Benoît XVI de A à Z

10 commandements - Sinaï - Moïse

2005



15 mai 2005 - Homélie Messe Pentecôte
La première Lecture et l'Evangile du Dimanche de Pentecôte nous présentent deux grandes images de la mission de l'Esprit Saint. La lecture des Actes des Apôtres raconte comment, le jour de la Pentecôte, l'Esprit Saint, sous les signes d'un vent puissant et du feu, fait irruption dans la communauté des disciples de Jésus, en prière, et donne ainsi origine à l'Eglise. Pour Israël, la Pentecôte, de fête des moissons, était devenue la fête qui faisait mémoire de l'établissement de l'alliance au Sinaï. Dieu avait montré sa présence au peuple à travers le vent et le feu et il lui avait ensuite fait don de sa loi, des dix Commandements. Ce n'est qu'ainsi que l'œuvre de libération, commencée avec l'Exode de l'Egypte, s'était pleinement accomplie: la liberté humaine est toujours une liberté partagée, un ensemble de libertés.

Une liberté commune ne peut régner que dans une harmonie ordonnée des libertés, qui ouvre à chacun son propre domaine. C'est pourquoi le don de la loi sur le Sinaï ne fut pas une restriction ou une abolition de la liberté, mais le fondement de la véritable liberté. Et, étant donné qu'une juste organisation humaine ne peut exister que si elle provient de Dieu et si elle unit les hommes dans la perspective de Dieu, les commandements que Dieu lui-même donne ne peuvent manquer à une organisation ordonnée des libertés humaines. Ainsi, Israël est pleinement devenu un peuple précisément à travers l'alliance avec Dieu au Sinaï. La rencontre avec Dieu au Sinaï pourrait être considérée comme le fondement et la garantie de son existence comme peuple. Le vent et le feu, qui frappèrent la communauté des disciples du Christ rassemblés au Cénacle, constituèrent un développement supplémentaire de l'événement du Sinaï et lui donnèrent une nouvelle envergure. En ce jour, se trouvaient à Jérusalem, selon ce que rapportent les Actes des Apôtres, «des hommes dévots de toutes les nations qui sont sous le ciel» (Ac 2, 5). Et voilà que se manifeste le don caractéristique de l'Esprit Saint: tous comprennent les paroles des Apôtres: «Chacun les entendait parler en son propre idiome» (Ac 2, 6). L'Esprit Saint leur donne de comprendre. En surmontant la rupture initiale de Babel — la confusion des cœurs, qui nous élève les uns contre les autres — l'Esprit ouvre les frontières. Le peuple de Dieu qui avait trouvé au Sinaï sa première forme, est alors élargi au point de ne connaître plus aucune frontière. Le nouveau peuple de Dieu, l'Eglise, est un peuple qui provient de tous les peuples. L'Eglise est catholique dès le début, telle est son essence la plus profonde. Saint Paul explique et souligne cela dans la deuxième lecture, lorsqu'il dit: «Aussi bien est-ce en un seul Esprit que nous tous avons été baptisés en un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et tous nous avons été abreuvés d'un seul Esprit» (1 Co 12, 13). L'Eglise doit toujours redevenir ce qu'elle est déjà: elle doit ouvrir les frontières entre les peuples et faire tomber les barrières entre les classes et les races. En son sein, il ne peut y avoir de personnes oubliées ou méprisées. Dans l'Eglise, il n'y a que des frères et des sœurs de Jésus Christ, libres.

Le vent et le feu de l'Esprit Saint doivent sans relâche ouvrir ces frontières que nous les hommes continuons à élever entre nous; nous devons toujours repasser de Babel, de la fermeture sur nous-mêmes, à la Pentecôte. Nous devons donc prier sans cesse pour que l'Esprit Saint nous ouvre, nous donne la grâce de la compréhension, de façon à devenir le peuple de Dieu issu de tous les peuples — saint Paul nous dit encore davantage: dans le Christ, qui comme unique pain nous nourrit tous dans l'Eucharistie et nous attire à lui dans son corps torturé sur la croix, nous devons devenir un seul corps et un seul esprit.

La deuxième image de l'envoi de l'Esprit, que nous trouvons dans l'Evangile, est beaucoup plus discrète. Mais c'est précisément ainsi qu'elle fait percevoir toute la grandeur de l'événement de la Pentecôte. Le Seigneur Ressuscité entre dans le lieu où se trouvent les disciples, en traversant les portes closes et il les salue deux fois en disant: que la paix soit avec vous! Quant à nous, nous fermons sans cesse nos portes; nous voulons sans cesse nous mettre à l'abri et ne pas être dérangés par les autres et par Dieu. C'est pourquoi nous pouvons sans cesse supplier le Seigneur, uniquement pour cela, pour qu'il vienne à nous en franchissant nos fermetures, et qu'il nous apporte son salut. «Que la paix soit avec vous»: ce salut du Seigneur est un pont, qu'il jette entre le ciel et la terre. Il descend sur ce pont jusqu'à nous et nous, nous pouvons monter sur ce pont de paix, jusqu'à lui. Sur ce pont, toujours avec Lui, nous devons nous aussi arriver à notre prochain, jusqu'à celui qui a besoin de nous. C'est précisément en nous abaissant avec le Christ, que nous nous élevons jusqu'à Lui et jusqu'à Dieu: Dieu est Amour et la descente, l'abaissement, que l'amour demande, est donc en même temps la véritable ascension. C'est justement ainsi, en nous abaissant, en sortant de nous-mêmes, que nous atteignons la hauteur de Jésus Christ, la véritable hauteur de l'être humain.

Au salut de paix du Seigneur suivent deux gestes décisifs pour la Pentecôte: le Seigneur veut que sa mission se poursuive à travers les disciples: «Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie» (Jn 20, 21). Après quoi il souffle sur eux et dit: «Recevez l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus» (Jn 20, 23). Le Seigneur souffle sur les disciples, et il leur donne ainsi l'Esprit Saint, son Esprit. Le souffle de Jésus est l'Esprit Saint. Nous reconnaissons tout d'abord ici une allusion au récit de la création de l'homme dans la Genèse, où il est dit: «Alors Yahvé Dieu modela l'homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie» (Gn 2, 7). L'homme est cette créature mystérieuse, qui provient entièrement de la terre, mais dans laquelle a été placé le souffle de Dieu. Jésus souffle sur les apôtres et leur donne de manière nouvelle, plus grande, le souffle de Dieu.

