Benoît XVI de A à Z

Positivisme

2005



21 août 2005 - Homélie Messe JMJ à Cologne Ce n'est ni positivisme ni soif de pouvoir, si l'Eglise nous dit que l'Eucharistie fait partie du dimanche



2006



6 avril 2006 - Rencontre avec les jeunes du diocèse de Rome, Place Saint Pierre
Il me semble que le grand défi de notre temps soit la sécularisation: c'est-à-dire une façon de vivre et de présenter le monde comme "si Deus non daretur", c'est-à-dire comme si Dieu n'existait pas. On veut réduire Dieu à la sphère du privé, à un sentiment, comme s'Il n'était pas une réalité objective et ainsi, chacun forme son propre projet de vie. Mais cette vision qui se présente comme si elle était scientifique, n'accepte comme valable que ce qui peut être vérifié par l'expérience. Avec un Dieu qui ne se prête pas à l'expérience immédiate, cette vision finit par déchirer également la société: il en découle en effet que chacun forme son projet et à la fin, chacun s'oppose à l'autre. Une situation, comme on le voit, clairement invivable. Nous devons rendre Dieu à nouveau présent dans nos sociétés. Cela me semble être la première nécessité: que Dieu soit à nouveau présent dans notre vie, que nous ne vivions pas comme si nous étions autonomes, autorisés à inventer ce que sont la liberté et la vie. Nous devons prendre acte du fait que nous sommes des créatures, constater qu'il y a un Dieu qui nous a créés et que demeurer dans sa volonté n'est pas une dépendance, mais un don d'amour qui nous fait vivre.



19 octobre 2006 - Discours au Congrès de l'Eglise Italienne, à Verona
L'Italie participe à cette culture qui prédomine en Occident et qui voudrait se poser comme universelle et autosuffisante, engendrant un nouveau mode de vie. Il en dérive une nouvelle vague d'illuminisme et de laïcisme, pour laquelle ne serait rationnellement valable que ce qui peut être expérimenté et calculable, alors que sur le plan de la pratique de la liberté individuelle elle est érigée comme valeur fondamentale à laquelle toutes les autres devraient se soumettre. Ainsi, Dieu reste exclu de la culture et de la vie publique, et la foi en Lui devient plus difficile, également parce que nous vivons dans un monde qui se présente presque toujours comme notre œuvre, dans lequel, pour ainsi dire, Dieu n'apparaît plus directement, semble devenir superflu, voire même étranger. En étroite relation avec tout cela, a lieu une réduction radicale de l'homme, considéré comme un simple produit de la nature, et comme tel n'étant pas réellement libre, et en soi susceptible d'être traité comme tout autre animal. On a ainsi un authentique renversement du point de départ de cette culture, qui était une revendication du caractère central de l'homme et de sa liberté. Dans la même optique, l'éthique est ramenée entre les limites du relativisme et de l'utilitarisme, en excluant tout principe moral qui soit valable et contraignant en lui-même. Il n'est pas difficile de voir que ce type de culture représente non seulement une rupture radicale et profonde non seulement avec le christianisme, mais de manière plus générale avec les traditions religieuses et morales de l'humanité : elle n'est donc pas en mesure d'instaurer un véritable dialogue avec les autres cultures, dans lesquelles la dimension religieuse est fortement présente, et ne peut pas non plus répondre aux questions fondamentales sur le sens et sur la direction de notre vie. Cette culture est donc marquée par une carence profonde, mais également par un grand besoin d'espérance inutilement caché



2007



1er janvier 2007 - Homélie de la Messe
Le souhait que je formule devant les représentants des nations ici présents est que la Communauté internationale conjugue ses efforts, pour qu'au nom de Dieu l'on construise un monde où les droits essentiels de l'homme soient tous respectés. Pour que cela se produise, il est toutefois nécessaire que le fondement de ces droits soit reconnu non pas dans de simples pactes humains, mais "dans la nature même de l'homme et dans son inaliénable dignité de personne créée par Dieu" (Message, n. 13). Si, en effet, les éléments constitutifs de la dignité humaine sont confiés aux opinions humaines inconstantes, ses droits également, même s'ils sont proclamés solennellement, finissent par devenir faibles et diversement interprétables. "Il est donc important que les Organisations internationales ne perdent pas de vue le fondement naturel des droits de l'homme. Cela les soustraira au risque, malheureusement toujours latent, de glisser vers une interprétation qui serait uniquement positiviste" (ibid.).



