Benoît XVI de A à Z

Résurrection de Jésus - Pâques

La Résurrection par Fra Angelico

2005

 

 

20 avril 2005 – Homélie Messe Chapelle Sixtine

   La grande douleur provoquée par sa disparition de Jean Paul II et le sentiment de vide qu’il a laissé en chacun ont été tempérés par l’action du Christ ressuscité, qui s’est manifestée au cours de longues journées dans la vague unanime de foi, d’amour et de solidarité spirituelle, qui a atteint son sommet lors de ses obsèques solennelles

 

      L'Eucharistie rend constamment présent le Christ ressuscité, qui continue à se donner à nous, en nous appelant à participer au banquet de son Corps et de son Sang. De la pleine communion avec Lui naît tout autre élément de la vie de l'Eglise, en premier lieu la communion entre tous les fidèles, l'engagement d'annoncer et de témoigner l'Evangile, l'ardeur de la charité envers tous, en particulier envers les pauvres et les petits.

 

 

24 avril 2005 – Homélie Messe Intronisation

    Oui, l’Église est vivante. Et l’Église est jeune. Elle porte en elle l’avenir du monde et c’est pourquoi elle montre aussi à chacun de nous le chemin vers l’avenir. L’Église est vivante et nous le voyons: nous faisons l’expérience de la joie que le Ressuscité a promise aux siens.

 

    L’Église est vivante – elle est vivante parce que le Christ est vivant, parce qu’il est vraiment ressuscité. Dans la souffrance, présente sur le visage du Saint-Père, au cours des jours de Pâques, nous avons contemplé le mystère de la passion du Christ et nous avons en même temps touché ses plaies. Mais en ces jours, nous avons aussi pu, de manière profonde, toucher le Ressuscité. Il nous a été donné de faire l’expérience de la joie qu’il a promise, après un court temps de ténèbres, comme un fruit de sa Résurrection.

 

 

3 – Ma pensée va vers vous, chers jeunes. Le Seigneur ressuscité remplisse de son amour le cœur de chacun de vous, afin que vous soyez prêts à Le suivre avec enthousiasme. – Audience 27.4.2005

 

4 -    L’Esprit Saint est la force à travers laquelle le Christ nous fait ressentir sa proximité. Mais la première lecture dit également une deuxième parole: vous serez mes témoins. Le Christ ressuscité a besoin de témoins qui l'ont rencontré, d'hommes qui l'ont connu intimement à travers la force de l'Esprit Saint. D'hommes qui l'ayant, pour ainsi dire, touché du doigt, peuvent en témoigner. C'est ainsi que l'Eglise, la famille du Christ, a grandi de «Jérusalem... jusqu'aux extrémités de la terre», comme le dit la lecture. C'est à travers les témoins que l'Eglise a été construite — à commencer par Pierre et par Paul, et par les Douze, jusqu'à tous les hommes et toutes les femmes qui, comblés du Christ, ont rallumé et rallumeront au cours des siècles de manière toujours nouvelle la flamme de la foi. Chaque chrétien, à sa façon, peut et doit être le témoin du Seigneur ressuscité. Quand nous lisons les noms des saints nous pouvons voir combien de fois ils ont été — et continuent à être — tout d'abord des hommes simples, des hommes dont émanait — et émane — une lumière resplendissante capable de conduire au Christ…

 

     … Dans la première Lettre de saint Paul aux Corinthiens, nous trouvons le récit le plus ancien de la résurrection que nous connaissons. Paul l'a fidèlement recueilli des témoins. Ce récit parle tout d'abord de la mort du Seigneur pour nos péchés, de sa sépulture, de sa résurrection, qui a eu lieu le troisième jour, puis il dit: «[le Christ] est apparu à Céphas, puis aux Douze...» (1 Co 15, 4). La signification du mandat conféré à Pierre jusqu'à la fin des temps est ainsi encore une fois résumée: être témoin du Christ ressuscité. – Homélie Saint Jean de Latran 7.5.2005
 

5 –  Le Christ ressuscité nous appelle à être ses témoins et nous donne la force de son Esprit, pour l'être vraiment. – Aux prêtres romains à Saint Jean de Latran 13.5.2005

 

6 -   Le Seigneur Ressuscité entre dans le lieu où se trouvent les disciples, en traversant les portes closes et il les salue deux fois en disant: que la paix soit avec vous! Quant à nous, nous fermons sans cesse nos portes; nous voulons sans cesse nous mettre à l’abri et ne pas être dérangés par les autres et par Dieu. C'est pourquoi nous pouvons sans cesse supplier le Seigneur, uniquement pour cela, pour qu'il vienne à nous en franchissant nos fermetures, et qu'il nous apporte son salut. «Que la paix soit avec vous»: ce salut du Seigneur est un pont, qu'il jette entre le ciel et la terre. Il descend sur ce pont jusqu'à nous et nous, nous pouvons monter sur ce pont de paix, jusqu'à lui. Sur ce pont, toujours avec Lui, nous devons nous aussi arriver à notre prochain, jusqu'à celui qui a besoin de nous. C’est précisément en nous abaissant avec le Christ, que nous nous élevons jusqu'à Lui et jusqu'à Dieu: Dieu est Amour et la descente, l'abaissement, que l'amour demande, est donc en même temps la véritable ascension. C’est justement ainsi, en nous abaissant, en sortant de nous-mêmes, que nous atteignons la hauteur de Jésus Christ, la véritable hauteur de l'être humain. -  Homélie de Pentecôte 15.5.2005
 

26 mai 2005 – Homélie Messe Corpus Domini

     En la fête du Corpus Domini, l'Eglise revit le mystère du Jeudi Saint à la lumière de la Résurrection. Le Jeudi Saint également, a lieu une procession eucharistique, au cours de laquelle l'Eglise répète l'exode de Jésus du Cénacle au mont des Oliviers. En Israël, on célébrait la nuit de Pâques à la maison, dans l'intimité de la famille; on rappelait ainsi le souvenir de la première Pâque, en Egypte — la nuit où le sang de l'agneau pascal, aspergé sur l'architrave et sur les chambranles des maisons, protégeait contre l'exterminateur. Jésus, au cours de cette nuit, sort et se remet entre les mains du traître, de l'exterminateur, et c'est précisément ainsi qu'il vainc la nuit, qu'il vainc les ténèbres du mal. Ce n'est qu'ainsi que le don de l'Eucharistie, instituée au Cénacle, trouve son accomplissement: Jésus donne réellement son corps et son sang. En franchissant le seuil de la mort, il devient Pain vivant, véritable manne, nourriture inépuisable pour les siècles des siècles. La chair devient pain de vie.

    Lors de la procession du Jeudi Saint, l'Eglise accompagne Jésus au mont des Oliviers: l'Eglise orante éprouve le vif désir de veiller avec Jésus, de ne pas le laisser seul dans la nuit du monde, dans la nuit de la trahison, dans la nuit de l'indifférence d'un grand nombre de personnes. En la fête du Corpus Domini, nous reprenons cette procession, mais dans la joie de la Résurrection. Le Seigneur est ressuscité et il nous précède. Dans les récits de la Résurrection, on trouve un trait commun et essentiel; les anges disent: le Seigneur «vous précède en Galilée; c'est là que vous le verrez» (Mt 28, 7). En considérant cela de plus près, nous pouvons dire que cette action de «précéder» de Jésus implique une double direction. La première est - comme nous l'avons entendu - la Galilée. En Israël, la Galilée était considérée comme la porte vers le monde des païens. Et, de fait, c'est précisément en Galilée, sur le mont, que les disciples voient Jésus, le Seigneur, qui leur dit: «Allez... de toutes les nations faites des disciples» (Mt 28, 19). L'autre direction de l'action de «précéder» de la part du Ressuscité, apparaît dans l'Evangile de saint Jean, dans les paroles de Jésus à Madeleine: «Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père» (Jn 20, 17). Jésus nous précède auprès du Père, monte à la hauteur de Dieu et nous invite à le suivre. Ces deux directions du chemin du Ressuscité ne sont pas en contradiction, mais indiquent ensemble la voie de la «sequela» du Christ. Le véritable objectif de notre chemin est la communion avec Dieu - Dieu lui-même est la maison aux nombreuses demeures (cf. Jn 14, 2ss.). Mais nous ne pouvons monter dans cette demeure qu'en allant «vers la Galilée» - en allant sur les routes du monde, en apportant l'Evangile à toutes les nations, en apportant le don de son amour aux hommes de tous les temps. C'est pourquoi le chemin des apôtres s'est étendu jusqu'aux «extrémités de la terre» (cf. Ac 1, 6ss); ainsi, saint Pierre et saint Paul sont allés jusqu'à Rome, une ville qui était alors le centre du monde connu, véritable «caput mundi».