Chez les hommes, malgré toutes leurs limites, se trouve à présent quelque chose d'absolument nouveau — le souffle de Dieu. La vie de Dieu habite en nous. Le souffle de son amour, de sa vérité et de sa bonté. Ainsi, nous pouvons voir ici également une allusion au baptême et à la confirmation — à cette nouvelle appartenance à Dieu, que le Seigneur nous donne. Le texte de l'Evangile nous invite à cela: à vivre toujours dans l'espace du souffle de Jésus Christ, à recevoir la vie de Lui, de façon à ce qu'il nous insuffle la vie authentique — la vie qu'aucune mort ne peut ôter. A son souffle, au don de l'Esprit Saint, le Seigneur relie le pouvoir de pardonner. Nous avons précédemment entendu que l'Esprit Saint unit, franchit les frontières, conduit les uns vers les autres. La force, qui ouvre et permet de surmonter Babel, est la force du pardon. Jésus peut donner le pardon et le pouvoir de pardonner, car il a lui-même souffert des conséquences de la faute et il les a faites disparaître dans la flamme de son amour. Le pardon vient de la croix; il transforme le monde avec l'amour qui se donne. Son cœur ouvert sur la croix est la porte à travers laquelle la grâce du pardon entre dans le monde. Seule cette grâce peut transformer le monde et édifier la paix.

Si nous comparons les deux événements de la Pentecôte, le vent puissant du 50e jour et le souffle léger de Jésus le soir de Pâques, le contraste entre deux épisodes, qui eurent lieu au Sinaï et dont nous parle l'Ancien Testament, peut nous revenir à l'esprit. D'une part, il y a le récit du feu, du tonnerre et du vent qui précèdent la promulgation des dix Commandements et l'établissement de l'Alliance (Ex 19sq.); de l'autre, l'on trouve le mystérieux récit d'Elie sur l'Horeb. Après les événements dramatiques du Mont Carmel, Elie avait fui la colère d'Achab et de Jézabel. Suivant le commandement de Dieu, il était ensuite parti en pèlerinage jusqu'au Mont Horeb. Le don de l'alliance divine, de la foi dans le Dieu unique, semblait avoir disparu en Israël. Elie, d'une certaine façon, devait rallumer la flamme de la foi sur le Mont de Dieu et la rapporter à Israël. En ce lieu il fait l'expérience du vent, d'un tremblement de terre, et du feu. Mais Dieu n'est pas présent dans tout cela. Alors il perçoit un doux et léger murmure. Et Dieu lui parle dans ce souffle léger ( 1 R 19, 11-18). N'est-ce pas ce qui se passe le soir de cette Pâque, lorsque Jésus apparaît à ses Apôtres pour enseigner ce que l'on veut dire ici? Ne peut-on pas voir ici une préfiguration du serviteur de Yahvé, dont Isaïe dit: «Il ne crie pas, il n'élève pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans la rue» (42, 2)? N'est-ce pas ainsi qu'apparaît l'humble figure de Jésus comme la véritable révélation à travers laquelle Dieu se manifeste à nous et nous parle? L'humilité et la bonté de Jésus ne sont-elles pas la véritable épiphanie de Dieu? Elie, sur le Mont Carmel, avait cherché à combattre l'éloignement de Dieu par le feu et par l'épée, tuant les prophètes de Baal. Mais de cette façon, il n'avait pu rétablir la foi. Sur le Mont Horeb, il doit apprendre que Dieu n'est pas dans le vent, dans un tremblement de terre, dans le feu; Elie doit apprendre à percevoir la voix légère de Dieu et, ainsi, à reconnaître à l'avance celui qui a vaincu le péché, non par la force mais par sa Passion; celui qui, à travers sa souffrance, nous a donné le pouvoir du pardon. Telle est la façon dont Dieu vainc.



2006



8 janvier 2006 - Homélie Messe Baptêmes - Chapelle Sixtine
Le visage de Dieu, le contenu de cette culture de la vie, le contenu de notre grand « oui », s'exprime dans les dix commandements, qui ne sont pas un ensemble d'interdits, de « non », mais qui représentent en réalité une grande vision de vie. Ils sont un « oui » à un Dieu qui donne sens à l'existence (les trois premiers commandements); « oui » à la famille (quatrième commandement); « oui » à la vie (cinquième commandement); « oui » à l'amour responsable (sixième commandement); « oui » à la solidarité, à la responsabilité sociale, à la justice (septième commandement); « oui » à la vérité (huitième commandement); « oui » au respect de l'autre et de ce qui lui est propre (neuvième et dixième commandements). Telle est la philosophie de la vie, telle est la culture de la vie, qui devient concrète, praticable et belle dans la communion avec le Christ, le Dieu vivant, qui marche avec nous dans la compagnie de ses amis, dans la grande famille de l'Eglise. Le Baptême est don de vie. C'est un « oui » au défi de vivre vraiment la vie, en disant « non » à l'attachement de la mort qui se présente sous le masque de la vie; et c'est un « oui » au grand don de la vraie vie qui est présente dans le visage du Christ, qui se donne à nous dans le Baptême, puis dans l'Eucharistie.



2 mars 2006 - Avec les prêtres du Diocèse de Rome
Le grand discours de Moïse au seuil de la Terre Sainte, après un pèlerinage de quarante ans dans le désert, est un résumé de toute la Torah, de toute la Loi. Nous trouvons ici l'essentiel non seulement pour le peuple juif, mais également pour nous. Cet élément essentiel est la parole de Dieu: "Je te propose la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction; choisis donc la vie" (Dt 30, 19).

Comment choisit-on la vie ? Comment fait-on? En réfléchissant, il m'est venu à l'esprit que la grande défection du christianisme qu'a vécue l'Occident au cours des cent dernières années a été réalisée précisément au nom de l'option pour la vie. Il a été dit - je pense à Nietzsche, mais également à tant d'autres - que le christianisme est une option contre la vie. A travers la Croix, à travers tous les commandements, à travers tous les "Non" qu'il nous propose, il nous ferme la porte de la vie. Mais nous, nous voulons avoir la vie, et nous choisissons, nous optons, finalement, pour la vie en nous libérant de la Croix, en nous libérant de tous ces commandements et de tous ces "non". Nous voulons avoir la vie en abondance, rien d'autre que la vie. Ici vient immédiatement en mémoire la parole de l'Evangile d'aujourd'hui: "Qui veut en effet sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi, celui-là la sauvera" (Lc 9, 24). Tel est le paradoxe que nous devons avant tout garder en mémoire dans l'option pour la vie. Ce n'est pas en nous arrogeant la vie pour nous-mêmes, mais seulement en donnant la vie, ce n'est pas en la possédant et en la prenant, mais en la donnant, que nous pouvons la trouver. Tel est le sens ultime de la Croix: ne pas garder pour soi, mais donner la vie.