27 janvier 2007 - Au Tribunal de la Rote Romaine
Pour le positivisme, le caractère juridique du rapport conjugal serait uniquement le résultat de l'application d'une norme humaine formellement valable et efficace. De cette façon, la réalité humaine de la vie et de l'amour conjugal reste extrinsèque à l'institution "juridique" du mariage. Il se crée un hiatus entre droit et existence humaine, qui nie radicalement la possibilité d'un fondement anthropologique du droit.

Face à la relativisation subjectiviste et libertaire de l'expérience sexuelle, la tradition de l'Eglise affirme avec clarté le caractère naturellement juridique du mariage, c'est-à-dire son appartenance par nature au domaine de la justice dans les relations interpersonnelles. Dans cette optique, le droit est véritablement mêlé à la vie et à l'amour, comme il doit intrinsèquement l'être. C'est pourquoi, comme je l'ai écrit dans ma première Encyclique, "selon une orientation qui a son origine dans la création, l'eros renvoie l'homme au mariage, à un lien caractérisé par l'unicité et le définitif; ainsi, et seulement ainsi, se réalise sa destinée profonde" (Deus caritas est, n. 11). Amour et droit peuvent ainsi s'unir, au point d'avoir pour effet que le mari et la femme se doivent réciproquement l'amour qu'ils éprouvent spontanément: l'amour est en eux le fruit de leur libre désir du bien de l'autre et des enfants; ce qui, du reste, est également l'exigence de l'amour envers le propre bien véritable.

Toute l'œuvre de l'Eglise et des fidèles dans le domaine familial doit se fonder sur cette vérité à propos du mariage et de sa dimension juridique intrinsèque. Malgré cela, comme je l'ai déjà rappelé, la mentalité relativiste, sous des formes plus ou moins ouvertes ou insidieuses, peut également s'insinuer dans la communauté ecclésiale. Vous êtes bien conscients de l'actualité de ce risque, qui se manifeste parfois à travers une interprétation erronée des normes canoniques en vigueur. Il faut réagir contre cette tendance avec courage et confiance, en appliquant constamment l'herméneutique du renouveau dans la continuité et en ne se laissant pas séduire par des possibilités d'interprétation qui impliquent une rupture avec la tradition de l'Eglise. Ces voies s'éloignent de la véritable essence du mariage, ainsi que de sa dimension juridique intrinsèque et, sous divers noms plus ou moins attrayants, tentent de dissimuler une contrefaçon de la réalité conjugale. On en vient ainsi à soutenir que rien ne serait juste ou injuste dans les relations de couple, mais répondrait uniquement, ou non, à la réalisation des aspirations subjectives de chacune des parties. Dans cette optique, l'idée du "mariage in facto esse" oscille entre une relation purement factuelle et une façade juridique et positiviste, négligeant son essence de lien intrinsèque entre les personnes de l'homme et de la femme.



28 janvier 2007 - Angelus
Le rapport entre foi et raison constitue un sérieux défi pour la culture actuellement dominante dans le monde occidental et précisément pour cette raison, le bien-aimé Jean-Paul II a voulu y consacrer une encyclique intitulée justement Fides et Ratio - Foi et raison. …

En réalité, le développement moderne des sciences apporte d'innombrables effets positifs qui sont toujours reconnus. Dans le même temps cependant, il faut admettre que la tendance à considérer vrai uniquement ce qui est expérimentable, constitue une limitation à la raison humaine et produit une terrible schizophrénie désormais évidente, en raison de laquelle coexistent le rationalisme et le matérialisme, l'hypertechnologie et l'instinct déchaîné. Il est urgent par conséquent de redécouvrir de façon nouvelle la rationalité humaine ouverte à la lumière du Logos divin et à sa parfaite révélation qui est Jésus Christ, Fils de Dieu fait homme. Lorsque la foi chrétienne est authentique elle ne mortifie pas la liberté et la raison humaine ; et alors, pourquoi la foi et la raison doivent-elles avoir peur l'une de l'autre si le fait de se rencontrer et de dialoguer leur permet de mieux s'exprimer ? La foi suppose la raison et la perfection, et la raison, éclairée par la foi, trouve la force pour s'élever à la connaissance de Dieu et des réalités spirituelles. La raison humaine ne perd rien en s'ouvrant aux contenus de la foi, ceux-ci demandent au contraire son adhésion libre et consciente.



