Benoît XVI de A à Z

Femme

2006

 

5 février 2006 – Homélie de la Messe- Paroisse Sainte Anne, au Vatican

      La lecture de l'Evangile que nous venons d'entendre commence par un épisode très sympathique, très beau, mais également riche de signification. Le Seigneur se rend dans la demeure de Simon-Pierre et d'André, et il y trouve la belle-mère de Pierre malade, avec de la fièvre. (Mc 1,30). Il la prend par la main, la relève; la femme est guérie et se met à servir. Dans cet épisode, apparaît symboliquement toute la mission de Jésus. Venant du Père, Jésus se rend dans la maison de l'humanité, sur notre terre, et il trouve une humanité malade, en proie à la fièvre, à cette fièvre que sont les idéologies, les idolâtries, l'oubli de Dieu. Le Seigneur nous donne sa main, il nous relève et nous guérit. Et il le fait à toutes les époques; il nous prend par la main avec sa parole, et il dissipe ainsi les brumes des idéologies, des idolâtries. Il prend notre main dans les sacrements, il nous guérit de la fièvre de nos passions et de nos péchés à travers l'absolution dans le sacrement de la réconciliation. Il nous donne la capacité de nous lever, de nous tenir debout devant Dieu et devant les hommes. C'est précisément avec ce contenu de la liturgie dominicale que le Seigneur vient à notre rencontre, nous prend par la main, nous relève et nous guérit toujours à nouveau par le don de sa parole, le don de lui-même.

     Mais la deuxième partie de cet épisode est également importante; à peine guérie, cette femme se met à les servir, nous dit l'Evangile. Elle commence immédiatement à travailler, à se mettre à la disposition des autres, et elle devient ainsi la représentation de tant de femmes serviables, de mères, de grand-mères, ainsi que de femmes dans leurs diverses professions, qui sont disponibles, qui se lèvent et servent, et représentent l'âme de la famille, l'âme de la paroisse. Et ici, en voyant la peinture au-dessus de l'autel, nous voyons qu'elles n'accomplissent pas que des services extérieurs; sainte Anne introduit la grande fille, la Vierge, dans les Saintes Ecritures, dans l'espérance d'Israël, dans laquelle elle devait précisément être le lieu de l'accomplissement. Les femmes sont également les premières annonciatrices de la Parole de Dieu de l'Evangile, elles sont de véritables évangélistes. Et il me semble que cet Evangile, avec cet épisode apparemment si modeste, précisément ici dans l'Eglise Sainte-Anne, nous donne l'occasion d'adresser un remerciement sincère à toutes les femmes qui animent cette paroisse, aux femmes qui servent dans tous les domaines, qui nous aident toujours à nouveau à connaître la Parole de Dieu, et pas seulement avec l'intellect, mais avec le cœur.

 

 

 

 

 

 