Nouveau et Ancien Testament vont de pair. Dans la première Lecture du Deutéronome, la réponse de Dieu est: "Si tu écoutes les commandements de Yahvé ton Dieu, que je te prescris aujourd'hui, et que tu aimes Yahvé ton Dieu, que tu marches dans ses voies, que tu gardes ses commandements, ses lois et ses coutumes, tu vivras" (30, 16). A première vue, cela ne nous plaît pas, mais telle est la voie: l'option pour la vie et l'option pour Dieu sont identiques. Le Seigneur le dit dans l'Evangile de saint Jean: "La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent" (Jn 17, 3). La vie humaine est une relation. Ce n'est qu'au sein d'une relation, et non pas fermés sur nous-mêmes, que nous pouvons avoir la vie. Et la relation fondamentale est la relation avec le Créateur, sinon les autres relations sont fragiles. Choisir Dieu, donc: tel est l'essentiel. Un monde vide de Dieu, un monde qui a oublié Dieu, perd la vie et tombe dans une culture de la mort. Choisir la vie, faire le choix de la vie, signifie donc avant tout choisir l'option-relation avec Dieu. Mais ici, naît aussitôt la question: avec quel Dieu ? Ici, à nouveau, l'Evangile nous vient en aide: avec ce Dieu qui nous a montré son visage dans le Christ, avec le Dieu qui a vaincu la haine sur la Croix, c'est-à-dire dans l'amour jusqu'à la fin. Ainsi, en choisissant ce Dieu, nous choisissons la vie.



19 mars 2006 - Homélie de la Messe
Nous avons écouté une page célèbre et belle du Livre de l'Exode, celle dans laquelle l'auteur sacré raconte la remise à Israël du Décalogue de la part de Dieu. Un détail nous frappe immédiatement: l'énonciation des dix commandements est introduite par une référence significative à la libération du peuple d'Israël. Le texte dit: "Je suis Yahvé, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Egypte, de la maison de servitude" (Ex 20, 2). Le Décalogue se veut donc une confirmation de la liberté conquise. En effet, les commandements, si on les regarde en profondeur, sont le moyen que le Seigneur nous donne pour défendre notre liberté aussi bien des conditionnements internes des passions que des abus externes de personnes malintentionnées. Les "non" des commandements sont autant de "oui" à la croissance d'une liberté authentique. Il existe une deuxième dimension du Décalogue qu'il faut également souligner: à travers la loi donnée par la main de Moïse, le Seigneur révèle qu'il souhaite passer avec Israël un pacte d'alliance. Plus qu'un ordre, la loi est par conséquent un don. Plus que commander ce que l'homme doit faire, elle veut manifester à tous le choix de Dieu: il est du côté du peuple élu; il l'a libéré de l'esclavage et il l'entoure de sa bonté miséricordieuse. Le Décalogue est le témoignage d'un amour préférentiel.



10 décembre 2006 - Homélie consécration de l'église paroissiale Sainte Marie Etoile de l'Evangélisation
Le récit de la ré-édification du peuple d'Israël, de la ville sainte de Jérusalem et du temple, après le retour de l'exil : après la grande euphorie du retour dans sa patrie, le peuple - une fois arrivé - se trouve face à un pays désert. Comment le ré-édifier ? La reconstruction extérieure, si nécessaire, ne peut pas progresser si, auparavant, n'est pas reconstitué le peuple lui-même en tant que peuple - si n'est pas appliqué un critère de justice qui unisse chacun et qui réglemente la vie et l'activité de tous. Le peuple de retour a besoin, pour ainsi dire, d'une "constitution", d'une loi fondamentale pour sa vie. Et il sait que cette constitution, si elle doit être juste et durable, si elle conduit en définitive à la justice, ne peut pas être le fruit d'une invention autonome. La véritable justice ne peut pas être inventée par l'homme : celle-ci doit plutôt être découverte. Elle doit, en d'autres termes, venir de Dieu, qui est la justice. La Parole de Dieu réédifie donc la cité. Ce que la lecture nous raconte est un rappel à l'esprit de l'événement du Sinaï. Une façon de rendre présent l'événement du Sinaï : la Parole sainte de Dieu, qui indique aux hommes la voie de la justice, est solennellement lue et expliquée. Ainsi, celle-ci devient présente comme une force qui, de l'intérieur, édifie à nouveau le pays. Cela a lieu le jour de l'an. La Parole de Dieu inaugure une nouvelle année, inaugure une nouvelle heure de l'histoire. La Parole de Dieu est toujours une force de renouveau qui donne un sens et un ordre à notre temps. A la fin de la lecture se trouve la joie : les hommes sont invités au banquet solennel ; ils sont exhortés à donner à ceux qui n'ont rien et à unir ainsi chacun dans la communion de la joie, qui se fonde sur la Parole de Dieu. La dernière parole de cette lecture est cette belle expression : la joie du Seigneur est notre force. Je crois qu'il n'est pas difficile de voir combien ces paroles de l'Ancien Testament sont à présent une réalité pour nous. L'édifice de l'église existe pour que la Parole de Dieu puisse être écoutée, expliquée et comprise parmi nous ; il existe, pour que la Parole de Dieu agisse parmi nous comme une force créatrice de justice et d'amour. Il existe, en particulier, pour qu'en lui puisse commencer la fête à laquelle Dieu veut faire participer toute l'humanité, non seulement à la fin des temps mais dès à présent. Il existe pour que soit éveillée en nous la connaissance de la justice et du bien, et il n'y a pas d'autre source pour connaître et donner force à cette connaissance de la justice et du bien que la Parole de Dieu. Il existe pour que nous apprenions à vivre la joie du Seigneur qui est notre force. Prions le Seigneur de nous rendre heureux de sa Parole; de nous rendre heureux de la foi, pour que cette joie nous renouvelle nous-mêmes, ainsi que le monde!

La lecture de la Parole de Dieu, le renouvellement de la révélation du Sinaï après l'exil sert donc alors à la communion avec Dieu et entre les hommes. Cette communion s'exprima dans la réédification du Temple, de la cité et de ses murs. Parole de Dieu et réédification de la cité sont, dans le Livre de Néhémie, en étroite relation: d'une part, sans la parole de Dieu il n'y a ni cité ni communauté; de l'autre, la Parole de Dieu ne reste pas seulement un discours, mais conduit à édifier, c'est une parole qui construit.



