Benoît XVI de A à Z

Evangelium Vitae 2006

 

 

1er janvier 2006 – Message pour la Journée Mondiale de la Paix

      Quand n'existe plus l'adhésion à l'ordre transcendant des choses, ni le respect de la « grammaire » du dialogue qu'est la loi morale universelle, écrite dans le c½ur de l'homme,( Cf. Jean-Paul II, Discours à la cinquantième Assemblée générale des Nations unies, 5 octobre 1995, n. 3: La Documentation catholique 92 (1995), p. 918.) quand sont entravés et empêchés le développement intégral de la personne et la sauvegarde de ses droits fondamentaux, quand de nombreux peuples sont contraints à subir des injustices et des inégalités intolérables, comment peut-on espérer en la réalisation du bien de la paix ?

 

 

8 janvier 2006 – Homélie Messe Baptêmes – Chapelle Sixtine

     Le Baptême - comme nous l'avons vu - est un don ; le don de la vie. Mais un don doit être accueilli, doit être vécu. Un don d'amitié implique un « oui » à l'ami et implique un « non » à ce qui n'est pas compatible avec cette amitié, à ce qui est incompatible avec la vie de la famille de Dieu, avec la vraie vie dans le Christ. Et ainsi, dans ce second dialogue, sont prononcés trois « non » et trois « oui ». On dit « non » et on renonce aux tentations, au péché, au diable. Ces choses, nous les connaissons bien, mais peut-être justement pour les avoir entendues trop souvent, ces paroles ne nous disent pas grand chose. Alors, nous devons un peu approfondir les contenus de ces « non ». A quoi disons-nous « non » ? C'est le seul moyen de comprendre à quoi nous voulons dire « oui ».

     Dans l'Eglise antique, ces « non» étaient résumés en une parole qui pour les hommes de ce temps était bien compréhensible : on renonce - disait-on - à la « pompa diabuli », c'est-à-dire à la promesse de vie en abondance, à cette apparence de vie qui semblait venir du monde païen, de ses libertés, de sa manière de vivre uniquement selon son bon plaisir. C'était donc un « non » à une culture apparemment d'abondance de la vie, mais qui en réalité était une « anticulture » de la mort. C'était un « non » à ces spectacles où la mort, la cruauté, la violence étaient devenus divertissement. Pensons à ce qui était organisé au Colisée ou ici, dans les jardins de Néron, où les hommes étaient brûlés comme des torches vivantes. La cruauté et la violence étaient devenues un motif de divertissement, une vraie perversion de la joie, du vrai sens de la vie. Cette « pompa diabuli », cette « anticulture » de la mort était une perversion de la joie, était amour du mensonge, de la tromperie, était un abus du corps comme marchandise et comme commerce.

     Et si nous réfléchissons à présent, nous pouvons dire qu'à notre époque aussi il est nécessaire de dire « non » à la culture largement dominante de la mort. Une « anticulture » qui se manifeste, par exemple, dans la drogue, dans la fuite de la réalité au profit de l'illusion, dans un bonheur faux qui s'exprime dans le mensonge, dans la tromperie, dans l'injustice, dans le mépris de l'autre, de la solidarité, de la responsabilité envers les pauvres et les personnes qui souffrent; qui s'exprime dans une sexualité qui devient un pur divertissement sans responsabilité, qui devient une « chosification » - pour ainsi dire - de l'homme, qui n'est plus considéré comme une personne, digne d'un amour personnel qui exige fidélité, mais devient une marchandise, un simple objet. A cette promesse de bonheur apparent, à cette « pompa » d'une vie apparente qui en réalité est seulement un instrument de mort, à cette « anticulture », nous disons « non », pour cultiver la culture de la vie. C'est pourquoi le « oui » chrétien, des temps antiques jusqu'à aujourd'hui, est un grand « oui » à la vie. C'est notre « oui » au Christ, le « oui » au vainqueur de la mort et le « oui » à la vie dans le temps et dans l'éternité.

     Comme dans ce dialogue baptismal, le « non » est articulé autour de trois renonciations, de même le « oui » s'articule autour de trois adhésions: « oui » au Dieu vivant, c'est-à-dire au Dieu créateur, à une raison créatrice qui donne sens au cosmos et à notre vie; « oui » au Christ, c'est-à-dire à un Dieu qui n'est pas resté caché mais qui a un nom, qui a des paroles, qui est fait de corps et de sang; à un Dieu concret qui nous donne la vie et nous montre le chemin de la vie; « oui » à la communion de l'Eglise, dans laquelle le Christ est le Dieu vivant, qui entre dans notre temps, entre dans notre profession, entre dans la vie de chaque jour.

     Nous pourrions également dire que le visage de Dieu, le contenu de cette culture de la vie, le contenu de notre grand « oui », s'exprime dans les dix commandements, qui ne sont pas un ensemble d'interdits, de « non », mais qui représentent en réalité une grande vision de vie. Ils sont un « oui » à un Dieu qui donne sens à l'existence (les trois premiers commandements); « oui » à la famille (quatrième commandement); « oui » à la vie (cinquième commandement); « oui » à l'amour responsable (sixième commandement); « oui » à la solidarité, à la responsabilité sociale, à la justice (septième commandement); « oui » à la vérité (huitième commandement); « oui » au respect de l'autre et de ce qui lui est propre (neuvième et dixième commandements). Telle est la philosophie de la vie, telle est la culture de la vie, qui devient concrète, praticable et belle dans la communion avec le Christ, le Dieu vivant, qui marche avec nous dans la compagnie de ses amis, dans la grande famille de l'Eglise. Le Baptême est don de vie. C'est un « oui » au défi de vivre vraiment la vie, en disant « non » à l'attachement de la mort qui se présente sous le masque de la vie; et c'est un « oui » au grand don de la vraie vie qui est présente dans le visage du Christ, qui se donne à nous dans le Baptême, puis dans l'Eucharistie.

     J'ai dit cela en guise de bref commentaire aux paroles qui, dans le dialogue baptismal, interprètent ce qui se réalise dans ce Sacrement. Au-delà des paroles, nous avons les gestes et les symboles, mais je serai très bref dans ma présentation. Le premier geste, nous l'avons déjà accompli: c'est le signe de la croix, qui nous est donné comme bouclier qui doit protéger cet enfant dans sa vie ; c'est comme un « indicateur » pour le chemin de la vie, parce que la croix est le résumé de la vie de Jésus. Puis il y a les éléments : l'eau, l'onction avec l'huile, le vêtement blanc et la flamme du cierge. L'eau est le symbole de la vie : le Baptême est une vie nouvelle dans le Christ. L'huile est le symbole de la force, de la santé, de la beauté, parce qu'il est vraiment beau de vivre en communion avec le Christ. Puis le vêtement blanc, comme expression de la culture de la beauté, de la culture de la vie. Et enfin, la flamme du cierge, comme expression de la vérité qui resplendit dans les ténèbres de l'histoire et nous indique qui nous sommes, d'où nous venons et où nous devons aller.

     Dieu ne se cache pas derrière les nuages du mystère impénétrable, mais …il a ouvert les cieux, il s'est montré, il parle avec nous et il est avec nous; il vit avec nous et il nous guide dans notre vie… Prions pour nos enfants, pour qu'ils aient réellement la vie, la vraie vie, la vie éternelle.

 

 

 

 

 

 

5 février 2006 – Homélie Messe – Journée pour la Vie en Italie

     Les Evêques italiens ont rappelé dans leur message le devoir prioritaire de "respecter la vie", car il s'agit d'un bien "indisponible": l'homme n'est pas le maître de la vie; il en est plutôt le gardien et l'administrateur. Et sous le primat de Dieu naît automatiquement cette priorité d'administrer, de sauvegarder la vie de l'homme, créée par Dieu. Cette vérité que l'homme est le gardien et l'administrateur de la vie constitue un point fondamental de la loi naturelle, pleinement éclairé par la révélation biblique. Celui-ci se présente aujourd'hui comme "signe de contradiction" par rapport à la mentalité dominante. Nous constatons en effet que, bien qu'il y ait de manière générale une large convergence sur la valeur de la vie, lorsqu'on arrive à ce point, c'est-à-dire à la "disponibilité" ou à l'indisponibilité de la vie, deux mentalités s'opposent toutefois de manière inconciliable. Pour nous exprimer plus simplement, nous pourrions dire: l'une des deux mentalités considère que la vie humaine se trouve entre les mains de l'homme, l'autre reconnaît qu'elle est entre les mains de Dieu. La culture moderne a souligné à juste titre l'autonomie de l'homme et des réalités terrestres, en développant ainsi une perspective chère au christianisme, celle de l'Incarnation de Dieu. Mais comme l'a clairement affirmé le Concile Vatican II, si cette autonomie conduit à penser que "les choses créées ne dépendent pas de Dieu et que l'homme peut en disposer sans référence au Créateur", on donne alors origine à un profond déséquilibre, car "la créature sans Créateur s'évanouit" (Gaudium et spes, n. 36). Il est significatif qu'un tel document conciliaire, dans le passage cité, affirme que cette capacité de reconnaître la voix et la manifestation de Dieu dans la beauté de la création appartient à tous les croyants, quelle que soit la religion à laquelle ils appartiennent. Nous pouvons en conclure que le plein respect de la vie est lié au sens religieux, à l'attitude intérieure avec laquelle l'homme se situe par rapport à la réalité, comme un patron ou comme un gardien. Du reste, le mot "respect", dérive du verbe latin respicere-regarder, et il indique une façon de regarder les choses et les personnes qui conduit à en reconnaître la consistance, pas à s'en approprier, mais à avoir des égards pour elles, à en prendre soin. En dernière analyse, si l'on enlève aux créatures leur référence à Dieu, comme fondement transcendant, celles-ci risquent de tomber en proie au jugement arbitraire de l'homme qui peut en faire, comme nous le voyons, un usage insensé.

 

11 février 2006 – Message pour la Journée Mondiale du Malade

     Dans les pays qui vivent un développement économique important, les experts reconnaissent comme étant à l'origine des nouvelles formes de mal-être mental l'incidence négative de la crise des valeurs morales. Cela accroît le sentiment de solitude, mine les formes traditionnelles de cohésion sociale, et forment même des clivages, à commencer par l'institution de la famille, et marginalisent les malades, surtout les malades mentaux, considérés souvent comme un fardeau pour la famille et la communauté

 

 

12 février 2006 – Angelus

     La maladie est un trait typique de la condition humaine, qui peut devenir une métaphore réaliste de celle-ci, comme l'exprime saint Augustin dans l'une de ses prières:  "Seigneur, ayez pitié de moi! Hélas! Voilà mes blessures, je ne les cache pas. Vous êtes le médecin, je suis le malade; vous êtes miséricordieux, je suis un misérable". (Conf. Livre X, n. 39).

     Le Christ est le vrai "médecin" de l'humanité, que le Père céleste a envoyé dans le monde pour guérir l'homme, marqué dans son corps et son esprit par le péché et ses conséquences. L'Evangile de Marc nous présente Jésus qui, au début de son ministère public se consacre tout entier à la prédication et à la guérison des malades dans les villages de Galilée. Les innombrables signes prodigieux qu'il accomplit sur les malades confirment la "bonne nouvelle" du Royaume de Dieu. L'Evangile raconte la guérison d'un lépreux et exprime avec une grande force l'intensité de la relation entre Dieu et l'homme, résumée dans un merveilleux dialogue:  "Si tu le veux, tu peux me purifier", dit le lépreux. "Je le veux, sois purifié", répond Jésus, le touchant de la main et le libérant de la lèpre (Mc 1, 40-42). Nous voyons ici en quelque sorte concentrée toute l'histoire du salut:  ce geste de Jésus qui tend la main et touche le corps couvert de plaies de la personne qui l'invoque, manifeste parfaitement la volonté de Dieu de guérir sa créature déchue, en lui redonnant la vie "en abondance" (Jn 10, 10), la vie éternelle, pleine, heureuse. Le Christ est "la main" de Dieu tendue à l'humanité pour qu'elle puisse sortir des sables mouvants de la maladie et de la mort et se remettre debout sur le roc solide de l'amour divin (cf. Ps 39, 2-3).

 

 

 

 

27 février 2006 – Au Congrès International sur l’embryon humain promu par l’Académie Pontificale pour la vie

     Le thème d'étude choisi par votre assemblée, "L'embryon humain dans la phase de préimplantation", c'est-à-dire dans les tout premiers jours qui suivent la conception, est une question extrêmement importante aujourd'hui, tant en raison des répercussions évidentes sur la réflexion philosophique, anthropologique et éthique, que des perspectives d'application dans le domaine des sciences bio-médicales et juridiques. Il s'agit, sans aucun doute, d'un argument fascinant, mais difficile et exigeant, en raison de la nature délicate du sujet étudié et de la complexité des problèmes épistémologiques qui concernent le rapport entre l'observation des faits au niveau des sciences expérimentales et la nécessaire réflexion sur les valeurs qui s'ensuit au niveau anthropologique.

     Comme on peut bien le comprendre, ni l'Ecriture Sainte, ni la Tradition chrétienne la plus antique ne peuvent contenir des orientations explicites à propos de votre thème. Toutefois, lorsque saint Luc rapporte la rencontre de la Mère de Jésus, qui l'avait conçu en son sein virginal depuis quelques jours seulement, avec la mère de Jean-Baptiste, qui se trouvait déjà au sixième mois de grossesse, il témoigne de la présence active, bien que cachée, des deux enfants: "Et il advint, dès qu'Elisabeth eut entendu la salutation de Marie, que l'enfant tressaillit en son sein" (Lc 1, 41). Saint Ambroise commente: Elisabeth "perçut l'arrivée de Marie, lui (Jean) l'arrivée du Seigneur; la femme l'arrivée de la femme, l'enfant l'arrivée de l'enfant" (Comm. in Luc., 2, 19.22-26). Toutefois, malgré le manque d'enseignements explicites sur les tout premiers jours de vie de l'enfant à naître, il est possible de trouver dans l'Ecriture Sainte de précieuses indications qui motivent des sentiments d'admiration et de respect à l'égard de l'homme à peine conçu, en particulier pour ceux qui, comme vous, se proposent d'étudier le mystère de la procréation humaine. En effet, les livres sacrés entendent montrer l'amour de Dieu envers chaque être humain avant même qu'il prenne forme dans le sein de sa mère. "Avant même de te former au ventre maternel, je t'ai connu; avant même que tu sois sorti du sein, je t'ai consacré" (Jr 1, 5), dit Dieu au prophète Jérémie. Et le Psalmiste reconnaît avec gratitude: "C'est toi qui m'as formé les reins, qui m'as tissé au ventre de ma mère: je te rends grâce pour tant de prodiges: merveille que je suis, merveille que tes ½uvres. Mon âme tu la connais bien" (Ps 139, 13-14). Il s'agit de paroles qui acquièrent toute la richesse de leur signification quand on pense que Dieu intervient directement dans la création de l'âme de chaque nouvel être humain.