     La procession du Jeudi Saint accompagne Jésus dans sa solitude, vers la «via crucis». La procession du Corpus Domini, en revanche, répond de manière symbolique au mandat du Ressuscité: je vous précède en Galilée. Allez jusqu'aux extrémités de la terre, apportez l'Evangile au monde. Bien sûr, l'Eucharistie est, pour la foi, un mystère d'intimité. Le Seigneur a institué le Sacrement du Cénacle, entouré de sa nouvelle famille, des douze apôtres, préfiguration et anticipation de l'Eglise de tous les temps. C'est pourquoi, dans la liturgie de l'Eglise antique, la distribution de la sainte communion était introduite par les paroles suivantes: Sancta sanctis — le don saint est destiné à ceux qui sont rendus saints. On répondait de cette façon à l'avertissement de saint Paul aux Corinthiens: «Que chacun donc s'éprouve soi-même, et qu'ainsi il mange de ce pain et boive de cette coupe» (1 Co 11, 28). Toutefois, de cette intimité, qui est un don très personnel du Seigneur, la force du sacrement de l'Eucharistie va au-delà des murs de notre Eglise. Dans ce Sacrement, le Seigneur est toujours en marche vers le monde. Cet aspect universel de la présence eucharistique apparaît dans la procession de notre fête. Nous portons le Christ, présent dans la figure du pain, dans les rues de notre ville. Nous confions ces rues, ces maisons - notre vie quotidienne - à sa bonté. Que nos rues soient les routes de Jésus! Que nos maisons soient des maisons pour lui et avec lui! Que notre vie de tous les jours soit empreinte de sa présence. Avec ce geste, nous plaçons sous son regard les souffrances des malades, la solitude des jeunes et des personnes âgées, les tentations, les peurs - toute notre vie. La procession souhaite être une grande bénédiction publique pour notre ville: le Christ est, en personne, la bénédiction divine pour le monde - que le rayonnement de sa bénédiction s'étende sur nous tous!

   Dans la procession du Corpus Domini, nous accompagnons le Ressuscité sur son chemin vers le monde entier, comme nous l'avons dit. Et précisément en accomplissant cela, nous répondons également à son mandat: «Prenez, mangez... Buvez-en tous» (Mt 26, 26ss). On ne peut pas «manger» le Ressuscité, présent dans la figure du pain, comme un simple morceau de pain. Manger ce pain signifie communier, signifie entrer dans la communion avec la personne du Seigneur vivant. Cette communion, cet acte de «manger», est réellement une rencontre entre deux personnes, une façon de se laisser pénétrer par la vie de Celui qui est le Seigneur, de Celui qui est mon Créateur et mon Rédempteur. Le but de cette communion, de cet acte de manger, est l'assimilation de ma vie à la sienne, ma transformation et ma conformation à Celui qui est Amour vivant. C'est pourquoi cette communion implique l'adoration, implique la volonté de suivre le Christ, de suivre Celui qui nous précède. Adoration et procession font donc partie d'un unique geste de communion, et répondent à son mandat: «Prenez et mangez».  – Homélie Corpus Domini, Rome 26.5.2005
 

 

 

8 – Ce soir, vous avez voulu placer au centre de l'attention un aspect particulier du ministère du Successeur de Pierre, celui d'être un "messager de paix". Il s'agit d'un devoir spécifique qui est lié à la consigne de Jésus à ses Apôtres au Cénacle:  "Je vous laisse ma paix; c'est ma paix que je vous donne; je ne vous la donne pas comme le monde la donne" (Jn 14, 27). L'engagement de l'Eglise en faveur de la paix est avant tout de nature spirituelle. Il consiste à indiquer la présence de Jésus, le Ressuscité, Prince de la paix, et à éduquer à la foi, aux sources desquelles jaillissent des énergies fécondes de paix et de réconciliation.. - à la Famille de Dom Orione 28.6.2005

 

 

9 -  . La Résurrection du Christ est advenue le premier jour de la semaine, qui est pour les Juifs le jour de la création du monde. C’est justement pour cela que le dimanche était considéré comme le jour où a commencé le jour nouveau celui dans lequel, par la victoire du Christ sur la mort, a commencé la création nouvelle. – Homélie Messe à Bari 29.5.2005

 

10 - L’Esprit nous exhorte à faire parvenir à chaque homme et à chaque femme l'Amour que Dieu le Père a montré en Jésus Christ. Cet amour est vif, généreux, inconditionné, et il s'offre non seulement à ceux qui écoutent le messager, mais également à ceux qui l'ignorent ou le refusent. Chaque fidèle doit se sentir appelé à aller, en tant qu'envoyé du Christ, à la recherche de ceux qui se sont éloignés de la communauté, comme ces disciples d'Emmaüs qui avaient cédé au découragement (cf. Lc 24, 13-35). Il faut aller jusqu'aux extrémités de la société pour apporter à tous la lumière du message du Christ sur la signification de la vie, de la famille et de la société, en rejoignant les personnes qui vivent dans le désert de l'abandon et de la pauvreté, et en les aimant avec l'Amour du Christ ressuscité. Dans chaque apostolat, et dans l'annonce de l'Evangile, comme le dit saint Paul, si "je n'ai pas la charité je ne suis rien" (1 Co 13, 2). – aux pèlerins de Madrid venus à Rome 4.7.2005

 

11 - Selon l'heureuse intuition du bien-aimé pape Jean-Paul II, la Journée mondiale de la Jeunesse constitue une rencontre privilégiée avec le Christ, dans la solide conscience que Lui seul offre aux êtres humains la plénitude de vie, de joie et d'amour. Chaque chrétien est appelé à entrer dans une communion profonde avec le Seigneur crucifié et ressuscité, à l'adorer dans la prière, dans la méditation, et surtout dans la pieuse participation à l'Eucharistie, au moins le dimanche, petite « Pâque hebdomadaire ». On devient de cette façon ses véritables disciples, prêts à annoncer et à témoigner à tout moment de la beauté et de la force rénovatrice de l'Evangile. – Angelus 31.7.2005

 

12 - Les Mages adorèrent l'enfant de Bethléem, reconnaissant en Lui le Messie promis, le Fils unique du Père, comme l’affirme saint Paul, « car en lui habite corporellement toute la plénitude de la Divinité » (Col 2, 9). Les disciples Pierre, Jacques et Jean ont, en quelque sorte, fait une expérience semblable, comme le rappelle la fête de la Transfiguration, célébrée précisément hier. Jésus leur révéla sa gloire divine, sur le Mont Thabor, en annonçant la victoire définitive sur la mort. A travers la Pâque, le Christ crucifié et ressuscité manifestera ensuite pleinement sa divinité, offrant à tous les hommes le don de son amour rédempteur. Les saints sont ceux qui ont accueilli ce don et qui sont devenus les véritables adorateurs du Dieu vivant, l'aimant sans réserve à chaque instant de leur vie. Avec la prochaine rencontre de Cologne, l'Eglise veut reproposer cette sainteté, sommet de l'amour, à tous les jeunes du troisième millénaire. – Angelus 7.8.2005