31 décembre 2006 - Angelus
Lorsque Jésus eut douze ans, il demeura dans le Temple, et ses parents mirent trois jours à le retrouver. Par ce geste, il leur fit comprendre qu'il devait « être aux affaires de son Père », c'est-à-dire s'occuper de la mission que Dieu lui avait confiée (cf. Lc 2, 41-52). …

Cet épisode évangélique révèle la vocation la plus authentique et la plus profonde de la famille : c'est-à-dire celle d'accompagner chacun de ses membres sur le chemin de la découverte de Dieu et du dessein qu'Il a préparé à son égard. Marie et Joseph ont éduqué Jésus avant tout par leur exemple : à travers ses parents, Jésus a connu toute la beauté de la foi, de l'amour pour Dieu et pour sa Loi, ainsi que les exigences de la justice, qui trouve son plein accomplissement dans l'amour (cf. Rm 13, 10). Il a appris d'eux qu'il faut en premier lieu accomplir la volonté de Dieu, et que le lien spirituel vaut plus que celui du sang. La Sainte Famille de Nazareth est vraiment le « prototype » de toute famille chrétienne qui, unie dans le Sacrement du mariage et nourrie par la Parole et l'Eucharistie, est appelée à réaliser l'extraordinaire vocation et mission d'être une cellule vivante non seulement de la société, mais de l'Eglise, signe et instrument d'unité pour tout le genre humain.



2007



12 février 2007 - A un Congrès International sur la loi morale naturelle
Il ne fait aucun doute que nous vivons une période d'extraordinaire développement dans la capacité humaine de déchiffrer les règles et les structures de la matière et la domination de l'homme sur la nature, qui en découle. Nous voyons tous les grands bénéfices de ce progrès, et nous voyons toujours plus aussi les menaces d'une destruction de la nature par la force de nos actions. Il existe un autre danger, moins visible, mais non moins inquiétant: la méthode qui nous permet de connaître toujours plus à fond les structures rationnelles de la matière nous rend toujours moins capables de voir la source de cette rationalité, la Raison créatrice. La capacité de voir les lois de l'être matériel nous rend incapables de voir le message éthique contenu dans l'être, message appelé par la tradition lex naturalis, loi morale naturelle. Il s'agit d'un terme devenu pour beaucoup aujourd'hui presque incompréhensible, à cause d'un concept de nature non plus métaphysique, mais seulement empirique. Le fait que la nature, l'être même ne soit plus transparent pour un message moral, crée un sens de désorientation qui rend précaires et incertains les choix de la vie quotidienne. L'égarement, naturellement, frappe en particulier les générations les plus jeunes, qui doivent dans ce contexte trouver des choix fondamentaux pour leur vie.

C'est précisément à la lumière de ces constatations qu'apparaît dans toute son urgence la nécessité de réfléchir sur le thème de la loi naturelle, et de retrouver sa vérité commune à tous les hommes. Cette loi, qu'évoque également l'apôtre Paul (cf. Rm 2, 14-15), est écrite dans le cœur de l'homme et est par conséquent, aujourd'hui également, tout simplement accessible. Cette loi a comme principe premier et fondamental celui de «faire le bien et éviter le mal». Il s'agit d'une vérité dont l'évidence s'impose immédiatement à chacun. D'elle, découlent les autres principes plus particuliers, qui réglementent le jugement éthique sur les droits et les devoirs de chacun. Tel est le principe du respect pour la vie humaine, de sa conception jusqu'à son terme naturel, ce bien de la vie n'étant pas la propriété de l'homme, mais un don gratuit de Dieu. C'est le cas également du devoir de rechercher la vérité, présupposé nécessaire à toute authentique maturation de la personne. Une autre instance fondamentale du sujet est la liberté. En tenant compte, toutefois, que la liberté humaine est toujours une liberté partagée par les autres, il est clair que l'harmonie des libertés ne peut être trouvée seulement dans ce qui est commun à tous : la vérité de l'être humain, le message fondamental de l'être même, la lex naturalis précisément. Et comment ne pas évoquer, d'une part, l'exigence de justice qui se manifeste dans le fait de donner unicuique suum, et, de l'autre, l'attente de solidarité qui alimente en chacun, spécialement chez les personnes en difficulté, l'espérance d'une aide de la part de ceux que le destin a favorisés ? S'expriment, dans ces valeurs, des normes inéluctables et coercitives qui ne dépendent pas de la volonté du législateur ni du consensus que les Etats peuvent y apporter. Il s'agit en effet de normes qui précèdent toute loi humaine : en tant que telles, elles n'admettent d'interventions ni de dérogations de la part de quiconque.

La loi naturelle est la source dont jaillissent, avec les droits fondamentaux, également les impératifs éthiques qu'il est nécessaire de respecter. Dans l'éthique et la philosophie actuelle du Droit, les postulats du positivisme juridique sont largement présents. La conséquence est que la législation ne devient souvent qu'un compromis entre divers intérêts : on tente de transformer en droits des intérêts privés ou des désirs qui s'opposent aux devoirs découlant de la responsabilité sociale. Dans cette situation, il est opportun de rappeler que toute ordonnancement juridique, tant sur le plan interne qu'international, tire en ultime analyse sa légitimité de son enracinement dans la loi naturelle, dans le message éthique inscrit dans l'être humain lui-même. La loi naturelle est, en définitive, le seul rempart valable contre l'abus de pouvoir ou les mensonges de la manipulation idéologique. La connaissance de cette loi inscrite dans le cœur de l'homme augmente avec le développement de la conscience morale. C'est pourquoi, la première préoccupation pour tous, et particulièrement pour qui a des responsabilités publiques, devrait donc être celle de promouvoir le murissement de la conscience morale. Tel est le progrès fondamental sans lequel tous les autres progrès finissent par ne pas être authentiques. La loi inscrit dans notre nature est la véritable garantie offerte à chacun pour pouvoir vivre libre et respecté dans sa propre dignité. Ce qui a été dit jusqu'à présent possède des applications très concrètes si l'on se réfère à la famille, c'est-à-dire à la «communauté de vie et d'amour conjugal, fondée par le Créateur et structurée avec ses lois propres» (cf. Const. past. Gaudium et spes, n. 48). Le Concile Vatican II a, à cet égard, répété de façon opportune que l'institution du mariage « que la loi divine confirme», et par conséquent, ce lien sacré, « en vue du bien des époux, des enfants et aussi de la société, ce lien sacré échappe à la fantaisie de l'homme» (ibid.). Aucune loi faite par les hommes ne peut donc renverser la norme inscrite par le Créateur, sans que la société ne soit dramatiquement blessée dans ce qui constitue son fondement de base même. L'oublier signifierait fragiliser la famille, pénaliser les enfants et rendre précaire l'avenir de la société.

