Benoît XVI de A à Z

Gratuit - Gratuité

2007



1er avril 2007 - Homélie Messe des Rameaux - XXIIème JMJ
Dans la procession du Dimanche des Rameaux, nous nous associons à la foule des disciples qui, dans une joyeuse fête, accompagnent le Seigneur lors de son entrée à Jérusalem. Comme eux, nous louons le Seigneur à pleine voix pour tous les prodiges que nous avons vus. Oui, nous aussi nous avons vu et nous voyons encore les prodiges du Christ: comment il conduit les hommes et les femmes à renoncer aux commodités de leur vie et à se mettre totalement au service des personnes qui souffrent; comment Il donne aux hommes et aux femmes le courage de s'opposer à la violence et au mensonge, pour laisser place à la vérité dans le monde; comment, dans le secret, Il incite les hommes et les femmes à faire du bien aux autres, à susciter la réconciliation là où régnait la haine, à édifier la paix là où régnait l'inimitié.

Au début, avec les premiers disciples, le sens était beaucoup plus simple et immédiat: cela signifiait que ces personnes avaient décidé de quitter leur profession, leurs affaires, toute leur vie pour aller avec Jésus. Cela signifiait entreprendre une nouvelle profession: celle de disciple. Le contenu fondamental de cette profession était d'aller avec le maître, de se confier totalement à sa direction. Ainsi, la "sequela" était quelque chose d'extérieur et, dans le même temps, très intérieure. L'aspect extérieur était le fait de marcher derrière Jésus dans ses pèlerinages à travers la Palestine; l'aspect intérieur était la nouvelle orientation de l'existence, qui n'avait plus ses points de référence dans les affaires, dans le métier qui permettait de vivre, dans la volonté personnelle, mais qui s'abandonnait totalement à la volonté d'un Autre. Etre à sa disposition était désormais devenu une raison de vivre. Quelques scènes de l'Evangile nous donnent une idée très claire du renoncement au propre bien et du détachement par rapport à soi-même que cela comporte.

Mais avec cela se manifeste également ce que signifie pour nous la "sequela" et quelle est sa véritable essence pour nous: il s'agit d'une mutation intérieure de l'existence. Cela exige que je ne sois plus enfermé dans mon moi, en considérant ma propre réalisation comme la raison principale de ma vie. Cela exige que je me donne librement à un Autre - pour la vérité, pour l'amour, pour Dieu qui, en Jésus Christ, me précède et m'indique le chemin. Il s'agit de la décision fondamentale de ne plus considérer l'utilité et le gain, la carrière et le succès comme les buts ultimes de ma propre vie, mais de reconnaître en revanche comme critères authentiques la vérité et l'amour. Il s'agit du choix entre vivre uniquement pour moi-même ou me donner - pour la chose la plus grande. Et il faut bien considérer que la vérité et l'amour ne sont pas des valeurs abstraites; en Jésus Christ, elles sont devenues personne. En Le suivant, j'entre au service de la vérité et de l'amour. En me perdant, je me retrouve.



2 avril 2007 - Messe 2ème anniversaire de la mort de Jean Paul II
La logique de l'amour s'oppose à celle du profit.



17 juin 2007, avec les jeunes, à Assise ; à l'occasion du 8ème centenaire de la conversion de Saint François.
Je fais mienne, une fois de plus, l'invitation que mon bien-aimé prédécesseur Jean-Paul II aimait toujours adresser, en particulier aux jeunes : "Ouvrez les portes au Christ". Ouvrez-les comme le fit saint François, sans peur, sans calculs, sans mesure.



2 septembre 2007 - Homélie Messe sanctuaire marial de Lorette, en présence de 500 000 jeunes
Dans l'Eglise, nous apprenons à aimer en nous éduquant à l'accueil gratuit de notre prochain, à l'attention envers ceux qui sont en difficulté, les pauvres et les derniers.