     L'amour de Dieu ne fait pas de différence entre celui qui vient d'être conçu et se trouve encore dans le sein de sa mère, et l'enfant, ou le jeune, ou bien encore l'homme mûr ou âgé. Il ne fait pas de différence, car en chacun d'eux il voit l'empreinte de sa propre image et ressemblance (cf. Gn 1, 26). Il ne fait pas de différence, car il voit se refléter en tous le visage de son Fils unique, dans lequel "Il nous a élus, dès avant la fondation du monde... déterminant d'avance que nous serions pour lui des fils adoptifs... Tel fut le bon plaisir de sa volonté" (Ep 1, 4-6). Cet amour infini et presque incompréhensible de Dieu pour l'homme révèle jusqu'à quel point la personne humaine est digne d'être aimée en elle-même, indépendamment de toute autre considération - intelligence, beauté, santé, jeunesse, intégrité et ainsi de suite. En définitive, la vie humaine est toujours un bien, car "elle est dans le monde une manifestation de Dieu, un signe de sa présence, une trace de sa gloire" (cf. Evangelium vitae, n. 34). Une très haute dignité est en effet donnée à l'homme, qui a ses racines dans le lien intime qui l'unit à son Créateur: dans l'homme, en chaque homme, à chaque étape ou condition de sa vie, resplendit un reflet de la réalité même de Dieu. C'est pourquoi le Magistère de l'Eglise a constamment proclamé le caractère sacré et inviolable de chaque vie humaine, de sa conception jusqu'à son terme naturel (cf. Evangelium vitae, n. 57). Ce jugement moral est déjà valable aux débuts de la vie d'un embryon, avant même qu'il se soit implanté dans le sein maternel, qui le protégera et le nourrira pendant neuf mois jusqu'au moment de la naissance: "La vie humaine est sacrée et inviolable dans tous les moments de son existence, même dans le moment initial qui précède la naissance" (ibid., n. 61).

     Chers chercheurs, je sais bien avec quels sentiments d'émerveillement et de profond respect pour l'homme vous menez votre travail de recherche, difficile et fructueux, précisément sur l'origine même de la vie humaine: un mystère dont la science sera en mesure d'éclairer toujours davantage la signification, même si elle réussira difficilement à le déchiffrer totalement. En effet, à peine la raison réussit-elle à franchir une limite considérée comme insurmontable, qu'apparaissent d'autres limites jusqu'à présent inconnues. L'homme restera toujours une énigme profonde et impénétrable. Au IV siècle, saint Cyrille de Jérusalem présentait déjà aux catéchumènes qui se préparaient à recevoir le baptême la réflexion suivante: "Qui est celui qui a prédisposé la cavité de l'utérus pour la procréation des enfants? Qui a animé en lui le f½tus inanimé? Qui nous a pourvus de nerfs et d'os en nous enveloppant, ensuite, de peau et de chair (cf. Jb 10, 11) et, à peine l'enfant est-il né, qui fait sortir du sein du lait en abondance? De quelle façon l'enfant, en grandissant, devient-il adolescent, se transforme-t-il d'adolescent en jeune, puis en homme et enfin en vieillard, sans qu'aucune personne ne réussisse à saisir le jour précis où a lieu le changement?" Et il concluait: "Tu es en train de voir, ô homme, l'artisan; tu es en train de voir le sage Créateur" (Catéchèse baptismale 9, 15-16).    Au début du troisième millénaire, ces considérations demeurent encore valables, et ne s'adressent pas tant au phénomène physique ou physiologique, qu'à sa signification anthropologique et métaphysique. Nous avons immensément amélioré nos connaissances et mieux déterminé les limites de notre ignorance; mais il semble qu'il soit devenu trop difficile pour l'intelligence humaine de se rendre compte que, en regardant la création, on y découvre l'empreinte du Créateur. En réalité, celui qui aime la vérité, comme vous, chers chercheurs, devrait percevoir que la recherche sur des thèmes aussi profonds nous met en condition de voir, et presque même de toucher, la main de Dieu. Au-delà des limites de la méthode expérimentale, à la frontière du règne que certains appellent méta-analyse, là où la seule perception sensorielle ou la vérité scientifique ne suffisent plus, ou ne sont pas possibles, commence l'aventure de la transcendance, l'engagement d'"aller au-delà".

    Chers scientifiques et chercheurs, je souhaite que non seulement vous réussissiez toujours plus à examiner la réalité qui est l'objet de votre travail, mais également à la contempler, de manière telle que, avec vos découvertes, naissent aussi les questions qui conduisent à découvrir dans la beauté des créatures le reflet du Créateur. Dans ce contexte, j'ai à c½ur d'exprimer ma satisfaction et mes remerciements à l'Académie pontificale pour la Vie pour son précieux travail d'"étude, de formation et d'information", dont bénéficient les dicastères du Saint-Siège, les Eglises locales et les chercheurs attentifs à ce que l'Eglise propose dans le domaine de la recherche scientifique et autour de la vie humaine dans son rapport avec l'éthique et le droit. En raison de l'urgence et de l'importance de ces problèmes, je considère comme providentielle l'institution de cet Organisme de la part de mon vénéré Prédécesseur Jean-Paul II.

 

 

2 mars 2006 -  Avec les prêtres du Diocèse de Rome
     Le grand discours de Moïse au seuil de la Terre Sainte, après un pèlerinage de quarante ans dans le désert, est un résumé de toute la Torah, de toute la Loi. Nous trouvons ici l'essentiel non seulement pour le peuple juif, mais également pour nous. Cet élément essentiel est la parole de Dieu: "Je te propose la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction; choisis donc la vie" (Dt 30, 19). Cette parole fondamentale du Carême est également la parole fondamentale de l'héritage de notre grand Pape Jean-Paul II: choisir la vie. Telle est notre vocation sacerdotale: choisir nous aussi la vie et aider les autres à choisir la vie. Il s'agit de renouveler pendant le Carême notre "option fondamentale", pour ainsi dire, l'option pour la vie.

     Mais une question se pose immédiatement: comment choisit-on la vie? Comment fait-on? En réfléchissant, il m'est venu à l'esprit que la grande défection du christianisme qu'a vécue l'Occident au cours des cent dernières années a été réalisée précisément au nom de l'option pour la vie. Il a été dit - je pense à Nietzsche, mais également à tant d'autres - que le christianisme est une option contre la vie. A travers la Croix, à travers tous les commandements, à travers tous les "Non" qu'il nous propose, il nous ferme la porte de la vie. Mais nous, nous voulons avoir la vie, et nous choisissons, nous optons, finalement, pour la vie en nous libérant de la Croix, en nous libérant de tous ces commandements et de tous ces "non". Nous voulons avoir la vie en abondance, rien d'autre que la vie. Ici vient immédiatement en mémoire la parole de l'Evangile d'aujourd'hui: "Qui veut en effet sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi, celui-là la sauvera" (Lc 9, 24). Tel est le paradoxe que nous devons avant tout garder en mémoire dans l'option pour la vie. Ce n'est pas en nous arrogeant la vie pour nous-mêmes, mais seulement en donnant la vie, ce n'est pas en la possédant et en la prenant, mais en la donnant, que nous pouvons la trouver. Tel est le sens ultime de la Croix: ne pas garder pour soi, mais donner la vie.

     Ainsi, Nouveau et Ancien Testament vont de pair. Dans la première Lecture du Deutéronome, la réponse de Dieu est: "Si tu écoutes les commandements de Yahvé ton Dieu, que je te prescris aujourd'hui, et que tu aimes Yahvé ton Dieu, que tu marches dans ses voies, que tu gardes ses commandements, ses lois et ses coutumes, tu vivras" (30, 16). A première vue, cela ne nous plaît pas, mais telle est la voie: l'option pour la vie et l'option pour Dieu sont identiques. Le Seigneur le dit dans l'Evangile de saint Jean: "La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent" (Jn 17, 3). La vie humaine est une relation. Ce n'est qu'au sein d'une relation, et non pas fermés sur nous-mêmes, que nous pouvons avoir la vie. Et la relation fondamentale est la relation avec le Créateur, sinon les autres relations sont fragiles. Choisir Dieu, donc: tel est l'essentiel. Un monde vide de Dieu, un monde qui a oublié Dieu, perd la vie et tombe dans une culture de la mort. Choisir la vie, faire le choix de la vie, signifie donc avant tout choisir l'option-relation avec Dieu. Mais ici, naît aussitôt la question: avec quel Dieu? Ici, à nouveau, l'Evangile nous vient en aide: avec ce Dieu qui nous a montré son visage dans le Christ, avec le Dieu qui a vaincu la haine sur la Croix, c'est-à-dire dans l'amour jusqu'à la fin. Ainsi, en choisissant ce Dieu, nous choisissons la vie.

     Le Pape Jean-Paul II nous a donné la grande Encyclique Evangelium vitae. Dans celle-ci - qui est en quelque sorte un tour d'horizon des problèmes de la culture actuelle, de ses espérances et de ses dangers - il apparaît de façon visible qu'une société qui oublie Dieu, qui exclut Dieu, précisément pour avoir la vie, tombe dans une culture de la mort. C'est précisément en voulant avoir la vie que l'on dit "non" à l'enfant, car il ôte quelque chose à ma vie; on dit "non" à l'avenir, pour avoir tout le présent; on dit "non" tant à la vie qui naît qu'à la vie qui souffre, qui va vers la mort. Cette apparente culture de la vie devient l'anti-culture de la mort, dans laquelle Dieu est absent, dans laquelle est absent le Dieu qui n'ordonne pas la haine, mais qui vainc la haine. Ici, nous faisons le choix véritable de la vie. Tout est alors lié: l'option la plus profonde pour le Christ crucifié avec l'option la plus totale pour la vie, du premier au dernier moment.

     Cela me semble, d'une certaine façon, également le centre de notre pastorale: aider à faire un véritable choix pour la vie, renouveler la relation avec Dieu comme la relation qui nous donne la vie et nous indique la voie vers la vie. Et ainsi, aimer à nouveau le Christ qui, de l'Etre le plus inconnu auquel nous n'arrivions pas et qui demeurait énigmatique, est devenu un Dieu connu, un Dieu au visage humain, un Dieu qui est amour. Nous gardons précisément à l'esprit ce point fondamental pour la vie et nous considérons que dans ce programme est présent tout l'Evangile, de l'Ancien au Nouveau Testament, qui a comme centre le Christ. Le Carême, pour nous aussi, devrait être un temps pour renouveler notre connaissance de Dieu, notre amitié avec Jésus, pour être ainsi capables de guider les autres de façon convaincante à l'option pour la vie, qui est avant tout une option pour Dieu. Il faut qu'il nous apparaisse clairement qu'en choisissant le Christ, nous n'avons pas choisi la négation de la vie, mais nous avons réellement choisi la vie en abondance.

    L'option chrétienne est, au fond, très simple: il s'agit de l'option du "oui" à la vie. Mais ce "oui" ne se réalise qu'avec un Dieu qui n'est pas inconnu, avec un Dieu au visage humain. Il se réalise en suivant ce Dieu dans la communion de l'amour. Ce que j'ai dit jusqu'à présent veut être une façon de renouveler notre souvenir à l'égard du grand Pape Jean-Paul II.

     Mères de familles, le Pape vous remercie ! Il vous remercie, car vous avez donné la vie, car vous voulez aider cette vie qui croît et vous voulez ainsi construire un monde humain, contribuant à un avenir humain. Et vous le faites non seulement en donnant la vie biologique, mais en communiquant le centre de la vie, en voulant faire connaître Jésus, en introduisant vos enfants à la connaissance de Jésus, à l'amitié avec Jésus. Tel est le fondement de toute catéchèse. Il faut donc remercier les mères, surtout car elles ont eu le courage de donner la vie. Et il faut prier les mères de compléter ce don de la vie par le don de l'amitié avec Jésus.
 

     Dans les visites "ad limina" également, je parle toujours avec les Evêques de la famille, menacée, de diverses façons, dans le monde. Elle est menacée en Afrique, car on rencontre des difficultés à passer du "mariage coutumier" au "mariage religieux" par peur de sa dimension définitive.

     Alors qu'en Occident, la peur de l'enfant est motivée par la crainte de perdre quelque chose de la vie, là-bas, c'est le contraire : jusqu'à ce qu'il soit prouvé que la femme aura également des enfants, on ne peut oser le mariage définitif. C'est pourquoi le nombre de mariages religieux demeure relativement bas, et de nombreux "bons" chrétiens aussi, tout en ayant une très grande volonté d'être chrétiens, ne franchissent pas ce dernier pas. Le mariage est menacé également en Amérique latine pour d'autres raisons, et il est fortement menacé, comme nous le savons, en Occident. C'est pourquoi nous devons d'autant plus aider, en tant qu'Eglise, les familles qui représentent la cellule fondamentale de toute société saine. Ce n'est qu'ainsi que peut se créer dans la famille une communion des générations, dans laquelle la mémoire du passé vit dans le présent et s'ouvre à l'avenir. Ainsi, la vie se poursuit, se développe et va réellement de l'avant. Aucun véritable progrès n'est possible sans cette continuité de vie, et, de même, sans l'élément religieux. Sans la confiance en Dieu, sans la confiance dans le Christ qui nous donne également la capacité de la foi et de la vie, la famille ne peut survivre. Nous le voyons aujourd'hui. Seule la foi dans le Christ et seul le partage de la foi de l'Eglise sauve la famille et, d'autre part, ce n'est que si la famille est sauvée que l'Eglise peut vivre. Présentement, je ne possède pas la recette pour y parvenir. Mais il me semble que nous devons toujours le garder à l'esprit. C'est pourquoi nous devons faire tout ce qui est possible pour sauvegarder la famille: cercles familiaux, catéchèses familiales, enseigner la prière en famille. Cela me semble très important: là où l'on prie ensemble, là où est présent le Seigneur, est présente cette force qui peut également rompre la "sclérocardie", la dureté du c½ur qui, selon le Seigneur, est le véritable motif du divorce. Rien d'autre, si ce n'est la présence du Seigneur, ne nous aide à vivre réellement ce qui était voulu dès le début par le Créateur et renouvelé par le Rédempteur. Enseigner la prière familiale et ainsi, inviter à la prière avec l'Eglise. Et trouver ensuite toutes les autres façons…

 

    Ce que vous avez dit sur le problème des adolescents, sur leur solitude et sur l'incompréhension de la part des adultes, trouve en nous un écho concret aujourd'hui. Il est intéressant de voir que cette jeunesse, qui cherche une très grande proximité dans les discothèques, souffre en réalité d'une grande solitude, et naturellement aussi d'incompréhension. Cela me semble, d'une certaine façon, l'expression du fait que les pères, comme on l'a dit, sont en grande partie absents de la formation de la famille. Mais les mères aussi doivent travailler en dehors du foyer. La communion entre eux est très fragile. Chacun vit dans son monde: ce sont des îlots de la pensée, du sentiment, qui ne s'unissent pas. Le grand problème propre à notre époque - dans lequel chacun, en voulant avoir sa vie pour soi, la perd parce qu'il s'isole et isole l'autre de lui - est de retrouver la profonde communion qui, à la fin, ne peut venir que d'un fonds commun à toutes les âmes, de la présence divine qui nous unit tous. Il me semble que la condition est de surmonter la solitude et également de surmonter l'incompréhension, car celle-ci est aussi le résultat du fait que la pensée est aujourd'hui fragmentée. Chacun cherche sa façon de penser, de vivre, et il n'y a pas de communication dans une vision profonde de la vie. La jeunesse se sent exposée à de nouveaux horizons qui n'ont pas été transmis par la génération précédente, car il manque la continuité de la vision du monde, pris dans une séquence toujours plus rapide de nouvelles inventions.