2 mars 2006 – Avec les prêtres du Diocèse de Rome

     Je suis toujours très impressionné, dans le premier Canon, le Canon romain, par la prière spéciale pour les prêtres: "Nobis quoque peccatoribus". Voilà, dans cette humble réalité des prêtres, nous, précisément en tant que pécheurs, nous prions le Seigneur pour qu'il nous aide à être ses serviteurs. Dans cette prière pour les prêtres, et seulement dans celle-ci, apparaissent sept femmes qui entourent le prêtre. Celles-ci se présentent précisément comme les femmes croyantes qui nous aident sur notre chemin. Chacun a certainement vécu cette expérience. Et ainsi, l'Eglise a une grande dette de reconnaissance à l'égard des femmes. Et vous avez justement souligné que, au niveau charismatique, les femmes font beaucoup, j'oserais dire, pour le gouvernement de l'Eglise, à commencer par les religieuses, par les sœurs des grands Pères de l'Eglise, comme saint Ambroise, jusqu'aux grands noms du moyen-âge - sainte Hildegarde, sainte Catherine de Sienne, puis sainte Thérèse d'Avila - et jusqu'à Mère Teresa. Je dirais que ce secteur charismatique se distingue assurément du secteur ministériel au sens strict du terme, mais il s'agit d'une participation véritable et profonde au gouvernement de l'Eglise. Comment pourrait-on imaginer le gouvernement de l'Eglise sans cette contribution, qui devient parfois très visible, comme lorsque sainte Hildegarde critique les Evêques ou lorsque sainte Brigitte et sainte Catherine de Sienne lancent des admonestations et obtiennent le retour des Papes à Rome ? Il s'agit toujours d'un facteur déterminant, sans lequel l'Eglise ne peut pas vivre. Toutefois, vous dites à juste titre: nous voulons voir de manière plus visible, également de façon ministérielle, les femmes dans le gouvernement de l'Eglise. Disons que la question est la suivante. Le ministère sacerdotal du Seigneur est, comme nous le savons, réservé aux hommes, dans la mesure où le ministère sacerdotal est un gouvernement au sens profond qui, en définitive, est le Sacrement qui gouverne l'Eglise. Voilà le point décisif. Ce n'est pas l'homme qui fait quelque chose, mais le prêtre fidèle à sa mission qui gouverne, dans le sens où il est le Sacrement; c'est-à-dire, qu'à travers le Sacrement, c'est le Christ lui-même qui gouverne, que ce soit à travers l'Eucharistie ou les autres Sacrements, et ainsi le Christ préside toujours. Toutefois, il est juste de se demander si, dans le service ministériel aussi - malgré le fait que le Sacrement et le charisme sont ici la voie unique par laquelle se réalise l'Eglise -, on ne peut pas offrir plus de postes, plus de positions de responsabilité aux femmes.
 

 

 

 

15 avril 2006 - Message de Pâques Urbi et Orbi

     En ce jour, résonne de manière forte les paroles qui laissèrent stupéfaites les femmes arrivées, au matin du premier jour après le sabbat, près du tombeau où le corps du Christ, descendu en toute hâte de la croix, avait été déposé. Tristes et désespérées en raison de la perte de leur Maître, elles avaient trouvé la grosse pierre roulée sur le côté et, entrant dans le tombeau, elles avaient constaté que son corps n'y était plus. Tandis qu'elles restaient là, pleines d'incertitude et perdues, deux hommes en habit éblouissant les surprirent en leur disant: «Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? Il n'est pas ici, il est ressuscité» (Lc 24, 5-6). «Non est hic, sed resurrexit» (Lc 24, 6). Depuis ce matin-là, ces paroles ne cessent de résonner dans l'univers comme une joyeuse annonce qui traverse les siècles de manière immuable et, en même temps, chargée de significations infinies et toujours nouvelles.

 

 

2007

 

1er janvier 2007 – Message pour la Journée Mondiale de la Paix

     À l'origine des nombreuses tensions qui menacent la paix, il y a assurément les innombrables et injustes inégalités qui sont encore tragiquement présentes dans le monde. Parmi elles, de manière particulièrement insidieuse, on trouve, d'une part, les inégalités dans l'accès aux biens essentiels, comme la nourriture, l'eau, un toit, la santé; d'autre part, les inégalités persistantes entre homme et femme dans l'exercice des droits humains fondamentaux.

     La reconnaissance de l'égalité essentielle entre les personnes humaines, qui découle de leur commune dignité transcendante, constitue un élément de première importance pour l'édification de la paix. L'égalité à ce niveau est donc un bien de tous inscrit dans la « grammaire » naturelle, qui ressort du projet divin de la création; un bien qui ne peut pas être laissé de côté ou bafoué sans provoquer de graves répercussions mettant la paix en péril. Les très graves manques dont souffrent de nombreuses populations, spécialement sur le continent africain, sont à la source de revendications violentes et constituent donc une blessure profonde infligée à la paix.

 

14 février 2007 – Audience Générale
    
Nous sommes parvenus aujourd'hui au terme de notre parcours parmi les témoins des débuts du christianisme que mentionnent les écrits néo-testamentaires. Et au cours de la dernière étape de ce premier parcours, nous consacrerons notre attention aux nombreuses figures de femmes qui ont accompli un rôle efficace et précieux dans la diffusion de l'Evangile. Leur témoignage ne peut être oublié, conformément à ce que Jésus lui-même dit de la femme qui lui versa de huile sur la tête, peu avant la Passion : « En vérité, je vous le dis, partout où sera proclamé cet Evangile, dans le monde entier, on redira aussi, à sa mémoire, ce qu'elle vient de faire » (Mt 26, 13 ; Mc 14, 9). Le Seigneur veut que ces témoins de l'Evangile, ces figures qui ont apporté une contribution afin de faire grandir la foi en Lui, soient connues et que leur mémoire soit vivante dans l'Eglise. Sur le plan historique, nous pouvons distinguer le rôle des femmes dans le christianisme des origines, au cours de la vie terrestre de Jésus et au cours des événements de la première génération chrétienne.