12 février 2007 - A un Congrès International sur la loi morale naturelle
Il ne fait aucun doute que nous vivons une période d'extraordinaire développement dans la capacité humaine de déchiffrer les règles et les structures de la matière et la domination de l'homme sur la nature, qui en découle. Nous voyons tous les grands bénéfices de ce progrès, et nous voyons toujours plus aussi les menaces d'une destruction de la nature par la force de nos actions. Il existe un autre danger, moins visible, mais non moins inquiétant: la méthode qui nous permet de connaître toujours plus à fond les structures rationnelles de la matière nous rend toujours moins capables de voir la source de cette rationalité, la Raison créatrice. La capacité de voir les lois de l'être matériel nous rend incapables de voir le message éthique contenu dans l'être, message appelé par la tradition lex naturalis, loi morale naturelle. Il s'agit d'un terme devenu pour beaucoup aujourd'hui presque incompréhensible, à cause d'un concept de nature non plus métaphysique, mais seulement empirique. Le fait que la nature, l'être même ne soit plus transparent pour un message moral, crée un sens de désorientation qui rend précaires et incertains les choix de la vie quotidienne. L'égarement, naturellement, frappe en particulier les générations les plus jeunes, qui doivent dans ce contexte trouver des choix fondamentaux pour leur vie.

C'est précisément à la lumière de ces constatations qu'apparaît dans toute son urgence la nécessité de réfléchir sur le thème de la loi naturelle, et de retrouver sa vérité commune à tous les hommes. Cette loi, qu'évoque également l'apôtre Paul (cf. Rm 2, 14-15), est écrite dans le cœur de l'homme et est par conséquent, aujourd'hui également, tout simplement accessible. Cette loi a comme principe premier et fondamental celui de «faire le bien et éviter le mal». Il s'agit d'une vérité dont l'évidence s'impose immédiatement à chacun. D'elle, découlent les autres principes plus particuliers, qui réglementent le jugement éthique sur les droits et les devoirs de chacun. Tel est le principe du respect pour la vie humaine, de sa conception jusqu'à son terme naturel, ce bien de la vie n'étant pas la propriété de l'homme, mais un don gratuit de Dieu. C'est le cas également du devoir de rechercher la vérité, présupposé nécessaire à toute authentique maturation de la personne. Une autre instance fondamentale du sujet est la liberté. En tenant compte, toutefois, que la liberté humaine est toujours une liberté partagée par les autres, il est clair que l'harmonie des libertés ne peut être trouvée seulement dans ce qui est commun à tous : la vérité de l'être humain, le message fondamental de l'être même, la lex naturalis précisément. Et comment ne pas évoquer, d'une part, l'exigence de justice qui se manifeste dans le fait de donner unicuique suum, et, de l'autre, l'attente de solidarité qui alimente en chacun, spécialement chez les personnes en difficulté, l'espérance d'une aide de la part de ceux que le destin a favorisés ? S'expriment, dans ces valeurs, des normes inéluctables et coercitives qui ne dépendent pas de la volonté du législateur ni du consensus que les Etats peuvent y apporter. Il s'agit en effet de normes qui précèdent toute loi humaine : en tant que telles, elles n'admettent d'interventions ni de dérogations de la part de quiconque.

La loi naturelle est la source dont jaillissent, avec les droits fondamentaux, également les impératifs éthiques qu'il est nécessaire de respecter. Dans l'éthique et la philosophie actuelle du Droit, les postulats du positivisme juridique sont largement présents. La conséquence est que la législation ne devient souvent qu'un compromis entre divers intérêts : on tente de transformer en droits des intérêts privés ou des désirs qui s'opposent aux devoirs découlant de la responsabilité sociale. Dans cette situation, il est opportun de rappeler que toute ordonnancement juridique, tant sur le plan interne qu'international, tire en ultime analyse sa légitimité de son enracinement dans la loi naturelle, dans le message éthique inscrit dans l'être humain lui-même. La loi naturelle est, en définitive, le seul rempart valable contre l'abus de pouvoir ou les mensonges de la manipulation idéologique. La connaissance de cette loi inscrite dans le cœur de l'homme augmente avec le développement de la conscience morale. C'est pourquoi, la première préoccupation pour tous, et particulièrement pour qui a des responsabilités publiques, devrait donc être celle de promouvoir le murissement de la conscience morale. Tel est le progrès fondamental sans lequel tous les autres progrès finissent par ne pas être authentiques. La loi inscrit dans notre nature est la véritable garantie offerte à chacun pour pouvoir vivre libre et respecté dans sa propre dignité. Ce qui a été dit jusqu'à présent possède des applications très concrètes si l'on se réfère à la famille, c'est-à-dire à la «communauté de vie et d'amour conjugal, fondée par le Créateur et structurée avec ses lois propres» (cf. Const. past. Gaudium et spes, n. 48). Le Concile Vatican II a, à cet égard, répété de façon opportune que l'institution du mariage « que la loi divine confirme», et par conséquent, ce lien sacré, « en vue du bien des époux, des enfants et aussi de la société, ce lien sacré échappe à la fantaisie de l'homme» (ibid.). Aucune loi faite par les hommes ne peut donc renverser la norme inscrite par le Créateur, sans que la société ne soit dramatiquement blessée dans ce qui constitue son fondement de base même. L'oublier signifierait fragiliser la famille, pénaliser les enfants et rendre précaire l'avenir de la société.