 

 

19 mars 2006 – Homélie de la Messe

     Nous avons écouté une page célèbre et belle du Livre de l'Exode, celle dans laquelle l'auteur sacré raconte la remise à Israël du Décalogue de la part de Dieu. Un détail nous frappe immédiatement: l'énonciation des dix commandements est introduite par une référence significative à la libération du peuple d'Israël. Le texte dit: "Je suis Yahvé, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Egypte, de la maison de servitude" (Ex 20, 2). Le Décalogue se veut donc une confirmation de la liberté conquise. En effet, les commandements, si on les regarde en profondeur, sont le moyen que le Seigneur nous donne pour défendre notre liberté aussi bien des conditionnements internes des passions que des abus externes de personnes malintentionnées. Les "non" des commandements sont autant de "oui" à la croissance d'une liberté authentique. Il existe une deuxième dimension du Décalogue qu'il faut également souligner: à travers la loi donnée par la main de Moïse, le Seigneur révèle qu'il souhaite passer avec Israël un pacte d'alliance. Plus qu'un ordre, la loi est par conséquent un don. Plus que commander ce que l'homme doit faire, elle veut manifester à tous le choix de Dieu: il est du côté du peuple élu; il l'a libéré de l'esclavage et il l'entoure de sa bonté miséricordieuse. Le Décalogue est le témoignage d'un amour préférentiel.
 

     Le travail revêt une importance primordiale pour la réalisation de l'homme et pour le développement de la société, et c'est pourquoi il faut qu'il soit toujours organisé et accompli dans le plein respect de la dignité humaine et au service du bien commun. Dans le même temps, il est indispensable que l'homme ne se laisse pas asservir par le travail, qu'il ne l'idolâtre pas, en prétendant trouver en celui-ci le sens ultime et définitif de la vie

 

25 mars 2006 - Homélie de la Messe Solennité de l’Annonciation et Consistoire

     En célébrant l'Incarnation du Fils nous ne pouvons pas, par conséquent, ne pas honorer sa Mère. C'est à Elle que fut adressée l'annonce de l'ange : Elle l'accueillit, et lorsque du plus profond de son c½ur elle répondit : « Je suis la servante du Seigneur ; qu'il m'advienne selon ta parole » (Lc 1, 38), à ce moment-là, le Verbe éternel commença à exister comme être humain dans le temps.

     De génération en génération, on continue de s'émerveiller devant ce mystère ineffable. Imaginant s'adresser à l'Ange de l'Annonciation, Saint Augustin demande : « Dites-moi donc, ange de Dieu, d'où vient à Marie cette faveur ? » La réponse, dit le Messager, est contenue dans les paroles mêmes de la salutation : « Je vous salue, pleine de grâce » (cf. Sermo 291, 6). Effectivement, l'Ange, en « entrant chez Elle », ne l'appelle pas par son nom terrestre, Marie, mais par son nom divin, comme Dieu la voit et la qualifie depuis toujours : « Pleine de grâce - gratia plena », qui dans l'original grec est « kecharitoméne », « pleine de grâce », la grâce n'étant rien d'autre que l'amour de Dieu, nous pourrions à la fin traduire cette parole par : « aimée » de Dieu (cf. Lc 1, 28). Origène observe que jamais un tel titre ne fut donné à un être humain, que rien de semblable n'est décrit dans l'ensemble des Saintes Ecritures (cf. In Lucam 6, 7). Il s'agit d'un titre exprimé sous forme passive, mais cette « passivité » de Marie, qui est depuis toujours et pour toujours l'« aimée » du Seigneur, implique son libre consentement, sa réponse personnelle et originale : en étant aimée, en recevant le don de Dieu, Marie est pleinement active, car elle accueille avec une disponibilité personnelle la vague de l'amour de Dieu qui se déverse en elle.

 

2 avril 2006 – Angelus

       Le 2 avril de l'an dernier, un jour comme aujourd'hui, le bien-aimé pape Jean-Paul II vivait au cours de ces heures mêmes, la dernière phase de son pèlerinage terrestre, un pèlerinage de foi, d'amour et d'espérance qui a profondément marqué l'histoire de l'Eglise et de l'humanité. Son agonie et sa mort ont constitué presque un prolongement du Triduum pascal. Nous nous souvenons tous des images de son dernier Chemin de Croix, le vendredi saint : ne pouvant se rendre au Colisée, il le suivit depuis sa chapelle privée, en tenant une croix entre les mains. Le jour de Pâques, il donna la bénédiction Urbi et Orbi sans pouvoir parler, d'un geste de la main seulement. Ce fut la bénédiction la plus empreinte de souffrance et la plus émouvante qu'il nous ait laissée comme témoignage extrême de sa volonté d'accomplir son ministère jusqu'au bout. Jean-Paul II est mort comme il avait toujours vécu, animé d'un courage farouche, en s'abandonnant à Dieu et en se mettant entre les mains de la très Sainte Vierge Marie. Ce soir nous rappellerons sa mémoire lors d'une veillée de prière mariale, place Saint-Pierre, où demain après-midi je célébrerai la messe pour lui.

     A un an de son passage de ce monde à la Maison du Père, nous pouvons nous demander : que nous a laissé ce grand pape qui a introduit l'Eglise dans le troisième millénaire ? Son héritage est immense, mais le message de son long pontificat est bien résumé dans les paroles par lesquelles il a choisi de l'inaugurer, ici, place Saint-Pierre, le 22 octobre 1978 : « Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! ». Jean-Paul II a incarné cet appel inoubliable par toute sa personne et toute sa mission de successeur de Pierre, spécialement par son extraordinaire programme de voyages apostoliques. En visitant les pays du monde entier, en rencontrant les foules, les communautés ecclésiales, les gouvernants, les chefs religieux et les différentes réalités sociales, il a accompli comme un unique grand geste confirmant ces paroles initiales. Il a toujours annoncé le Christ, le proposant à tous, comme l'avait fait le Concile Vatican II, comme une réponse aux attentes de l'homme, aux attentes de liberté, de justice, de paix. Le Christ est le Rédempteur de l'homme, aimait-il répéter, l'unique vrai Sauveur de chaque personne et de tout le genre humain.

    Au cours des dernières années, le Seigneur l'a progressivement dépouillé de tout, pour le configurer pleinement à lui-même. Et lorsqu'il ne parvint plus à voyager, puis ni même à marcher et enfin, ni même à parler, son geste, son annonce s'est réduite à l'essentiel : au don de soi jusqu'au bout. Sa mort a été l'accomplissement d'un témoignage de foi cohérent, qui a touché le c½ur de tant d'hommes de bonne volonté. Jean-Paul II nous a quittés le samedi, jour spécialement consacré à Marie, envers laquelle il a toujours nourri une dévotion filiale. Demandons à présent à la Mère céleste de Dieu de nous aider à conserver précieusement ce que ce grand pontife nous a donné et enseigné.

 

 

3 avril 2006 – Homélie de la Messe pour le 1er anniversaire de la mort de Jean Paul II

     A la base de ce don total de soi figurait naturellement la foi. Dans la seconde Lecture, que nous venons d'entendre, saint Pierre utilise lui aussi l'image de l'or éprouvé par le feu et l'applique à la foi (1 P 1, 7). En, effet, dans les difficultés de la vie, c'est surtout la qualité de la foi de chacun qui est éprouvée et vérifiée:  sa solidité, sa pureté, sa cohérence avec la vie. Et bien, le regretté Pontife, que Dieu avait doté de multiples dons humains et spirituels, en passant à travers le creuset des difficultés apostoliques et de la maladie, est apparu toujours plus comme un "roc" de la foi. Ceux qui ont eu l'occasion de le fréquenter de près ont presque pu toucher du doigt sa foi honnête et solide qui, si elle a impressionné le cercle de ses collaborateurs, n'a pas manqué de diffuser, au cours de son long Pontificat, son influence bénéfique sur toute l'Eglise, dans un crescendo qui a atteint son point culminant au cours des derniers mois et jours de sa vie. Une foi convaincue, forte et authentique, libre des peurs et des compromis, qui a gagné le coeur de tant de personnes, grâce également aux nombreux pèlerinages apostoliques dans tant de parties du monde, et en particulier grâce à ce dernier "voyage" qu'a été son agonie et sa mort.

    

 

 

6 avril 2006 -  Rencontre avec les jeunes du diocèse de Rome, Place Saint Pierre

    L'amour est souvent mal interprété dans la mesure où il est présenté comme une expérience égoïste, alors qu'en réalité, il s'agit d'un abandon de soi qui permet de se trouver. Une culture de la consommation fausse notre vie en raison d'un relativisme qui semble tout nous permettre, mais qui en réalité nous vide. Mais alors, écoutons la Parole de Dieu à ce propos. Pour ma part, j'ai trouvé qu'il était très beau que dès les premières pages de l'Ecriture Sainte, immédiatement après le récit de la Création de l'homme, nous trouvions la définition de l'amour et du mariage. L'auteur sacré nous dit:  "Ainsi donc, l'homme quittera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et les deux ne feront qu'une seule chair, une seule existence". Nous sommes au début et nous trouvons déjà une prophétie de ce qu'est le mariage; et cette définition demeure identique également dans le Nouveau Testament. Le mariage signifie suivre l'autre dans l'amour et devenir ainsi une seule existence, une seule chair, et donc inséparables; une nouvelle existence qui naît de cette communion d'amour, qui unit et crée ainsi également l'avenir. Les théologiens du Moyen-Age, en interprétant cette affirmation qui se trouve au début de l'Ecriture Sainte, ont dit que des sept Sacrements, le mariage a été le premier institué par Dieu, ayant été déjà institué au moment de la création, au Paradis, au début de l'histoire, et avant toute histoire humaine. Il s'agit d'un sacrement du Créateur de l'univers, et donc inscrit précisément dans l'être humain lui-même, qui est orienté vers ce chemin, dans lequel l'homme abandonne ses parents et s'unit à sa femme pour former une seule chair, afin que les deux ne deviennent qu'une seule existence. Le sacrement du mariage n'est donc pas une invention de l'Eglise, il a réellement été "co-créé" avec l'homme en tant que tel, en tant que fruit du dynamisme de l'amour, dans lequel l'homme et la femme se trouvent mutuellement et trouvent ainsi également le Créateur qui les a appelés à l'amour. Il est vrai que l'homme est tombé et a été chassé du Paradis, ou, en d'autres termes, plus modernes, il est vrai que toutes les cultures ont été souillées par le péché, par les erreurs de l'homme dans son histoire, et ainsi, le dessein initial inscrit dans notre nature apparaît obscurci. En effet, dans les cultures humaines, nous trouvons cet obscurcissement du dessein originel de Dieu. Dans le même temps, toutefois, en observant les cultures, toute l'histoire culturelle de l'humanité, nous constatons également que l'homme n'a jamais pu totalement oublier ce dessein qui existe dans la profondeur de son être. Il a toujours su, en un certain sens, que les autres formes de relations entre l'homme et la femme ne correspondaient pas réellement au dessein originel de son être. Et ainsi, dans les cultures, en particulier dans les grandes cultures, nous constatons toujours à nouveau qu'elles s'orientent vers cette réalité, la monogamie, l'homme et la femme ne faisant qu'une seule chair. Ainsi, c'est dans la fidélité, que peut croître une nouvelle génération, que peut se poursuivre une tradition culturelle, se renouvelant et réalisant, dans la continuité, un progrès authentique.

    Le Seigneur, qui a parlé de cela dans la langue des prophètes d'Israël, en évoquant la permission de divorcer de la part de Moïse, a dit:  "C'est en raison de votre dureté de coeur". Après le péché, le coeur est devenu "dur", mais tel n'était pas le dessein du Créateur et les Prophètes ont insisté toujours plus clairement sur ce dessein originel. Pour renouveler l'homme, le Seigneur - en faisant allusion aux voix prophétiques qui ont toujours guidé Israël vers la clarté de la monogamie - a reconnu avec Ezéchiel que nous avons besoin - pour vivre cette vocation, d'un coeur nouveau; au lieu du coeur de pierre - comme dit Ezéchiel - nous avons besoin d'un coeur de chair, d'un coeur véritablement humain. Et le Seigneur, dans le Baptême, à travers la foi, "greffe" en nous ce coeur nouveau. Il ne s'agit pas d'une greffe physique, mais nous pouvons peut-être nous servir précisément de cette comparaison:  après la greffe, il est nécessaire que l'organisme soit soigné, qu'il dispose des médicaments nécessaires pour pouvoir vivre avec son nouveau coeur, afin qu'il devienne "son coeur", et non le "coeur d'un autre". Dans cette "greffe spirituelle", où le Seigneur nous offre un coeur nouveau, un coeur ouvert au Créateur, à la vocation de Dieu, pour pouvoir vivre avec ce coeur nouveau, nous avons encore plus besoin de traitements adéquats, il faut avoir recours à des médicaments adaptés afin qu'il devienne véritablement  "notre  coeur". En vivant ainsi dans la communion avec le Christ, avec son Eglise, le nouveau coeur devient réellement "notre coeur" et le mariage devient possible. L'amour exclusif entre un homme et une femme, la vie à deux projetée par le Créateur devient possible, même si le climat de notre monde la rend difficile, jusqu'à la faire apparaître impossible.

