous sommes trop enclins à ressentir seulement la fatigue quotidienne qui nous a été imposée à nous, fils d'Adam. Mais si nous ouvrons notre coeur, alors nous pouvons, tout plongés que nous soyons dans [cette fatigue], constater continuellement aussi combien Dieu est bon pour nous ; combien Il pense à nous justement dans les petites choses, en nous aidant ainsi à atteindre les grandes.



17 juin 2007, avec les jeunes, à Assise ; à l'occasion du 8ème centenaire de la conversion de Saint François.
Un aspect qui impressionnait les contemporains de François était son ambition, sa soif de gloire et d'aventure. Ce fut cela qui le conduisit sur les champs de bataille, avant d'être fait prisonnier pendant un an à Pérouse. La même soif de gloire, une fois libre, devait le conduire dans les Pouilles, dans une nouvelle expédition militaire, mais précisément dans cette circonstance, à Spolète, le Seigneur se présenta à son cœur, le poussa à revenir sur ses pas et à se placer sérieusement à l'écoute de sa Parole. Il est intéressant de noter que le Seigneur a su prendre François dans le sens qui était le sien, celui du désir de s'affirmer, pour lui montrer la voie d'une ambition sainte, projetée sur l'infini : "Qui peut t'être plus utile, le patron ou le serviteur ?" (3 Comp 2, 6: FF 1401), fut la question qu'il entendit résonner dans son cœur. C'est-à-dire: pourquoi te contenter d'être dépendant des hommes, lorsqu'il y a un Dieu qui est prêt à t'accueillir dans sa maison, à son service royal ?

Nous avons entendu répéter dans le chant que saint François a entendu la voix. Il a entendu dans son cœur la voix du Christ et que se passe-t-il? Il se passe qu'il doit se mettre au service de ses frères, surtout de ceux qui souffrent le plus. Telle est la conséquence de cette première rencontre avec la voix du Christ. Ce matin, en passant par Rivortorto, j'ai regardé le lieu où, selon la tradition, étaient rassemblés les lépreux, les derniers, les marginalisés, à l'égard desquels François éprouvait un sentiment irrésistible de répulsion. Touché par la grâce, il leur ouvrit son cœur. Et il le fit non seulement à travers un geste d'aumône empli de charité, car cela était trop peu, mais également en les embrassant et en les servant. Lui-même confesse que ce qui lui était auparavant amer devint pour lui "douceur d'âme et de corps" (2 Test 3: FF 110).

La grâce commençait donc à former François. Il devint toujours plus capable de fixer son regard sur le visage du Christ et d'écouter sa voix. Ce fut à ce moment-là que le Crucifié de saint Damien lui adressa la parole, en l'appelant à une mission audacieuse: "Va François, répare ma maison qui, comme tu le vois, tombe en ruine" (2 Cel I, 6, 10: FF 593). En m'arrêtant ce matin à Saint-Damien, puis dans la Basilique Sainte-Claire, où l'on conserve le Crucifix original qui parla à saint François, j'ai fixé moi aussi mon regard dans les yeux du Christ. C'est l'image du Christ Crucifié-Ressuscité, vie de l'Eglise, qui parle également en nous si nous sommes attentifs, tout comme il y a deux mille ans, il parla à ses apôtres, et il y a huit cents ans, il parla à François. L'Eglise vit continuellement de cette rencontre.



24 juillet 2007 - Avec les prêtres du diocèse de Belluno
D.: Votre Sainteté, mon nom est dom Claudio, je voulais vous poser une question à propos de la formation de la conscience, en particulier à propos des jeunes générations, car aujourd'hui, former une conscience cohérente, une conscience droite, semble toujours plus difficile. On confond le bien et le mal avec le fait de se sentir bien et de se sentir mal, l'aspect le plus chargé d'émotion. C'est pourquoi je voulais recevoir quelques conseils de votre part. Merci...