Je ressens enfin le devoir d'affirmer que tout ce qui est réalisable sur le plan scientifique n'est pas pour autant licite sur le plan éthique. La technique, lorsqu'elle réduit l'être humain à un objet d'expérimentations, finit par abandonner le sujet faible à la volonté du plus fort. Se fier aveuglément à la technique comme unique garante de progrès, sans offrir dans le même temps un code éthique qui plonge ses racines dans cette même réalité qui est étudiée et développée, reviendrait à porter atteinte à la nature humaine, avec des conséquences dévastatrices pour tous. La contribution des hommes de science est d'une importance primordiale. Outre le progrès de nos capacités de domination sur la nature, les scientifiques doivent également contribuer à nous aider à comprendre en profondeur notre responsabilité envers l'homme et la nature qui lui a été confiée. C'est sur cette base qu'il est possible de développer un dialogue fécond entre croyants et non-croyants; entre théologiens, philosophes, juristes et hommes de science, qui peuvent offrir également au législateur des éléments précieux pour la vie personnelle et sociale. Je souhaite donc que ces journées d'étude puissent non seulement conduire à une plus grande sensibilité des experts à l'égard de la loi morale naturelle, mais qu'elles poussent aussi à créer les conditions afin que l'on parvienne, sur ce thème, à une conscience toujours plus pleine de la valeur inaliénable que la lex naturalis possède pour un un réel et cohérent progrès de la vie personnelle et de l'ordre social.



29 septembre 2007 - Homélie Messe Consécration de 6 nouveaux Evêques.
L'Archange Saint Michel défend la cause de l'unicité de Dieu contre la présomption du dragon, du "serpent antique", comme le dit Jean. C'est la tentative incessante du serpent de faire croire aux hommes que Dieu doit disparaître, afin qu'ils puissent devenir grands; que Dieu fait obstacle à notre liberté et que nous devons donc nous débarrasser de Lui. Mais le dragon n'accuse pas seulement Dieu. L'Apocalypse l'appelle également "l'accusateur de nos frères, lui qui les accusait jour et nuit devant notre Dieu" (12, 10). Celui qui met Dieu de côté, ne rend pas l'homme plus grand, mais lui ôte sa dignité. L'homme devient alors un produit mal réussi de l'évolution. Celui qui accuse Dieu, accuse également l'homme. La foi en Dieu défend l'homme dans toutes ses faiblesses et ses manquements: la splendeur de Dieu resplendit sur chaque individu. La tâche de l'Evêque, en tant qu'homme de Dieu, est de faire place à Dieu dans le monde contre les négations et de défendre ainsi la grandeur de l'homme. Et que pourrait-on dire et penser de plus grand sur l'homme que le fait que Dieu lui-même s'est fait homme ?

Comme le danger est grand que, face à tout ce que nous savons sur les choses matérielles et que nous sommes en mesure de faire avec celles-ci, nous devenions aveugles à la lumière de Dieu !



5 octobre 2007 - Aux membres de la Commission Théologique Internationale
A l'occasion de l'audience du 1 décembre 2005, j'ai présenté quelques orientations fondamentales du travail que le théologien doit accomplir en communion avec la voix vivante de l'Eglise sous la direction du Magistère. Je voudrais à présent m'arrêter de manière particulière sur le thème de la loi morale naturelle. Comme vous le savez probablement, à l'initiative de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi se sont déroulés, ou sont en train d'être organisés par divers centres universitaires et associations, des symposiums ou des journées d'études dans le but de déterminer des lignes de convergence utiles pour un approfondissement constructif et efficace de la doctrine sur la loi morale naturelle. Cette invitation a jusqu'à présent trouvé un accueil positif et un écho important. C'est donc avec un grand intérêt que l'on attend la contribution de la Commission théologique internationale, qui vise surtout à justifier et à illustrer les fondements d'une éthique universelle, appartenant au grand patrimoine de la sagesse humaine, qui constitue d'une certaine manière une participation de la créature rationnelle à la loi éternelle de Dieu. Il ne s'agit donc pas d'un thème de type exclusivement ou principalement confessionnel, même si la doctrine sur la loi morale naturelle est illuminée et développée en plénitude à la lumière de la Révélation chrétienne et de l'accomplissement de l'homme dans le mystère du Christ.

