Benoît XVI de A à Z

Humanisme - Nouvel humanisme

2006



6 avril 2006 - Rencontre avec les jeunes du diocèse de Rome, Place Saint Pierre
Il me semble que le grand défi de notre temps soit la sécularisation: c'est-à-dire une façon de vivre et de présenter le monde comme "si Deus non daretur", c'est-à-dire comme si Dieu n'existait pas. On veut réduire Dieu à la sphère du privé, à un sentiment, comme s'Il n'était pas une réalité objective et ainsi, chacun forme son propre projet de vie. Mais cette vision qui se présente comme si elle était scientifique, n'accepte comme valable que ce qui peut être vérifié par l'expérience. Avec un Dieu qui ne se prête pas à l'expérience immédiate, cette vision finit par déchirer également la société: il en découle en effet que chacun forme son projet et à la fin, chacun s'oppose à l'autre. Une situation, comme on le voit, clairement invivable. Nous devons rendre Dieu à nouveau présent dans nos sociétés. Cela me semble être la première nécessité: que Dieu soit à nouveau présent dans notre vie, que nous ne vivions pas comme si nous étions autonomes, autorisés à inventer ce que sont la liberté et la vie. Nous devons prendre acte du fait que nous sommes des créatures, constater qu'il y a un Dieu qui nous a créés et que demeurer dans sa volonté n'est pas une dépendance, mais un don d'amour qui nous fait vivre.

Connaître Dieu, reconnaître que Dieu est présent dans ma vie, et que Dieu joue un rôle. Si nous reconnaissons que Dieu est présent, que notre liberté est une liberté partagée avec les autres et qu'il doit donc y avoir un paramètre commun pour construire une réalité commune, cela soulève la question : quel Dieu ? Il existe en effet tant de fausses images de Dieu, d'un Dieu violent, etc.

Il nous faut reconnaître le Dieu qui nous a montré son Visage en Jésus, qui a souffert pour nous, qui nous a aimés jusqu'à la mort et ainsi, a vaincu la violence. Il faut rendre présent, avant tout dans notre "propre vie", le Dieu vivant, le Dieu qui n'est pas un inconnu, un Dieu inventé, un Dieu uniquement pensant, mais un Dieu qui s'est montré, qui s'est révélé, et qui a révélé son Visage. Ce n'est qu'ainsi que notre vie devient véritable, authentiquement humaine et ainsi également, les critères du véritable humanisme deviennent présents dans la société.



2007


1er janvier 2007 - Homélie de la Messe
Je suis profondément convaincu qu'"en respectant la personne on promeut la paix et qu'en bâtissant la paix on jette les bases d'un authentique humanisme intégral" (Message, n. 1). Il s'agit là d'un devoir qui revient de manière particulière au chrétien, appelé "à être un infatigable ouvrier de paix et un vaillant défenseur de la dignité de la personne humaine et de ses droits inaliénables" (Message, n. 16). C'est précisément parce qu'il est créé à l'image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 27), que tout individu humain, sans distinction de race, de culture et de religion, est investi de la même dignité de personne. C'est pour cela qu'il doit être respecté, et aucune raison ne peut en aucun cas justifier que l'on dispose de lui selon son bon plaisir, comme s'il était un objet.