Cette question reflète un peu le problème de la situation culturelle en Occident, car le concept de conscience s'est profondément transformé au cours des deux derniers siècles. Aujourd'hui prévaut l'idée que seul ce qui est quantifiable est rationnel, fait partie de la raison. Les autres choses, c'est-à-dire les matières de la religion et de la morale, n'auraient pas de rapport avec la raison commune, car elles ne sont pas vérifiables, ou, comme on dit, pas falsifiables lors de l'expérimentation. Dans cette situation, où morale et religion sont presque expulsées par la raison, l'unique critère ultime de la moralité ainsi que de la religion est le sujet, la conscience subjective qui ne connaît pas d'autres instances. En fin de compte, seul le sujet, avec son sentiment, ses expériences, d'éventuels critères qu'il a trouvés, décide. Mais ce faisant, le sujet devient une réalité isolée, et c'est ainsi que changent, comme vous l'avez dit, jour après jour, les paramètres. Dans la tradition chrétienne, "conscience" signifie conscience: c'est-à-dire que nous, que notre être est ouvert, il peut écouter la voix de l'être lui-même, la voix de Dieu. La voix des grandes valeurs est donc inscrite dans notre être et la grandeur de l'homme est précisément qu'il n'est pas fermé sur lui, il n'est pas réduit aux choses matérielles, quantifiables, mais il possède une ouverture intérieure aux choses essentielles, la possibilité d'une écoute. Dans la profondeur de notre être, nous pouvons écouter non seulement les besoins du moment, non seulement les choses matérielles, mais écouter la voix du Créateur lui-même et connaître ainsi ce qui est bien et ce qui est mal. Mais naturellement, cette capacité d'écoute doit être éduquée et développée. Tel est précisément l'engagement de l'annonce que nous faisons dans l'Eglise: développer cette très haute capacité donnée par Dieu à l'homme d'écouter la voix de la vérité et donc la voix des valeurs. Je dirais donc qu'un premier pas est de rendre les personnes conscientes que notre nature porte en elle un message moral, un message divin, qui doit être déchiffré et que nous pouvons peu à peu mieux connaître, écouter, si notre écoute intérieure est ouverte et développée. A présent, la question concrète est de savoir comment effectuer cette éducation à l'écoute, comment rendre l'homme capable de cela, malgré toute cette surdité moderne, comment faire en sorte que cette écoute soit rétablie, qu'elle soit réellement un événement, l'Effatà du Baptême, l'ouverture des sens intérieurs. En voyant la situation dans laquelle nous nous trouvons, je proposerais une combinaison entre une voie laïque et une voie religieuse, la voie de la foi. Aujourd'hui, nous voyons tous que l'homme pourrait détruire le fondement de son existence, sa terre, et nous ne pouvons donc plus simplement faire avec notre terre, avec la réalité qui nous a été confiée, ce que nous voulons et ce qui nous apparaît utile et prometteur sur le moment, mais nous devons respecter les lois intérieures de la création, de cette terre, apprendre ces lois et obéir également à ces lois, si nous voulons survivre. Cette obéissance à la voix de la terre, de l'être, est donc plus importante pour notre bonheur futur que les voix du moment, les désirs du moment. Il s'agit, en somme, d'un premier critère à apprendre: que l'être lui-même, notre terre, parle avec nous et que nous devons écouter si nous voulons survivre et déchiffrer ce message de la terre. Et si nous devons être obéissants à la voix de la terre, cela vaut encore davantage pour la voix de la vie humaine. Nous devons non seulement prendre soin de la terre, mais nous devons respecter l'autre, les autres. Que ce soit l'autre dans sa singularité comme personne, comme mon prochain, ou les autres comme communauté qui vit dans le monde et qui désire vivre ensemble. Et nous voyons que ce n'est que dans le respect absolu de cette créature de Dieu, de cette image de Dieu qui est l'homme, que ce n'est que dans le respect d'une vie vécue ensemble sur la terre, que nous pouvons aller de l'avant. Et nous arrivons ici au fait que nous avons besoin des grandes expériences morales de l'humanité, qui sont des expériences nées de la rencontre avec l'autre, avec la communauté; l'expérience que la liberté humaine est toujours une liberté partagée et qu'elle ne peut fonctionner que si nous partageons nos libertés dans le respect des valeurs qui nous sont communes à tous. Il me semble que, grâce à ces pas, il est possible de faire voir la nécessité d'obéir à la voix de l'être, d'obéir à la dignité de l'autre, d'obéir à la nécessité de vivre ensemble nos libertés comme une liberté, et pour tout cela connaître la valeur qui existe dans le fait de permettre une digne communion de vie entre les hommes. Nous arrivons ainsi, comme je l'ai déjà dit, aux grandes expériences de l'humanité, dans lesquelles s'exprime la voix de l'être, et surtout aux expériences de ce grand pèlerinage historique du peuple de Dieu, commencé avec Abraham, dans lequel nous trouvons non seulement les expériences humaines fondamentales, mais où nous pouvons, grâce à ces expériences, entendre la voix du Créateur lui-même, qui nous aime et qui nous a parlé. Ici, dans ce contexte, en respectant les expériences humaines qui nous indiquent le chemin d'aujourd'hui et de demain, il me semble que les Dix Commandements ont toujours une valeur prioritaire, dans laquelle nous voyons les indicateurs fondamentaux du chemin. Les Dix Commandements relus, revécus à la lumière du Christ, à la lumière de la vie de l'Eglise et de ses expériences, indiquent plusieurs valeurs fondamentales et essentielles: le quatrième et le sixième commandement indiquent ensemble l'importance de notre corps, de respecter les lois du corps, de la sexualité et de l'amour, la valeur de l'amour fidèle, la famille; le cinquième commandement indique la valeur de la vie et également la valeur de la vie commune; le septième commandement indique la valeur du partage des biens de la terre et la juste division de ces biens, l'administration de la création de Dieu; le huitième commandement indique la grande valeur de la vérité. Donc, si dans le quatrième, le cinquième et le sixième commandement, nous avons l'amour pour le prochain, dans le septième, nous avons la vérité. Tout cela ne peut fonctionner sans la communion avec Dieu, sans le respect de Dieu et sans la présence de Dieu dans le monde. Un monde sans Dieu devient dans tous les cas le monde de l'arbitraire et de l'égoïsme. Ce n'est que si Dieu apparaît qu'il y a de la lumière, de l'espérance. Notre vie possède un sens que nous ne devons pas créer nous-mêmes, mais qui nous précède, qui nous conduit. En ce sens, je dirais donc de prendre ensemble les voies évidentes que la conscience laïque peut facilement entrevoir aujourd'hui aussi, et de chercher ainsi à guider vers les voix plus profondes, vers la véritable voix de la conscience, qui se communique à travers la grande tradition de la prière, de la vie morale de l'Eglise. Ainsi, à travers un chemin d'éducation patiente, nous pouvons, je pense, apprendre tous à vivre et à trouver la vraie vie.