 

18 août 2005 – JMJ Cologne - Discours d’accueil des jeunes

       Il faut, chers amis, savoir faire les choix nécessaires. C'est comme lorsque l'on se trouve à une croisée de chemins:  quelle route prendre? Celle qui m'est dictée par les passions ou celle qui m'est indiquée par l'étoile qui brille dans ma conscience? Ayant entendu la réponse:  "A Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète" (Mt 2, 5), les Mages choisirent de poursuivre leur route et d'aller jusqu'au bout, éclairés par cette parole. De Jérusalem, ils allèrent jusqu'à Bethléem, c'est-à-dire de la parole qui leur indiquait où se trouvait le Roi des Juifs qu'ils cherchaient jusqu'à la rencontre avec ce Roi qui était en même temps l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. Cette parole s'adresse aussi à nous. Nous aussi, nous devons faire un choix. En réalité, à bien y réfléchir, c'est précisément l'expérience que nous faisons en participant à chaque Eucharistie. A chaque Messe, en effet, la rencontre avec la Parole de Dieu nous introduit à la participation au mystère de la Croix et de la Résurrection du Christ et ainsi nous introduit à la Table eucharistique, à l'union avec le Christ. Sur l'autel est présent Celui que les Mages virent couché sur la paille:  le Christ, le Pain vivant descendu du ciel pour donner la vie au monde, l'Agneau véritable qui donne sa vie pour le salut de l'humanité. Eclairés par cette Parole, c'est toujours à Bethléem - la "Maison du pain" - que nous pourrons faire la rencontre bouleversante avec la grandeur inconcevable d'un Dieu qui s'est abaissé jusqu'à se donner à voir dans une mangeoire, jusqu'à se donner en nourriture sur l'autel.


 

21 août 2005 – Homélie Messe JMJ à Cologne

     Devant la sainte Hostie, dans laquelle Jésus s'est fait pour nous pain qui soutient et nourrit notre vie de l'intérieur (cf. Jn 6, 35), nous avons commencé hier soir le cheminement intérieur de l'adoration. Dans l'Eucharistie, l'adoration doit devenir union. Dans la Célébration eucharistique, nous nous trouvons en cette "heure" de Jésus dont parle l'Evangile de Jean. Grâce à l'Eucharistie son "heure" devient notre heure, sa présence au milieu de nous. Avec ses disciples, Il a célébré la cène pascale d'Israël, le mémorial de l'action libératrice de Dieu qui avait conduit Israël de l'esclavage à la liberté. Jésus suit les rites d'Israël. Il récite sur le pain la prière de louange et de bénédiction. Mais ensuite, se produit quelque chose de nouveau. Il ne remercie pas Dieu seulement pour ses grandes œuvres du passé; il le remercie pour sa propre exaltation, qui se réalisera par la Croix et la Résurrection, et il s'adresse aussi aux disciples avec des mots qui contiennent la totalité de la Loi et des Prophètes:  "Ceci est mon Corps donné pour vous en sacrifice. Ce calice est la Nouvelle Alliance en mon Sang". Il distribue alors le pain et le calice, et en même temps il leur confie la mission de redire et de refaire toujours de nouveau en sa mémoire ce qu'il est en train de dire et de faire en ce moment.

 

    Comment Jésus peut-il donner son Corps et son Sang? Faisant du pain son Corps et du vin son Sang, il anticipe sa mort, il l'accepte au plus profond de lui-même et il la transforme en un acte d'amour. Ce qui de l'extérieur est une violence brutale - la crucifixion -, devient de l'intérieur l'acte d'un amour qui se donne totalement. Telle est la transformation substantielle qui s'est réalisée au Cénacle et qui visait à faire naître un processus de transformations, dont le terme ultime est la transformation du monde jusqu'à ce que Dieu soit tout en tous (cf. 1 Co 15, 28). Depuis toujours, tous les hommes, d'une manière ou d'une autre, attendent dans leur coeur un changement, une transformation du monde. Maintenant se réalise l'acte central de transformation qui est seul en mesure de renouveler vraiment le monde:  la violence se transforme en amour et donc la mort en vie. Puisque cet acte change la mort en amour, la mort comme telle est déjà dépassée au plus profond d'elle-même, la résurrection est déjà présente en elle. La mort est, pour ainsi dire, intimement blessée, de telle sorte qu'elle ne peut avoir le dernier mot. Pour reprendre une image qui nous est familière, il s'agit d'une fission nucléaire portée au plus intime de l'être - la victoire de l'amour sur la haine, la victoire de l'amour sur la mort. Seule l'explosion intime du bien qui vainc le mal peut alors engendrer la chaîne des transformations qui, peu à peu, changeront le monde. Tous les autres changements demeurent superficiels et ne sauvent pas. C'est pourquoi nous parlons de rédemption:  ce qui du plus profond était nécessaire se réalise, et nous pouvons entrer dans ce dynamisme. Jésus peut distribuer son Corps, parce qu'il se donne réellement lui-même.

     Cette première transformation fondamentale de la violence en amour, de la mort en vie, entraîne à sa suite les autres transformations. Le pain et le vin deviennent son Corps et son Sang. Cependant, la transformation ne doit pas s'arrêter là, c'est plutôt à ce point qu'elle doit commencer pleinement. Le Corps et le Sang du Christ nous sont donnés  afin  que, nous-mêmes, nous soyons transformés à notre tour. Nous-mêmes, nous devons devenir Corps du Christ, consanguins avec Lui. Tous mangent l'unique pain, mais cela signifie qu'entre nous nous devenions une seule chose. L'adoration, avons-nous dit, devient ainsi union. Dieu n'est plus seulement en face de nous, comme le Totalement Autre. Il est au-dedans de nous, et nous sommes en Lui. Sa dynamique nous pénètre et, à partir de nous, elle veut se propager aux autres et s'étendre au monde entier, pour que son amour devienne réellement la mesure dominante du monde. Je trouve une très belle allusion à ce nouveau pas que la dernière Cène nous pousse à faire dans les différents sens que le mot "adoration" a en grec et en latin. Le mot grec est proskynesis. Il signifie le geste de la soumission, la reconnaissance de Dieu comme notre vraie mesure, dont nous acceptons de suivre la règle. Il signifie que liberté ne veut pas dire jouir de la vie, se croire absolument autonomes, mais s'orienter selon la mesure de la vérité et du bien, pour devenir de cette façon, nous aussi, vrais et bons. Cette attitude est nécessaire, même si, dans un premier temps, notre soif de liberté résiste à une telle perspective. Il ne sera possible de la faire totalement nôtre que dans le second pas que la dernière Cène nous entrouvre. Le mot latin pour adoration est ad-oratio - contact bouche à bouche, baiser, accolade et donc en définitive amour. La soumission devient union, parce que celui auquel nous nous soumettons est Amour. Ainsi la soumission prend un sens, parce qu'elle ne nous impose pas des choses étrangères, mais nous libère à partir du plus profond de notre être.

 

 

 

1er novembre 2005 – Angelus Solennité de Toussaint

     Nous célébrons aujourd'hui la solennité de Tous les Saints, qui nous fait goûter la joie d'appartenir à la grande famille des amis de Dieu, ou, comme l'écrit saint Paul, de "partager le sort des saints dans la lumière" (Col 1, 12). La liturgie repropose l'expression remplie d'émerveillement de l'Apôtre Jean:  "Voyez quelle manifestation d'amour le Père nous a donnée pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes!" (1 Jn 3, 1). Oui, devenir saints signifie réaliser pleinement ce que nous sommes déjà, ayant été élevés, en Jésus Christ, à la dignité de fils adoptifs de Dieu (cf. Ep 1, 5; Rm 8, 14-17). A travers l'incarnation de son Fils, sa mort et sa résurrection, Dieu a voulu réconcilier l'humanité avec Lui et l'ouvrir à la participation à sa propre vie. Celui qui croit dans le Christ Fils de Dieu renaît "d'en-haut", il est comme régénéré par l'oeuvre de l'Esprit Saint (cf. Jn 3, 1-8). Ce mystère se réalise dans le sacrement du Baptême, à travers lequel la mère Eglise donne le jour à ses "saints".

