Benoît XVI de A à Z

Laicïté - Laïcisme

Laicïté - Laïcisme

 


2005

24 juin 2005 – Au Président de la République d’Italie
     Une saine laïcité de l'Etat en vertu de laquelle les réalités temporelles sont dirigées selon les normes qui leur sont propres est légitime, sans exclure toutefois les références éthiques qui trouvent leur fondement ultime dans la religion. L'autonomie du domaine temporel n'exclut pas une harmonie intime avec les exigences supérieures et complexes dérivant d'une vision intégrale de l'homme et de son destin éternel. - - Au Président de la République d’Italie 24.6.2005

 


2006

19 octobre 2006 – Discours au Congrès de l’Eglise Italienne, à Verona
     L’Italie participe à cette culture qui prédomine en Occident et qui voudrait se poser comme universelle et autosuffisante, engendrant un nouveau mode de vie. Il en dérive une nouvelle vague d'illuminisme et de laïcisme, pour laquelle ne serait rationnellement valable que ce qui peut être expérimenté et calculable, alors que sur le plan de la pratique de la liberté individuelle elle est érigée comme valeur fondamentale à laquelle toutes les autres devraient se soumettre. Ainsi, Dieu reste exclu de la culture et de la vie publique, et la foi en Lui devient plus difficile, également parce que nous vivons dans un monde qui se présente presque toujours comme notre œuvre, dans lequel, pour ainsi dire, Dieu n'apparaît plus directement, semble devenir superflu, voire même étranger. En étroite relation avec tout cela, a lieu une réduction radicale de l'homme, considéré comme un simple produit de la nature, et comme tel n'étant pas réellement libre, et en soi susceptible d'être traité comme tout autre animal. On a ainsi un authentique renversement du point de départ de cette culture, qui était une revendication du caractère central de l'homme et de sa liberté. Dans la même optique, l'éthique est ramenée entre les limites du relativisme et de l'utilitarisme, en excluant tout principe moral qui soit valable et contraignant en lui-même. Il n'est pas difficile de voir que ce type de culture représente non seulement une rupture radicale et profonde non seulement avec le christianisme, mais de manière plus générale avec les traditions religieuses et morales de l'humanité : elle n'est donc pas en mesure d'instaurer un véritable dialogue avec les autres cultures, dans lesquelles la dimension religieuse est fortement présente, et ne peut pas non plus répondre aux questions fondamentales sur le sens et sur la direction de notre vie. Cette culture est donc marquée par une carence profonde, mais également par un grand besoin d'espérance inutilement caché.

 

 

 

2007


24 mars 2007, aux participants au congrès promu par la COMECE (Episcopats de la Communauté Européenne)
          Au cours des dernières années, l'on a ressenti toujours plus l'exigence d'établir un équilibre sain entre la dimension économique et la dimension sociale, à travers des politiques capables de produire des richesses et d'accroître la compétitivité, sans toutefois négliger les attentes légitimes des pauvres et des exclus. Sous l'aspect démographique, on doit malheureusement constater que l'Europe semble avoir emprunté une voie qui pourrait la conduire à disparaître de l'histoire. Outre le fait de menacer la croissance économique, cela peut également provoquer d'immenses difficultés à la cohésion sociale, et surtout, favoriser un individualisme dangereux, qui n'est pas attentif aux conséquences pour l'avenir. On pourrait presque penser que le continent européen perd effectivement confiance dans son avenir. En outre, en ce qui concerne, par exemple, le respect de l'environnement ou l'accès réglementé aux ressources et aux investissements en matière d'énergie, la solidarité a du mal à être promue, non seulement dans le domaine international, mais également dans celui strictement national. Le processus d'unification européenne lui-même n'est pas partagé par tous, en raison de l'impression diffuse que divers "chapitres" du projet européen ont été "écrits" sans tenir assez compte des attentes des citoyens.
     Tout cela fait apparaître clairement que l'on ne peut pas penser édifier une authentique "maison commune" européenne en négligeant l'identité propre des peuples de notre continent. Il s'agit en effet d'une identité historique, culturelle et morale, avant même d'être géographique, économique ou politique; une identité constituée par un ensemble de valeurs universelles, que le christianisme  a  contribué  à forger, acquérant ainsi un rôle non seulement historique, mais fondateur à l'égard de l'Europe. Ces valeurs, qui constituent l'âme du continent, doivent demeurer dans l'Europe du troisième millénaire comme un "ferment" de civilisation. Si elles devaient disparaître, comment le "vieux" continent pourrait-il continuer de jouer le rôle de "levain" pour le monde entier?
     Si, à l'occasion du 50 anniversaire des Traités de Rome, les gouvernements de l'Union désirent s'"approcher" de leurs citoyens, comment pourraient-ils exclure un élément essentiel de l'identité européenne tel que le christianisme, dans lequel une vaste majorité d'entre eux continue de s'identifier?
     N'est-il pas surprenant que l'Europe d'aujourd'hui, tandis qu'elle vise à se présenter comme une communauté de valeurs, semble toujours plus souvent contester le fait qu'il existe des valeurs universelles et absolues? Cette forme singulière d'"apostasie" d'elle-même, avant  même  que  de  Dieu,  ne  la pousse-t-elle pas à douter de sa propre identité? De cette façon, on finit par répandre la conviction selon laquelle la "pondération des biens" est l'unique voie pour le discernement moral et que le bien commun est synonyme de compromis. En réalité, si le compromis peut constituer un équilibre légitime d'intérêts particuliers différents, il se transforme en mal commun chaque fois qu'il comporte des accords qui nuisent à la nature de l'homme.
     Une communauté qui se construit sans respecter la dignité authentique de l'être humain, en oubliant que chaque personne est créée à l'image de Dieu, finit par n'accomplir le bien de personne. Voilà pourquoi il apparaît toujours plus indispensable que l'Europe se garde d'adopter un comportement pragmatique, aujourd'hui largement diffusé, qui justifie systématiquement le compromis sur les valeurs humaines essentielles, comme si celui-ci était l'inévitable acceptation d'un prétendu moindre mal. Ce pragmatisme, présenté comme équilibré et réaliste, au fond ne l'est pas, précisément parce qu'il nie la dimension  de  valeur et d'idéal qui est inhérente à la nature humaine. De plus, lorsque s'ajoutent à ce pragmatisme des tendances et des courants laïcistes et relativistes, on finit par nier aux chrétiens le droit même d'intervenir en tant que tels dans le débat public ou, tout au moins, on dévalorise leur contribution en les accusant de vouloir sauvegarder des privilèges injustifiés. A l'époque historique actuelle, et face aux nombreux défis qui la caractérisent, l'Union européenne, pour être le garant valide de l'Etat de droit et le promoteur efficace de valeurs universelles, ne peut manquer de reconnaître avec clarté l'existence certaine d'une nature humaine stable et permanente, source de droits communs à toutes les personnes, y compris celles-là mêmes qui les nient. Dans ce contexte, il faut sauvegarder  le droit à l'objection de conscience, chaque fois que les droits humains fondamentaux sont violés.
     Chers amis, je sais combien il est difficile pour les chrétiens de défendre inlassablement cette vérité de l'homme. Mais ne vous lassez pas et ne vous découragez pas! Vous savez que vous avez le devoir de contribuer à édifier, avec l'aide de Dieu, une nouvelle Europe, réaliste mais non pas cynique, riche d'idéaux et libre de toute illusion ingénue, inspirée par la vérité éternelle et vivifiante de l'Evangile. Pour cela, soyez présents de façon active dans le débat public européen, conscients que celui-ci fait désormais partie intégrante du débat national, et unissez à cet engagement une action culturelle efficace. Ne vous pliez pas à la logique du pouvoir pour lui-même! Que l'avertissement du Christ soit pour vous un encouragement et un soutien constant:  si le sel vient à s'affadir, il n'est plus bon à rien qu'à être jeté dehors et foulé aux pieds par les gens (cf. Mt 5, 13). Que le Seigneur rende fécond chacun de vos efforts et qu'il vous aide à reconnaître et à valoriser les éléments positifs présents dans la civilisation actuelle, en dénonçant toutefois avec courage tout ce qui est contraire à la dignité de l'homme.