Je ressens enfin le devoir d'affirmer que tout ce qui est réalisable sur le plan scientifique n'est pas pour autant licite sur le plan éthique. La technique, lorsqu'elle réduit l'être humain à un objet d'expérimentations, finit par abandonner le sujet faible à la volonté du plus fort. Se fier aveuglément à la technique comme unique garante de progrès, sans offrir dans le même temps un code éthique qui plonge ses racines dans cette même réalité qui est étudiée et développée, reviendrait à porter atteinte à la nature humaine, avec des conséquences dévastatrices pour tous. La contribution des hommes de science est d'une importance primordiale. Outre le progrès de nos capacités de domination sur la nature, les scientifiques doivent également contribuer à nous aider à comprendre en profondeur notre responsabilité envers l'homme et la nature qui lui a été confiée. C'est sur cette base qu'il est possible de développer un dialogue fécond entre croyants et non-croyants; entre théologiens, philosophes, juristes et hommes de science, qui peuvent offrir également au législateur des éléments précieux pour la vie personnelle et sociale. Je souhaite donc que ces journées d'étude puissent non seulement conduire à une plus grande sensibilité des experts à l'égard de la loi morale naturelle, mais qu'elles poussent aussi à créer les conditions afin que l'on parvienne, sur ce thème, à une conscience toujours plus pleine de la valeur inaliénable que la lex naturalis possède pour un un réel et cohérent progrès de la vie personnelle et de l'ordre social.



10 mai 2007 - Avec les jeunes, au Brésil
Jésus nous assure que seul Dieu est bon. Etre ouvert à la bonté signifie accueillir Dieu. Ainsi, Il nous invite à voir Dieu dans toutes les choses et dans tous les événements, même là où la majorité voit seulement une absence de Dieu. En voyant la beauté des créatures et en constatant la beauté présente dans chacune d'elles, il est impossible de ne pas croire en Dieu et de ne pas faire l'expérience de sa présence salvifique et réconfortante. Si nous réussissions à voir tout le bien qui existe dans le monde et, plus encore, à faire l'expérience du bien qui provient de Dieu lui-même, nous ne cesserions de nous approcher de Lui, de le louer et de lui rendre grâce. Il nous remplit sans cesse de joie et de biens. Sa joie est notre force.

Mais nous ne possédons que des connaissances partielles. Pour comprendre le bien, nous avons besoin d'aides, que l'Eglise nous offre en de nombreuses occasions, surtout dans la catéchèse. Jésus lui-même montre ce qui est bon pour nous, en nous donnant sa première catéchèse. "Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements" (Mt 19, 17). Il part de la connaissance que le jeune homme a déjà certainement reçue de sa famille et de la Synagogue: en effet, il connaît les commandements. Ils conduisent à la vie, ce qui veut dire qu'ils nous garantissent l'authenticité. Ce sont les grands indicateurs qui nous montrent la juste voie. Celui qui observe les commandements est sur le chemin de Dieu.

Il ne suffit pas, toutefois, de les connaître. Le témoignage a plus de valeur que la science, ou plutôt, c'est la science elle-même appliquée. Ils ne sont pas imposés de l'extérieur, ils ne limitent pas notre liberté. Au contraire: ils constituent de vigoureuses stimulations intérieures, qui nous portent à agir dans une certaine direction. A leur fondement se trouvent la grâce et la nature, qui ne nous laissent pas inertes. Nous devons marcher. Nous sommes poussés à faire quelque chose pour nous réaliser. Se réaliser à travers l'action, en réalité, c'est se rendre réels. Nous sommes, en grande partie, à partir de notre jeunesse, ce que nous voulons être. Nous sommes, pour ainsi dire, l'œuvre de nos propres mains.

Ici, je m'adresse de nouveau à vous, chers jeunes, car je veux entendre de vous aussi la réponse du jeune de l'Evangile: toutes ces choses, je les ai observées dès ma jeunesse. Le jeune de l'Evangile était bon. Il observait les commandements. Il marchait sur le chemin de Dieu. C'est pourquoi Jésus, à peine l'eut-il vu, l'aima. En reconnaissant que Jésus était bon, il donna la preuve que lui aussi était bon. Il avait une expérience de la bonté et, donc, de Dieu. Et vous, jeunes … avez-vous déjà découvert ce qui est bon ? Suivez-vous les commandements du Seigneur ? Avez-vous découvert que cela est le véritable et unique chemin vers le bonheur ?

Les années que vous êtes en train de vivre sont les années qui préparent votre avenir. Le "lendemain" dépend beaucoup de la manière dont vous vivez l'"aujourd'hui" de la jeunesse. Devant vos yeux, mes très chers jeunes, vous avez une vie dont nous souhaitons qu'elle soit longue; mais il n'y en a qu'une, elle est unique: ne permettez pas qu'elle passe en vain, ne la gaspillez pas. Vivez avec enthousiasme, avec joie, mais surtout avec un sens de responsabilité.

J'entends trembler nos cœurs de pasteurs, lorsque nous constatons la situation de notre époque. Nous entendons parler des peurs de la jeunesse d'aujourd'hui. Elles nous révèlent un énorme manque d'espérance: la peur de mourir, au moment où la vie est en train d'éclore et tente de trouver la voie de sa réalisation; la peur d'échouer, pour ne pas avoir découvert le sens de la vie; et la peur de rester à l'écart, face à la rapidité déconcertante des événements et des communications. Nous constatons le pourcentage élevé de morts parmi les jeunes, la menace de la violence, la prolifération déplorable des drogues qui bouleverse jusqu'à sa racine la plus profonde la jeunesse d'aujourd'hui. C'est donc pour cette raison que l'on parle de jeunesse égarée.

Mais alors que je vous regarde, jeunes ici présents, qui rayonnez de joie et d'enthousiasme, je revêts le regard de Jésus: un regard d'amour et de confiance, dans la certitude que vous avez trouvé la voie véritable. Vous êtes les jeunes de l'Eglise. Je vous envoie donc vers la grande mission d'évangéliser les jeunes garçons et les filles qui errent dans ce monde, comme des brebis sans pasteur. Soyez les apôtres des jeunes. Invitez-les à marcher avec vous, à faire la même expérience de foi, d'espérance et d'amour; à rencontrer Jésus pour se sentir réellement aimés, accueillis, avec la pleine possibilité de se réaliser. Qu'eux aussi découvrent les voies sûres des Commandements et qu'en les parcourant, ils arrivent à Dieu.

Vous pouvez être les protagonistes d'une société nouvelle, si vous cherchez à mettre en pratique une conduite concrète inspirée par les valeurs morales universelles, mais aussi un engagement personnel de formation humaine et spirituelle d'importance vitale. Un homme ou une femme qui ne serait pas préparé aux défis réels que présente une interprétation correcte de la vie chrétienne de son propre milieu serait une proie facile pour tous les assauts du matérialisme et du laïcisme, toujours plus actifs à tous les niveaux.