    

18 décembre 2005 – Homélie Messe dans la paroisse romaine de Casalbertone

     « Sois sans crainte Marie ! », … En réalité, il y avait lieu d'avoir peur, car porter à présent le poids du monde sur soi, être la Mère du Roi universel, être la Mère du Fils de Dieu, quel poids cela constituait-il ! Un poids au-dessus des forces d'un être humain ! Mais l'Ange dit : "Sois sans crainte ! Oui, tu portes Dieu, mais Dieu te soutient. N'aie pas peur !". Cette parole "Sois sans crainte" pénétra certainement en profondeur dans le cœur de Marie. Nous pouvons imaginer comment, en diverses occasions, la Vierge est revenue sur cette parole, l'a écoutée à nouveau. Au moment où Siméon lui dit : "Cet enfant doit être un signe en butte à la contradiction, et toi-même une épée te transpercera l'âme", à ce moment où elle pouvait céder à la peur, Marie revient à la parole de l'Ange, elle en ressent intérieurement l'écho : "Sois sans crainte, Dieu te soutient". Ensuite, lorsque pendant la vie publique, les contradictions se déchaînent autour de Jésus, et que de nombreuses personnes disent : "Il est fou", elle repense : "Sois sans crainte" et elle va de l'avant. Enfin, lors de la rencontre sur le chemin du Calvaire, puis sous la Croix, alors que tout semble fini, elle entend encore dans son cœur la parole de l'Ange : "Sois sans crainte". Elle reste ainsi courageusement aux côtés de son fils mourant et, soutenue par la foi, elle va vers la Résurrection, vers la Pentecôte, vers la fondation de la nouvelle famille de l'Eglise.



2006

 

 

 

Message Carême 2006

    Le Carême est le temps privilégié du pèlerinage intérieur vers Celui qui est la source de la Miséricorde. C'est un pèlerinage au cours duquel Lui-même nous accompagne à travers le désert de notre pauvreté, nous soutenant sur le chemin vers la joie profonde de Pâques

 

 

2 mars 2006 – Avec les prêtres du Diocèse de Rome

     L'adoration consiste à entrer, au plus profond de notre cœur, en communion avec le Seigneur, qui est présent de façon corporelle dans l'Eucharistie. Dans l'Ostensoir, il se donne toujours entre nos mains, et nous invite à nous unir à sa Présence, à son Corps ressuscité.

 

19 mars 2006 – Homélie de la Messe

     La Loi mosaïque a trouvé son plein accomplissement en Jésus, qui a révélé la sagesse et l'amour de Dieu à travers le mystère de la Croix, "scandale pour les Juifs, folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Grecs... puissance de Dieu et sagesse de Dieu" (1 Co 1, 23, 24). C'est précisément à ce mystère que fait référence la page évangélique qui vient d'être proclamée: Jésus chasse du temple les marchands et les changeurs. L'évangéliste fournit la clé de lecture de cet épisode significatif à travers le verset d'un Psaume: "Car le zèle de ta maison me dévore" (cf. Ps 69, 10). Jésus est bien "dévoré" par ce "zèle" pour la "maison de Dieu", utilisée dans des buts différents de ceux auxquels elle devrait être destinée. Face à la demande des responsables religieux, qui prétendent un signe de son autorité, à la stupéfaction des personnes présentes, il affirme: "Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai" (Jn 2, 19). Une parole mystérieuse, incompréhensible à ce moment-là, mais que Jean reformule pour ses lecteurs chrétiens, en observant que: "Lui parlait du sanctuaire de son corps" (Jn 2, 21). Ce "sanctuaire", ses adversaires allaient le détruire, mais après trois jours, il l'aurait reconstruit à travers la résurrection. La douloureuse et "scandaleuse" mort du Christ allait être couronnée par le triomphe de sa glorieuse résurrection. Alors qu'en ce temps de Carême, nous nous préparons à revivre dans le triduum pascal cet événement central de notre salut, notre regard est déjà tourné vers le Crucifié, en entrevoyant en Lui le rayonnement du Ressuscité.
 

24 avril 2006 – Homélie Place Saint Pierre pour le Consistoire Public

     Je m'adresse à ceux qui exercent parmi vous la fonction d'Anciens, car moi aussi je fais partie des Anciens, je suis témoin de la Passion du Christ, et je la communierai à la gloire qui va se révéler » (1 P 5, 1). Il s'agit de paroles qui, même dans leur structure essentielle, rappellent le mystère pascal... Saint Pierre les applique à lui-même, en tant que faisant « partie des Anciens », laissant ainsi entendre que l'Ancien dans l'Eglise, le prêtre, en vertu de l'expérience acquise au cours des années et des épreuves subies et surmontées, doit être particulièrement « en harmonie » avec l'intime dynamisme du mystère pascal. Combien de fois, … vous avez trouvé dans ces paroles un motif de méditation et d'encouragement spirituel à suivre les traces du Seigneur crucifié et ressuscité !

 

 

26 mars 2006 – Homélie Messe dans une paroisse romaine

     Le quatrième dimanche de Carême, traditionnellement désigné comme "dimanche Laetare", est empreint d'une joie qui, dans une certaine mesure, adoucit le climat de pénitence de ce temps saint: "Réjouissez-vous avec Jérusalem - dit l'Eglise dans le chant d'entrée - Exultez à cause d'elle [...] Avec elle soyez plein d'allégresse, vous tous qui portiez son deuil". Le refrain du Psaume responsorial fait écho à cette invitation: "Ton souvenir, Seigneur, est notre joie". Penser à Dieu procure de la joie. On se demande alors spontanément: mais quel est le motif pour lequel nous devons nous réjouir ? Un des motifs est certainement l'approche de Pâques, dont la prévision nous fait goûter à l'avance la joie de la rencontre avec le Christ ressuscité. La raison la plus profonde se trouve cependant dans le message offert par les lectures bibliques que la liturgie propose aujourd'hui …. Celles-ci nous rappellent que, malgré notre indignité, nous sommes les destinataires de la Miséricorde infinie de Dieu. Dieu nous aime d'une façon que nous pourrions qualifier d'"obstinée", et il nous enveloppe de son inépuisable Tendresse…

 

     Comment répondre à cet amour radical du Seigneur ? L'Evangile nous présente un personnage du nom de Nicodème, membre du Sanhédrin de Jérusalem, qui va chercher Jésus la nuit. Il s'agit d'un honnête homme, attiré par les paroles et par l'exemple du Seigneur, mais qui a peur des autres, qui hésite à franchir le pas de la foi. Il ressent la fascination de ce Rabbì si différent des autres, mais il ne réussit pas à se soustraire aux conditionnements du milieu, contraire à Jésus, et il restera hésitant sur le seuil de la foi. Que de personnes, à notre époque également, sont à la recherche de Dieu, à la recherche de Jésus et de son Eglise, à la recherche de la Miséricorde divine, et attendent un "signe" qui touche leur esprit et leur cœur ! Aujourd'hui, comme alors, l'évangéliste nous rappelle que le seul "signe" est Jésus élevé sur la Croix : Jésus mort et ressuscité est le signe absolument suffisant. En Lui, nous pouvons comprendre la vérité de la vie et obtenir le salut. Telle est l'annonce centrale de l'Eglise, qui demeure immuable au cours des siècles. La foi chrétienne n'est donc pas une idéologie, mais une rencontre personnelle avec le Christ crucifié et ressuscité. De cette expérience, qui est individuelle et communautaire, naît ensuite une nouvelle façon de penser et d'agir : c'est ainsi que trouve son origine, comme en témoignent les saints, une existence marquée par l'amour.