     Bien sûr, comme nous le savons, Jésus choisit parmi ses disciples douze hommes comme Pères de la nouvelle Israël ; il les choisit pour « être ses compagnons et pour les envoyer prêcher » (Mc 3, 14-15). Ce fait est évident mais, outre les Douze, piliers de l'Eglise, pères du nouveau Peuple de Dieu, de nombreuses femmes sont également choisies au nombre des disciples. Je n'évoquerai que très brièvement celles qui se trouvent sur le chemin de Jésus lui-même, en commençant par la prophétesse Anne (cf. Lc 2, 36-38) jusqu'à la Samaritaine (cf. Jn 4, 1-39), la femme syrophénicienne (cf. Mc 7, 24-30), l'hémorroïsse (cf. Mt 9, 20-22) et la pécheresse pardonnée (cf. Lc 7, 36-50). Je ne me réfère pas non plus aux protagonistes de certaines paraboles efficaces, par exemple la femme qui fait le pain (Mt 13, 33), la femme qui perd une drachme (Lc 15, 8-10), la veuve qui importune le juge (Lc 18, 1-8). Les femmes qui ont joué un rôle actif dans le cadre de la mission de Jésus sont plus importantes pour notre réflexion. En premier lieu, ma pensée se tourne naturellement vers la Vierge Marie, qui à travers sa foi et son oeuvre maternelle, collabora de façon unique à notre Rédemption, au point qu'Elisabeth put la proclamer « bénie entre les femmes » (Lc 1, 42), en ajoutant « bienheureuse celle qui a cru » (Lc 1, 45). Devenue disciple du Fils, Marie manifesta à Cana une entière confiance en Lui (cf. Jn 2, 5) et le suivit jusque sous la Croix, où elle reçut de Lui une mission maternelle pour tous ses disciples de tout temps, représentés par Jean (cf. Jn 19, 25-27).

     Viennent ensuite différentes femmes qui, à titre divers, gravitent autour de la figure de Jésus en ayant des fonctions de responsabilité. Un exemple éloquent est représenté par les femmes qui suivaient Jésus pour l'assister de leurs biens, et dont Luc nous transmet certains noms : Marie de Magdala, Jeanne, Suzanne et « plusieurs autres » (cf. Lc 8, 2-3). Puis, les Evangiles nous informent que les femmes, à la différence des Douze, n'abandonnèrent pas Jésus à l'heure de la Passion (cf. Mt 27, 56.61 ; Mc 15, 40). Parmi elles ressort en particulier Marie-Madeleine, qui non seulement assista à la Passion mais fut également la première à témoigner et à annoncer le Ressuscité (cf. 20, 1. 11-18). C'est précisément à Marie de Magdala que saint Thomas d'Aquin réserve le qualificatif particulier d'« apôtre des apôtres » (apostolorum apostola), lui consacrant ce beau commentaire : « De même qu'une femme avait annoncé au premier homme des paroles de mort, ainsi, une femme annonça en premier aux apôtres des paroles de vie » (Super Ioannem, ed. Cai, § 2519).

