Benoît XVI de A à Z

Italie

2005



24 juin 2005 - Au Président de la République d'Italie
Je désire …vous remercier et, à travers vous, remercier le Peuple italien pour l'accueil chaleureux qu'il m'a réservé dès le premier jour de mon service pastoral en tant qu'Evêque de Rome et Pasteur de l'Eglise universelle. Pour ma part, j'assure tout d'abord la population romaine, et également toute la Nation italienne, de mon engagement à travailler avec toutes les forces pour le bien religieux et civil de ceux que le Seigneur a confiés à mes soins pastoraux…

L'annonce de l'Evangile, que je suis appelé à apporter à Rome et à l'Italie en communion avec les Evêques italiens, est non seulement au service de la croissance du Peuple italien dans la foi et dans la vie chrétienne, mais également de son progrès sur les voies de la concorde et de la paix…..

… J'ai à coeur de vous assurer, Monsieur le Président, ainsi qu'à tout le Peuple italien, que l'Eglise désire conserver et promouvoir un esprit de collaboration et d'entente cordial au service de la croissance spirituelle et morale du pays, auquel elle est liée par des liens très particuliers, qu'il serait gravement nuisible, non seulement pour elle mais également pour l'Italie, de tenter d'affaiblir et de briser. La culture italienne est une culture profondément imprégnée de valeurs chrétiennes, comme il ressort des splendides chefs-d'oeuvre que la nation a produits dans tous les domaines de la pensée et de l'art. Mon souhait est que non seulement le Peuple italien ne renie pas l'héritage chrétien qui appartient à son histoire, mais qu'il le conserve jalousement et l'amène à porter encore des fruits dignes du passé. Je suis assuré que l'Italie, sous la direction sage et exemplaire de ceux qui sont appelés à la gouverner, continuera à accomplir dans le monde la mission civilisatrice dans laquelle elle s'est profondément distinguée au cours des siècles. En vertu de son histoire et de sa culture, l'Italie peut apporter une contribution très précieuse en particulier à l'Europe, en l'aidant à redécouvrir les racines chrétiennes qui lui ont conféré sa grandeur par le passé et qui peuvent aujourd'hui encore favoriser l'unité profonde du continent. …

… Monsieur le Président, comme vous pouvez bien le comprendre, de nombreuses préoccupations accompagnent le début de mon service pastoral sur la Chaire de Pierre. Parmi celles-ci, je voudrais en signaler certaines qui, en raison de leur caractère universellement humain, ne peuvent qu'intéresser également ceux qui ont la responsabilité du bien public. J'entends faire allusion au problème de la protection de la famille fondée sur le mariage, telle qu'elle est également reconnue par la Constitution italienne (art. 29), au problème de la défense de la vie humaine, de sa conception jusqu'à son terme naturel, et enfin, au problème de l'éducation et donc de l'école, terrain d'entraînement indispensable pour la formation des nouvelles générations. L'Eglise, habituée à sonder la volonté de Dieu inscrite dans la nature même de la créature humaine, voit dans la famille une valeur très importante qui doit être défendue de toute attaque visant à en miner la solidité et à remettre en question son existence elle-même. De plus, l'Eglise reconnaît dans la vie humaine un bien primordial, présupposé de tous les autres biens, et elle demande donc que celle-ci soit respectée, à son début comme à son terme, tout en soulignant le devoir de soins palliatifs adaptés rendant la mort plus humaine. Quant à l'école, sa fonction est liée à la famille comme expansion naturelle de la tâche de formation de cette dernière. A ce propos, tout en reconnaissant la compétence de l'Etat à dicter les normes générales de l'instruction, je ne peux qu'exprimer le voeu que soit respecté concrètement le droit des parents à un libre choix éducatif, sans devoir supporter pour cela le poids supplémentaire de nouveaux frais. J'ai l'assurance que les législateurs italiens, dans leur sagesse, sauront apporter aux problèmes qui viennent d'être évoqués des solutions "humaines", c'est-à-dire respectueuses des valeurs inviolables qui sont en jeu.