1er septembre 2007 - Rencontre avec 500 000 jeunes au sanctuaire marial de lorette.
Oui, nous tous, même en étant croyants, nous connaissons le silence de Dieu. Dans le Psaume, il y a ce cri presque désespéré: "Parle Dieu! Ne te cache pas!". Un livre vient récemment d'être publié avec les expériences de Mère Teresa et l'on constate ce que nous savions déjà avec plus d'évidence encore: même avec toute sa charité, sa force de foi, Mère Teresa souffrait du silence de Dieu. D'un côté, nous devons supporter ce silence de Dieu également pour pouvoir comprendre nos frères qui ne connaissent pas Dieu. De l'autre, avec le Psaume, nous pouvons toujours à nouveau crier à Dieu: "Parle, montre-toi!". Et sans aucun doute, dans notre vie, si notre cœur est ouvert, nous pouvons trouver les grands moments dans lesquels la présence de Dieu devient réellement sensible pour nous également. Je me souviens en ce moment d'une petite histoire que Jean-Paul II raconta au cours des Exercices spirituels qu'il prêcha lorsqu'il n'était pas encore Pape. Il raconta que, après la guerre, un officier russe qui était scientifique lui avait rendu visite: "Je suis sûr que Dieu n'existe pas. Mais si je me trouve en montagne, devant sa majestueuse beauté, devant sa grandeur, je suis également sûr que le Créateur existe et que Dieu existe". La beauté de la Création est l'une des sources où nous pouvons réellement toucher du doigt la beauté de Dieu, nous pouvons voir que le Créateur existe et qu'il est bon, que ce que les Saintes Ecritures disent du récit de la Création est vrai, c'est-à-dire que Dieu a pensé et fait avec son cœur, avec sa volonté, avec sa raison, ce monde, et il l'a trouvé bon. Nous aussi nous devons être bons, pour avoir le cœur ouvert à percevoir la véritable présence de Dieu. Puis, en entendant la Parole de Dieu lors des grandes célébrations liturgiques, lors des fêtes de la foi, dans la grande musique de la foi, nous ressentons cette présence. Je me souviens, en cet instant, d'une autre petite histoire que m'a racontée récemment un évêque en visite "ad limina": il y avait une femme non chrétienne très intelligente qui commença à écouter la grande musique de Bach, Haendel, Mozart. Elle était fascinée et un jour elle dit: "Je dois trouver la source d'où peut provenir tant de beauté", et la femme s'est convertie au Christianisme, à la foi catholique, parce qu'elle avait trouvé que cette beauté a une source, et la source est la présence du Christ dans les cœurs, c'est la révélation du Christ dans les cœurs, c'est la révélation du Christ dans ce monde. Donc, de grandes fêtes de la foi, de la célébration liturgique, mais également le dialogue personnel avec le Christ: Lui ne répond pas toujours, mais il y a des moments où il répond réellement. Et puis l'amitié, la compagnie de la foi. A présent, réunis ici à Lorette, nous voyons que la foi unit, l'amitié crée une compagnie de personnes en chemin. Et nous sentons que tout cela ne vient pas de nulle part, mais a réellement une source, que le Dieu silencieux est aussi un Dieu qui parle, qui se révèle et surtout que nous-mêmes nous pouvons être des témoins de sa présence, que de notre foi apparaît réellement comme une lumière également pour les autres. Je dirais donc que, d'une part, nous devons accepter que, dans ce monde, Dieu soit silencieux, mais ne pas être sourds à ses paroles, à sa manière d'apparaître en de nombreuses occasions et nous voyons surtout dans la Création, dans la belle liturgie, dans l'amitié au sein de l'Eglise, la présence du Seigneur et, emplis de sa présence, nous pouvons nous aussi apporter de la lumière aux autres.