     Dans le domaine de l'Eglise des débuts également, la présence des femmes n'est absolument pas secondaire. Nous n'insistons pas sur les quatre filles non nommées du « diacre » Philippe, résidant à Cesarée Marittime, et toutes dotées, comme nous le dit saint Luc, du « don de prophétie », c'est-à-dire de la faculté d'intervenir publiquement sous l'action de l'Esprit Saint (cf. Ac 21, 9). La brièveté de l'information ne nous permet pas de déductions plus précises. Nous devons plutôt à saint Paul une plus ample documentation sur la dignité et sur le rôle ecclésial de la femme. Il part du principe fondamental selon lequel pour les baptisés, non seulement « il n'y a ni Juif ni Grec, il n'y a ni esclave ni homme libre », mais également « il n'y a ni homme ni femme ». La raison est que « tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus » (Ga 3, 28), c'est-à-dire que tous sont unis par la même dignité fondamentale, bien que chacun soit doté de fonctions spécifiques (cf. 1 Co 12, 27-30). L'apôtre admet comme quelque chose de normal que dans la communauté chrétienne, la femme puisse « prophétiser » (1 Co 11, 5), c'est-à-dire se prononcer ouvertement sous l'influence de l'Esprit, du moment que cela soit pour l'édification de la communauté et fait avec dignité. C'est pourquoi la célèbre exhortation suivante, à ce que « les femmes gardent le silence dans les assemblées » (1 Co 14, 34) doit être plutôt relativisée. Nous laissons aux exégètes le problème, très débattu, qui en découle, de la relation apparemment contradictoire, entre la première affirmation - les femmes peuvent prophétiser dans l'assemblée - et la seconde - les femmes ne peuvent pas parler. Ce n'est pas ici qu'il doit être débattu. Mercredi dernier nous avons déjà rencontré la figure de Prisca ou Priscille, femme d'Aquilas, qui dans deux cas, de manière surprenante, est mentionnée avant son mari (cf. Ac 18, 18 ; Rm 16, 3) : l'une et l'autre sont cependant explicitement qualifiés par Paul comme ses sun-ergoús « collaborateurs » (Rm 16, 3).

     Certains autres faits ne peuvent pas être négligés. Il faut prendre acte, par exemple, que la brève Lettre à Philémon est en réalité également adressée par Paul à une femme appelée « Apphia » (cf. Ph 2). Des traductions latines et syriaques du texte grec ajoutent à ce nom « Apphia », l'appellation de « soror carissima » (ibid.), et l'on doit dire que dans la communauté de Colosse, celle-ci devait occuper une place importante ; quoi qu'il en soit, c'est l'unique femme mentionnée par Paul parmi les destinataires d'une de ses lettres. Ailleurs, l'Apôtre mentionne une certaine « Phébée », qualifiée comme diákonos de l'Eglise de Cencrées, petite ville portuaire située à l'est de Corinthe (cf. Rm 16, 1-2). Bien que le titre, à cette époque, n'ait pas encore de valeur ministérielle spécifique de type hiérarchique, il exprime un véritable exercice de responsabilité de la part de cette femme en faveur de cette communauté chrétienne. Paul recommande de la recevoir cordialement et de l'assister « en toute affaire où elle ait besoin », puis il ajoute: « car elle a pris soin de beaucoup de gens, et de moi aussi ». Dans le même contexte épistolaire, l'Apôtre rappelle avec des accents délicats d'autres noms de femmes : une certaine Marie, puis Tryphène, Tryphose et la « très chère » Persis, en plus de Julie, dont il écrit ouvertement qu'elles se sont « donnés beaucoup de peine dans le Seigneur » ou « qui se donnent de la peine dans le Seigneur » (Rm 16, 6.12a.12b.15), soulignant ainsi leur profond engagement ecclésial. Dans l'Eglise de Philippes se distinguèrent ensuite deux femmes appelées « Evodie et Synthykhé » (Ph 4, 2): le rappel que Paul fait de leur concorde réciproque laisse entendre que les deux femmes assuraient une fonction importante au sein de cette communauté.

     En somme, l'histoire du christianisme aurait eu un développement bien différent s'il n'y avait pas eu le généreux apport de nombreuses femmes. C'est pourquoi, comme l'écrivit mon cher prédécesseur Jean-Paul II dans la Lettre apostolique Mulieris dignitatem, « L'Eglise rend grâce pour toutes les femmes et pour chacune d'elles... L'Eglise rend grâce pour toutes les manifestations du "génie" féminin apparues au cours de l'histoire, dans tous les peuples et dans toutes les nations ; elle rend grâce pour tous les charismes dont l'Esprit Saint a doté les femmes dans l'histoire du Peuple de Dieu, pour toutes les victoires remportées grâce à leur foi, à leur espérance et à leur amour: elle rend grâce pour tous les fruits de la sainteté féminine » (n. 31). Comme on le voit, l'éloge concerne les femmes au cours de l'histoire de l'Eglise et il est exprimé au nom de la communauté ecclésiale tout entière. Nous nous unissons nous aussi à cette appréciation en rendant grâce au Seigneur, car Il conduit son Eglise, génération après génération, en s'appuyant indistinctement sur des hommes et des femmes, qui savent faire fructifier leur foi et leur baptême pour le bien du Corps ecclésial tout entier, pour la plus grande gloire de Dieu.
 