6 janvier 2007 - Homélie Messe Epiphanie
En vérité, tout le Concile Vatican II fut inspiré par la volonté d'annoncer le Christ, lumière du monde, à l'humanité contemporaine. Au cœur de l'Eglise, à partir du sommet de sa hiérarchie, apparut de manière impérieuse, suscité par l'Esprit Saint, le désir d'une nouvelle épiphanie du Christ au monde, un monde que l'époque moderne avait profondément transformé et qui, pour la première fois dans l'histoire, se trouvait face au défi d'une civilisation mondiale, où le centre ne pouvait plus être l'Europe, pas plus que ce nous appelons l'Occident et le Nord du monde. Apparaissait l'exigence d'élaborer un nouvel ordre mondial politique et économique, mais, dans le même temps et surtout, spirituel et culturel ; c'est-à-dire un humanisme renouvelé. Cette constatation s'imposait avec une évidence croissante. Un nouvel ordre mondial économique et politique ne fonctionne pas s'il n'y a pas de renouveau spirituel, si nous ne pouvons pas nous approcher à nouveau de Dieu et trouver Dieu parmi nous. Avant le Concile Vatican II, des consciences éclairées et des penseurs chrétiens avaient déjà eu l'intuition de ce défi historique et l'avaient affronté. Eh bien, au début du troisième millénaire, nous nous trouvons au cœur de cette phase de l'histoire humaine, qui a désormais été classifiée autour du terme « mondialisation ». D'autre part, nous nous apercevons aujourd'hui à quel point il est facile de perdre de vue les termes de ce même défi, précisément parce que l'on est concerné par ce défi : un risque fortement renforcé par l'immense expansion des mass media, qui, d'une part, s'ils multiplient indéfiniment les informations, de l'autre, semblent affaiblir nos capacités de réaliser une synthèse critique. La solennité d'aujourd'hui peut nous offrir cette perspective, à partir de la manifestation d'un Dieu qui s'est révélé dans l'histoire comme lumière du monde, pour guider et introduire finalement l'humanité dans la terre promise, où règnent la liberté, la justice et la paix. Et nous voyons toujours davantage que nous ne pouvons pas promouvoir seuls la justice et la paix, si ne se manifeste pas à nous la lumière d'un Dieu qui nous montre son visage, qui nous apparaît dans la mangeoire de Bethléem, qui nous apparaît sur la Croix. ..

Qui sont donc les « Mages » d'aujourd'hui, et où en est leur « voyage » et notre « voyage » ? Chers frères et sœurs, revenons à ce moment de grâce spéciale que fut la conclusion du Concile Vatican II, le 8 décembre 1965, quand les Pères conciliaires adressèrent à l'humanité tout entière plusieurs « Messages ». Le premier était adressé « Aux gouvernants », le deuxième « Aux hommes de la pensée et de la science ». Il s'agit de deux catégories de personnes que, d'une certaine manière, nous pouvons voir représentées dans les figures évangéliques des Mages. Je voudrais ensuite en ajouter une troisième, à laquelle le Concile n'adressa pas de message, mais qui fut bien présente à son esprit dans la Déclaration conciliaire Nostra aetate. Je fais référence aux guides spirituels des grandes religions non chrétiennes. Plus de deux mille ans après, nous pouvons donc reconnaître dans les figures des Mages une sorte de préfiguration de ces trois dimensions constitutives de l'humanisme moderne : la dimension politique, la dimension scientifique et la dimension religieuse. L'Epiphanie nous le montre dans un état de « pèlerinage », c'est-à-dire dans un mouvement de recherche, souvent un peu confuse, qui, en définitive, possède son point d'arrivée dans le Christ, même si parfois l'étoile se cache. Dans le même temps, elle nous montre Dieu qui, à son tour, est en pèlerinage vers l'homme. Ce n'est pas seulement le pèlerinage de l'homme vers Dieu ; Dieu lui-même s'est mis en marche vers nous : en effet, qui est Jésus, sinon Dieu qui est sorti, pour ainsi dire, de lui-même pour venir à la rencontre de l'humanité ? Par amour, Il s'est fait histoire dans notre histoire ; par amour, il est venu nous apporter le germe de la vie nouvelle (cf. Jn 3, 3-6) et la semer dans les sillons de notre terre, afin qu'elle germe, qu'elle fleurisse et qu'elle porte du fruit.



8 janvier 2007 - Au Corps Diplomatique
C'est en respectant la personne humaine qu'il est possible de promouvoir la paix et c'est en bâtissant la paix que sont jetées les bases d'un authentique humanisme intégral. C'est ici que trouve réponse la préoccupation de tant de nos contemporains face à l'avenir. Oui, l'avenir pourra être serein si nous travaillons ensemble pour l'homme. L'homme, créé à l'image de Dieu, a une dignité incomparable; l'homme, qui est si digne d'amour aux yeux de son Créateur, que Dieu n'a pas hésité à donner pour lui son propre Fils. Dans son engagement au service de l'homme et de la construction de la paix, l'Église est aux côtés de toutes les personnes de bonne volonté et elle offre une collaboration désintéressée. Qu'ensemble, chacun à sa place et avec ses propres talents, nous sachions travailler à la construction d'un humanisme intégral qui peut seul assurer un monde pacifique, juste et solidaire



9 mai 2007 - Avec les Journalistes, en vol, vers le Brésil
Placer l'accent sur la foi, est la garantie la plus sûre contre le développement de la violence, et, dans le même temps, un engagement décidé pour l'éducation d'une conscience qui sorte des situations incompatibles avec la foi. … On ne peut pas résoudre immédiatement, d'un jour à l'autre, ces nombreuses difficultés économiques, politiques et idéologiques, mais il faut aller de l'avant avec décision, dans l'adhésion sincère à une foi qui implique le respect de la légalité et à la fois l'amour et la responsabilité de l'autre. Il me semble que l'éducation dans la foi est l'humanisation la plus sûre pour pouvoir résoudre ensuite, au fur et à mesure, ces problèmes très concrets.