     Le Seigneur nous donne un coeur nouveau et nous devons vivre avec ce coeur nouveau, en utilisant les thérapies opportunes afin qu'il soit réellement "le nôtre". C'est ainsi que nous vivons ce que le Créateur nous a donné et cela engendre une vie véritablement heureuse. En effet, nous pouvons le voir également dans ce monde, en dépit des nombreux autres modèles de vie:  il existe tant de familles chrétiennes qui vivent avec fidélité et joie la vie et l'amour indiqués par le Créateur et c'est ainsi que se développe une nouvelle humanité.

     Et enfin, j'ajouterais:  nous savons tous que pour arriver à un objectif dans le sport et au niveau professionnel, la discipline et les sacrifices sont nécessaires, mais ensuite, tout cela est couronné par le succès d'avoir atteint un objectif tant désiré. De la même façon, la vie elle-même, c'est-à-dire devenir hommes selon le dessein de Jésus, exige des sacrifices; toutefois, ils ne sont pas une chose négative, au contraire, ils aident à vivre en tant qu'homme avec un coeur nouveau, à vivre une vie véritablement humaine et heureuse. Etant donné qu'il existe une culture hédoniste qui veut nous empêcher de vivre selon le dessein du Créateur, nous devons avoir le courage de créer des îlots, des oasis, puis de grands terrains de culture catholique, dans lesquels vivre le dessein du Créateur.

 

 

     Il me semble que le grand défi de notre temps  soit la sécularisation:  c'est-à-dire une façon de vivre et de présenter le monde comme "si Deus non daretur", c'est-à-dire comme si Dieu n'existait pas. On veut réduire Dieu à la sphère du privé, à un sentiment, comme s'Il n'était pas une réalité objective et ainsi, chacun forme son propre projet de vie. Mais cette vision qui se présente comme si elle était scientifique, n'accepte comme valable que ce qui peut être vérifié par l'expérience. Avec un Dieu qui ne se prête pas à l'expérience immédiate, cette vision finit par déchirer également la société:  il en découle en effet que chacun forme son projet et à la fin, chacun s'oppose à l'autre. Une situation, comme on le voit, clairement invivable. Nous devons rendre Dieu à nouveau présent dans nos sociétés. Cela me semble être la première nécessité:  que Dieu soit à nouveau présent dans notre vie, que nous ne vivions pas comme si nous étions autonomes, autorisés à inventer ce que sont la liberté et la vie. Nous devons prendre acte du fait que nous sommes des créatures, constater qu'il y a un Dieu qui nous a créés et que demeurer dans sa volonté n'est pas une dépendance, mais un don d'amour qui nous fait vivre.

 

 

 

 

9 avril 2006 – Homélie Messe des Rameaux

     Les trois caractéristiques annoncées par le prophète (Zc 9,9)- pauvreté, paix, universalité - sont résumées dans le signe de la Croix. C'est pourquoi, à juste titre, la Croix est devenue le centre des Journées mondiales de la Jeunesse. Il y a eu un temps - qui n'est pas encore entièrement terminé - où l'on refusait le christianisme précisément à cause de la Croix. La Croix parle de sacrifice, disait-on, la Croix est le signe de la négation de la vie. Nous, en revanche, nous voulons la vie tout entière sans restrictions et sans renoncements. Nous voulons vivre, rien d'autre que vivre. Nous ne nous laissons pas limiter par des préceptes et des interdictions ; nous voulons la richesse et la plénitude - ainsi disait-on et dit-on encore. Tout cela nous apparaît convaincant et séduisant ; c'est le langage du serpent qui dit : « Ne vous laissez pas intimider ! Mangez tranquillement de tous les arbres du jardin ! ». Cependant, le dimanche des Rameaux nous dit que le véritable grand « oui » est précisément la Croix, que la Croix est précisément le véritable arbre de la vie. On ne trouve pas la vie en se l'appropriant, mais en la donnant. L'amour, c'est se donner soi-même, et c'est pourquoi le chemin de la vraie vie est symbolisé par la Croix

 

 

13 avril 2006 - Homélie de la Messe Chrismale

     Plus d'une fois, chacun de nous a sans doute vécu la même chose que Pierre lorsque, marchant sur les eaux à la rencontre du Seigneur, il s'est soudain aperçu que l'eau ne le soutenait pas et qu'il allait se noyer. Et, comme Pierre, nous avons crié: "Seigneur, sauve-moi!" (Mt 14, 30). En voyant les éléments se déchaîner, comment pouvions-nous franchir les eaux bruyantes et bouillonnantes du siècle dernier et du dernier millénaire ? Mais alors, nous nous sommes tournés vers Lui... Et Lui nous a pris par la main et nous a donné un nouveau "poids spécifique": la légèreté qui découle de la foi et qui nous attire vers le haut. Puis, il nous donne la main qui soutient et porte. Il nous soutient. Fixons à nouveau notre regard vers Lui et tendons les mains vers Lui. Laissons-nous prendre par sa main et nous ne coulerons pas, mais nous servirons la vie qui est plus forte que la mort, et l'amour qui est plus fort que la haine. La foi en Jésus, Fils du Dieu vivant, est l'instrument grâce auquel nous prenons toujours à nouveau la main de Jésus et à travers lequel Il prend notre main et nous guide.

 

 

14 avril 2006 – Méditation Via Crucis, au Colisée

     Dans le reflet de la Croix nous avons vu toutes les souffrances de l'humanité d'aujourd'hui. Dans la Croix du Christ nous avons vu aujourd'hui la souffrance des enfants abandonnés, abusés; les menaces contre la famille; la division du monde due à l'orgueil des riches, qui ne voient pas Lazare devant leur porte, et la misère des nombreuses personnes qui souffrent de faim et de soif.

 

15 avril 2006 - Homélie Messe Nuit de Pâques

      Par amour, Jésus pouvait se laisser tuer, mais c'est précisément ainsi qu'il a rompu le caractère définitif de la mort, parce qu'en lui était présent le caractère définitif de la vie. Il était un avec la vie indestructible, de telle manière que celle-là, à travers la mort, jaillisse d'une manière nouvelle. Nous pouvons exprimer encore une fois la même chose en partant d'un autre point de vue. Sa mort fut un acte d'amour. Au cours de la dernière Cène, Il a anticipé sa mort et Il l'a transformée en don de soi. Sa communion existentielle avec Dieu était concrètement une communion existentielle avec l'amour de Dieu, et cet amour est la vraie puissance contre la mort, il est plus fort que la mort. La résurrection fut comme une explosion de lumière, une explosion de l'amour, qui a délié le lien jusqu'alors indissoluble du «meurs et deviens». Elle a inauguré une nouvelle dimension de l'être, de la vie, dans laquelle la matière a aussi été intégrée, d'une manière transformée, et à travers laquelle surgit un monde nouveau. …

     Il est clair que cet événement n'est pas un quelconque miracle du passé, dont l'existence pourrait nous être, en définitive, indifférente. Il s'agit d'un saut qualitatif dans l'histoire de l'évolution et de la vie en général, vers une vie future nouvelle, vers un monde nouveau qui, en partant du Christ, pénètre déjà continuellement dans notre monde, le transforme et l'attire à lui. Mais comment cela se produit-il ? Comment cet événement peut-il effectivement m'arriver et attirer ma vie vers lui et vers le haut ? Dans un premier temps, la réponse pourrait sembler surprenante, mais elle est tout à fait réelle: un tel événement me rejoint à travers la foi et le Baptême. ..Le Baptême signifie précisément ceci, qu'il ne s'agit pas d'un événement du passé, mais qu'un saut qualitatif de l'histoire universelle vient à moi, me saisissant pour m'attirer. Le Baptême est quelque chose de bien différent qu'un acte de socialisation ecclésiale, qu'un rite un peu démodé et compliqué pour accueillir les personnes dans l'Église. Il est encore bien plus que le simple fait d'être lavé, qu'une sorte de purification et d'embellissement de l'âme. Il est vraiment mort et résurrection, renaissance, transformation en une vie nouvelle…

     Comment pouvons-nous le comprendre ? Je pense que ce qui advient au Baptême s'éclaire plus facilement pour nous si nous regardons la partie finale de la petite autobiographie spirituelle que saint Paul nous a laissée dans sa Lettre aux Galates. Elle se conclut par les mots qui contiennent aussi le noyau de cette biographie: «Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi» (Ga 2, 20). Je vis, mais ce n'est plus moi. Le moi lui-même, l'identité essentielle de l'homme - de cet homme, Paul - a été changée. Il existe encore et il n'existe plus. Il a traversé une négation et il se trouve continuellement dans cette négation: c'est moi, mais ce n'est plus moi. Par ces mots, Paul ne décrit pas une quelconque expérience mystique, qui pouvait peut-être lui avoir été donnée et qui pourrait sans doute nous intéresser du point de vue historique. Non, cette phrase exprime ce qui s'est passé au Baptême. Mon propre moi m'est enlevé et il s'incorpore à un sujet nouveau, plus grand. Alors mon moi existe de nouveau, mais précisément transformé, renouvelé, ouvert par l'incorporation dans l'autre, dans lequel il acquiert son nouvel espace d'existence. De nouveau, Paul nous explique la même chose, sous un autre aspect, quand, dans le troisième chapitre de la Lettre aux Galates, il parle de la «promesse», disant qu'elle a été donnée au singulier - à un seul: au Christ. C'est lui seul qui porte en lui toute la «promesse». Mais alors qu'advient-il pour nous ? Paul répond: «Vous ne faites plus qu'un dans le Christ» (Ga 3, 28). Non pas une seule chose, mais un, un unique, un unique sujet nouveau. Cette libération de notre moi de son isolement, le fait de se trouver dans un nouveau sujet, revient à se trouver dans l'immensité de Dieu et à être entraînés dans une vie qui est dès maintenant sortie du contexte du «meurs et deviens». La grande explosion de la Résurrection nous a saisis dans le Baptême pour nous attirer. Ainsi nous sommes associés à une nouvelle dimension de la vie dans laquelle nous sommes déjà en quelque sorte introduits, au milieu des tribulations de notre temps. Vivre sa vie comme une entrée continuelle dans cet espace ouvert : telle est la signification essentielle de l'être baptisé, de l'être chrétien. Telle est la joie de la Veillée pascale. La Résurrection n'est pas passée, la Résurrection nous a rejoints et saisis. Nous nous accrochons à elle, c'est-à-dire au Christ ressuscité, et nous savons que Lui nous tient solidement, même quand nos mains faiblissent. Nous nous accrochons à sa main, et ainsi nous nous tenons la main les uns des autres, nous devenons un unique sujet, et pas seulement une seule chose. C'est moi, mais ce n'est plus moi: voilà la formule de l'existence chrétienne fondée sur le Baptême, la formule de la Résurrection à l'intérieur du temps. C'est moi, mais ce n'est plus moi: si nous vivons de cette manière, nous transformons le monde. C'est la formule qui contredit toutes les idéologies de la violence, et c'est le programme qui s'oppose à la corruption et à l'aspiration au pouvoir et à l'avoir.

     «Je vis et, vous aussi, vous vivrez», dit Jésus à ses disciples, c'est-à-dire à nous, dans l'Évangile de Jean (14, 19). Nous vivrons par la communion existentielle avec Lui, par le fait d'être incorporés en Lui qui est la vie même. La vie éternelle, l'immortalité bienheureuse, nous ne l'avons pas de nous-mêmes et nous ne l'avons pas en nous-mêmes, mais au contraire par une relation - par la communion existentielle avec Celui qui est la Vérité et l'Amour, et qui est donc éternel, qui est Dieu lui-même. Par elle-même, la simple indestructibilité de l'âme ne pourrait pas donner un sens à une vie éternelle, elle ne pourrait pas en faire une vraie vie. La vie nous vient du fait d'être aimés par Celui qui est la Vie; elle nous vient du fait de vivre-avec Lui et d'aimer-avec Lui. C'est moi, mais ce n'est plus moi: tel est le chemin de la croix, le chemin qui crucifie une existence renfermée seulement sur le moi, ouvrant par-là la route à la joie véritable et durable…

     … La Résurrection est un avènement cosmique, qui comprend le ciel et la terre, et qui les lie l'un à l'autre.

 

 

 

27 avril 2006 – Lettre de Benoit XVI aux participants à l’Académie Pontificale des Sciences Sociales

Au Professeur Mary Ann Glendon,
Président de l'Académie pontificale des Sciences sociales

Alors que l'Académie pontificale des Sciences sociales est réunie à l'occasion de sa douzième Session plénière, je vous  adresse une salutation cordiale ainsi qu'à tous ses membres, et je forme le voeu dans la prière que la recherche et la discussion qui marquent cette rencontre annuelle contribueront non seulement à faire progresser les connaissances dans vos domaines respectifs, mais qu'elles aideront également l'Eglise dans sa mission de témoigner d'un authentique humanisme, enraciné dans la vérité et guidé par la lumière de l'Evangile.

Votre Assemblée est consacrée à un thème actuel:  "Une enfance qui disparaît? La solidarité avec les enfants et les jeunes à une époque troublée". Certains indicateurs démographiques ont clairement souligné le besoin urgent de réflexion critique dans ce domaine. Même si les statistiques de la croissance de la population sont effectivement ouvertes à des interprétations différentes, tout le monde est d'accord sur le fait que nous assistons, à un niveau mondial, et en particulier dans les pays développés, à deux tendances significatives et liées entre elles:  d'un côté, une augmentation de l'espérance de vie et de l'autre, une baisse du taux de natalité. Etant donné que les sociétés vieillissent, de nombreuses nations ou groupes de nations ne possèdent plus un nombre suffisant de jeunes pour renouveler leur population.

Cette situation est le résultat de causes multiples et complexes - souvent de nature économique, sociale et culturelle - que vous vous êtes proposé d'étudier. Mais les racines profondes peuvent être considérées comme morales et spirituelles; elles sont liées à un manque inquiétant de foi, d'espérance, et, il est vrai, d'amour. Pour faire venir des enfants au monde, l'eros égocentrique doit être accompagné par un agape créatif enraciné dans la générosité et marqué par la confiance et l'espérance dans l'avenir. De par sa nature, l'amour est tourné vers l'éternel (cf. Deus caritas est, n. 6). C'est peut-être à cause de ce manque d'amour créatif et tourné vers l'avenir que de nombreux couples choisissent aujourd'hui de ne pas se  marier,  que tant de mariages échouent, et que les taux de natalité ont diminué de manière importante. Ce sont les enfants et les jeunes qui ressentent  souvent les premiers les conséquences de ce déclin d'amour et d'espérance. Souvent, au lieu de se sentir aimés et chéris, ils semblent être simplement tolérés. A "une époque troublée" ils sont souvent privés d'une direction morale adéquate de la part du monde adulte, au grand détriment de leur développement intellectuel et spirituel. De nombreux enfants grandissent actuellement dans une société qui néglige souvent Dieu et la dignité innée de la personne humaine créée à l'image de Dieu. Dans un monde façonné par les processus accélérés de la mondialisation, ils ne sont souvent exposés qu'à des visions matérialistes de l'univers, de la vie et de l'épanouissement humain.