24 juillet 2007 - Avec les prêtres du diocèse de Belluno
D.: Votre Sainteté, mon nom est dom Claudio, je voulais vous poser une question à propos de la formation de la conscience, en particulier à propos des jeunes générations, car aujourd'hui, former une conscience cohérente, une conscience droite, semble toujours plus difficile. On confond le bien et le mal avec le fait de se sentir bien et de se sentir mal, l'aspect le plus chargé d'émotion. C'est pourquoi je voulais recevoir quelques conseils de votre part. Merci...

Cette question reflète un peu le problème de la situation culturelle en Occident, car le concept de conscience s'est profondément transformé au cours des deux derniers siècles. Aujourd'hui prévaut l'idée que seul ce qui est quantifiable est rationnel, fait partie de la raison. Les autres choses, c'est-à-dire les matières de la religion et de la morale, n'auraient pas de rapport avec la raison commune, car elles ne sont pas vérifiables, ou, comme on dit, pas falsifiables lors de l'expérimentation. Dans cette situation, où morale et religion sont presque expulsées par la raison, l'unique critère ultime de la moralité ainsi que de la religion est le sujet, la conscience subjective qui ne connaît pas d'autres instances. En fin de compte, seul le sujet, avec son sentiment, ses expériences, d'éventuels critères qu'il a trouvés, décide. Mais ce faisant, le sujet devient une réalité isolée, et c'est ainsi que changent, comme vous l'avez dit, jour après jour, les paramètres. Dans la tradition chrétienne, "conscience" signifie conscience: c'est-à-dire que nous, que notre être est ouvert, il peut écouter la voix de l'être lui-même, la voix de Dieu. La voix des grandes valeurs est donc inscrite dans notre être et la grandeur de l'homme est précisément qu'il n'est pas fermé sur lui, il n'est pas réduit aux choses matérielles, quantifiables, mais il possède une ouverture intérieure aux choses essentielles, la possibilité d'une écoute. Dans la profondeur de notre être, nous pouvons écouter non seulement les besoins du moment, non seulement les choses matérielles, mais écouter la voix du Créateur lui-même et connaître ainsi ce qui est bien et ce qui est mal. Mais naturellement, cette capacité d'écoute doit être éduquée et développée. Tel est précisément l'engagement de l'annonce que nous faisons dans l'Eglise: développer cette très haute capacité donnée par Dieu à l'homme d'écouter la voix de la vérité et donc la voix des valeurs. Je dirais donc qu'un premier pas est de rendre les personnes conscientes que notre nature porte en elle un message moral, un message divin, qui doit être déchiffré et que nous pouvons peu à peu mieux connaître, écouter, si notre écoute intérieure est ouverte et développée. A présent, la question concrète est de savoir comment effectuer cette éducation à l'écoute, comment rendre l'homme capable de cela, malgré toute cette surdité moderne, comment faire en sorte que cette écoute soit rétablie, qu'elle soit réellement un événement, l'Effatà du Baptême, l'ouverture des sens intérieurs. En voyant la situation dans laquelle nous nous trouvons, je proposerais une combinaison entre une voie laïque et une voie religieuse, la voie de la foi. Aujourd'hui, nous voyons tous que l'homme pourrait détruire le fondement de son existence, sa terre, et nous ne pouvons donc plus simplement faire avec notre terre, avec la réalité qui nous a été confiée, ce que nous voulons et ce qui nous apparaît utile et prometteur sur le moment, mais nous devons respecter les lois intérieures de la création, de cette terre, apprendre ces lois et obéir également à ces lois, si nous voulons survivre. Cette obéissance à la voix de la terre, de l'être, est donc plus importante pour notre bonheur futur que les voix du moment, les désirs du moment. Il s'agit, en somme, d'un premier critère à apprendre: que l'être lui-même, notre terre, parle avec nous et que nous devons écouter si nous voulons survivre et déchiffrer ce message de la terre. Et si nous devons être obéissants à la voix de la terre, cela vaut encore davantage pour la voix de la vie humaine. Nous devons non seulement prendre soin de la terre, mais nous devons respecter l'autre, les autres. Que ce soit l'autre dans sa singularité comme personne, comme mon prochain, ou les autres comme communauté qui vit dans le monde et qui désire vivre ensemble. Et nous voyons que ce n'est que dans le respect absolu de cette créature de Dieu, de cette image de Dieu qui est l'homme, que ce n'est que dans le respect d'une vie vécue ensemble sur la terre, que nous pouvons aller de l'avant. Et nous arrivons ici au fait que nous avons besoin des grandes expériences morales de l'humanité, qui sont des expériences nées de la rencontre avec l'autre, avec la communauté; l'expérience que la liberté humaine est toujours une liberté partagée et qu'elle ne peut fonctionner que si nous partageons nos libertés dans le respect des valeurs qui nous sont communes à tous. Il me semble que, grâce à ces pas, il est possible de faire voir la nécessité d'obéir à la voix de l'être, d'obéir à la dignité de l'autre, d'obéir à la nécessité de vivre ensemble nos libertés comme une liberté, et pour tout cela connaître la valeur qui existe dans le fait de permettre une digne communion de vie entre les hommes. Nous arrivons ainsi, comme je l'ai déjà dit, aux grandes expériences de l'humanité, dans lesquelles s'exprime la voix de l'être, et surtout aux expériences de ce grand pèlerinage historique du peuple de Dieu, commencé avec Abraham, dans lequel nous trouvons non seulement les expériences humaines fondamentales, mais où nous pouvons, grâce à ces expériences, entendre la voix du Créateur lui-même, qui nous aime et qui nous a parlé. Ici, dans ce contexte, en respectant les expériences humaines qui nous indiquent le chemin d'aujourd'hui et de demain, il me semble que les Dix Commandements ont toujours une valeur prioritaire, dans laquelle nous voyons les indicateurs fondamentaux du chemin. Les Dix Commandements relus, revécus à la lumière du Christ, à la lumière de la vie de l'Eglise et de ses expériences, indiquent plusieurs valeurs fondamentales et essentielles: le quatrième et le sixième commandement indiquent ensemble l'importance de notre corps, de respecter les lois du corps, de la sexualité et de l'amour, la valeur de l'amour fidèle, la famille; le cinquième commandement indique la valeur de la vie et également la valeur de la vie commune; le septième commandement indique la valeur du partage des biens de la terre et la juste division de ces biens, l'administration de la création de Dieu; le huitième commandement indique la grande valeur de la vérité. Donc, si dans le quatrième, le cinquième et le sixième commandement, nous avons l'amour pour le prochain, dans le septième, nous avons la vérité. Tout cela ne peut fonctionner sans la communion avec Dieu, sans le respect de Dieu et sans la présence de Dieu dans le monde. Un monde sans Dieu devient dans tous les cas le monde de l'arbitraire et de l'égoïsme. Ce n'est que si Dieu apparaît qu'il y a de la lumière, de l'espérance. Notre vie possède un sens que nous ne devons pas créer nous-mêmes, mais qui nous précède, qui nous conduit. En ce sens, je dirais donc de prendre ensemble les voies évidentes que la conscience laïque peut facilement entrevoir aujourd'hui aussi, et de chercher ainsi à guider vers les voix plus profondes, vers la véritable voix de la conscience, qui se communique à travers la grande tradition de la prière, de la vie morale de l'Eglise. Ainsi, à travers un chemin d'éducation patiente, nous pouvons, je pense, apprendre tous à vivre et à trouver la vraie vie.