7 septembre 2007 - Arrivée en Autriche
Le Dimanche, en tant que jour de repos, mais aussi d'autres jours de la semaine, le temps libre est en partie employé par de nombreuses personnes pour un engagement volontaire au service des autres. Un tel engagement, offert avec générosité et désintéressement pour le bien et le salut des autres, marque aussi le pèlerinage de notre vie. Celui qui "tourne son regard" vers son prochain - il le voit et il fait le bien pour lui - tourne son regard vers le Christ et le sert. Guidés et encouragés par Marie, nous voulons aiguiser notre regard chrétien en vue des défis à affronter dans l'esprit de l'Evangile et, emplis de gratitude et d'espérance, forts d'un passé parfois difficile, mais également toujours riche de grâce, nous marchons vers un avenir empli de promesses.



9 septembre 2007 - Rencontre avec le monde du Volontariat, à Vienne
Il est beau de rencontrer des personnes qui, dans notre société, s'efforcent de donner un visage au message de l'Evangile; voir des personnes âgées et des jeunes qui manifestent de façon concrète dans l'Eglise et dans la société l'amour par lequel, en tant que chrétiens, nous devons être conquis : c'est l'amour de Dieu qui fait reconnaître dans l'autre notre prochain, notre frère ou notre sœur !

Grâce à Dieu, pour beaucoup de personnes, c'est une question d'honneur de s'engager volontairement pour les autres, pour une association, pour une union ou pour des situations déterminées de bien commun. Un tel engagement représente avant tout une occasion de former sa personnalité et de s'insérer à travers une contribution active et responsable dans la vie sociale. Toutefois, la disponibilité à l'égard du volontariat se fonde parfois sur des motivations multiples et diverses. Souvent, il y a simplement à l'origine le désir de faire quelque chose qui ait un sens et qui soit utile et de s'ouvrir à de nouveaux domaines d'expérience. Naturellement et à juste titre, les jeunes y cherchent également la joie et l'occasion de vivre des choses belles, une expérience d'authentique camaraderie dans une activité commune riche de sens. Souvent, les idées et les initiatives personnelles sont liées à un amour concret pour le prochain; ainsi, la personne est intégrée dans une communauté qui la soutient. On ne peut déléguer l'amour du prochain; l'Etat et la politique, même avec leurs nécessaires préoccupations sociales - c'est ce que vous avez affirmé, Monsieur le Président - ne peuvent s'y substituer. L'amour du prochain exige toujours un engagement personnel et volontaire, pour lequel l'Etat peut et doit certainement créer les conditions d'ensemble favorables. Grâce à cet engagement, l'aide conserve sa dimension humaine et n'est pas dépersonnalisée. Et c'est précisément la raison pour laquelle vous, volontaires, n'êtes pas des "bouche-trous" dans le réseau social, mais des personnes qui contribuent véritablement à manifester le visage humain et chrétien de notre société.

Les jeunes désirent précisément que leurs capacités et leurs talents soient "suscités et découverts". Les volontaires veulent être impliqués personnellement. "J'ai besoin de toi!", "Tu en es capable!"; combien une telle demande nous fait du bien! Précisément dans sa simplicité humaine, elle nous renvoie de façon indirecte à ce Dieu qui a voulu chacun de nous et qui a donné un devoir personnel à chacun de nous, et même, qui a besoin de chacun de nous et qui attend notre engagement. Ainsi, Jésus a appelé les hommes et leur a donné le courage de faire une grande chose, que seuls, ils ne se seraient pas sentis capables de faire. Se laisser appeler, se décider, puis entreprendre un chemin sans se poser l'habituelle question relative à l'utilité et au profit - ce comportement laissera des traces bénéfiques. Les saints ont indiqué cette voie à travers leur vie. Il s'agit d'un chemin riche et passionnant, un chemin généreux et précisément aujourd'hui, actuel. Le "oui" à un engagement dans le volontariat et la solidarité est une décision qui rend libre et qui ouvre aux nécessités de l'autre; aux exigences de la justice, de la défense de la vie et de la sauvegarde de la création. Dans les engagements dans le volontariat entre en jeu la dimension-clé de l'image chrétienne de Dieu et de l'homme: l'amour de Dieu et l'amour du prochain.