7 septembre 2007 – Rencontre avec les Diplomates, à Vienne, en Autriche

   C’est en Europe qu’a été formulé, pour la première fois, le concept des droits humains. Le droit humain fondamental, le présupposé pour tous les autres droits, est le droit à la vie elle-même. Ceci vaut pour la vie, de la conception à sa fin naturelle. En conséquence, l’avortement ne peut être un droit humain – il est son contraire. C’est une « profonde blessure sociale », comme le soulignait sans se lasser notre confrère défunt, le Cardinal Franz König.

 

     En disant cela, je n’exprime pas un intérêt spécifiquement ecclésial. Je voudrais plutôt me faire l’avocat d’une demande profondément humaine et le porte-parole des enfants qui vont naître et qui n’ont pas de voix. Le faisant, je ne ferme pas les yeux devant les problèmes et les conflits de nombreuses femmes et je me rends compte que la crédibilité de notre discours dépend aussi de ce que l’Église elle-même fait pour venir en aide aux femmes en difficulté.

 

    J’en appelle dans ce contexte aux responsables de la politique, afin qu’ils ne permettent pas que les enfants soient considérés comme des cas de maladie.

 

 

14 novembre 2007 – Audience Générale

      On ne peut pas oublier la contribution apportée par Saint Jérôme dans le domaine de la pédagogie chrétienne (cf. Epp 107 et 128). Il se propose de former «une âme qui doit devenir le temple du Seigneur» (Ep 107, 4), une «pierre très précieuse» aux yeux de Dieu (Ep 107, 13). Avec une profonde intuition, il conseille de la préserver du mal et des occasions de pêcher, d'exclure les amitiés équivoques ou débauchées (cf. Ep 107, 4 et 8-9 ; cf. également Ep 128, 3-4). Il exhorte surtout les parents pour qu'ils créent un environnement serein et joyeux autour des enfants, pour qu'ils les incitent à l'étude et au travail, également par la louange et l'émulation (cf. Epp 107, 4 et 128, 1), qu'ils les encouragent à surmonter les difficultés, qu'ils favorisent entre eux les bonnes habitudes et qu'ils les préservent d'en prendre de mauvaises car - et il cite là une phrase de Publiulius Syrus entendue à l'école - « difficilement tu réussiras à te corriger de ces choses dont tu prends tranquillement l'habitude » (Ep. 107, 8). Les parents sont les principaux éducateurs des enfants, les premiers maîtres de vie. Avec une grande clarté, Jérôme, s'adressant à la mère d'une jeune fille et mentionnant ensuite le père, admoneste, comme en exprimant une exigence fondamentale de chaque créature humaine qui commence son existence : « Qu'elle trouve en toi sa maîtresse, et que sa jeunesse inexpérimentée regarde vers toi avec émerveillement. Que ni en toi, ni en son père elle ne voie jamais d'attitudes qui la conduisent au péché, si elles devaient être imitées. Rappelez-vous que... vous pouvez davantage l'éduquer par l'exemple que par la parole » (Ep 107, 9). Parmi les principales intuitions de Jérôme comme pédagogue, on doit souligner l'importance attribuée à une éducation saine et complète dès la prime enfance, la responsabilité particulière reconnue aux parents, l'urgence d'une sérieuse formation morale et religieuse, l'exigence de l'étude pour une formation humaine plus complète. En outre, un aspect assez négligé à l'époque antique, mais considéré vital par notre auteur, est la promotion de la femme, à laquelle il reconnaît le droit à une formation complète : humaine, scolaire, religieuse, professionnelle. Et nous voyons précisément aujourd'hui que l'éducation de la personnalité dans son intégralité, l'éducation à la responsabilité devant Dieu et devant l'homme, est la véritable condition de tout progrès, de toute paix, de toute réconciliation et d'exclusion de la violence. L'éducation devant Dieu et devant l'homme : c'est l'Ecriture Sainte qui nous indique la direction de l'éducation et ainsi, du véritable humanisme.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2008

