Benoît XVI de A à Z

Démocratie

2006



Jeudi 14 décembre 2006 - Au nouvel Ambassadeur d'Ouganda
L'une des clés en vue de garantir le succès de la démocratie réside dans la participation et l'encouragement à un dialogue sincère et fructueux. Les échanges mutuels d'opinions et d'idées ne sont pas toujours faciles. La bonne gouvernance exige toutefois que les personnes ayant des opinions différentes soient écoutées, respectées et intégrées dans le processus de décision. Ce n'est que dans un tel climat de compréhension et de coopération que le progrès véritable et durable peut être réalisé et poursuivi.



14 décembre 2006 - Au nouvel Ambassadeur du Danemark
Une vie publique vigoureuse peut trouver un bénéfice dans la contribution des croyants et dans un dialogue créatif avec la tradition et les valeurs religieuses d'une nation, car une démocratie saine exige une base éthique solide et le respect de la "structure morale de la liberté" (cf. Ecclesia in Europa, n. 98). Pour sa part, l'Eglise est prête "à contribuer à la purification de la raison et au réveil des forces morales, sans lesquelles des structures justes ne peuvent ni être construites, ni être opérationnelles à long terme" (Deus caritas est, n. 29).



2007



8 janvier 2007 - Au Corps Diplomatique
La démocratie est appelée à prendre en compte les aspirations de l'ensemble des citoyens, à promouvoir le développement dans le respect de toutes les composantes de la société, selon les principes de la solidarité, de la subsidiarité et de la justice. Il faut cependant mettre en garde contre le risque que l'exercice de la démocratie se transforme en dictature du relativisme, proposant des modèles anthropologiques incompatibles avec la nature et la dignité de l'homme.



10 mai 2007 - Avec les jeunes, au Brésil
Il existe un immense horizon d'action dans lequel les questions d'ordre social, économique et politique acquièrent une importance particulière, à condition que leur source d'inspiration soit l'Evangile et la Doctrine sociale de l'Eglise. La construction d'une société plus juste et solidaire, réconciliée et pacifique; l'engagement à freiner la violence; les initiatives de promotion d'une vie vécue en plénitude, de l'ordre démocratique et du bien commun, en particulier celles qui visent à éliminer certaines discriminations existant … et qui ne doivent pas êtres des causes d'exclusion, mais plutôt d'enrichissement réciproque



7 septembre 2007 - Rencontre avec les Diplomates, à Vienne, en Autriche
Nous nous trouvons ici dans un lieu historique, à partir duquel, pendant des siècles, a été gouverné un empire qui a uni de vastes parties de l'Europe centrale et orientale. Le lieu où nous sommes et le moment que nous vivons nous offrent donc une occasion providentielle pour fixer notre regard sur toute l'Europe d'aujourd'hui. Après les horreurs de la guerre et les expériences traumatisantes du totalitarisme et de la dictature, l'Europe a entrepris le chemin vers une unité du Continent, qui tend à assurer un ordre durable de paix et de développement juste. La division qui, pendant des décennies, a déchiré le Continent de manière douloureuse est, il est vrai, surmontée sur le plan politique, mais l'unité reste encore en grande partie à réaliser dans l'esprit et dans le cœur des personnes. Même si, après la chute du rideau de fer en 1989, une certaine espérance excessive a pu laisser place à la déception, et si, sur quelques aspects, il est possible de formuler des critiques justifiées vis-à-vis de quelques institutions européennes, le processus d'unification est de toute façon une œuvre d'une grande portée qui a permis à ce Continent, longtemps miné par des conflits continuels et des guerres fratricides désastreuses, de vivre une période de paix qu'il n'avait pas connue depuis longtemps. En particulier, la participation à ce processus constitue pour les Pays d'Europe centrale et orientale un stimulant ultérieur pour consolider chez eux la liberté, l'état de droit et la démocratie. Je voudrais rappeler, à ce propos, la contribution que mon Prédécesseur le Pape Jean-Paul II a apportée à ce processus historique. L'Autriche, qui se trouve aux confins de l'Occident et de l'Orient d'alors, a également, comme pays-pont, beaucoup contribué à cette union et en a aussi - il ne faut pas l'oublier - tiré grand profit.