 

 

15 avril 2006 – Homélie Messe Nuit de Pâques

      «Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité: il n'est pas ici» (Mc 16, 6). Ainsi parle le messager de Dieu, vêtu de lumière, aux femmes qui cherchent le corps de Jésus dans le tombeau. En cette nuit sainte, l'évangéliste nous dit, à nous aussi, la même chose: Jésus n'est pas un personnage du passé. Il vit et, vivant, il marche devant nous; il nous appelle à le suivre, Lui, le vivant, et à trouver ainsi, nous aussi, le chemin de la vie.

      «Il est ressuscité... il n'est pas ici». Lorsque, en descendant de la montagne de la Transfiguration, Jésus, pour la première fois, avait parlé à ses disciples de la croix et de la résurrection, ceux-ci se demandaient ce que voulait dire «ressusciter d'entre les morts» (Mc 9, 10). À Pâques, nous nous réjouissons parce que le Christ n'est pas resté dans le tombeau, son corps n'a pas connu la corruption; il appartient au monde des vivants, non à celui des morts; nous nous réjouissons par ce qu'Il est - ainsi que nous le proclamons dans le rite du cierge pascal - l'Alpha et en même temps l'Oméga; il existe donc non seulement hier, mais aujourd'hui et pour l'éternité (cf. He 13, 8). Cependant, la résurrection est, en quelque sorte, située tellement au-delà de notre horizon, de même qu'au-delà de toutes nos expériences, que, lorsque nous faisons retour en nous-mêmes, nous en sommes à poursuivre la discussion des disciples: en quoi consiste précisément le «fait de ressusciter» ? Qu'est ce que cela signifie pour nous ? Pour le monde et pour l'histoire dans leur ensemble ? Un théologien allemand a dit une fois, de manière ironique, que le miracle d'un cadavre réanimé - si toutefois cela s'était réellement produit, ce à quoi d'ailleurs il ne croyait pas -, serait en fin de compte sans importance puisque, précisément, nous ne serions pas concernés. En effet, si une fois quelqu'un avait été réanimé, et rien d'autre, en quoi cela devrait-il nous concerner ? Mais, précisément, la résurrection du Christ est bien plus, il s'agit d'une réalité différente. Elle est - si nous pouvons pour une fois utiliser le langage de la théorie de l'évolution - la plus grande «mutation», le saut absolument le plus décisif dans une dimension totalement nouvelle qui soit jamais advenue dans la longue histoire de la vie et de ses développements: un saut d'un ordre complètement nouveau, qui nous concerne et qui concerne toute l'histoire.

     La discussion que les disciples ont entamée comprendrait donc les questions suivantes: Que lui est-il arrivé ? Que cela signifie-t-il pour nous, pour l'ensemble du monde et pour moi personnellement ? Avant tout: Que s'est-il passé ? Jésus n'est plus dans le tombeau. Il est dans une vie totalement nouvelle. Mais comment cela a-t-il pu se produire ? Quelles forces ont agi là ? Il est décisif que cet homme Jésus n'ait pas été seul, n'ait pas été un moi renfermé sur lui-même. Il était un avec le Dieu vivant, tellement uni à Lui qu'il formait avec Lui une unique personne. Il se trouvait, pour ainsi dire, dans une union affectueuse avec Celui qui est la vie même, union affectueuse non seulement basée sur l'émotion, mais saisissant et pénétrant son être. Sa vie n'était pas seulement la sienne, elle était une communion existentielle avec Dieu et un être incorporé en Dieu, et c'est pourquoi cette vie ne pouvait pas lui être véritablement enlevée. Par amour, il pouvait se laisser tuer, mais c'est précisément ainsi qu'il a rompu le caractère définitif de la mort, parce qu'en lui était présent le caractère définitif de la vie. Il était un avec la vie indestructible, de telle manière que celle-là, à travers la mort, jaillisse d'une manière nouvelle. Nous pouvons exprimer encore une fois la même chose en partant d'un autre point de vue. Sa mort fut un acte d'amour. Au cours de la dernière Cène, Il a anticipé sa mort et Il l'a transformée en don de soi. Sa communion existentielle avec Dieu était concrètement une communion existentielle avec l'amour de Dieu, et cet amour est la vraie puissance contre la mort, il est plus fort que la mort. La résurrection fut comme une explosion de lumière, une explosion de l'amour, qui a délié le lien jusqu'alors indissoluble du «meurs et deviens». Elle a inauguré une nouvelle dimension de l'être, de la vie, dans laquelle la matière a aussi été intégrée, d'une manière transformée, et à travers laquelle surgit un monde nouveau.

     Il est clair que cet événement n'est pas un quelconque miracle du passé, dont l'existence pourrait nous être, en définitive, indifférente. Il s'agit d'un saut qualitatif dans l'histoire de l'évolution et de la vie en général, vers une vie future nouvelle, vers un monde nouveau qui, en partant du Christ, pénètre déjà continuellement dans notre monde, le transforme et l'attire à lui. Mais comment cela se produit-il ? Comment cet événement peut-il effectivement m'arriver et attirer ma vie vers lui et vers le haut ? Dans un premier temps, la réponse pourrait sembler surprenante, mais elle est tout à fait réelle: un tel événement me rejoint à travers la foi et le Baptême. C'est pourquoi le Baptême fait partie de la Veillée pascale, comme le souligne aussi, au cours de cette célébration, le fait que soient conférés les Sacrements de l'Initiation chrétienne à quelques adultes provenant de différents pays. Le Baptême signifie précisément ceci, qu'il ne s'agit pas d'un événement du passé, mais qu'un saut qualitatif de l'histoire universelle vient à moi, me saisissant pour m'attirer. Le Baptême est quelque chose de bien différent qu'un acte de socialisation ecclésiale, qu'un rite un peu démodé et compliqué pour accueillir les personnes dans l'Église. Il est encore bien plus que le simple fait d'être lavé, qu'une sorte de purification et d'embellissement de l'âme. Il est vraiment mort et résurrection, renaissance, transformation en une vie nouvelle.

     Comment pouvons-nous le comprendre ? Je pense que ce qui advient au Baptême s'éclaire plus facilement pour nous si nous regardons la partie finale de la petite autobiographie spirituelle que saint Paul nous a laissée dans sa Lettre aux Galates. Elle se conclut par les mots qui contiennent aussi le noyau de cette biographie: «Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi» (Ga 2, 20). Je vis, mais ce n'est plus moi. Le moi lui-même, l'identité essentielle de l'homme - de cet homme, Paul - a été changée. Il existe encore et il n'existe plus. Il a traversé une négation et il se trouve continuellement dans cette négation: c'est moi, mais ce n'est plus moi. Par ces mots, Paul ne décrit pas une quelconque expérience mystique, qui pouvait peut-être lui avoir été donnée et qui pourrait sans doute nous intéresser du point de vue historique. Non, cette phrase exprime ce qui s'est passé au Baptême. Mon propre moi m'est enlevé et il s'incorpore à un sujet nouveau, plus grand. Alors mon moi existe de nouveau, mais précisément transformé, renouvelé, ouvert par l'incorporation dans l'autre, dans lequel il acquiert son nouvel espace d'existence. De nouveau, Paul nous explique la même chose, sous un autre aspect, quand, dans le troisième chapitre de la Lettre aux Galates, il parle de la «promesse», disant qu'elle a été donnée au singulier - à un seul: au Christ. C'est lui seul qui porte en lui toute la «promesse». Mais alors qu'advient-il pour nous ? Paul répond: «Vous ne faites plus qu'un dans le Christ» (Ga 3, 28). Non pas une seule chose, mais un, un unique, un unique sujet nouveau. Cette libération de notre moi de son isolement, le fait de se trouver dans un nouveau sujet, revient à se trouver dans l'immensité de Dieu et à être entraînés dans une vie qui est dès maintenant sortie du contexte du «meurs et deviens». La grande explosion de la résurrection nous a saisis dans le Baptême pour nous attirer. Ainsi nous sommes associés à une nouvelle dimension de la vie dans laquelle nous sommes déjà en quelque sorte introduits, au milieu des tribulations de notre temps. Vivre sa vie comme une entrée continuelle dans cet espace ouvert : telle est la signification essentielle de l'être baptisé, de l'être chrétien. Telle est la joie de la Veillée pascale. La résurrection n'est pas passée, la résurrection nous a rejoints et saisis. Nous nous accrochons à elle, c'est-à-dire au Christ ressuscité, et nous savons que Lui nous tient solidement, même quand nos mains faiblissent. Nous nous accrochons à sa main, et ainsi nous nous tenons la main les uns des autres, nous devenons un unique sujet, et pas seulement une seule chose. C'est moi, mais ce n'est plus moi: voilà la formule de l'existence chrétienne fondée sur le Baptême, la formule de la résurrection à l'intérieur du temps. C'est moi, mais ce n'est plus moi: si nous vivons de cette manière, nous transformons le monde. C'est la formule qui contredit toutes les idéologies de la violence, et c'est le programme qui s'oppose à la corruption et à l'aspiration au pouvoir et à l'avoir.