2006



19 octobre 2006 - Discours au Congrès de l'Eglise d'Italie, à Verona
L'Italie d'aujourd'hui se présente à nous comme un terrain ayant de profonds besoins et, dans le même temps, très favorable pour un tel témoignage. Ayant de profonds besoins, parce qu'elle participe à cette culture qui prédomine en Occident et qui voudrait se poser comme universelle et autosuffisante, engendrant un nouveau mode de vie. Il en dérive une nouvelle vague d'illuminisme et de laïcisme, pour laquelle ne serait rationnellement valable que ce qui peut être expérimenté et calculable, alors que sur le plan de la pratique de la liberté individuelle elle est érigée comme valeur fondamentale à laquelle toutes les autres devraient se soumettre. Ainsi, Dieu reste exclu de la culture et de la vie publique, et la foi en Lui devient plus difficile, également parce que nous vivons dans un monde qui se présente presque toujours comme notre oeuvre, dans lequel, pour ainsi dire, Dieu n'apparaît plus directement, semble devenir superflu, voire même étranger. En étroite relation avec tout cela, a lieu une réduction radicale de l'homme, considéré comme un simple produit de la nature, et comme tel n'étant pas réellement libre, et en soi susceptible d'être traité comme tout autre animal. On a ainsi un authentique renversement du point de départ de cette culture, qui était une revendication du caractère central de l'homme et de sa liberté. Dans la même optique, l'éthique est ramenée entre les limites du relativisme et de l'utilitarisme, en excluant tout principe moral qui soit valable et contraignant en lui-même. Il n'est pas difficile de voir que ce type de culture représente non seulement une rupture radicale et profonde non seulement avec le christianisme, mais de manière plus générale avec les traditions religieuses et morales de l'humanité : elle n'est donc pas en mesure d'instaurer un véritable dialogue avec les autres cultures, dans lesquelles la dimension religieuse est fortement présente, et ne peut pas non plus répondre aux questions fondamentales sur le sens et sur la direction de notre vie. Cette culture est donc marquée par une carence profonde, mais également par un grand besoin d'espérance inutilement caché.

Cependant l'Italie, comme je le disais, constitue en même temps un terrain très favorable au témoignage chrétien. En effet, l'Eglise est ici une réalité très vivante, qui conserve une présence ramifiée au sein des populations de tous les âges et de toutes les conditions. Les traditions chrétiennes sont encore souvent enracinées et continuent à produire des fruits, alors qu'est à l'œuvre un grand effort d'évangélisation et de catéchèse, adressé en particulier aux nouvelles générations, mais désormais toujours plus aux familles. En outre, on ressent avec une clarté croissante l'insuffisance d'une rationalité refermée sur elle-même et d'une éthique trop individualiste : concrètement, on ressent la gravité du risque de se couper des racines chrétiennes de notre civilisation. Cette sensation, qui est diffuse au sein du peuple italien, est formulée expressément et avec force par un grand nombre d'hommes de culture importants, même parmi ceux qui ne partagent pas, ou tout au moins ne pratiquent pas notre foi. L'Eglise et les catholiques italiens sont donc appelés à saisir cette grande opportunité, et tout d'abord à en être conscients. Notre attitude ne devra donc jamais être celle d'un repliement sur nous-mêmes, signe de renoncement : il faut, au contraire, conserver vivant et si possible accroître notre dynamisme, il faut s'ouvrir avec confiance aux nouvelles relations, ne négliger aucune des énergies qui peuvent contribuer à la croissance culturelle et morale de l'Italie. C'est en effet à nous qu'il revient - pas avec nos pauvres ressources, mais avec la force qui vient de l'Esprit Saint - de donner des réponses positives et convaincantes aux attentes et aux interrogations de notre peuple : si nous savons le faire, l'Eglise qui est en Italie rendra un grand service non seulement à cette nation, mais également à l'Europe et au monde, car la menace du sécularisme est partout présente et la nécessité d'une foi vécue en relation avec les défis de notre temps est tout aussi universelle.



19 octobre 2006 - Homélie de la Messe dans le stade de Verona
Le Christ vient aujourd'hui, en ce moderne aréopage, pour répandre son Esprit sur l'Eglise qui est en Italie, afin que, ravivée par le souffle d'une nouvelle Pentecôte, elle sache «communiquer l'Evangile dans un monde qui change»…

A partir du jour de la Pentecôte la lumière du Seigneur ressuscité a transfiguré la vie des Apôtres. Ceux-ci avaient désormais la claire perception de ne pas être simplement des disciples d'une doctrine nouvelle et intéressante, mais des témoins choisis et responsables d'une révélation à laquelle était lié le salut de leurs contemporains et de toutes les générations futures. La foi pascale remplissait leur cœur d'une ardeur et d'un zèle extraordinaires, qui les rendait prêts à affronter chaque difficulté et même la mort, et qui donnait à leurs paroles une irrésistible énergie de persuasion. Ainsi, un groupe de personnes, dépourvues de ressources humaines et uniquement fortes de leur foi, affronta sans peur de dures persécutions et le martyre. L'Apôtre Jean écrit : «Et ce qui nous a fait vaincre le monde, c'est notre foi» (1 Jn 5, 4b). L'exactitude de cette affirmation est documentée également en Italie par presque deux millénaires d'histoire chrétienne, à travers d'innombrables témoignages de martyrs, de saints et de bienheureux, qui ont laissé des traces indélébiles en chaque lieu de la belle péninsule dans laquelle nous vivons…