Il n'existe plus de monde uniforme. En particulier en Occident, où sont présents tous les autres continents, toutes les autres religions, les autres façons de vivre la vie humaine. Nous vivons une rencontre permanente, qui ressemble peut-être à l'Eglise antique, où existait la même situation. Les chrétiens représentaient une très petite minorité, un grain de sénevé qui commençait à croître, entouré par des religions et des conditions de vie très différentes. Nous devons donc réapprendre ce que les chrétiens des premières générations ont vécu. Saint Pierre, dans sa première Lettre, au troisième chapitre, a dit: "Vous devez toujours être prêts à rendre compte de l'espérance qui est en vous". Il a ainsi formulé pour l'homme normal de l'époque, pour le chrétien normal, la nécessité de conjuguer annonce et dialogue. Il n'a pas dit formellement: "Annoncez à chacun l'Evangile". Il a dit: "Vous devez être capables, prêts à rendre compte de l'espérance qui est en vous". Il me semble que cela est la synthèse nécessaire entre dialogue et annonce. Le premier point est qu'en nous-mêmes doit toujours être présente la raison de notre espérance. Nous devons être des personnes qui vivent la foi et qui pensent la foi, qui la connaissent intérieurement. Ainsi, en nous-mêmes, la foi devient raison, devient raisonnable. La méditation de l'Evangile, et donc l'annonce, l'homélie, la catéchèse, pour rendre les personnes capables de penser la foi, constituent déjà des éléments fondamentaux de cette combinaison entre dialogue et annonce. Nous devons nous-mêmes penser la foi, vivre la foi et, en tant que prêtres, trouver différentes façons de la rendre présente, de manière à ce que nos catholiques chrétiens puissent avoir la conviction, la promptitude et la capacité de rendre compte de leur foi. Cette annonce, que la foi transmet dans la conscience d'aujourd'hui, doit revêtir de multiples formes. Sans aucun doute, les homélies et les catéchèses en sont deux formes principales, mais il y a ensuite tant d'autres façons de se rencontrer - séminaires de la foi, mouvements laïcs, etc. - où l'on parle de la foi et où l'on apprend la foi. Tout cela nous rend tout d'abord capables de vivre réellement en étant le prochain des non-chrétiens - en majorité, ce sont ici des chrétiens orthodoxes, des protestants, mais également des fidèles d'autres religions, musulmans et autres. Le premier point est de vivre avec eux, en reconnaissant en eux le prochain, notre prochain. Vivre donc à la première personne l'amour du prochain comme expression de notre foi. Je pense que cela constitue déjà un témoignage très fort et également une forme d'annonce: vivre réellement avec ces autres personnes l'amour du prochain, reconnaître en ceux-ci, en eux, notre prochain, de sorte qu'ils puissent voir: cet "amour du prochain" est pour moi. Si tout cela a lieu, nous pourrons plus facilement présenter la source de notre comportement, c'est-à-dire le fait que l'amour du prochain est l'expression de notre foi. Ainsi, dans le dialogue, on ne peut pas immédiatement passer aux grands mystères de la foi, bien que les musulmans aient déjà une certaine connaissance du Christ, qui nie sa divinité, mais qui reconnaît en Lui au moins un grand prophète. Ils éprouvent de l'amour pour la Vierge. Il existe donc des éléments communs dans la foi, qui constituent des points de départ pour le dialogue. Un élément pratique et réalisable, nécessaire, est surtout de rechercher l'entente fondamentale sur les valeurs de la vie. Ici aussi, nous possédons un trésor commun, car elles proviennent de la religion d'Abraham, réinterprétée, revécue de manières qui sont à étudier, auxquelles nous devons enfin répondre. Mais la grande expérience substantielle, celle des Dix Commandements, est présente et cela me semble un point à approfondir. Passer aux grands mystères me semble un niveau difficile, qui ne se réalise pas dans les grandes rencontres. La semence doit peut-être entrer dans les coeurs, de sorte que la réponse de la foi à travers des dialogues plus spécifiques puisse mûrir ici et là. Mais ce que nous pouvons et devons faire est de rechercher le consensus sur des valeurs fondamentales, exprimées dans les Dix Commandements, résumées dans l'amour du prochain et dans l'amour de Dieu, et ainsi interprétables dans les divers domaines de la vie. Nous nous trouvons tous au moins sur un chemin commun vers le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, le Dieu qui est finalement le Dieu au visage humain, le Dieu présent en Jésus Christ. Mais si ce dernier pas est plutôt à accomplir lors de rencontres intimes, personnelles ou en petits groupes, le chemin vers ce Dieu, dont proviennent ces valeurs qui rendent possible la vie commune, me paraît également réalisable lors de rencontres plus importantes. Il me semble donc que se réalise ici une forme d'annonce humble, patiente, qui attend, mais qui rend également déjà concrète notre vie selon la conscience illuminée par Dieu.



15 août 2007 - Homélie Messe Solennité de l'Assomption
Le dragon indique non seulement le pouvoir anti-chrétien des persécuteurs de l'Eglise de ce temps là, mais les dictatures matérialistes anti-chrétiennes de tous les temps. Nous voyons de nouveau se manifester ce pouvoir, cette puissance du dragon rouge, dans les grandes dictatures du siècle dernier: la dictature du nazisme et la dictature de Staline avaient tous les pouvoirs, elles pénétraient chaque recoin, l'ultime recoin. Il semblait impossible qu'à long terme, la foi puisse survivre face à ce dragon si fort, qui voulait dévorer le Dieu qui s'était fait enfant et la femme, l'Eglise. Mais en réalité, dans ce cas également, à la fin, l'amour a été plus fort que la haine.

Aujourd'hui aussi, ce dragon existe de façons nouvelles et différentes. Il existe sous la forme des idéologies matérialistes qui nous disent: il est absurde de penser à Dieu; il est absurde d'observer les commandements de Dieu; cela appartient au passé. Il vaut la peine uniquement de vivre la vie pour soi. Prendre dans ce bref moment de la vie tout ce que nous pouvons en tirer. Seuls la consommation, l'égoïsme, le divertissement valent la peine. Telle est la vie. C'est ainsi que nous devons vivre. Et à nouveau, il semble absurde, impossible de s'opposer à cette mentalité dominante, avec toute sa force médiatique, de propagande. Il semble impossible aujourd'hui encore de penser à un Dieu qui a créé l'homme et qui s'est fait enfant et qui serait le véritable dominateur du monde.