4 octobre 2007 - Au Nouvel Ambassadeur d'Italie près le Saint-Siège
Je forme de tout cœur le vœu que la collaboration entre toutes les composantes de la bien-aimé nation que vous représentez, contribue non seulement à préserver jalousement l'héritage culturel et spirituel qui vous caractérise et qui est une partie intégrante de votre histoire, mais soit encore plus un encouragement à rechercher des voies nouvelles pour affronter de façon adéquate les grands défis qui caractérisent l'époque post-moderne. Parmi ceux-ci, je me limite à citer la défense des droits de la personne et de la famille, la construction d'un monde solidaire, le respect de la création, le dialogue interculturel et interreligieux.

A cet égard, Monsieur l'Ambassadeur, vous avez voulu souligner que l'harmonie entre l'Etat et l'Eglise ont permis d'atteindre des objectifs importants en vue de promouvoir un humanisme intégral. Certes, il reste beaucoup à faire, et le 60 anniversaire de la Déclaration des Droits de l'Homme, qui sera célébré l'an prochain, pourra constituer une occasion utile pour l'Italie d'offrir sa contribution à la création, dans le domaine international, d'un ordre juste au centre duquel existe toujours le respect pour l'homme, pour sa dignité et pour ses droits inaliénables. C'est à cela que je faisais référence dans le Message pour la Journée mondiale de la Paix de cette année, en disant: "Cette Déclaration est vue comme une sorte d'engagement moral assumé par l'humanité tout entière. Cela comporte une vérité profonde, surtout si les droits décrits dans la Déclaration sont considérés comme ayant leur fondement non seulement dans la décision de l'assemblée qui les a approuvés, mais dans la nature même de l'homme et dans sa dignité inaliénable de personne créée par Dieu". Je soulignais ensuite qu'"il est donc important que les Organisations internationales ne perdent pas de vue le fondement naturel des droits de l'homme. Cela les soustraira au risque, malheureusement toujours latent, de glisser vers une interprétation qui serait uniquement positiviste. Si cela devait arriver, les Organismes internationaux seraient privés de l'autorité nécessaire pour jouer leur rôle de défenseur des droits fondamentaux de la personne et des peuples, principale justification de leur raison d'être et d'agir" (n. 13). L'Italie, en vertu de sa récente élection en tant que membre du Conseil des Droits de l'homme et encore plus en vertu de sa tradition particulière d'humanité et de générosité, ne peut manquer de se sentir engagée dans une œuvre inlassable d'édification de la paix et de défense de la dignité de la personne humaine et de tous ses droits inaliénables, y compris celui de la liberté religieuse.



14 novembre 2007 - Audience Générale
L'éducation de la personnalité dans son intégralité, l'éducation à la responsabilité devant Dieu et devant l'homme, est la véritable condition de tout progrès, de toute paix, de toute réconciliation et d'exclusion de la violence. L'éducation devant Dieu et devant l'homme : c'est l'Ecriture Sainte qui nous indique la direction de l'éducation et ainsi, du véritable humanisme.



2008



9 avril 2008 - Audience Générale
Aujourd'hui, l'Europe - à peine sortie d'un siècle profondément blessé par deux guerres mondiales et après l'effondrement des grandes idéologies qui se sont révélées de tragiques utopies - est à la recherche de sa propre identité. Pour créer une unité nouvelle et durable, les instruments politiques, économiques et juridiques sont assurément importants, mais il faut également susciter un renouveau éthique et spirituel qui puise aux racines chrétiennes du continent, autrement on ne peut pas reconstruire l'Europe. Sans cette sève vitale, l'homme reste exposé au danger de succomber à l'antique tentation de vouloir se racheter tout seul - une utopie qui, de différentes manières, a causé dans l'Europe du XXe siècle, comme l'a remarqué le Pape Jean-Paul II, « un recul sans précédent dans l'histoire tourmentée de l'humanité » (Insegnamenti, XIII/1, 1990, p. 58).



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