Chers frères et soeurs, mon souhait, que vous partagez sûrement tous, est que l'Eglise en Italie puisse repartir de ce Congrès comme transportée par la parole du Seigneur ressuscité qui répète à tous et à chacun : soyez dans le monde d'aujourd'hui les témoins de ma passion et de ma résurrection (cf. Lc 24, 48). Dans un monde qui change, l'Evangile ne change pas. La Bonne Nouvelle reste toujours la même : le Christ est mort et il est ressuscité pour notre salut ! En son nom, apportez à tous l'annonce de la conversion et du pardon des péchés, mais soyez les premiers à donner le témoignage d'une vie convertie et pardonnée. Sachez bien que cela n'est pas possible sans être «revêtus d'une force venue d'en haut» (Lc 24, 49), c'est-à-dire sans la force intérieure de l'Esprit du Ressuscité. Pour la recevoir, il ne faut pas, comme le dit Jésus à ses disciples, s'éloigner de Jérusalem, il faut rester dans la «ville» où s'est consommé le mystère du salut, l'Acte d'amour suprême de Dieu pour l'humanité. Il faut rester en prière avec Marie, la Mère que le Christ nous a donnée sur la Croix. Pour les chrétiens, citoyens du monde, rester à Jérusalem ne peut que signifier rester dans l'Eglise, la «ville de Dieu», où puiser dans les Sacrements l'«onction» de l'Esprit Saint. Au cours de ces journées du Congrès ecclésial national, l'Eglise qui est en Italie, obéissant au commandement du Seigneur ressuscité, s'est rassemblée, a revécu l'expérience originelle du Cénacle, pour recevoir à nouveau le don d'en Haut. A présent, consacrés par son «onction», allez ! Apportez la joyeuse annonce aux pauvres, pansez les plaies des coeurs meurtris, annoncez la libération des esclaves, la délivrance des prisonniers, proclamez l'année de grâce du Seigneur (cf. Is 61, 1-2). Rebâtissez les ruines antiques, relevez les restes désolés, restaurez les villes en ruines (cf. Is 61, 4). Nombreuses sont les situations difficiles qui attendent une intervention résolutive ! Apportez dans le monde l'espérance de Dieu, qui est le Christ Seigneur, qui est ressuscité des morts, et qui vit et règne pour les siècles des siècles.



2007



4 octobre 2007 - Au Nouvel Ambassadeur d'Italie près le Saint-Siège
Comme vous l'avez observé, des liens étroits de coopération caractérisent les relations entre le Saint-Siège et la Nation italienne. Les expressions sont innombrables; il suffit d'évoquer à cet égard le témoignage commun d'accueil, de soutien spirituel et d'amitié que les Italiens réservent au Souverain Pontife au cours des rencontres et de ses visites à Rome ou dans d'autres villes de la péninsule italienne. Dans cette proximité s'exprime de façon concrète le lien particulier qui unit depuis longtemps l'Italie au Successeur de l'Apôtre Pierre, dont le siège se trouve précisément dans ce pays, par un mystérieux et providentiel dessein de Dieu.

Monsieur l'Ambassadeur, je désire vous remercier de m'avoir apporté le salut de Monsieur le Président de la République, auquel je suis reconnaissant pour les sentiments respectueux qu'il a eu l'occasion de me manifester à plusieurs reprises. Je réponds à son salut, en unissant le souhait que le peuple italien, fidèle aux principes qui ont inspiré son chemin par le passé, sache également en ce moment, marqué par de vastes et profonds changements, continuer à avancer sur la voie du progrès authentique. L'Italie pourra ainsi offrir à la Communauté internationale une contribution précieuse en promouvant ces valeurs humaines et chrétiennes qui constituent un patrimoine idéal incontournable et qui ont donné vie à sa culture et à son histoire civile et religieuse. Pour sa part, l'Eglise catholique ne cessera d'offrir à la société civile, comme par le passé, sa contribution spécifique, en promouvant et en élevant ce qu'il y a de vrai, de bon et de beau en elle, en illuminant tous les secteurs de l'activité humaine à travers les instruments qui sont conformes à l'Evangile et en harmonie avec le bien de tous, selon la diversité des temps et des situations.