Aujourd'hui aussi, ce dragon apparaît invincible, mais aujourd'hui aussi, il demeure vrai que Dieu est plus fort que le dragon, que c'est l'amour qui l'emporte, et non pas l'égoïsme.



1er septembre 2007 - Rencontre avec 500 000 jeunes au sanctuaire marial de lorette.
Il est difficile de parler aux amis d'aujourd'hui de Dieu et peut-être plus difficile encore de parler de l'Eglise, parce qu'ils ne voient en Dieu que la limite de notre liberté, un Dieu de commandements, d'interdictions et dans l'Eglise, une institution qui limite notre liberté, qui nous impose des interdits. Mais nous devons tenter de rendre visible à leurs yeux l'Eglise vivante, non cette idée d'un centre de pouvoir dans l'Eglise avec ces étiquettes, mais des communautés de compagnie dans lesquelles malgré tous les problèmes de la vie, qui existent pour tout le monde, naît la joie de vivre. Je me suis rendu au Brésil et dans la Fazenda da Esperança, cette grande réalité où les toxicomanes sont soignés et retrouvent l'espérance, retrouvent la joie de vivre et témoignent que c'est précisément la découverte que Dieu existe qui les a conduits à guérir du désespoir. Ainsi, ils ont compris que leur vie a un sens et ils ont retrouvé la joie d'être dans ce monde, la joie d'affronter les problèmes de la vie humaine. Ainsi, dans chaque cœur humain, malgré tous les problèmes qui existent, il y a la soif de Dieu et là où Dieu disparaît, disparaît aussi le soleil qui donne lumière et joie. Cette soif d'infini qui est dans nos cœurs apparaît également dans le phénomène de la drogue justement: l'homme veut élargir la profondeur de la vie, avoir davantage de la vie, avoir l'infini, mais la drogue est un mensonge, une escroquerie, parce qu'elle n'élargit pas la vie, mais elle la détruit. Ce qui est vrai, c'est la grande soif qui nous parle de Dieu et nous met en chemin vers Dieu, mais nous devons nous aider réciproquement. Le Christ est venu précisément pour créer un réseau de communion dans le monde, où tous ensemble, nous pouvons nous porter l'un l'autre et nous aider ainsi à trouver ensemble le chemin de la vie et comprendre que les Commandements de Dieu ne sont pas des obstacles à notre liberté, mais les chemins qui conduisent vers l'autre, vers la plénitude de la vie. Prions le Seigneur afin qu'il nous aide à comprendre sa présence, à être emplis de sa Révélation, de sa joie, à nous aider l'un l'autre dans la compagnie de la foi pour aller de l'avant, et trouver toujours davantage avec le Christ le vrai visage de Dieu et ainsi la vie véritable.



8 septembre 2007 - Homélie Messe au Sanctuaire Marial de Mariazell
"Regarder vers le Christ!". Si nous le faisons, nous nous rendons compte que le christianisme est quelque chose de plus et de différent qu'un système moral, qu'une série de requêtes et de lois. Il est le don d'une amitié qui perdure dans la vie et dans la mort: "Je ne vous appelle plus serviteur, mais amis" (cf. Jn 15, 15), dit le Seigneur aux siens. Nous nous confions à cette amitié. Mais précisément parce que le christianisme est plus qu'une morale, il est justement le don d'une amitié, c'est pour cela qu'il contient également en lui une grande force morale dont nous avons tant besoin face aux défis de notre temps. Si avec Jésus Christ et avec son Eglise nous relisons de manière toujours nouvelle le décalogue du Sinaï, en pénétrant dans ses profondeurs, alors il se révèle à nous comme un grand enseignement, valable et permanent. Le Décalogue est tout d'abord un "oui" à Dieu, à un Dieu qui nous aime et nous guide, qui nous conduit et qui, toutefois, nous laisse notre liberté, plus encore, en fait une liberté véritable (les trois premiers commandements). C'est un "oui" à la famille (quatrième commandement), un "oui" à la vie (cinquième commandement), un "oui" à un amour responsable (sixième commandement), un "oui" à la solidarité, à la responsabilité sociale et à la justice (septième commandement), un "oui" à la vérité (huitième commandement) et un "oui" au respect des autres personnes et de ce qui leur appartient (neuvième et dixième commandements). En vertu de la force de notre amitié avec le Dieu vivant, nous vivons ce multiple "oui" et, dans le même temps, nous le présentons comme indicateur de l'itinéraire à cette époque du monde.



22 septembre 2007 Aux nouveaux Évêques nommés au cours de l'année
Comme Moïse, ayez les mains levées vers le ciel, alors que vos fidèles combattent le bon combat de la foi.



2008



17 juillet 2008 - Accueil des jeunes à Sydney
Sommes-nous attentifs aux avertissements qui nous sont lancés parce que nous avons tournés le dos à la structure morale dont Dieu a doté l'humanité (cf. Message pour la Journée Mondiale de la Paix 2007, 8) ? Savons-nous reconnaître que la dignité innée de tout individu s'appuie sur son identité la plus profonde, étant image du Créateur, et que, par conséquent, les droits humains sont universels et se basent sur la loi naturelle, et qu'ils ne dépendent ni des négociations ni de la condescendance, et bien moins encore des compromis ? C'est ainsi que nous sommes amenés à réfléchir sur la place qu'occupent dans nos sociétés les indigents, les personnes âgées, les immigrés, les sans-voix. Comment se fait-il que la violence domestique tourmente tant de mères et d'enfants ? Comment se fait-il que l'espace humain, le plus beau et le plus sacré qu'est le sein maternel, soit devenu un lieu de violence indicible ?



18 juillet 2008 - Avec les jeunes blessés de la vie
Que veut dire véritablement être « vivant », vivre pleinement la vie ? C'est ce que nous voulons tous, spécialement lorsque l'on est jeune, et c'est ce que le Christ veut pour nous. En effet, il a dit : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu'ils l'aient en abondance » (Jn 10,10). L'instinct le plus profond chez tout être vivant est celui de rester en vie, de grandir, de se développer et de transmettre à d'autres le don de la vie. Il en résulte qu'il est bien naturel de s'interroger sur la meilleure façon de vivre tout cela.

Pour le peuple de l'Ancien Testament, cette question était tout aussi pressante que pour nous aujourd'hui. Sans aucun doute, il écoutait avec attention quand Moïse lui

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