Pourtant, les enfants et les jeunes sont par nature réceptifs, généreux, idéalistes et ouverts à la transcendance. Ils ont avant tout besoin d'être exposés à l'amour et de se développer dans une écologie humaine saine, où ils pourront être amenés à comprendre qu'ils n'ont pas été mis au monde par hasard, mais grâce à un don faisant partie du plan d'amour de Dieu. S'ils veulent être fidèles à leur appel, les parents, les éducateurs et les responsables de la communauté, ne peuvent jamais renoncer à leur devoir de placer devant les enfants et les jeunes la tâche de choisir un projet de vie orienté vers un bonheur authentique, en mesure de distinguer entre la vérité et le mensonge, le bien et le mal, la justice et l'injustice, le monde réel et le monde de la "réalité virtuelle".

Dans votre approche scientifique des différentes questions traitées lors de cette assemblée, je vous encouragerais à considérer attentivement ces questions et, en particulier, la question de la liberté humaine, avec ses vastes implications au niveau d'une vision saine de la personne et de la réalisation d'une maturité affective au sein de la communauté élargie. La liberté intérieure est en effet la condition pour une croissance humaine authentique. Là où cette liberté manque ou est menacée, les jeunes font une expérience de frustration et deviennent incapables de se battre généreusement pour les idéaux qui peuvent façonner leur vie en tant qu'individus et membres de la société. En conséquence, ils peuvent se décourager ou se rebeller, et leur immense potentiel humain se détourne des défis passionnants de la vie.

Les chrétiens, qui croient que l'Evangile éclaire chaque aspect de la vie individuelle et sociale, ne pourront que percevoir les dimensions philosophique et théologique de ces questions, et le besoin de considérer cette opposition fondamentale entre le péché et la grâce qui englobe tous les autres conflits qui troublent le coeur humain:  le conflit entre l'erreur et la vérité, le vice et la vertu, la rébellion et la coopération, la guerre et la paix. Ils ne peuvent pas non plus ne pas être convaincus que la foi, vécue dans la plénitude de la charité et transmise aux nouvelles générations, est un élément essentiel pour la construction d'un avenir meilleur et pour la sauvegarde de la solidarité entre les générations, dans la mesure où elle ancre tout effort humain pour construire la civilisation de l'amour dans la révélation de Dieu le Créateur, dans la création de l'homme et de la femme à son image, et dans la victoire du Christ sur le mal et la mort.

Chers amis, tout en vous exprimant ma reconnaissance et mon soutien pour vos recherches importantes, poursuivies selon les méthodes propres à vos sciences respectives, je vous encourage à ne jamais oublier que vos études peuvent inspirer et aider les jeunes hommes et femmes de notre temps dans leurs efforts pour mener des vies fructueuses et épanouissantes. J'invoque cordialement les Bénédictions divines de sagesse, de force et de paix sur vous et vos familles et sur tous ceux qui sont associés au travail de l'Académie pontificale des Sciences sociales.

 

5 juin 2006 – Au Congrès du Diocèse de Rome

     Au cours des trois dernières années, votre attention s'est concentrée en particulier sur la famille, pour consolider à travers la vérité de l'Evangile cette réalité humaine fondamentale, sur laquelle pèse malheureusement aujourd'hui de graves dangers et menaces, et pour l'aider à remplir sa mission irremplaçable dans l'Eglise et dans la société. En plaçant à présent au premier plan l'éducation à la foi des nouvelles générations. Nous répondons à une préoccupation diffuse dans de nombreuses familles croyantes, qui, dans le contexte social et culturel d'aujourd'hui, craignent de ne pas réussir à transmettre le précieux héritage de la foi à leurs enfants.

     En réalité, découvrir la beauté et la joie de la foi est un chemin que chaque nouvelle génération doit parcourir par elle-même, car dans la foi est mis en jeu ce que nous avons de plus personnel et de plus intime, notre coeur, notre intelligence, notre liberté, dans un rapport profondément personnel avec le Seigneur qui oeuvre en nous. Mais la foi est, de façon tout aussi radicale, un acte  et une attitude communautaire, elle est le "nous croyons" de l'Eglise. La joie de la foi est donc une joie qui doit être partagée:  comme l'affirme l'Apôtre Jean, "Ce que nous avons vu et entendu [le Verbe de la vie] nous vous l'annonçons, afin que vous aussi soyez en communion avec nous [...] Tout ceci nous vous l'écrivons pour que notre joie soit complète" (1 Jn 1, 3-4). C'est pourquoi éduquer les nouvelles générations à la foi est un devoir important et fondamental qui touche la communauté chrétienne tout entière. Chers frères et soeurs, vous touchez du doigt combien ce devoir est devenu aujourd'hui particulièrement difficile sous de nombreux aspects, mais précisément pour cette raison d'autant plus important et plus que jamais urgent. Il est en effet possible d'identifier deux orientations fondamentales de l'actuelle culture sécularisée, clairement interdépendantes l'une de l'autre, qui poussent dans une direction opposée à celle de l'annonce chrétienne, et qui ne peuvent manquer d'avoir une répercussion sur les personnes qui sont en train de développer leurs propres orientations et choix de vie. L'une de celles-ci est l'agnosticisme qui jaillit lorsque l'intelligence humaine est réduite à une simple raison calculatrice et fonctionnelle, et qui tend à étouffer le sens religieux inscrit au plus profond de notre nature. L'autre est le processus de relativisme et de déracinement qui ronge les liens les plus sacrés et les sentiments les plus dignes de l'homme, avec pour résultat de rendre les personnes fragiles, et nos relations réciproques précaires et instables.

     Précisément dans cette situation, nous avons tous besoin, et en particulier nos enfants, nos adolescents et nos jeunes ont besoin de vivre la foi comme une joie, de goûter la profonde sérénité qui naît de la rencontre avec le Seigneur. J'ai écrit dans l'Encyclique Deus caritas est:  "Nous avons cru à l'amour de Dieu, c'est ainsi que le chrétien peut exprimer le choix fondamental de sa vie. A l'origine du fait d'être chrétien, il n'y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive" (n. 1). La source de la joie chrétienne est la certitude d'être aimés de Dieu, aimés personnellement par notre Créateur, par Celui qui tient entre ses mains l'univers tout entier et qui aime chacun de nous et toute la grande famille humaine d'un amour passionné et fidèle, un amour plus grand que nos infidélités et péchés, un amour qui pardonne. Cet amour "est si grand qu'il retourne Dieu contre lui-même" comme cela apparaît de façon définitive dans le mystère de la Croix:  "Dieu aime tellement l'homme que, en se faisant homme lui-même, il le suit jusqu'à la mort et il réconcilie de cette manière justice et amour" (Deus caritas est, n. 10).

     Chers frères et soeurs, cette certitude et cette joie d'être aimés de Dieu doit être rendue d'une certaine façon tangible et concrète pour chacun de nous, et en particulier pour les jeunes générations qui entrent dans le monde de la foi. En d'autres termes:  Jésus a déclaré être le "chemin" qui conduit au Père, outre la "vérité" et la "vie" (cf. Jn 14, 5-7). La question qui se pose est donc:  comment nos enfants et nos jeunes peuvent-ils trouver en Lui, dans la pratique et dans leur existence, ce chemin de salut et de joie? Telle est précisément la grande mission au service de laquelle l'Eglise existe, comme famille de Dieu et compagnie d'amis dans laquelle nous sommes introduits à travers le Baptême déjà en tant que petits enfants, et dans laquelle doivent croître notre foi et notre joie, ainsi que la certitude d'être aimés du Seigneur. Il est donc indispensable - et telle est la mission confiée aux familles chrétiennes, aux prêtres, aux catéchistes, aux éducateurs, et aux jeunes eux-mêmes à l'égard des jeunes de leur âge, à nos paroisses, associations et mouvements, et en fin de compte à la communauté diocésaine tout entière - que les nouvelles générations puissent faire l'expérience de l'Eglise comme d'une compagnie d'amis véritablement fiable, proche dans tous les moments et toutes les circonstances de la vie, que ceux-ci soient heureux et gratifiants, ou difficiles et sombres, une compagnie qui ne nous abandonnera pas même dans la mort, car elle porte en elle la promesse de l'éternité. A vous, chers enfants et jeunes de Rome, je voudrais vous demander de vous confier à votre tour à l'Eglise, de l'aimer et d'avoir confiance en elle, car en elle le Seigneur est présent, et parce qu'elle ne recherche rien d'autre que votre véritable bien.

     Celui qui sait être aimé est à son tour sollicité à aimer. C'est précisément ainsi que le Seigneur, qui nous a aimés en premier, nous demande de mettre à notre tour au centre de notre vie l'amour pour Lui et pour les hommes qu'il a aimés. En particulier, les adolescents et les jeunes, qui ressentent fortement en eux le rappel de l'amour, ont besoin d'être libérés du préjugé commun selon lequel le christianisme, avec ses commandements et ses interdits, place trop d'obstacles à la joie de l'amour et en particulier empêche de goûter pleinement au bonheur que l'homme et la femme trouvent dans leur amour réciproque. Au contraire, la foi et l'éthique chrétienne ne veulent pas étouffer, mais rendre l'amour sain, fort et véritablement libre:  tel est précisément le sens des dix Commandements, qui ne sont pas une série de "non", mais un grand "oui" à l'amour et à la vie. En effet, l'amour humain a besoin d'être purifié, de mûrir et également de se dépasser, pour pouvoir devenir pleinement humain, pour être le principe d'une joie véritable et durable, pour répondre ainsi à la demande d'éternité qu'il porte en lui et à laquelle on ne peut renoncer sans se trahir soi-même. Tel est le motif principal pour lequel l'amour entre l'homme et la femme ne se réalise pleinement que dans le mariage.

     Dans tout le travail d'éducation, dans la formation de l'homme et du chrétien, nous ne devons donc pas, par peur ou par embarras, laisser de côté la grande question de l'amour:  si nous le faisions, nous présenterions un christianisme désincarné, qui ne peut intéresser sérieusement le jeune qui s'ouvre à la vie. Toutefois, nous devons également introduire à la dimension intégrale de l'amour chrétien, où amour pour Dieu et amour pour l'homme sont unis de façon indissoluble et où l'amour du prochain est un engagement véritablement concret. Le chrétien ne se contente pas de paroles, encore moins d'idéologies trompeuses, mais il répond aux nécessités de son frère en se mettant véritablement en jeu, sans se contenter de quelque bonne action sporadique. Proposer aux enfants et aux jeunes des expériences pratiques de service au prochain le plus démuni fait donc partie d'une authentique et pleine éducation à la foi. Avec le besoin d'aimer, le désir de vérité appartient à la nature même de l'homme. C'est pourquoi, dans l'éducation des nouvelles générations, la question de la vérité ne peut donc certainement pas être éludée:  elle doit au contraire occuper une place centrale. En posant la question de la vérité, nous élargissons en effet l'horizon de notre rationalité et nous commençons à libérer la raison des limites trop étroites dans lesquelles elle est enfermée lorsque l'on ne considère comme rationnel que ce qui peut faire l'objet d'une expérimentation et d'un calcul. C'est précisément ici qu'a lieu la rencontre de la raison avec la foi:  dans la foi, nous accueillons en effet le don que Dieu fait de lui-même en se révélant à nous, créatures faites à son image; nous accueillons et nous acceptons cette Vérité que notre esprit ne peut comprendre totalement et ne peut posséder, mais qui, précisément pour cela, étend l'horizon de notre connaissance et nous permet de parvenir au Mystère dans lequel nous sommes plongés et de retrouver en Dieu le sens définitif de notre existence.

     Chers amis, nous savons bien qu'il n'est pas facile d'accepter de surmonter les limites de notre raison. C'est pourquoi la foi, qui est un acte humain très personnel, demeure un choix de notre liberté, qui peut également être refusé. Mais  ici  se  fait jour une seconde dimension de la foi, celle de se confier à une personne:  non pas à n'importe quelle personne, mais à Jésus Christ et au Père qui l'a envoyé. Croire signifie établir un lien très personnel avec notre Créateur et Rédempteur, en vertu de l'Esprit Saint qui oeuvre dans nos coeurs, et faire de ce lien le fondement de toute la vie. En effet, Jésus Christ est "la Vérité faite Personne" qui attire le monde à Lui [...] toute autre vérité est un fragment de la vérité qu'Il est et renvoie à Lui" (Discours à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, 10 février 2006). Ainsi, Il remplit notre coeur, l'élargit et le comble de joie, Il pousse notre intelligence vers des horizons inexplorés, offre à notre liberté son point de référence décisif, la libérant des limites étroites de l'égoïsme et la rendant capable d'un amour authentique.

Dans l'éducation des nouvelles générations, nous ne devons donc pas craindre de comparer la vérité de la foi avec les véritables conquêtes de la connaissance humaine. Les progrès de la science sont aujourd'hui très rapides et sont souvent présentés comme contraires aux affirmations de la foi, provoquant la confusion et rendant plus difficile l'accueil de la vérité chrétienne. Mais Jésus Christ est et demeure le Seigneur de toute la création et de toute l'histoire:  "Tout a été créé par lui et pour lui [...] et tout subsiste en lui" (Col 1, 16.17). C'est pourquoi le dialogue entre foi et raison, s'il est conduit avec sincérité et rigueur, offre la possibilité de percevoir de façon plus efficace et convaincante le bien-fondé de la foi en Dieu - non pas en n'importe quel Dieu, mais dans le Dieu qui s'est révélé en Jésus Christ - et également de  montrer  qu'en  Jésus  Christ  lui-même, se trouve l'accomplissement de toute authentique aspiration humaine. Chers jeunes de Rome, avancez donc avec confiance et courage sur la voie de la recherche de ce qui est vrai. Et vous, chers prêtres et éducateurs, n'hésitez pas à promouvoir une véritable "pastorale de l'intelligence" et, plus largement, de la personne, qui prenne au sérieux les questions des jeunes - tant les questions existentielles que celles qui naissent de la comparaison avec les formes de rationalité aujourd'hui diffuses - pour les aider à trouver des réponses chrétiennes valables et pertinentes  et  finalement  à s'approprier la réponse décisive qu'est le Seigneur Jésus Christ.