De cette façon se réalise, en effet, le principe énoncé par le Concile Vatican II, selon lequel "la communauté politique et l'Eglise sont indépendantes l'une de l'autre et autonomes. Mais toutes deux, quoique à des titres divers, sont au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes" (Gaudium et spes, n. 75). Ce principe, présenté avec autorité également par la Constitution de la République italienne (cf. art. 7), fonde les relations entre le Saint-Siège et l'Etat italien, comme il est rappelé également dans l'Accord qui, en 1984, a apporté des modifications au Concordat du Latran. Dans celui-ci sont ainsi réaffirmées tant l'indépendance et la souveraineté de l'Etat et de l'Eglise, que la collaboration réciproque pour la promotion de l'homme et du bien de la communauté nationale tout entière. En poursuivant ce but, l'Eglise ne se propose pas des objectifs de pouvoir ni ne prétend de privilèges, ou aspire à des situations d'avantages économique et social. Son unique objectif est de servir l'homme, en puisant, comme norme suprême de conduite, aux paroles et à l'exemple de Jésus Christ qui "a passé en faisant le bien et en guérissant tous" (Ac 10, 38). C'est pourquoi, l'Eglise catholique demande à être considérée en vertu de sa nature spécifique et de pouvoir accomplir librement sa mission particulière pour le bien non seulement des fidèles, mais de tous les Italiens.

C'est précisément pour cela, comme je l'ai affirmé l'an dernier à l'occasion du Congrès ecclésial de Vérone, que l'"Eglise n'est pas et n'entend pas être un agent politique. Dans le même temps, elle a un intérêt profond pour le bien de la communauté politique, dont l'âme est la justice et elle lui offre à un double niveau sa contribution spécifique" Et j'ajoutais que "la foi chrétienne, en effet, purifie la raison et l'aide à mieux être elle-même: à travers sa doctrine sociale, par conséquent, argumentée à partir de ce qui est conforme à la nature de tout être humain, l'Eglise contribue à faire en sorte que ce qui est juste puisse être efficacement reconnu, puis également réalisé. Dans ce but, il existe un besoin indispensable et clair d'énergies morales et spirituelles qui consentent de placer les exigences de la justice avant les intérêts personnels ou ceux d'une catégorie sociale, ou même d'un Etat: ici, à nouveau, il y a pour l'Eglise un espace très large, pour enraciner ces énergies dans les consciences, les alimenter et les renforcer" (Insegnamenti de Benoît XVI, II, 2, [2006], p. 475). Je forme de tout cœur le vœu que la collaboration entre toutes les composantes de la bien-aimé nation que vous représentez, contribue non seulement à préserver jalousement l'héritage culturel et spirituel qui vous caractérise et qui est une partie intégrante de votre histoire, mais soit encore plus un encouragement à rechercher des voies nouvelles pour affronter de façon adéquate les grands défis qui caractérisent l'époque post-moderne. Parmi ceux-ci, je me limite à citer la défense des droits de la personne et de la famille, la construction d'un monde solidaire, le respect de la création, le dialogue interculturel et interreligieux.

A cet égard, Monsieur l'Ambassadeur, vous avez voulu souligner que l'harmonie entre l'Etat et l'Eglise ont permis d'atteindre des objectifs importants en vue de promouvoir un humanisme intégral. Certes, il reste beaucoup à faire, et le 60 anniversaire de la Déclaration des Droits de l'Homme, qui sera célébré l'an prochain, pourra constituer une occasion utile pour l'Italie d'offrir sa contribution à la création, dans le domaine international, d'un ordre juste au centre duquel existe toujours le respect pour l'homme, pour sa dignité et pour ses droits inaliénables. C'est à cela que je faisais référence dans le Message pour la Journée mondiale de la Paix de cette année, en disant: "Cette Déclaration est vue comme une sorte d'engagement moral assumé par l'humanité tout entière. Cela comporte une vérité profonde, surtout si les droits décrits dans la Déclaration sont considérés comme ayant leur fondement non seulement dans la décision de l'assemblée qui les a approuvés, mais dans la nature même de l'homme et dans sa dignité inaliénable de personne créée par Dieu". Je soulignais ensuite qu'"il est donc important que les Organisations internationales ne perdent pas de vue le fondement naturel des droits de l'homme. Cela les soustraira au risque, malheureusement toujours latent, de glisser vers une interprétation qui serait uniquement positiviste. Si cela devait arriver, les Organismes internationaux seraient privés de l'autorité nécessaire pour jouer leur rôle de défenseur des droits fondamentaux de la personne et des peuples, principale justification de leur raison d'être et d'agir" (n. 13). L'Italie, en vertu de sa récente élection en tant que membre du Conseil des Droits de l'homme et encore plus en vertu de sa tradition particulière d'humanité et de générosité, ne peut manquer de se sentir engagée dans une œuvre inlassable d'édification de la paix et de défense de la dignité de la personne humaine et de tous ses droits inaliénables, y compris celui de la liberté religieuse.



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