Chers volontaires, s'engager à titre volontaire constitue un écho de la gratitude et c'est la transmission de l'amour reçu. "Deus vult condiligentes - Dieu veut des personnes qui aiment avec Lui", affirmait le théologien Duns Scot au XIV siècle (Opus Oxoniense III d. 32 q.1 n. 6. ). Vu sous cet angle, l'engagement bénévole est lié dans une large mesure à la Grâce. Une culture qui veut tout compter et tout payer, qui place le rapport entre les hommes dans une sorte de carcan de droits et de devoirs, fait l'expérience, grâce aux innombrables personnes engagées à titre bénévole, que la vie même est un don non mérité. Quelque différentes, multiples, ou même contradictoires que puissent être les motivations et même les voies de l'engagement dans le volontariat, à la base de toutes figure, en dernière analyse, la communion profonde qui jaillit de la "gratuité". C'est gratuitement que nous avons reçu la vie de notre Créateur, gratuitement que nous avons été libérés de l'impasse du péché et du mal, gratuitement que nous a été donné l'Esprit avec ses multiples dons. Dans mon Encyclique, j'ai écrit: "L'amour est gratuit. Il n'est pas utilisé pour parvenir à d'autres fins" [ Benoît XVI, Deus caritas est, n. 31c.]. "Celui qui peut aider reconnaît que c'est justement de cette manière qu'il est aidé lui aussi. Le fait de pouvoir aider n'est ni son mérite ni un titre d'orgueil. Cette tâche est une grâce" [ Ibid., n. 35.]. Nous transmettons gratuitement ce que nous avons reçu, à travers notre engagement, notre fonction dans le volontariat. Cette logique de la gratuité se situe au-delà des simples droits et devoirs moraux.

Sans engagement dans le volontariat, le bien commun et la société ne pouvaient pas, ne peuvent et ne pourront pas perdurer. La disponibilité spontanée vit et se démontre au-delà du calcul et de l'échange attendu; elle brise les règles de l'économie de marché. En effet, l'homme est beaucoup plus qu'un simple facteur économique à évaluer selon des critères économiques. Le progrès et la dignité d'une société dépendent toujours à nouveau précisément des personnes qui font davantage que leur strict devoir.

L'engagement dans le volontariat est un service à la dignité de l'homme fondée sur le fait qu'il a été créé à l'image et à la ressemblance de Dieu. Irénée de Lyon, au II siècle, a dit: "La gloire de Dieu est l'homme vivant et la vie de l'homme est la vision de Dieu" [ Adversus haereses IV, 20, 7.]. Et Nicola Cusano, dans son œuvre sur la vision de Dieu, a développé cette pensée de la façon suivante: "Etant donné que l'œil est là où se trouve l'amour, je sens que Tu m'aimes... Ton regard, Seigneur, est amour... En posant ton regard sur moi, Toi, Dieu caché, tu me laisses T'entrevoir... Ton regard est vivifiant... Ton regard signifie agir" [ De visione Dei/Die Gottesschau, in: Philosophisch-Theologische Schriften, hg. und eingef. von Leo Gabriel, übersetzt von Dietlind und Wilhelm Dupré, Vienne 1967, Bd. III, 105-111]. Le regard de Dieu - le regard de Jésus nous contamine par l'amour de Dieu. Il y a des regards qui peuvent se poser dans le vide ou même mépriser. Et des regards qui peuvent apporter une sollicitude et exprimer l'amour. Les personnes engagées bénévolement confèrent au prochain une considération, rappellent la dignité de l'homme et suscitent la joie de vivre et l'espérance. Les représentants du volontariat sont des gardiens et des avocats des droits de l'homme et de sa dignité.