9 mai 2007 – Avec les Journalistes, en vol, vers le Brésil.
      L'Eglise en tant que telle ne fait pas de politique - nous respectons la laïcité - mais elle offre les conditions dans lesquelles une politique saine, avec la solution aux problèmes sociaux qui en découle, peut se développer. Nous voulons donc rendre les chrétiens conscients du don de la foi, de la joie de la foi, grâce à laquelle il est possible de connaître Dieu et de connaître ainsi également la raison de notre vie. Les chrétiens peuvent ainsi être des témoins du Christ et apprendre les vertus personnelles nécessaires, mais également les grandes vertus sociales:  le sens de la légalité qui est décisif pour la formation de la société.

 


10 mai 2007 – Avec les jeunes, au Brésil
     Vous pouvez être les protagonistes d'une société nouvelle, si vous cherchez à mettre en pratique une conduite concrète inspirée par les valeurs morales universelles, mais aussi un engagement personnel de formation humaine et spirituelle d'importance vitale. Un homme ou une femme qui ne serait pas préparé aux défis réels que présente une interprétation correcte de la vie chrétienne de son propre milieu serait une proie facile pour tous les assauts du matérialisme et du laïcisme, toujours plus actifs à tous les niveaux.


11 juin 2007, au congrès annuel du Diocèse de Rome, Basilique Saint Jean de Latran
      Dans l'éducation à la foi, un devoir très important est confié à l'école catholique. En effet, celle-ci accomplit sa mission en se fondant sur un projet éducatif qui place en son centre l'Evangile et qui le considère comme un point de référence décisif pour la formation de la personne et pour toute la proposition culturelle. Dans une collaboration convaincue avec les familles et avec la communauté ecclésiale, l'école catholique cherche donc à promouvoir l'unité entre la foi, la culture et la vie qui est l'objectif fondamental de l'éducation chrétienne. Les écoles publiques également, selon des formes et des modalités diverses, peuvent être soutenues dans leur devoir éducatif par la présence d'enseignants croyants - en premier lieu, mais pas exclusivement, les professeurs de religion catholique - et d'élèves formés de façon chrétienne, ainsi que par la collaboration de nombreuses familles et de la communauté chrétienne elle-même. La saine laïcité de l'école, comme des autres Institutions de l'Etat n'implique pas, en effet, une fermeture à la Transcendance et une fausse neutralité par rapport aux valeurs morales qui sont à la base d'une authentique formation de la personne. Un discours analogue vaut également naturellement pour les Universités.

 

 

2012

13 mai 2012 – Rencontre avec la population de Sansepolcro, en Italie
     Lorsque les goths d’Alaric entrèrent à Rome et que le monde païen accusa le Dieu des chrétiens de ne pas avoir sauvé Rome caput mundi, le saint évêque d’Hippone expliqua ce que nous devons attendre de Dieu, la juste relation entre la sphère politique et la sphère religieuse. Il voit dans l’histoire la présence de deux amours: l’«amour de soi», jusqu’à l’indifférence envers Dieu et pour l’autre, et l’«amour de Dieu», qui conduit à la pleine liberté pour les autres et à édifier une cité de l’homme fondée sur la justice et la paix (cf. La Cité de Dieu, XIV, 28).



 

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