15 septembre 2007 - au Nouvel Ambassadeur d'Irlande près le Saint-Siège
La foi chrétienne n'a rien perdu de sa signification pour la société contemporaine, car elle atteint "la sphère la plus profonde de l'homme" et donne "le sens de son existence dans le monde" (Redemptor hominis, n. 10), permettant aux responsables tant civils que religieux de défendre les valeurs absolues et les idéaux inhérents à la dignité de toute personne et nécessaires à toute démocratie.

Certains peuvent se demander si l'Eglise a le droit d'apporter sa contribution au gouvernement d'une nation. Dans une société démocratique pluraliste, la foi et la religion ne devraient-elles pas se limiter au domaine privé? L'ascension historique de régimes totalitaires violents, le scepticisme contemporain face à la rhétorique politique, et le malaise croissant qui accompagne le manque de références éthiques réglementant les récents progrès scientifiques - il suffit de penser au domaine de la bio-ingénierie - tout cela indique les imperfections et les limitations qui se trouvent à la fois chez les personnes et dans la société. La reconnaissance de ces imperfections montre l'importance d'une redécouverte des principes moraux et éthiques, et le besoin tant de reconnaître les limites de la raison que de comprendre sa relation essentielle et complémentaire avec la foi et la religion.



21 septembre 2007 - Aux membres du Comité exécutif de l'Internationale démocratique du Centre et démocrate chrétienne
Le respect de la religion contribue, en outre, à démentir le reproche répété d'avoir oublié Dieu, par lequel certains réseaux terroristes tentent artificiellement de justifier leurs menaces contre la sécurité des sociétés occidentales. Le terrorisme représente un phénomène très grave, qui en vient souvent à instrumentaliser et mépriser de manière injustifiable la vie humaine. La société a sans aucun doute le droit de se défendre, mais ce droit, comme n'importe quel autre, doit toujours être exercé dans le plein respect des règles morales et juridiques, également en ce qui concerne le choix des objectifs et des moyens. Dans les systèmes démocratiques, l'utilisation de la force ne justifie jamais de renoncer aux principes de l'Etat de droit. Peut-on en effet protéger la démocratie en en menaçant les fondements? Il faut donc protéger courageusement la sécurité de la société et de ses membres, en sauvegardant toutefois les droits inaliénables de toute personne. Le terrorisme doit être combattu avec détermination et efficacité, dans la conscience que si le mal est un mystère qui s'étend, la solidarité des hommes dans le bien est un mystère encore plus diffus.

La doctrine sociale de l'Eglise catholique offre, à cet égard, des éléments de réflexion utiles pour promouvoir la sécurité et la justice, tant au niveau national qu'international, à partir de la raison, du droit naturel et également de l'Evangile, c'est-à-dire à partir de ce qui est conforme à la nature de tout être humain et la transcende également.



5 octobre 2007 - Aux membres de la Commission Théologique Internationale
A l'occasion de l'audience du 1 décembre 2005, j'ai présenté quelques orientations fondamentales du travail que le théologien doit accomplir en communion avec la voix vivante de l'Eglise sous la direction du Magistère. Je voudrais à présent m'arrêter de manière particulière sur le thème de la loi morale naturelle. Comme vous le savez probablement, à l'initiative de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi se sont déroulés, ou sont en train d'être organisés par divers centres universitaires et associations, des symposiums ou des journées d'études dans le but de déterminer des lignes de convergence utiles pour un approfondissement constructif et efficace de la doctrine sur la loi morale naturelle. Cette invitation a jusqu'à présent trouvé un accueil positif et un écho important. C'est donc avec un grand intérêt que l'on attend la contribution de la Commission théologique internationale, qui vise surtout à justifier et à illustrer les fondements d'une éthique universelle, appartenant au grand patrimoine de la sagesse humaine, qui constitue d'une certaine manière une participation de la créature rationnelle à la loi éternelle de Dieu. Il ne s'agit donc pas d'un thème de type exclusivement ou principalement confessionnel, même si la doctrine sur la loi morale naturelle est illuminée et développée en plénitude à la lumière de la Révélation chrétienne et de l'accomplissement de l'homme dans le mystère du Christ.