Le Catéchisme de l'Eglise catholique résume bien le contenu central de la doctrine sur la loi naturelle, en soulignant que celle-ci "énonce les préceptes premiers et essentiels qui régissent la vie morale. Elle a pour pivot l'aspiration et la soumission à Dieu, source et juge de tout bien, ainsi que le sens d'autrui comme égal à soi-même. Elle est exposée en ses principaux préceptes dans le Décalogue. Cette loi est dite naturelle non pas en référence à la nature même des êtres irrationnels, mais parce que la raison qui l'édicte appartient en propre à la nature humaine" (n. 1995). Avec cette doctrine, l'on parvient à deux finalités essentielles: d'une part, on comprend que le contenu éthique de la foi chrétienne ne constitue pas une imposition dictée de l'extérieur à la conscience de l'homme, mais qu'il s'agit d'une norme qui a son fondement dans la nature humaine elle-même; d'autre part, en partant de la loi naturelle accessible en soi à toute créature rationnelle, on établit avec celle-ci la base pour entrer en dialogue avec tous les hommes de bonne volonté et, de manière plus générale, avec la société civile et séculière.

Mais c'est précisément en raison de l'influence de facteurs d'ordre culturel et idéologique, que la société civile et séculière d'aujourd'hui se trouve dans une situation d'égarement et de confusion: on a perdu l'évidence originelle des fondements de l'être humain et de son action éthique, et la doctrine de la loi morale naturelle s'oppose aux autres conceptions qui en sont la négation directe. Tout cela a des conséquences immenses et graves dans l'ordre civil et social. Chez de nombreux penseurs, semble aujourd'hui dominer une conception positiviste du droit. Selon eux, l'humanité ou la société, ou de fait la majorité des citoyens, devient la source ultime de la loi civile. Le problème qui se pose n'est donc pas la recherche du bien, mais celle du pouvoir, ou plutôt de l'équilibre des pouvoirs. A la racine de cette tendance se trouve le relativisme éthique, dans lequel certains voient même l'une des conditions principales de la démocratie, car le relativisme garantirait la tolérance et le respect réciproque des personnes. Mais s'il en était ainsi, la majorité d'un moment deviendrait la source ultime du droit. L'histoire démontre avec une grande clarté que les majorités peuvent se tromper. La véritable rationalité n'est pas garantie par le consensus d'un grand nombre, mais seulement par la compréhension qu'a la raison humaine de la Raison créatrice et par l'écoute commune de cette Source de notre rationalité.

Lorsque les exigences fondamentales de la dignité de la personne humaine, de sa vie, de l'institution familiale, de la justice, de l'organisation sociale, c'est-à-dire les droits fondamentaux de l'homme, sont en jeu, aucune loi faite par les hommes ne peut renverser la règle écrite par le Créateur dans le coeur de l'homme, sans que la société elle-même ne soit dramatiquement frappée dans ce qui constitue sa base incontournable. La loi naturelle devient ainsi la véritable garantie offerte à chacun pour vivre libre et respecté dans sa dignité et à l'abri de toute manipulation idéologique et de toute décision arbitraire ou d'abus du plus fort. Personne ne peut se soustraite à cet appel. Si, en raison d'un obscurcissement tragique de la conscience collective, le scepticisme et le relativisme éthique parvenaient à effacer les principes fondamentaux de la loi morale naturelle, l'ordre démocratique lui-même serait radicalement blessé dans ses fondements. Contre cet obscurcissement, qui est à la base de la crise de la civilisation humaine, avant même que chrétienne, il faut mobiliser toutes les consciences des hommes de bonne volonté, laïcs ou appartenant à des religions différentes du christianisme, pour qu'ensemble et de manière concrète, ils s'engagent à créer, dans la culture et dans la société civile et politique, les conditions nécessaires pour une pleine conscience de la valeur inaliénable de la loi morale naturelle. C'est en effet du respect de celle-ci que dépend le développement des individus et de la société sur la voie de l'authentique progrès, conformément à la juste raison, qui est une participation à la Raison éternelle de Dieu.



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