Je me suis rendu au Brésil et dans la Fazenda da Esperança, cette grande réalité où les toxicomanes sont soignés et retrouvent l'espérance, retrouvent la joie de vivre et témoignent que c'est précisément la découverte que Dieu existe qui les a conduits à guérir du désespoir. Ainsi, ils ont compris que leur vie a un sens et ils ont retrouvé la joie d'être dans ce monde, la joie d'affronter les problèmes de la vie humaine. Ainsi, dans chaque cœur humain, malgré tous les problèmes qui existent, il y a la soif de Dieu et là où Dieu disparaît, disparaît aussi le soleil qui donne lumière et joie. Cette soif d'infini qui est dans nos cœurs apparaît également dans le phénomène de la drogue justement: l'homme veut élargir la profondeur de la vie, avoir davantage de la vie, avoir l'infini, mais la drogue est un mensonge, une escroquerie, parce qu'elle n'élargit pas la vie, mais elle la détruit. Ce qui est vrai, c'est la grande soif qui nous parle de Dieu et nous met en chemin vers Dieu, mais nous devons nous aider réciproquement. Le Christ est venu précisément pour créer un réseau de communion dans le monde, où tous ensemble, nous pouvons nous porter l'un l'autre et nous aider ainsi à trouver ensemble le chemin de la vie et comprendre que les Commandements de Dieu ne sont pas des obstacles à notre liberté, mais les chemins qui conduisent vers l'autre, vers la plénitude de la vie.