 

 

 

9 février 2008, aux participants d’un congrès international « Femme et homme, l’humanum dans son intégralité »

     Depuis la deuxième moitié du XX siècle jusqu'à nos jours, le mouvement de valorisation de la femme dans les différentes instances de la vie sociale a suscité d'innombrables réflexions et débats, et a vu se multiplier les initiatives que l'Eglise catholique a suivies et souvent accompagnées avec un grand intérêt. La relation homme-femme dans leur spécificité respective, leur réciprocité et leur complémentarité, constitue sans aucun doute un point central de la "question anthropologique", particulièrement décisive dans la culture contemporaine et en définitive pour toute culture. De nombreuses interventions et documents pontificaux ont abordé la réalité naissante de la question de la femme. Je me limite à rappeler ceux de mon bien-aimé prédécesseur Jean-Paul II qui, en juin 1995, voulut écrire une Lettre aux femmes, et qui le 15 août 1988, il y a exactement vingt ans, publia la Lettre apostolique Mulieris dignitatem. Ce texte sur la vocation et la dignité de la femme, d'une grande richesse théologique, spirituelle et culturelle, a, à son tour, inspiré la Lettre aux évêques de l'Eglise catholique sur la collaboration de l'homme et de la femme dans l'Eglise et dans le monde, de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.

     Dans Mulieris dignitatem, Jean-Paul II a voulu approfondir les vérités anthropologiques fondamentales de l'homme et de la femme, l'égale dignité et l'unité de tous deux, la diversité enracinée et profonde entre l'homme et la femme et leur vocation à la réciprocité et à la complémentarité, à la collaboration et à la communion (cf. n. 6). Cette unité-dualité de l'homme et de la femme se base sur le fondement de la dignité de toute personne, créée à l'image et à la ressemblance de Dieu, qui "les créa homme et femme" (Gn 1, 27), évitant aussi bien une uniformité indistincte et une égalité aplatie et appauvrie qu'une différence abyssale et conflictuelle (cf. Jean-Paul II, Lettre aux femmes, n. 8). Cette unité-dualité porte en elle, inscrite dans les corps et dans les âmes, la relation avec l'autre, l'amour pour l'autre, la communion interpersonnelle qui indique que "dans la création de l'homme a été inscrite aussi une certaine ressemblance de la communion divine" (n. 7). Par conséquent, lorsque l'homme et la femme prétendent être autonomes et entièrement autosuffisants, ils risquent de s'enfermer dans une autoréalisation qui considère comme une conquête de liberté le dépassement de tout lien naturel, social ou religieux, mais qui de fait les réduit à une solitude opprimante. Pour favoriser et soutenir la réelle promotion de la femme et de l'homme, on ne peut pas ne pas tenir compte de cette réalité.

     Nous avons assurément besoin d'une recherche anthropologique renouvelée qui, sur la base de la grande tradition chrétienne, intègre les nouveaux progrès de la science et les données concernant les sensibilités culturelles d'aujourd'hui, contribuant ainsi à approfondir non seulement l'identité féminine mais aussi masculine qui est également souvent l'objet de réflexions partiales et idéologiques. Face à des courants culturels et politiques qui cherchent à éliminer ou au moins à voiler et confondre les différences sexuelles inscrites dans la nature humaine, les considérant une construction culturelle, il est nécessaire de rappeler le dessein de Dieu qui a créé l'être humain homme et femme, avec une unité et dans le même temps une différence originelle et complémentaire. La nature humaine et la dimension culturelle s'intègrent dans un processus ample et complexe qui constitue la formation de l'identité, où les deux dimensions, la dimension féminine et la dimension masculine, correspondent l'une à l'autre et se complètent.