    

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16 août 2006 – Audience Générale

     Comment faire en sorte alors que ce signe lumineux d'espérance qu’est l’Assomption de Notre-Dame au Ciel, soit perçu toujours plus par nous tous et par la société d'aujourd'hui ? Aujourd'hui, il y a des personnes qui vivent comme si elles ne devaient jamais mourir ou comme si tout devait finir avec la mort ; certains agissent en pensant que l'homme est l'unique artisan de leur destin, comme si Dieu n'existait pas, en arrivant parfois même à nier qu'il y ait une place pour Lui dans notre monde. Les grandes victoires de la technique et de la science, qui ont considérablement amélioré la condition de l'humanité, laissent toutefois sans solution les questions les plus profondes de l'âme humaine. Seule l'ouverture au mystère de Dieu, qui est Amour, peut étancher la soif de vérité et de bonheur de notre coeur; seule la perspective de l'éternité peut conférer une valeur authentique aux événements historiques et surtout au mystère de la fragilité humaine, de la souffrance et de la mort.

     En contemplant Marie dans la gloire céleste, nous comprenons que pour nous aussi, la terre n'est pas la patrie définitive et que si nous vivons tournés vers les biens éternels, nous partagerons un jour sa gloire et la terre également deviendra plus belle. C'est pour cela que, même parmi les mille difficultés quotidiennes, nous ne devons pas perdre la sérénité, ni la paix. Le signe lumineux de l'Assomption de la Vierge au ciel resplendit encore plus lorsque semblent s'accumuler à l'horizon des ombres tristes de douleur et de violence. Nous en sommes certains:  d'en haut, Marie suit nos pas avec une douce inquiétude, elle nous réconforte à l'heure des ténèbres et de la tempête, elle nous rassure de sa main maternelle. Soutenus par cette conscience, nous poursuivons avec confiance notre chemin d'engagement chrétien là où la Providence nous conduit.

 

 

 

31 août 2006 – Avec les prêtres du diocèse d’Albano

     Le Baptême, sa préparation et l'engagement à donner une continuité aux consignes baptismales, nous met …déjà en contact avec ceux qui ne sont pas trop croyants. Ce n'est pas un travail, disons, pour conserver la chrétienté, mais une rencontre avec des personnes qui vont peut-être rarement à l'Eglise. L'engagement de préparer le Baptême, d'ouvrir les âmes des parents, de la famille, des parrains et des marraines, à la réalité du Baptême, peut déjà être et devrait être un engagement missionnaire, qui va bien au-delà des frontières des personnes déjà « fidèles ». En préparant le Baptême, nous essayons de faire comprendre que ce sacrement fait entrer dans la famille de Dieu, que Dieu est vivant, qu'il se préoccupe de nous. Il s'en préoccupe au point d'avoir assumé notre chair et d'avoir institué l'Eglise qui est son Corps, à travers laquelle il peut, pour ainsi dire, à nouveau s'incarner dans notre société. Le Baptême est une nouveauté de vie dans le sens où, outre le don de la vie biologique, nous avons besoin du don d'un sens pour la vie qui soit plus fort que la mort et qui perdure même si nos parents, un jour, ne sont plus là. Le don de la vie biologique se justifie uniquement si nous pouvons ajouter la promesse d'un sens stable, d'un avenir qui, même au cours des crises qui surgiront - et que nous ne pouvons pas connaître -, donnera une valeur à la vie, afin que cela vaille la peine de vivre, d'être des créatures…

     Comment transmettre aux personnes d'aujourd'hui la beauté du mariage ? Nous constatons que de nombreux jeunes tardent à se marier à l'église, car ils ont peur de l'aspect définitif du mariage. Ils tardent même à contracter un mariage civil. Le caractère définitif apparaît aujourd'hui à de nombreux jeunes, et également moins jeunes, comme un lien contre la liberté. Et leur premier désir est la liberté. Ils ont peur à la fin de ne pas y arriver. Ils voient tant de mariages qui échouent. Ils ont peur que cette forme juridique, telle qu'ils la perçoivent, soit un poids extérieur qui éteint l'amour.

     Il faut faire comprendre qu'il ne s'agit pas d'un lien juridique, d'un poids apporté par le mariage. Au contraire, la profondeur et la beauté résident précisément dans le caractère définitif. Ce n'est qu'ainsi que celui-ci peut faire mûrir l'amour dans toute sa beauté. Mais comment le transmettre ? Cela me semble un problème commun à nous tous.

     Pour moi, Valence … fut un moment important non seulement lorsque j'ai parlé de cela, mais lorsque se sont présentées devant moi diverses familles, plus ou moins nombreuses ; l'une d'entre elles était presque comme une « paroisse » avec tous ses enfants ! La présence, le témoignage de ces familles a été vraiment plus fort que toutes les paroles. Elles ont présenté avant tout la richesse de leur expérience familiale : comment une famille aussi grande devient réellement une richesse culturelle, une opportunité d'éducation des uns et des autres, une possibilité de faire vivre ensemble les diverses expressions de la culture d'aujourd'hui, le don et l'aide réciproque également dans la souffrance, etc. ... Mais le témoignage des crises qu'elles ont traversées a également été important. L'un de ces couples en était presque arrivé au divorce. Ils ont expliqué comment ils ont ensuite appris à vivre cette crise, cette souffrance de la différence de l'autre et à s'accepter à nouveau. C'est précisément en surmontant le moment de la crise, du désir de se séparer, que s'est développée une nouvelle dimension de l'amour et que s'est ouverte une porte sur une nouvelle dimension de la vie, qui ne pouvait s'ouvrir qu'en supportant la souffrance de la crise.

     Cela me semble très important. Aujourd'hui, on arrive à la crise au moment où l'on s'aperçoit de la différence des caractères, de la difficulté de se supporter chaque jour, pour toute la vie. A la fin, on décide alors de se séparer. Nous avons compris précisément à travers ces témoignages que c'est dans la crise, en traversant le moment où il semble que l'on n'en puisse plus, que s'ouvrent réellement de nouvelles portes et une nouvelle beauté de l'amour. Une beauté faite de seule harmonie n'est pas une véritable beauté. Il manque quelque chose, elle devient insuffisante. La véritable beauté a besoin également du contraste. L'obscurité et la lumière se complètent. Même le raisin a besoin pour mûrir non seulement de soleil, mais aussi de la pluie, non seulement du jour, mais aussi de la nuit.

     Nous-mêmes, prêtres, tant les jeunes que les adultes, devront apprendre la nécessité de la souffrance, de la crise. Nous devons supporter, transcender cette souffrance. Ce n'est qu'ainsi que la vie s'enrichit. Pour moi, le fait que le Seigneur porte éternellement les stigmates revêt une valeur symbolique. Expression de l'atrocité de la souffrance et de la mort, elles représentent à présent le sceau de la victoire du Christ, de toute la beauté de sa victoire et de son amour pour nous. Nous devons accepter, en tant que prêtres ou en tant qu'époux, la nécessité de supporter la crise de la différence, de l'autre, la crise dans laquelle il semble que l'on ne puisse plus demeurer ensemble. Les époux doivent apprendre ensemble à aller de l'avant, également par amour pour leurs enfants, et ainsi se connaître à nouveau, s'aimer à nouveau, d'un amour beaucoup plus profond, beaucoup plus vrai. C'est ainsi, en parcourant un long chemin, avec ses souffrances, que mûrit réellement l'amour.

     Il me semble que nous, les prêtres, pouvons également apprendre des époux, précisément de leurs souffrances et de leurs sacrifices. Nous pensons souvent que seul le célibat est un sacrifice. Mais, en connaissant les sacrifices des personnes mariées - pensons à leurs enfants, aux problèmes qui apparaissent, aux peurs, aux souffrances, aux maladies, à la rébellion, et également aux problèmes des premières années, lorsque les nuits sont presque toujours privées de sommeil à cause des pleurs des petits enfants - nous devons apprendre d'eux, de leurs sacrifices, notre propre sacrifice. Et apprendre ensemble qu'il est beau de mûrir dans les sacrifices et ainsi ½uvrer au salut des autres. …Le Concile, qui affirme que le mariage est un sacrement pour le salut des autres : avant tout pour le salut de l'autre, de l'époux, de l'épouse, mais également des petits, des enfants, et enfin de toute la communauté. Et de cette façon, le prêtre aussi mûrit dans la rencontre.

    Je pense alors que nous devons faire participer les familles. Les fêtes de la famille me semblent très importantes. A l'occasion des fêtes, il faut que la famille apparaisse, il faut qu'apparaisse la beauté des familles. Les témoignages également - bien qu'ils soient peut-être un peu trop à la mode - peuvent en certaines occasions être réellement une annonce, une aide pour nous tous.

     Pour conclure, il demeure très important pour moi que dans la Lettre de saint Paul aux Ephésiens, les noces de Dieu avec l'humanité à travers l'incarnation du Seigneur se réalisent sur la Croix, dans laquelle naît la nouvelle humanité, l'Eglise. Le mariage chrétien naît précisément dans ces noces divines. Il est, comme le dit saint Paul, la concrétisation sacramentelle de ce qui a lieu dans ce grand Mystère. Ainsi, nous devons sans cesse ré-apprendre ce lien entre la Croix et la Résurrection, entre la Croix et la beauté de la Rédemption, et nous insérer dans ce Sacrement. Prions le Seigneur afin qu'il nous aide à annoncer correctement ce Mystère, à vivre ce Mystère, à apprendre des époux comment ils le vivent, à nous aider à vivre la Croix, de façon à arriver également aux moments de la joie et de la Résurrection.
 

1er septembre 2006 – Sanctuaire de la Sainte Face de Manopello

     Que la Vierge, sur le visage de laquelle plus que dans toute autre créature l'on perçoit les traits du Verbe incarné, veille sur les familles et sur les paroisses, sur les villes et sur les nations du monde entier.

 

16 septembre 2006 – Aux membres d’un Congrès sur les cellules souches, à Castelgandolfo

     Quand la science s'applique au soulagement de la souffrance et quand, sur ce chemin, elle découvre de nouvelles ressources, elle se démontre deux fois riche d'humanité : pour l'effort d'ingéniosité investi dans la recherche et pour le bénéfice annoncé pour ceux qui sont affligés par la maladie. Ceux aussi qui fournissent des moyens financiers et encouragent les structures d'étude nécessaires participent au mérite de ce progrès sur la route de la civilisation. Je voudrais répéter en cette circonstance ce que j'ai eu l'occasion d'affirmer dans une récente Audience : « Le progrès peut être un progrès vrai seulement s'il sert à la personne humaine et si la personne humaine elle-même grandit ; si ne grandit pas seulement son pouvoir technique, mais grandit aussi sa capacité morale ». Dans cette lumière, aussi la recherche sur les cellules souches mérite d'être approuvée et encouragée lorsqu'elle conjugue heureusement le savoir scientifique, la technologie la plus avancée dans le domaine biologique et l'éthique, qui postule le respect de l'être humain à tous les stades de son existence. Les perspectives ouvertes par ce nouveau chapitre de la recherche sont en soi fascinantes, parce qu'elles laissent entrevoir la possibilité de soigner des maladies qui comportent la dégénérescence des tissus, avec les risques conséquents d'invalidité et de mort pour qui en est affecté.

     Comment ne pas sentir le devoir de louer ceux qui s'appliquent à cette recherche et ceux qui en soutiennent l'organisation et les coûts ? Je voudrais en particulier exhorter les structures scientifiques qui se réfèrent pour l'inspiration et pour l'organisation à l'Eglise Catholique à accroître ce type de recherche et à stabiliser de plus étroits contacts entre eux et ceux qui poursuivent de ces mêmes manières le soulagement de la souffrance humaine. Qu'il me soit permis aussi de revendiquer, face à de fréquentes et injustes accusations d'insensibilité adressées à l'Eglise, le constant soutient qu'elle a porté au cours de son histoire bimillénaire à la recherche du traitement des maladies et au bien de l'humanité. S'il y a eu résistance, et s'il y en a encore, elle concernait et concerne ces formes de recherche qui prévoient la suppression programmée d'êtres humains déjà existants, même si pas encore nés. Dans de telles circonstances, la recherche, laissant de coté les résultats d'utilité thérapeutique, ne se pose pas vraiment au service de l'humanité. De fait, elle passe à travers la suppression de vies humaines qui ont égale dignité et respect que les autres êtres humains, y compris les chercheurs. L'histoire elle-même a condamné dans le passé et condamnera dans le futur une telle science, non seulement parce qu'elle est privée de la lumière de Dieu, mais aussi parce qu'elle est privée d'humanité. Je voudrais répéter ici ce que j'ai écrit il y a quelque temps : « Ici, il y a un n½ud que nous ne pouvons pas contourner : personne ne peut disposer de la vie humaine. Il doit être établie une frontière infranchissable à nos possibilités de faire et d'expérimenter. L'homme n'est pas un objet dont nous pouvons disposer, mais chaque personne singulière, représente la présence de Dieu dans le monde ». (Joseph Ratzinger, Dio e il mondo, p 119)

     Face à la directe suppression de l'être humain il ne peut y avoir ni compromis ni tergiversations ; on ne peut pas penser qu'une société puisse combattre efficacement le crime, quand elle-même légalise le délit dans le cadre de la vie naissante. A l'occasion de récents Congrès de l'Académie Pontificale pour la Vie j'ai eu l'occasion de redire l'enseignement de l'Eglise, adressé à tous les hommes de bonne volonté, au sujet de la valeur humaine du néo-conçu, même quand il est regardé avant son implantation dans l'utérus. Le fait que, dans ce Congrès, vous ayez exprimé l'engagement et l'espérance d'obtenir de nouveaux résultats thérapeutiques utilisant les cellules du corps adulte sans recourir à la suppression d'être humains néo-conçus, et le fait que les résultats sont en train de récompenser votre travail, constituent une confirmation de la validité de la constante invitation de l'Eglise au plein respect de l'être humain depuis sa conception. Le bien de l'homme est va recherché non seulement dans les finalités universellement valides, mais aussi dans des méthodes utilisées pour y parvenir. Une bonne finalité ne peut jamais justifier des moyens intrinsèquement illicites. Il ne s'agit pas seulement d'un critère sain pour l'engagement des ressources économiques limitées, mais aussi, et surtout, le respect des droits fondamentaux de l'homme, dans le secteur même de la recherche scientifique.

     A votre effort, certainement soutenu par Dieu qui agit en chaque homme de bonne volonté et agit pour le bien de tous, je souhaite qu'Il vous concède la joie de la découverte de la vérité, la sagesse dans la considération et dans le respect de chaque être humain, et le succès dans la recherche de remèdes efficaces à la souffrance humaine. En gage de ces v½ux, je vous donne à tous, à vos collaborateurs et familles, comme aussi aux patients vers qui iront vos ressources et le fruit de votre travail, une affectueuse bénédiction, avec l'assurance d'un souvenir spécial dans ma prière.