     «Je vis et, vous aussi, vous vivrez», dit Jésus à ses disciples, c'est-à-dire à nous, dans l'Évangile de Jean (14, 19). Nous vivrons par la communion existentielle avec Lui, par le fait d'être incorporés en Lui qui est la vie même. La vie éternelle, l'immortalité bienheureuse, nous ne l'avons pas de nous-mêmes et nous ne l'avons pas en nous-mêmes, mais au contraire par une relation - par la communion existentielle avec Celui qui est la Vérité et l'Amour, et qui est donc éternel, qui est Dieu lui-même. Par elle-même, la simple indestructibilité de l'âme ne pourrait pas donner un sens à une vie éternelle, elle ne pourrait pas en faire une vraie vie. La vie nous vient du fait d'être aimés par Celui qui est la Vie; elle nous vient du fait de vivre-avec Lui et d'aimer-avec Lui. C'est moi, mais ce n'est plus moi: tel est le chemin de la croix, le chemin qui crucifie une existence renfermée seulement sur le moi, ouvrant par-là la route à la joie véritable et durable.

     Ainsi nous pouvons, pleins de joie, chanter avec l'Église dans l'Exsultet: «Exultez de joie, multitude des anges, sois heureuse aussi, notre terre». La résurrection est un avènement cosmique, qui comprend le ciel et la terre, et qui les lie l'un à l'autre. Et nous pouvons encore proclamer avec l'Exsultet: «Le Christ, ton Fils... ressuscité des morts, répand sur les humains sa lumière et sa paix, Lui qui règne pour les siècles des siècles». Amen !

 

 

15 avril 2006 - Message de Pâques Urbi et Orbi

Chers Frères et Sœurs,
Christus resurrexit ! - Le Christ est ressuscité !
     La grande Veillée de cette nuit nous a fait revivre l'événement décisif et toujours actuel de la Résurrection, mystère central de la foi chrétienne. D'innombrables cierges de Pâques se sont allumés dans les églises pour symboliser la lumière du Christ qui, ayant vaincu à jamais les ténèbres du péché et du mal, a illuminé et illumine l'humanité. En ce jour, résonne de manière forte les paroles qui laissèrent stupéfaites les femmes arrivées, au matin du premier jour après le sabbat, près du tombeau où le corps du Christ, descendu en toute hâte de la croix, avait été déposé. Tristes et désespérées en raison de la perte de leur Maître, elles avaient trouvé la grosse pierre roulée sur le côté et, entrant dans le tombeau, elles avaient constaté que son corps n'y était plus. Tandis qu'elles restaient là, pleines d'incertitude et perdues, deux hommes en habit éblouissant les surprirent en leur disant: «Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? Il n'est pas ici, il est ressuscité» (Lc 24, 5-6). «Non est hic, sed resurrexit» (Lc 24, 6). Depuis ce matin-là, ces paroles ne cessent de résonner dans l'univers comme une joyeuse annonce qui traverse les siècles de manière immuable et, en même temps, chargée de significations infinies et toujours nouvelles.

     «Il n'est pas ici... il est ressuscité». Les messagers célestes communiquent avant tout que Jésus «n'est pas ici»: le Fils de Dieu n'est pas resté dans le tombeau, parce qu'il ne pouvait pas rester prisonnier de la mort (cf. Ac 2, 24), et le tombeau ne pouvait pas retenir «le Vivant» (Ap 1, 18), qui est la source même de la vie. De même que Jonas est resté dans le ventre du poisson, de même le Christ crucifié est resté englouti au cœur de la terre (cf. Mt 12, 40), le temps d'un sabbat. Ce fut «vraiment un grand jour que ce sabbat», comme l'écrit l'évangéliste Jean (19, 31): le plus solennel de l'histoire, parce qu'avec lui le «Seigneur du sabbat» (cf. Mt 12, 8) porte à son accomplissement l'œuvre de la création (cf. Gn 2, 1-4a), élevant l'homme et le cosmos tout entier à la liberté de la gloire des fils de Dieu (cf. Rm 8, 21). Une fois cette œuvre extraordinaire accomplie, le corps sans vie a été traversé par le souffle vital de Dieu et, les barrières du tombeau ayant été rompues, il est ressuscité glorieux. C'est pourquoi les anges proclament «il n'est pas ici»: il ne peut plus se trouver dans le tombeau. Il a marché sur la terre des hommes, il a terminé son chemin dans le tombeau comme tous les hommes, mais il a vaincu la mort, et, de manière absolument nouvelle, par un acte de pur amour, il a ouvert la terre et il l'a ouverte en grand vers le Ciel.

     Grâce au Baptême qui nous «incorpore» à Lui, sa résurrection devient notre résurrection. Le prophète Ézéchiel l'avait annoncé: «Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai sortir, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d'Israël» (Ez 37, 12). Le jour de Pâques, ces paroles prophétiques prennent une valeur singulière, parce que, aujourd'hui, s'accomplit la promesse du Créateur; aujourd'hui, également à notre époque marquée par l'inquiétude et l'incertitude, nous revivons l'événement de la résurrection, qui a changé la face de notre existence, qui a changé l'histoire de l'humanité. C'est du Christ ressuscité que les personnes encore opprimées par les liens de la souffrance et de la mort attendent l'espérance, parfois aussi sans le savoir.

     Que l'Esprit du Ressuscité apporte tout particulièrement réconfort et sécurité en Afrique, aux populations du Darfour, qui s'enfoncent dans une dramatique situation humanitaire qui n'est plus tolérable; aux populations de la région des Grands Lacs, où de nombreuses plaies ne sont pas encore cicatrisées; aux peuples de la Corne de l'Afrique, de la Côte d'Ivoire, de l'Ouganda, du Zimbabwe et d'autres nations, qui aspirent à la réconciliation, à la justice et au développement. En Irak, que sur la violence tragique qui sans pitié continue à faire des victimes prévale enfin la paix. Je souhaite aussi vivement la paix à ceux qui sont engagés dans le conflit en Terre Sainte, les invitant tous à un dialogue patient et persévérant qui surmonte les obstacles anciens et nouveaux. Que la communauté internationale, qui réaffirme le juste droit d'Israël d'exister dans la paix, aide le peuple palestinien à dépasser les conditions précaires dans lesquelles il vit et à construire son avenir, en se dirigeant vers la constitution d'un véritable État propre. Que l'Esprit du Ressuscité suscite un dynamisme renouvelé pour l'engagement des pays de l'Amérique latine, afin que les conditions de vies de millions d'habitants soient améliorées, supprimant l'abominable plaie des séquestrations de personnes et que les institutions démocratiques soient consolidées, dans un esprit de concorde et de solidarité effective. En ce qui concerne les crises internationales liées au nucléaire, puisse-t-on parvenir à un arrangement honorable pour tous, au moyen de négociations sérieuses et loyales ; et que se renforce chez les responsables des Nations et des Organisations internationales la volonté d'atteindre une convivialité pacifique entre ethnies, entre cultures et entre religions, qui éloignera la menace du terrorisme. Tel est la voie de la paix pour le bien de l'humanité entière.