16 septembre 2007 - Angélus
C'est beau de penser que dans le monde entier, partout où la communauté chrétienne se rassemble pour célébrer l'Eucharistie du dimanche, résonne en ce jour cette Bonne Nouvelle de vérité et de salut : Dieu est Amour miséricordieux. L'évangéliste Luc a réuni dans ce chapitre trois paraboles sur la Miséricorde divine : les deux plus brèves, qu'il possède en commun avec Matthieu et Marc, sont celles de la brebis perdue et de la pièce de monnaie perdue ; la troisième, plus longue, plus développée et propre à lui seul, est la célèbre parabole du Père miséricordieux, dite habituellement du « fils prodigue ». Dans ce passage de l'Evangile, on a presque l'impression d'entendre la voix de Jésus qui nous révèle le Visage de son Père et de notre Père. Au fond, c'est pour cela qu'Il est venu dans le monde : pour nous parler du Père ; pour nous le faire connaître, à nous, enfants égarés, et ressusciter en nos cœurs la joie de lui appartenir, l'espérance d'être pardonnés et de retrouver notre pleine dignité, le désir d'habiter pour toujours dans sa maison, qui est également notre maison.



29 septembre 2007 - Homélie Messe Consécration de 6 nouveaux Evêques.
Nous rencontrons l'Archange Gabriel, en particulier dans le précieux récit de l'annonce à Marie de l'incarnation de Dieu, comme nous le rapporte saint Luc (1, 26-39). Gabriel est le messager de l'incarnation de Dieu. Il frappe à la porte de Marie et, par son intermédiaire, Dieu demande à Marie son "oui" à la proposition de devenir la Mère du Rédempteur: de donner sa chair humaine au Verbe éternel de Dieu, au Fils de Dieu. Le Seigneur frappe à plusieurs reprises à la porte du cœur humain. Dans l'Apocalypse, il dit à l'"ange" de l'Eglise de Laodicée et, à travers lui, aux hommes de tous les temps: "Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi" (3, 20). Le Seigneur se trouve à la porte - à la porte du monde et à la porte de chaque cœur en particulier. Il frappe pour qu'on le laisse entrer: l'incarnation de Dieu, son devenir chair doit continuer jusqu'à la fin des temps. Tous doivent être réunis dans le Christ en un seul corps: c'est ce que nous disent les grands hymnes sur le Christ dans la Lettre aux Ephésiens et dans celle aux Colossiens. Le Christ frappe. Aujourd'hui aussi, Il a besoin de personnes qui, pour ainsi dire, mettent à sa disposition leur propre chair, qui lui donnent la matière du monde et de leur vie, servant ainsi à l'unification entre Dieu et le monde, à la réconciliation de l'univers. Chers amis, votre tâche est de frapper au nom du Christ aux cœurs des hommes. En entrant vous-mêmes en union avec le Christ, vous pourrez également assumer la fonction de Gabriel: apporter l'appel du Christ aux hommes.



7 novembre 2007 - Audience Générale Il est très important que chaque chrétien vive en contact et en dialogue personnel avec la Parole de Dieu qui nous a été donnée dans l'Ecriture Sainte. Notre dialogue avec elle doit toujours revêtir deux dimensions : d'une part, il doit être un dialogue réellement personnel, car Dieu parle avec chacun de nous à travers l'Ecriture Sainte et possède un message pour chacun. Nous devons lire l'Ecriture Sainte non pas comme une parole du passé, mais comme une Parole de Dieu qui s'adresse également à nous et nous efforcer de comprendre ce que le Seigneur veut nous dire. Mais pour ne pas tomber dans l'individualisme, nous devons tenir compte du fait que la Parole de Dieu nous est donnée précisément pour construire la communion, pour nous unir dans la vérité de notre chemin vers Dieu. C'est pourquoi, tout en étant une Parole personnelle, elle est également une Parole qui construit la communauté, qui construit l'Eglise. C'est pourquoi nous devons la lire en communion avec l'Eglise vivante. Le lieu privilégié de la lecture et de l'écoute de la Parole de Dieu est la liturgie, dans laquelle, en célébrant la parole et en rendant présent dans le Sacrement le Corps du Christ, nous réalisons la parole dans notre vie et la rendons présente parmi nous. Nous ne devons jamais oublier que la Parole de Dieu transcende les temps. Les opinions humaines vont et viennent. Ce qui est très moderne aujourd'hui sera très vieux demain. La Parole de Dieu, au contraire, est une Parole de vie éternelle, elle porte en elle l'éternité, ce qui vaut pour toujours. En portant en nous la Parole de Dieu, nous portons donc en nous l'éternel, la vie éternelle.



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