Une autre forme de regard est également liée au regard de Jésus. "Il le vit et passa outre", lit-on dans l'Evangile du prêtre et du lévite qui voient l'homme à demi-mort gisant au bord de la route, mais qui n'interviennent pas (cf. Lc 10, 31.32). Il y a ceux qui voient et qui font semblant de ne pas voir, ceux qui voient les situations de besoin sous leurs yeux, mais qui demeurent indifférents, cela fait partie des courants d'indifférence de notre époque. Dans le regard des autres, précisément dans le regard de ceux qui ont besoin de notre aide, nous ressentons l'exigence concrète de l'amour chrétien. Jésus Christ ne nous enseigne pas une mystique "des yeux fermés", mais une mystique "du regard ouvert", et à travers cela, une mystique du devoir absolu de percevoir la condition des autres, la situation dans laquelle se trouve l'homme qui, selon l'Evangile, est notre prochain. Le regard de Jésus, l'école des yeux de Jésus introduit à une proximité humaine, à la solidarité, au partage du temps, au partage des dons et également des biens matériels. C'est pourquoi "les personnes qui œuvrent dans les Institutions caritatives doivent se distinguer par le fait qu'elles ne se contentent pas d'exécuter avec dextérité le geste qui convient sur le moment, mais qu'elles se consacrent à autrui avec des attentions qui leur viennent du cœur [...] Ce cœur voit où l'amour est nécessaire et il agit en conséquence" [ Benoît XVI, Deus caritas est, n. 31a; 31b.]. Oui, "il me faut devenir quelqu'un qui aime, une personne dont le cœur se laisse bouleverser par la détresse de l'autre. C'est alors que je trouverai mon prochain, ou plus exactement, c'est alors que je serai trouvé par lui" [ Joseph Ratzinger/Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 222.].

Enfin, le commandement de l'amour de Dieu et du prochain (cf. Mt 22, 37-40; Lc 10, 27) nous rappelle que c'est à Dieu lui-même, à travers l'amour du prochain, que nous, chrétiens, rendons honneur. "Dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25, 40). Si dans l'homme concret que nous rencontrons, Jésus est présent, alors l'activité à titre bénévole peut devenir une expérience de Dieu. La participation aux situations et aux nécessités des hommes conduit à une façon "nouvelle" d'être ensemble et agit "en donnant du sens". Ainsi, le service bénévole peut aider à faire sortir les personnes de l'isolement et à les intégrer dans la communauté.

Enfin, je voudrais rappeler la force et l'importance de la prière pour tous ceux qui sont engagés dans le travail caritatif. La prière à Dieu est une voie qui permet de sortir de l'idéologie et de la résignation face à l'infinitude du besoin. "En effet, les chrétiens continuent de croire, malgré toutes les incompréhensions et toutes les confusions du monde qui les entoure, en la "bonté de Dieu" et en "sa tendresse pour les hommes" (Tt 3, 4). Bien que plongés comme tous les autres hommes dans la complexité dramatique des événements de l'histoire, ils restent fermes dans la certitude que Dieu est Père et qu'il nous aime, même si son silence nous demeure incompréhensible" ( Benoît XVI, Deus caritas est, n. 38.)

Lorsqu'une personne ne fait pas seulement son devoir dans la profession et dans la famille - et pour bien le faire, il faut déjà une grande force et un grand amour - mais qu'elle s'engage également pour les autres, en mettant son temps précieux au service de l'homme et de sa dignité, son cœur s'élargit. Les volontaires ne conçoivent pas l'idée de prochain de façon restrictive; ils reconnaissent également dans "celui qui est loin" notre prochain qui est accepté par Dieu et qui, avec notre aide, doit être également touché par l'œuvre de rédemption réalisée par le Christ. L'autre, le prochain dans le sens évangélique, devient pour nous comme un partenaire privilégié face aux pressions et aux contraintes du monde dans lequel nous vivons. Celui qui respecte la "priorité du prochain", vit et agit selon l'Evangile et prend part également à la mission de l'Eglise, qui regarde toujours l'homme dans son ensemble et qui veut lui faire ressentir l'amour de Dieu. Chers volontaires, l'Eglise soutient pleinement votre service. Je suis convaincu que de nombreuses Bénédictions proviendront également à l'avenir des volontaires. Je demande pour vous tous, la joie du Seigneur (cf. Ne 8, 10), qui est notre force. Que le Bon Dieu soit toujours proche de vous et vous guide constamment à l'aide de sa grâce.



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