     Que le Seigneur ressuscité fasse ressentir partout sa force de vie, de paix et de liberté. À tous, aujourd'hui, sont adressées les paroles par lesquelles, au matin de Pâques, l'ange a rassuré le cœur apeuré des femmes: «N'ayez pas peur ! ... Il n'est pas ici. Il est ressuscité» (Mt 28, 5-6). Jésus est ressuscité et il nous donne la paix; Il est lui-même la paix. C'est pourquoi l'Église répète avec force: «Le Christ est ressuscité - Christós anésti». Que l'humanité du troisième millénaire n'ait pas peur de Lui ouvrir son cœur. L'Évangile du Christ n'éteint pas, mais bien au contraire comble pleinement la soif de paix et de bonheur qui habite le cœur de tout homme. Le Christ est désormais vivant et marche avec nous. Immense mystère d'amour ! Christus resurrexit, quia Deus caritas est ! Alléluia !
 

 

23 avril 2006 – Regina Caeli

    L'Evangile de Jean rapporte que Jésus ressuscité apparut aux disciples, enfermés dans le Cénacle, le soir du 'premier [jour] de la semaine' (Jn 20, 19) et qu'il se montra à eux à nouveau dans le même lieu 'huit jours après' (Jn 20, 26). Dès le début donc, la communauté chrétienne commença à vivre selon un rythme hebdomadaire, marqué par la rencontre avec le Seigneur ressuscité. C'est ce que souligne également la Constitution du Concile Vatican II sur la liturgie, en affirmant : « L'Eglise célèbre le mystère pascal, en vertu d'une Tradition apostolique qui remonte au jour même de la résurrection du Christ, chaque huitième jour, qui est nommé à bon droit le jour du Seigneur, ou dimanche » (Sacrosanctum Concilium, n. 106).
 

     L'Evangéliste rappelle également qu'au cours des deux apparitions - le jour de la Résurrection et huit jours après -, le Seigneur Jésus montra aux disciples les signes de la crucifixion, bien visibles et tangibles également sur son corps glorieux (cf. Jn, 20, 20.27). Ces saintes plaies, sur les mains, sur les pieds et sur le côté, représentent des sources inépuisables de foi, d'espérance et d'amour auxquelles chacun peut puiser, en particulier les âmes les plus assoiffées de divine miséricorde

 

    Que la Très Sainte Vierge Marie, Mère de l'Eglise, à laquelle nous nous adressons à présent à travers le Regina caeli, obtienne pour tous les chrétiens de vivre en plénitude le dimanche comme « pâque de la semaine », en goûtant à la beauté de la rencontre avec le Seigneur ressuscité et en puisant à la source de son amour miséricordieux, pour être apôtres de sa paix.

 

23 avril 2006 – Après le Regina Caeli
    
Que la lumière de Pâques éclaire votre existence et affermisse votre foi. Que la paix du Christ habite votre cœur pour que vous soyez des artisans de paix

 

 

7 mai 2006 – Homélie Messe Ordinations Sacerdotales

     La mission de Jésus concerne l'humanité tout entière, et l'Eglise reçoit donc une responsabilité pour toute l'humanité, afin que cette dernière reconnaisse Dieu, ce Dieu qui, pour nous tous, s'est fait homme en Jésus Christ, a souffert, est mort et est ressuscité.

 

21 mai 2006 - Regina Caeli

     Le livre des Actes des apôtres rapporte que Jésus, après sa résurrection, est apparu à ses disciples pendant quarante jours, et puis « fut élevé en haut sous leurs yeux » (At 1,9). C’est l’Ascension. La signification de ce dernier geste du Christ est double. Avant tout, en montant vers « le haut », il révèle sans équivoque sa divinité : il retourne là d’où il est venu, c’est-à-dire en Dieu, après avoir accompli sa mission sur la terre. En outre, le Christ monte au ciel avec l’humanité qu’il a assumée et qu’il a ressuscitée d’entre les morts : cette humanité c’est la nôtre, transfigurée, divinisée, devenue éternelle. L’Ascension révèle donc la « très haute vocation » (Gaudium et spes, 22) de toute personne humaine : elle est appelée à la vie éternelle dans le Royaume de Dieu, Royaume d’amour, de lumière et de paix.
 

1er septembre 2006 – Sanctuaire de la Sainte Face de Manopello

     Ce n'est qu'après sa passion, lorsqu'ils rencontreront le Christ ressuscité, quand l'Esprit illuminera leurs esprits et leurs cœurs, que les Apôtres comprendront la signification des paroles que Jésus avait prononcées (Jn 14,9), et ils Le reconnaîtront comme le Fils de Dieu, le Messie promis pour la rédemption du monde. Ils deviendront alors ses messagers inlassables, des témoins courageux jusqu'au martyre

 

 

29 juin 2006 - Homélie de la Messe Sts Pierre et Paul

    Le Seigneur est continuellement en chemin vers la Croix, vers l'abaissement du serviteur de Dieu souffrant et tué, mais il est en même temps toujours également en chemin vers la vaste étendue du monde, dans laquelle Il nous précède comme Ressuscité, afin que resplendissent dans le monde la lumière de sa parole et la présence de son amour; il est en chemin afin qu'à travers Lui, le Christ crucifié et ressuscité, Dieu lui-même, arrive dans le monde…

 

     Pour l'Eglise, le Vendredi Saint et la Pâque existent toujours ensemble; celle-ci représente toujours autant le grain de sénevé que l'arbre dans les branches duquel les oiseaux du ciel font leur nid. L'Eglise - et en elle le Christ - souffre encore aujourd'hui. En elle, le Christ est encore bafoué et frappé; on cherche encore à le chasser du monde. Et la petite barque de Pierre est encore sans cesse secouée par le vent des idéologies, dont les eaux pénètrent dans la barque et semblent la condamner à couler. Et pourtant, précisément dans l'Eglise souffrante, le Christ est victorieux. En dépit de tout, la foi en Lui reprend toujours ses forces. Aujourd'hui encore, le Seigneur commande aux eaux et se révèle Maître des éléments. Il demeure dans sa barque, le navire de l'Eglise

 

    Le Seigneur est ressuscité, et, en tant que Ressuscité, confie à Pierre son troupeau. …La Croix et la Résurrection s'interpénètrent. Jésus prédit à Pierre que son chemin conduira à la Croix. Dans cette basilique, érigée sur la tombe de Pierre - une tombe de pauvres - nous voyons que le Seigneur, précisément ainsi, à travers la Croix, vainc toujours. Son pouvoir n'est pas un pouvoir selon les modalités de ce monde. C'est le pouvoir du bien - de la vérité et de l'amour, qui est plus fort que la mort. Oui, sa promesse est vraie: les pouvoirs de la mort, les portes de l'enfer ne l'emporteront pas sur l'Eglise qu'il a édifiée sur Pierre (cf. Mt 16, 18)

 

 

31 août 2006 – Avec les prêtres du diocèse d’Albano

     Il demeure très important pour moi que dans la Lettre de saint Paul aux Ephésiens, les noces de Dieu avec l'humanité à travers l'incarnation du Seigneur se réalisent sur la Croix, dans laquelle naît la nouvelle humanité, l'Eglise. Le mariage chrétien naît précisément dans ces noces divines. Il est, comme le dit saint Paul, la concrétisation sacramentelle de ce qui a lieu dans ce grand Mystère. Ainsi, nous devons sans cesse ré-apprendre ce lien entre la Croix et la Résurrection, entre la Croix et la beauté de la Rédemption, et nous insérer dans ce Sacrement. Prions le Seigneur afin qu'il nous aide à annoncer correctement ce Mystère, à vivre ce Mystère, à apprendre des époux comment ils le vivent, à nous aider à vivre la Croix, de façon à arriver également aux moments de la joie et de la Résurrection.