 

 

 

23 septembre 2006 – Aux Évêques du Tchad en Visite Ad Limina 

     Parmi les défis pastoraux à relever, se trouve l'urgence de proclamer la vérité intégrale sur le mariage et sur la famille. Il est en effet primordial de montrer que l'institution du mariage contribue au véritable développement des personnes et de la société, et permet d'assurer la dignité, l'égalité et la véritable liberté de l'homme et de la femme, ainsi que la croissance humaine et spirituelle des enfants. «Créés l'un et l'autre à la ressemblance de Dieu, l'homme et la femme, quoique différents, sont essentiellement égaux du point de vue de l'humanité» (Ecclesia in Africa, n. 82). Une sérieuse formation des jeunes favorisera un renouveau de la pastorale familiale et contribuera à lever les difficultés d'ordre social, culturel ou économique qui, pour de nombreux fidèles, sont des obstacles au mariage chrétien. Tout en préservant les valeurs essentielles de la famille …, puissent les jeunes de votre pays accueillir dans leur vie la beauté et la grandeur du mariage chrétien qui, dans son unicité, suppose un amour indissoluble et fidèle des époux.

 

 

 

25 septembre 2006 - Intégralité du Discours du Pape Benoit XVI aux Ambassadeurs des pays à majorité musulmane, accrédités près le Saint Siège
      Je suis profondément convaincu que, dans la situation que connaît le monde aujourd'hui, il est impératif que chrétiens et musulmans s'engagent ensemble pour faire face aux nombreux défis qui se présentent à l'humanité, notamment pour ce qui concerne la défense et la promotion de la dignité de l'être humain ainsi que des droits qui en découlent. Alors que grandissent les menaces contre l'homme et contre la paix, en reconnaissant le caractère central de la personne, et, en travaillant avec persévérance pour que sa vie soit toujours respectée, chrétiens et musulmans manifestent leur obéissance au Créateur, qui veut que tous vivent dans la dignité qu'il leur a donnée.

 

 

28 septembre 2006 – Au nouvel Ambassadeur d’Allemagne près le Saint-Siège

     Comme dans chaque nation, en Allemagne également, la relation entre l'Etat et l'Eglise est étroitement liée à la législation. C'est la raison pour laquelle le Saint-Siège suit avec un vif intérêt les développements et les tendances dans la Fédération et les Länder. Dans le cadre de cette intervention, je ne peux souligner que certains domaines jugés importants par l'Eglise catholique à qui, comme je l'ai déjà dit, tiennent à c½ur avant tout l'homme et son salut. Je cite en premier lieu la Protection du mariage et de la famille, qui est reconnue par la Loi fondamentale, mais qui est menacée d'une part par le changement d'interprétation de l'union matrimoniale qui est présente dans l'opinion publique et, d'autre part, par de nouvelles formes prévues par le législateur, qui s'éloignent de celle de la famille naturelle. L'interruption de grossesse, qui est absolument injustifiable et qui coûte la vie, comme cela a toujours été le cas, à de nombreux enfants innocents, demeure une préoccupation douloureuse pour le Saint-Siège et pour toute l'Eglise. Sans doute le débat actuel des responsables politiques sur les interruptions de grossesse à un stade avancé peut renforcer la conscience du fait que le diagnostic d'handicap chez l'enfant ne peut être un motif pour avorter, car la vie avec un handicap est elle aussi voulue et appréciée par Dieu et parce que personne sur cette terre ne peut jamais avoir la certitude de vivre sans limites physiques ou spirituelles. C'est pourquoi l'Eglise ne se lassera jamais d'indiquer aux Institutions européennes spécialisées et aux nations les problèmes éthiques contenus dans le cadre de la recherche sur les cellules-souches embryonnaires et ce que l'on appelle les "nouvelles thérapies

 

29 septembre 2006 – Aux Evêques du Malawi en Visite Ad Limina

     La diffusion du SIDA augmente en raison de l'incapacité à rester fidèles à un unique partenaire dans le mariage ou à pratiquer l'abstinence ; le droits des femmes, des enfants et des enfants à naître sont violés de manière cynique par le trafic d'êtres humains, par la violence domestique et par ceux qui défendent l'avortement. Ne cessez jamais de proclamer la vérité, et insistez sur celle-ci "à temps et à contretemps" (2 Tm 4, 2) car "la vérité vous libérera" (Jn 8, 32). Le Bon Pasteur, qui ne laisse jamais son troupeau sans gardien, veille sur ses brebis et les protège toujours. Suivant son exemple, continuez à guider votre peuple loin des dangers qui le menacent et conduisez-le vers des pâturages sûrs. Je prie afin que votre peuple suive vos conseils dans le but de renouveler le visage de la Terre (cf. Ps 104, 30) et que l'Esprit de Dieu puisse vraiment conserver l'unité de votre nation dans le lien de la paix (cf. Ep 4, 3).

 

 

19 octobre 2006 – Discours au Congrès de l’Eglise Italienne, à Verona

     L’Italie participe à cette culture qui prédomine en Occident et qui voudrait se poser comme universelle et autosuffisante, engendrant un nouveau mode de vie. Il en dérive une nouvelle vague d'illuminisme et de laïcisme, pour laquelle ne serait rationnellement valable que ce qui peut être expérimenté et calculable, alors que sur le plan de la pratique de la liberté individuelle elle est érigée comme valeur fondamentale à laquelle toutes les autres devraient se soumettre. Ainsi, Dieu reste exclu de la culture et de la vie publique, et la foi en Lui devient plus difficile, également parce que nous vivons dans un monde qui se présente presque toujours comme notre ½uvre, dans lequel, pour ainsi dire, Dieu n'apparaît plus directement, semble devenir superflu, voire même étranger. En étroite relation avec tout cela, a lieu une réduction radicale de l'homme, considéré comme un simple produit de la nature, et comme tel n'étant pas réellement libre, et en soi susceptible d'être traité comme tout autre animal. On a ainsi un authentique renversement du point de départ de cette culture, qui était une revendication du caractère central de l'homme et de sa liberté. Dans la même optique, l'éthique est ramenée entre les limites du relativisme et de l'utilitarisme, en excluant tout principe moral qui soit valable et contraignant en lui-même. Il n'est pas difficile de voir que ce type de culture représente non seulement une rupture radicale et profonde non seulement avec le christianisme, mais de manière plus générale avec les traditions religieuses et morales de l'humanité : elle n'est donc pas en mesure d'instaurer un véritable dialogue avec les autres cultures, dans lesquelles la dimension religieuse est fortement présente, et ne peut pas non plus répondre aux questions fondamentales sur le sens et sur la direction de notre vie. Cette culture est donc marquée par une carence profonde, mais également par un grand besoin d'espérance inutilement caché…

 

     A la base du fait d'être chrétien - et donc à l'origine de notre témoignage de croyants - il n'y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec la Personne de Jésus Christ, «qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive» (Deus Caritas Est, 1). La fécondité de cette rencontre se manifeste aussi, de manière particulière et créative, dans le contexte humain et culturel actuel, tout d'abord en relation avec la raison qui a donné vie aux sciences modernes et aux technologies qui en dérivent. Une caractéristique fondamentale de ces dernières est en effet l'emploi systématique des instruments des mathématiques, afin de pouvoir ½uvrer avec la nature et mettre ses immenses énergies à notre service. Les mathématiques comme telles sont une création de notre intelligence : la correspondance entre leurs structures et les structures réelles de l'univers - qui est le présupposé de tous les développements scientifiques et technologiques modernes, déjà expressément formulé par Galileo Galilei avec sa célèbre affirmation que le livre de la nature est écrit en langage mathématiques - suscite notre admiration et pose une grande question. Cela implique en effet que l'univers lui-même est structuré de manière intelligente, de manière à ce qu'il existe une correspondance profonde entre notre raison subjective et la raison objective de la nature. Il devient alors inévitable de se demander s'il n'existe pas une unique intelligence originelle, qui est la source commune de l'une et de l'autre. Ainsi, c'est précisément la réflexion sur le développement des sciences qui nous ramène vers le Logos créateur. La tendance à accorder la primauté à l'irrationnel, au hasard et à la nécessité, et à ramener à celui-ci également notre intelligence et notre liberté, est ainsi renversée. Sur ces bases, il devient également à nouveau possible d'élargir les horizons de notre rationalité, de l'ouvrir à nouveau aux grandes questions du vrai et du bien, de conjuguer entre elles la théologie, la philosophie et les sciences, dans le plein respect de leurs propres méthodes et de leur autonomie réciproque, mais également en ayant conscience de l'unité intrinsèque qui les relie. C'est une tâche qui nous revient, une aventure fascinante dans laquelle il vaut la peine de s'engager, pour donner un nouvel élan à la culture de notre temps et pour restituer, en celle-ci, sa pleine citoyenneté à la foi chrétienne..

 

     Pour que l'expérience de la foi et de l'amour chrétien soit accueillie et vécue et se transmette d'une génération à l'autre, l'éducation de la personne est une question fondamentale et décisive. Il faut se préoccuper de la formation de son intelligence, sans négliger celle de sa liberté et sa capacité d'aimer. Et pour cela, il est nécessaire de recourir aussi à l'aide de la Grâce. C'est uniquement de cette manière que l'on pourra contrer efficacement ce risque pesant sur le destin de la famille humaine qui réside dans le déséquilibre entre la croissance si rapide de notre pouvoir technique et la croissance bien plus laborieuse de nos ressources morales. Une éducation véritable doit réveiller le courage des décisions définitives, qui sont aujourd'hui considérées comme un lien qui porte atteinte à notre liberté, mais qui en réalité sont indispensables pour grandir et parvenir à quelque chose de grand dans la vie, en particulier pour faire mûrir l'amour dans toute sa beauté : et donc pour donner consistance et signification à la liberté elle-même. C'est de la sollicitude pour la personne humaine et sa formation que viennent nos «non» à des formes affaiblies et déviées d'amour et aux contrefaçons de la liberté, ainsi qu'à la réduction de la raison uniquement à ce qui est calculable et manipulable. En vérité, ces «non» sont plutôt des «oui» à l'amour authentique, à la réalité de l'homme comme il a été créé par Dieu…

 

     Une attention particulière et un extraordinaire engagement sont exigés aujourd'hui par ces grands défis dans lesquels de larges portions de la famille humaine sont davantage en danger : les guerres et le terrorisme, la faim et la soif, certaines épidémies terribles. Mais il faut également faire face avec tout autant de détermination et de clarté d'intention, au risque de choix politiques et législatifs qui contredisent des valeurs fondamentales et des principes anthropologiques et éthiques enracinés dans la nature de l'être humain, en particulier en ce qui concerne la protection de la vie humaine dans toutes ses phases, de la conception à la mort naturelle, et la promotion de la famille fondée sur le mariage, en évitant d'introduire dans l'ordre public d'autres formes d'union qui contribueraient à la déstabiliser, en occultant son caractère particulier et son irremplaçable rôle social. Le témoignage ouvert et courageux que l'Eglise et les catholiques italiens ont donné et donnent actuellement à cet égard sont un service précieux rendu à l'Italie, utile et stimulant également pour de nombreuses autres nations. Cet engagement et ce témoignage font assurément part de ce grand «oui» que, en tant que chrétiens, nous disons à l'homme aimé de Dieu.

 

 

21 octobre 2006 – Discours à l’Université Pontificale du Latran

     Tout homme, est appelé à donner un sens à son action surtout lorsque celle-ci se place dans la perspective d'une découverte scientifique qui invalide l'essence même de la vie personnelle. Se laisser entraîner par le goût de la découverte sans sauvegarder les critères qui viennent d'une vision plus profonde ferait facilement verser dans le drame dont parlait le mythe antique : le jeune Icare, pris par le goût du vol vers la liberté absolue et inattentif aux avertissements de son vieux père Dédale, s'approche toujours davantage du soleil, en oubliant que les ailes avec lesquelles il s'est élevé vers le ciel sont de cire. La terrible chute et la mort sont le tribut qu'il paie à cette illusion. La fable antique contient une leçon d'une valeur éternelle. Dans la vie il y a bien d'autres illusions à laquelle on ne peut se fier, sans risquer des conséquences désastreuses pour sa propre existence et celle des autres.

26 octobre 2006 – Au nouvel Ambassadeur de Belgique près le Saint-Siège

     Un défi concerne l'avenir de l'homme et son identité. Les immenses progrès de la technique ont bousculé bien des pratiques dans le domaine des sciences médicales, tandis que la libéralisation des m½urs a considérablement relativisé des normes qui paraissaient intangibles. De ce fait, dans les sociétés occidentales caractérisées de plus par la surabondance des biens de consommation et par le subjectivisme, l'homme est affronté à une crise de sens. Dans un certain nombre de pays, on voit en effet apparaître des législations nouvelles qui remettent en cause le respect de la vie humaine de sa conception jusqu'à sa fin naturelle, au risque de l'utiliser comme un objet de recherche et d'expérimentation, portant ainsi gravement atteinte à la dignité fondamentale de l'être humain. Se fondant sur sa longue expérience et sur le trésor de la Révélation qu'elle a reçu en dépôt pour le partager, l'Église entend rappeler avec force ce qu'elle croit à propos de l'homme et de sa prodigieuse destinée, donnant à chacun la clé de lecture de l'existence et des raisons d'espérer. …Quand les Évêques de Belgique plaident en faveur du développement des soins palliatifs, afin de permettre à ceux qui le désirent de mourir dans la dignité, ou quand ils interviennent dans les débats de la société, pour rappeler qu'il existe «une frontière morale invisible devant laquelle le progrès technique doit s'incliner : la dignité de l'homme» (Déclaration des Évêques de Belgique, Dignité de l'enfant et technique médicale), ils entendent servir la société tout entière en indiquant les conditions d'un véritable avenir de liberté et de dignité pour l'homme. Avec eux, j'invite les responsables politiques qui sont chargés d'établir les lois pour le bien de tous à mesurer avec gravité la responsabilité qui est la leur et les enjeux de ces questions d'humanité.