Le Catéchisme de l'Eglise catholique résume bien le contenu central de la doctrine sur la loi naturelle, en soulignant que celle-ci "énonce les préceptes premiers et essentiels qui régissent la vie morale. Elle a pour pivot l'aspiration et la soumission à Dieu, source et juge de tout bien, ainsi que le sens d'autrui comme égal à soi-même. Elle est exposée en ses principaux préceptes dans le Décalogue. Cette loi est dite naturelle non pas en référence à la nature même des êtres irrationnels, mais parce que la raison qui l'édicte appartient en propre à la nature humaine" (n. 1995). Avec cette doctrine, l'on parvient à deux finalités essentielles: d'une part, on comprend que le contenu éthique de la foi chrétienne ne constitue pas une imposition dictée de l'extérieur à la conscience de l'homme, mais qu'il s'agit d'une norme qui a son fondement dans la nature humaine elle-même; d'autre part, en partant de la loi naturelle accessible en soi à toute créature rationnelle, on établit avec celle-ci la base pour entrer en dialogue avec tous les hommes de bonne volonté et, de manière plus générale, avec la société civile et séculière.

Mais c'est précisément en raison de l'influence de facteurs d'ordre culturel et idéologique, que la société civile et séculière d'aujourd'hui se trouve dans une situation d'égarement et de confusion: on a perdu l'évidence originelle des fondements de l'être humain et de son action éthique, et la doctrine de la loi morale naturelle s'oppose aux autres conceptions qui en sont la négation directe. Tout cela a des conséquences immenses et graves dans l'ordre civil et social. Chez de nombreux penseurs, semble aujourd'hui dominer une conception positiviste du droit. Selon eux, l'humanité ou la société, ou de fait la majorité des citoyens, devient la source ultime de la loi civile. Le problème qui se pose n'est donc pas la recherche du bien, mais celle du pouvoir, ou plutôt de l'équilibre des pouvoirs. A la racine de cette tendance se trouve le relativisme éthique, dans lequel certains voient même l'une des conditions principales de la démocratie, car le relativisme garantirait la tolérance et le respect réciproque des personnes. Mais s'il en était ainsi, la majorité d'un moment deviendrait la source ultime du droit. L'histoire démontre avec une grande clarté que les majorités peuvent se tromper. La véritable rationalité n'est pas garantie par le consensus d'un grand nombre, mais seulement par la compréhension qu'a la raison humaine de la Raison créatrice et par l'écoute commune de cette Source de notre rationalité.

Lorsque les exigences fondamentales de la dignité de la personne humaine, de sa vie, de l'institution familiale, de la justice, de l'organisation sociale, c'est-à-dire les droits fondamentaux de l'homme, sont en jeu, aucune loi faite par les hommes ne peut renverser la règle écrite par le Créateur dans le coeur de l'homme, sans que la société elle-même ne soit dramatiquement frappée dans ce qui constitue sa base incontournable. La loi naturelle devient ainsi la véritable garantie offerte à chacun pour vivre libre et respecté dans sa dignité et à l'abri de toute manipulation idéologique et de toute décision arbitraire ou d'abus du plus fort. Personne ne peut se soustraite à cet appel. Si, en raison d'un obscurcissement tragique de la conscience collective, le scepticisme et le relativisme éthique parvenaient à effacer les principes fondamentaux de la loi morale naturelle, l'ordre démocratique lui-même serait radicalement blessé dans ses fondements. Contre cet obscurcissement, qui est à la base de la crise de la civilisation humaine, avant même que chrétienne, il faut mobiliser toutes les consciences des hommes de bonne volonté, laïcs ou appartenant à des religions différentes du christianisme, pour qu'ensemble et de manière concrète, ils s'engagent à créer, dans la culture et dans la société civile et politique, les conditions nécessaires pour une pleine conscience de la valeur inaliénable de la loi morale naturelle. C'est en effet du respect de celle-ci que dépend le développement des individus et de la société sur la voie de l'authentique progrès, conformément à la juste raison, qui est une participation à la Raison éternelle de Dieu.



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