     En ouvrant les travaux de la V Conférence générale de l'épiscopat latino-américain et des Caraïbes, en mai dernier au Brésil, j'ai eu l'occasion de rappeler combien persiste encore une mentalité machiste, qui ignore la nouveauté du christianisme qui reconnaît et proclame l'égale dignité et responsabilité de la femme par rapport à l'homme. Il y a des lieux et des cultures où la femme est discriminée et sous-évaluée pour le  seul  fait  d'être  femme,  où  l'on  a même recours à des arguments religieux et à des pressions familiales, sociales et culturelles pour soutenir la disparité des sexes, où sont perpétrés des actes de violence à l'égard de la femme, faisant d'elle un objet de mauvais traitements et d'exploitation dans la  publicité  et  dans  l'industrie  de  la consommation et du divertissement. Face à des phénomènes aussi graves et persistants, l'engagement des chrétiens apparaît encore plus urgent, afin qu'ils deviennent partout les promoteurs d'une  culture  qui  reconnaisse  à  la femme, dans le droit et dans la réalité des faits, la dignité qui lui revient.

    Dieu confie à la femme et à l'homme, selon leurs spécificités, une vocation et une mission particulière dans l'Eglise et dans le monde. Je pense ici à la famille, communauté d'amour ouverte à la vie, cellule fondamentale de la société. Dans la famille, la femme et l'homme, grâce au don de la maternité et de la paternité, jouent ensemble un rôle irremplaçable à l'égard de la vie. Dès le moment de leur conception, les enfants ont le droit de pouvoir compter sur le père et la mère qui prennent soin d'eux et les accompagnent dans leur croissance. L'Etat, quant à lui, doit soutenir, par des politiques sociales appropriées, tout ce qui promeut la stabilité et l'unité du mariage, la dignité et la responsabilité des conjoints, leur droit et leur devoir irremplaçable d'éducateurs de leurs enfants. Par ailleurs, il est nécessaire que la femme ait également la possibilité de collaborer à la construction de la société, en valorisant son "génie féminin" caractéristique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

2012

 

 

1er juillet 2012 – Angelus

     Ce dimanche, l’évangéliste Marc nous présente le récit de deux guérisons miraculeuses que Jésus accomplit en faveur de deux femmes: la fille d’un des chefs de la synagogue, nommé Jaïre, et une femme qui souffrait d’hémorragie (cf. Mc 5, 21-43). Ces deux épisodes présentent deux niveaux de lecture; celui purement physique: Jésus se penche sur la souffrance humaine et guérit le corps; et celui spirituel: Jésus est venu pour guérir le cœur de l’homme, pour donner le salut et encourager la foi en Lui. Dans le premier épisode en effet, à la nouvelle que la petite fille de Jaïre est morte, Jésus dit au chef de la synagogue: «Sois sans crainte, aie seulement la foi» (v. 36), il le prend avec lui où repose l’enfant et s’exclame: «Fillette, je te le dis, lève-toi» (v. 41). Elle se leva et se mit à marcher. Saint Jérôme commente ces paroles, soulignant le pouvoir salvifique de Jésus: «Jeune fille, lève-toi par moi: non par un mérite de ta part, mais par ma grâce. Lève-toi par moi: le fait d’être guéri ne dépend pas de ta vertu» (Homélie sur l’Evangile de Marc, 3). Le second épisode, celui de la femme souffrant d’hémorragies, met de nouveau en évidence le fait que Jésus est venu libérer l’être humain dans sa totalité. En effet, le miracle se déroule en deux temps: d’abord arrive la guérison physique, mais elle est étroitement liée à la guérison plus profonde, celle que la grâce de Dieu donne à celui qui s’ouvre à Lui avec foi. Jésus dit à la femme: «Ma fille, ta foi t’a sauvée; va en paix et sois guérie de ton infirmité» (Mc 5, 34).

      Ces deux récits de guérison sont pour nous une invitation à dépasser une vision purement horizontale et matérielle de la vie. Nous demandons à Dieu tant de guérisons de problèmes, de nécessités concrètes, et c’est juste, mais ce que nous devons demander avec insistance est une foi toujours plus solide, afin que le Seigneur renouvelle notre vie, et une confiance ferme dans son amour, dans sa providence qui ne nous abandonne pas.

    

 

   

publié le : 08 mars 2014

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