 

 

3 novembre 2006 – A l’Université Pontificale Grégorienne

     Privé de sa référence à Dieu, l'homme ne peut pas répondre aux questions fondamentales qui agitent et agiteront toujours son c½ur à propos du but et donc du sens de son existence. En conséquence, il n'est pas non plus possible d'introduire dans la société ces valeurs éthiques qui seules peuvent garantir une coexistence digne de l'homme. Le destin de l'homme sans sa référence à Dieu ne peut être que la désolation de l'angoisse qui conduit au désespoir. Ce n'est qu'en référence au Dieu-Amour, qui s'est révélé en Jésus Christ, que l'homme peut trouver le sens de son existence et vivre dans l'espérance, même dans l'expérience des maux qui blessent son existence personnelle et la société dans laquelle il vit. L'espérance a pour effet que l'homme ne se referme pas dans un nihilisme paralysant et stérile, mais qu'il s'ouvre à un engagement généreux dans la société dans laquelle il vit afin de pouvoir l'améliorer. C'est la tâche que Dieu a confiée à l'homme en le créant à son image et à sa ressemblance, une tâche qui remplit chaque homme de la plus grande dignité, mais également d'une immense responsabilité

 

 

6 novembre 2006 – A l’Assemblée Plénière de l’Académie Pontificale des Sciences

     L'influence des scientifiques sur la formation de l'opinion publique à partir de leur connaissance est trop importante pour être amoindrie par une hâte inopportune ou par la recherche d'une publicité superficielle. … L'Eglise a reçu de son divin Fondateur la tâche de guider la conscience des personnes vers le bien, la solidarité et la paix. C'est précisément pour cette raison qu'elle considère comme de son devoir d'insister sur le fait que la capacité de la science à prévoir et à contrôler ne soit jamais utilisée contre la vie humaine et sa dignité, mais qu'elle soit toujours mise au service de la génération présente et des générations futures.

 

12 novembre 2006 - Angelus

    Dans nos familles chrétiennes, on enseigne aux enfants à toujours rendre grâce au Seigneur, avant de se nourrir, par une brève prière et le signe de la croix. Cette habitude doit être conservée ou redécouverte, car elle apprend à ne pas considérer le « pain quotidien » comme quelque chose d'acquis, mais à y reconnaître le don de la Providence. Nous devrions nous habituer à bénir le Créateur pour toute chose: pour l'air et l'eau; éléments précieux qui sont le fondement de la vie sur notre planète; ainsi que pour les aliments que, à travers la fécondité de la terre, Dieu nous offre pour notre survie. Jésus a enseigné à prier à ses disciples, en demandant au Père céleste non pas « mon », mais « notre » pain quotidien. Il a voulu ainsi que chaque homme se sente co-responsable de ses frères, afin que ne manque à personne le nécessaire pour vivre. Les produits de la terre sont un don destiné par Dieu « à toute la famille humaine »…

     Toute personne et toute famille peut et doit cependant faire quelque chose pour soulager la faim dans le monde en adoptant un style de vie et de consommation compatible avec la sauvegarde de la création et avec les critères de justice envers ceux qui cultivent la terre dans tous les pays.

 

 

 

13 novembre 2006 - Au nouvel Ambassadeur du Japon près le Saint-Siège

      Je salue très cordialement le peuple japonais, lui souhaitant de poursuivre son développement humain et spirituel, dans le respect de la dignité de la personne humaine …

 

  Comme on le sait, et l'expérience ne cesse de le démontrer, la violence ne peut jamais être une réponse juste aux problèmes des sociétés, car elle détruit la dignité, la vie et la liberté de l'homme, qu'elle prétend défendre.

 

 

 

 

20 novembre 2006 – Au Président de la République Italienne, en Visite d’Etat au Vatican

     La liberté religieuse est …un droit non seulement de l'individu, mais également de la famille, des groupes religieux et de l'Eglise elle-même (cf. Dignitatis humanae, nn. 4-5.13) et l'exercice de ce droit a une influence sur de nombreux domaines et situations où le croyant peut se trouver et agir…

 

     Les fidèles laïcs … en agissant en toute responsabilité et en faisant usage du droit de participation à la vie publique, s'engagent avec les autres membres de la société à "construire un ordre juste dans la société" (Dignitatis Humanae). Par ailleurs, dans leur action, ils s'appuient sur "des valeurs fondamentales et des principes anthropologiques et éthiques enracinés dans la nature de l'être humain" (ibid.), également reconnaissable à travers le juste usage de la raison. Ainsi, lorsqu'ils s'engagent par la parole et par l'action à affronter les grands défis actuels, représentés par les guerres et par le terrorisme, par la faim et par la soif, par l'extrême pauvreté de tant d'êtres humains, par certaines épidémies terribles, mais aussi par la protection de la vie humaine à toutes ses étapes, de la conception à la mort naturelle, et par la promotion de la famille, fondée sur le mariage et première responsable de l'éducation, ils n'agissent pas dans leur propre intérêt particulier ou au nom de principes perceptibles uniquement par ceux qui professent une croyance religieuse déterminée: ils le font au contraire dans le contexte et selon les règles de la coexistence démocratique, pour le bien de toute la société et au nom de valeurs que toute personne ayant une juste sensibilité peut partager.

 

 

10 décembre 2006 – Homélie consécration de l’église paroissiale Sainte Marie Etoile de l’Evangélisation

     Dans notre contexte social largement sécularisé, la paroisse est surtout un phare qui fait rayonner la lumière de la foi et qui vient ainsi à la rencontre des désirs les plus profonds et vrais du c½ur de l'homme, donnant une signification et de l'espérance à la vie des personnes et des familles.

 

       De même que l'homme et la femme, dans leur amour, deviennent "une seule chair", ainsi le Christ et l'humanité rassemblée dans l'Eglise deviennent, à travers l'amour du Christ, "un seul esprit" (cf. 1 Co 6, 17, Ep 5, 29sq).

 

 

14 décembre 2006 - Au nouvel Ambassadeur du Lésotho
    
La plaie du SIDA, qui frappe plusieurs millions de personnes … a apporté d'indicibles souffrances …. Soyez assuré de la profonde préoccupation de l'Eglise catholique en vue de faire tout son possible pour soulager toutes les personnes frappées par cette cruelle maladie, ainsi que leurs familles. Dans les visages des personnes malades et mourantes, les chrétiens reconnaissent le visage du Christ, et c'est lui que nous servons lorsque nous apportons notre aide et notre réconfort aux personnes qui souffrent (cf. Mt 25, 31-40). Dans le même temps, il est d'une importance vitale de transmettre le message selon lequel la fidélité au sein du mariage et l'abstinence en dehors du mariage sont les meilleurs moyens d'éviter l'infection et de mettre un terme à la diffusion du virus. En effet, les valeurs qui découlent d'une compréhension authentique du mariage et de la vie de famille constituent la seule base sûre pour une société stable.

 

 

14 décembre 2006  - Au nouvel Ambassadeur d'Ouganda
     Votre pays, situé au c½ur de la Région des Grands Lacs, partage un grand nombre des caractéristiques présentes dans la culture africaine. Certaines de ces merveilleuses valeurs viennent naturellement à l'esprit: le respect qui devrait être porté à toute vie humaine, de sa conception à sa mort naturelle, la place de la famille en tant que pierre d'angle de la société; et un sens transcendant du sacré. …
 

     La collaboration entre l'Eglise et la société civile a produit de nombreux fruits bénis en Ouganda, en particulier … dans la lutte contre le HIV/SIDA, où les statistiques confirment la valeur concrète d'une politique de prévention fondée sur l'abstinence et la promotion de la fidélité au sein du mariage. Je souhaite sincèrement que le peuple d'Ouganda continue à recevoir des bénéfices croissants de ce soutien.

14 décembre 2006 - Au nouvel Ambassadeur du Mozambique 
     L'activité diplomatique de l'Eglise fait partie de sa mission de service à la Communauté internationale. Elle vise de façon explicite à promouvoir la dignité de la personne humaine et à encourager la paix et l'harmonie au sein des nations et entre les peuples du monde. Ces conditions essentielles pour progresser dans la réalisation d'un développement authentique trouvent leur signification la plus profonde dans l'ordre moral établi par Dieu, qui cherche à attirer tous les hommes et les femmes à la plénitude de sa vie. C'est pour cette raison que le Saint-Siège s'exprime avec tant d'insistance et de ténacité en faveur du respect des personnes, de l'importance vitale de la famille comme cellule de base et vitale de la société, et de la nécessité d'une bonne gouvernance qui garantisse la promotion des droits humains fondamentaux et des aspiration légitimes.
 

     Tout au long des générations, les cultures africaines ont célébré avec une grande joie la place du mariage au c½ur de la société. Comme introduction aux lois sur la famille, votre gouvernement a voulu protéger cette vérité et cette valeur fondamentale qui demeurent la base de toutes les civilisations. Toutefois, on trouve encore sur le continent africain des tendances à vider le mariage de son contenu. L'institution du mariage, établie par le Créateur avec une nature et une finalité propres, est préservée par le droit moral naturel, et ne peut être modifiée pour satisfaire les intérêts de groupes particuliers. Le mariage implique nécessairement une complémentarité entre le mari et la femme qui participent à l'½uvre de création de Dieu à travers le fait d'engendrer des enfants. C'est pourquoi les époux garantissent la survie de la société et de la culture et, … méritent à juste titre la reconnaissance spécifique de l'Etat.

 

 

14 décembre 2006 - Au nouvel Ambassadeur du Danemark
    La communauté catholique … désire jouer son rôle, en coopérant avec les autres croyants chrétiens … en ce qui concerne le rôle et la mission fondamentaux de la famille fondée sur le mariage, l'éducation des enfants, le respect pour le don de la vie provenant de Dieu, de la conception à la mort naturelle, et pour la protection responsable de l'environnement.
 

 

 

25 décembre 2006 – Message Urbi et Orbi de Noel

     Mais, pour l'homme du troisième millénaire, un «Sauveur» a-t-il encore une valeur et un sens ? Un «Sauveur» est-il encore nécessaire pour l'homme qui a rejoint la Lune et Mars, et qui se prépare à conquérir l'univers; pour l'homme qui recherche sans limites les secrets de la nature et qui réussit même à déchiffrer les codes prodigieux du génome humain ? …L'homme du vingt et unième siècle se présente comme l'artisan de son destin, sûr de lui et autosuffisant, comme l'auteur enthousiaste d'indiscutables succès.

         

     Cela semble être ainsi, mais ce n'est pas le cas. En ce temps d'abondance et de consommation effrénée, on meurt encore de faim et de soif, de maladie et de pauvreté. Il y a aussi l'être humain réduit en esclavage, exploité et offensé dans sa dignité; celui qui est victime de la haine raciale et religieuse, et qui, dans la libre profession de sa foi, est entravé par des intolérances et des discriminations, par des ingérences politiques et des pressions physiques ou morales. Il y a celui qui voit son corps et le corps de ses proches, tout particulièrement des enfants, mutilés par l'utilisation des armes, par le terrorisme et par toute sorte de violence, à une époque où tous invoquent et revendiquent le progrès, la solidarité et la paix pour tous. Et que dire de la personne qui, privée d'espérance, est contrainte de laisser sa maison et sa patrie, pour chercher ailleurs des conditions de vie dignes de l'homme ? Que faire pour aider la personne qui, trompée par des prophètes de bonheur facile, celle qui, fragile sur le plan relationnel et incapable d'assumer des responsabilités stables pour sa vie présente et pour son avenir, en arrive à marcher dans le tunnel de la solitude et finit souvent esclave de l'alcool ou de la drogue? Que penser de celle qui choisit la mort en croyant chanter un hymne à la vie ?

     Comment ne pas voir que c'est justement du fond de l'humanité avide de jouissance et désespérée que s'élève un cri déchirant d'appel à l'aide ?

 

     Malgré les nombreuses formes de progrès, l'être humain est resté ce qu'il est depuis toujours : une liberté tendue entre bien et mal, entre vie et mort. C'est précisément là, au plus intime de lui-même, dans ce que la Bible nomme le «c½ur», qu'il a toujours besoin d'être «sauvé». Et, à notre époque post moderne, il a peut-être encore plus besoin d'un Sauveur, parce que la société dans laquelle il vit est devenue plus complexe et que les menaces qui pèsent sur son intégrité personnelle et morale sont devenues plus insidieuses. Qui peut le défendre sinon Celui qui l'aime au point de sacrifier son Fils unique sur la croix comme Sauveur du monde ?
 

     Le Christ est le Sauveur aussi de l'homme d'aujourd'hui. Qui fera entendre en tout point de la Terre, de manière crédible, ce message d'espérance? Qui s'emploiera pour que soit reconnu, protégé et promu le bien intégral de la personne humaine, qui est une condition de la paix, respectant tout homme et toute femme dans sa propre dignité ?

 

 

31 décembre 2006 - Angelus

     Dans l'Evangile nous ne trouvons pas de discours sur la famille, mais un événement qui vaut davantage que toute parole : Dieu a voulu naître et grandir dans une famille humaine. De cette manière, il l'a consacrée comme voie première et ordinaire de sa rencontre avec l'humanité. Dans la vie passée à Nazareth, Jésus a honoré la Vierge Marie et le juste Joseph, en demeurant soumis à leur autorité pendant toute la période de son enfance et de son adolescence (cf. Lc 2, 51-52). De cette manière, il a mis en lumière la valeur primordiale de la famille dans l'éducation de la personne. Par Marie et Joseph, Jésus a été introduit dans la communauté religieuse, en fréquentant la synagogue de Nazareth. Avec eux, il a appris à faire le pèlerinage de Jérusalem…. Lorsqu'il eut douze ans, il demeura dans le Temple, et ses parents mirent trois jours à le retrouver. Par ce geste, il leur fit comprendre qu'il devait « être aux affaires de son Père », c'est-à-dire s'occuper de la mission que Dieu lui avait confiée (cf. Lc 2, 41-52).

 

         Cet épisode évangélique révèle la vocation la plus authentique et la plus profonde de la famille : c'est-à-dire celle d'accompagner chacun de ses membres sur le chemin de la découverte de Dieu et du dessein qu'Il a préparé à son égard. Marie et Joseph ont éduqué Jésus avant tout par leur exemple : à travers ses parents, Jésus a connu toute la beauté de la foi, de l'amour pour Dieu et pour sa Loi, ainsi que les exigences de la justice, qui trouve son plein accomplissement dans l'amour (cf. Rm 13, 10). Il a appris d'eux qu'il faut en premier lieu accomplir la volonté de Dieu, et que le lien spirituel vaut plus que celui du sang. La Sainte Famille de Nazareth est vraiment le « prototype » de toute famille chrétienne qui, unie dans le Sacrement du mariage et nourrie par la Parole et l'Eucharistie, est appelée à réaliser l'extraordinaire vocation et mission d'être une cellule vivante non seulement de la société, mais de l'Eglise, signe et instrument d'unité pour tout le genre humain.

     Invoquons à présent ensemble la protection de la Très Sainte Vierge Marie et de saint Joseph pour toutes les familles, en particulier pour celles qui connaissent des difficultés. Qu'ils les soutiennent afin qu'elles sachent résister aux poussées destructrices d'une certaine culture contemporaine, qui mine les bases mêmes de l'institution familiale. Qu'ils aident les familles chrétiennes à être, dans toutes les parties du monde, un image vivante de l'amour de Dieu
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

publié le : 08 janvier 2025

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