 

19 octobre 2006 – Discours au Congrès de l’Eglise Italienne, à Verona

     La Résurrection du Christ est un fait qui a eu lieu dans l'histoire, dont les Apôtres ont été les témoins et certainement pas les créateurs. Dans le même temps, celle-ci n'est pas du tout un simple retour à notre vie terrestre ; elle est en revanche le plus grand «changement» jamais survenu, le «saut» décisif vers une dimension de vie profondément nouvelle, l'entrée dans un ordre complètement différent, qui concerne tout d'abord Jésus de Nazareth, mais nous aussi avec Lui, toute la famille humaine, l'histoire et l'univers tout entier : c'est pourquoi la Résurrection du Christ est le centre de la prédication et du témoignage chrétien, depuis le début et jusqu'à la fin des temps. Il s'agit assurément d'un grand mystère, le mystère de notre salut, qui trouve dans la Résurrection du Verbe incarné son accomplissement et en même temps l'anticipation et le gage de notre espérance. Mais l'emblème de ce mystère est l'amour, et ce n'est que dans la logique de l'amour que l'on peut l'aborder et, d'une certaine manière, le comprendre : Jésus Christ ressuscite d'entre les morts car tout son être est une union parfaite et intime avec Dieu, qui est l'amour vraiment plus fort que la mort. Il n'était qu'une seule chose avec la Vie indestructible et pouvait donc donner sa propre vie en se laissant tuer, mais il ne pouvait pas succomber définitivement à la mort : lors de la Dernière Cène, il a concrètement anticipé et accepté par amour sa propre mort sur la Croix, la transformant ainsi en don de soi, ce don qui nous donne la vie, nous libère et nous sauve. Sa Résurrection a donc été comme une explosion de lumière, une explosion de l'amour qui brise les chaînes du péché et de la mort. Celle-ci a inauguré une nouvelle dimension de la vie et de la réalité, dont naît un monde nouveau, qui pénètre sans cesse dans notre monde, le transforme et l'attire à soi.

 

     Tout cela a concrètement lieu à travers la vie et le témoignage de l'Eglise ; l'Eglise constitue même les prémisses de cette transformation, qui est l'œuvre de Dieu et non la nôtre. Celle-ci nous parvient à travers la foi et le sacrement du Baptême, qui est réellement mort et résurrection, renaissance, transformation en une vie nouvelle. C'est ce que note Paul dans la Lettre aux Galates : «Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi» (2, 20). C'est ainsi qu'a été transformée mon identité essentielle et je ne continue à exister que dans ce changement. Mon propre «moi» m'est ôté et il est inséré dans un nouveau sujet plus grand, dans lequel mon «moi» se trouve à nouveau, mais transformé, purifié, «ouvert» à travers l'insertion dans l'autre, en qui il acquiert son nouvel espace d'existence. Nous devenons ainsi «un dans le Christ Jésus» (Gal 3, 28), un unique sujet nouveau, et notre moi est libéré de son isolement. «Moi, mais tout en n'étant plus moi» : telle est la formule de l'existence chrétienne fondée sur le Baptême, la formule de la résurrection dans le temps, la formule de la «nouveauté» chrétienne appelée à transformer le monde. C'est là que se trouve notre joie pascale. Notre vocation et notre tâche de chrétiens consistent à coopérer pour que parvienne à son accomplissement effectif, dans la réalité quotidienne de notre vie, ce que l'Esprit Saint à entrepris en nous avec le Baptême : nous sommes en effet appelés à devenir des hommes et des femmes nouveaux, pour pouvoir être de véritables témoins du Ressuscité et, de cette façon, être des porteurs de la joie et de l'espérance chrétienne dans le monde, concrètement, dans cette communauté d'hommes et de femmes dans laquelle nous vivons. ..

    Jésus nous a dit que tout ce que nous ferions aux plus petits de ses frères, c'est à Lui que nous le ferions (cf. Mt 25, 40). L'authenticité de notre adhésion au Christ se vérifie donc en particulier dans l'amour et dans la sollicitude concrète pour les plus faibles et les plus pauvres, pour qui se trouve en plus grand danger et dans des difficultés majeures. …. Il est …plus que jamais important que tous ces témoignages de charité (dans la vie des saints) conservent toujours haut et clair leur profil spécifique, se nourrissant d'humilité et de confiance dans le Seigneur, en gardant leur liberté vis-à-vis de suggestions idéologiques et de sympathies de parti, et surtout en mesurant leur propre regard sur le regard du Christ : l'action pratique est donc importante mais notre participation personnelle aux besoins et aux souffrances de notre prochain compte encore davantage. Ainsi, … la charité de l'Eglise rend visible l'amour de Dieu dans le monde et rend ainsi convaincante notre foi dans le Dieu incarné, crucifié et ressuscité.

 

19 octobre 2006 – Homélie de la Messe dans le stade de Verona

    La Résurrection du Christ (est) un événement qui a régénéré les croyants à une espérance vivante, comme l'exprime l'Apôtre Paul au début de sa Première Lettre. …. En tant que son successeur, je m'exclame moi aussi avec joie : «Béni soit Dieu, le Père de Jésus Christ notre Seigneur» (1 P 1, 3), car à travers la Résurrection de son Fils, il nous a régénérés et, dans la foi, il nous a donné une espérance invincible dans la vie éternelle, de sorte que nous vivons dans le présent toujours tendus vers l'objectif, qui est la rencontre finale avec notre Seigneur et Sauveur. Forts de cette espérance, nous n'avons pas peur des épreuves, qui, bien que douloureuses et difficiles, ne peuvent jamais entacher la joie profonde qui dérive du fait d'être aimé de Dieu. Dans sa miséricorde providentielle, il a donné son Fils pour nous et nous, sans le voir, nous croyons en Lui et nous L'aimons (cf. 1 P 1, 3-9). Son amour nous suffit.

    

     De la force de cet amour, de la foi solide dans la Résurrection de Jésus qui fonde l'espérance, naît et se renouvelle constamment notre témoignage chrétien. C'est là que s'enracine notre «Credo», le symbole de foi dans lequel la prédication du début a puisé, et qui continue de manière inaltérée à nourrir le Peuple de Dieu. Le contenu du «kérygme», de l'annonce, qui constitue la substance de tout le message évangélique, est le Christ, le Fils de Dieu fait Homme, mort et ressuscité pour nous. Sa Résurrection est le mystère qui caractérise le christianisme, l'accomplissement surabondant de toutes les prophéties de salut, …. Du Christ ressuscité, prémisses de l'humanité nouvelle, régénérée et régénératrice, est né en réalité comme le prophète l'a prédit, le peuple des «pauvres» qui ont ouvert leur cœur à l'Evangile et sont devenus et deviennent toujours à nouveau, des «chênes de justice», «des plantations de Yahvé pour se glorifier», des reconstructeurs de ruines, des restaurateurs de villes désolées, estimés de tous comme la race bénie du Seigneur (cf. Is 61, 3-4.9). Le mystère de la Résurrection du Fils de Dieu, qui, monté au ciel à côté du Père, a répandu l'Esprit Saint sur nous, nous fait embrasser d'un seul regard le Christ et l'Eglise : le Ressuscité et les ressuscités, les Prémisses et la plantation de Dieu, la Pierre d'angle et les pierres vivantes,  (cf. 2, 4-8)…. Ce qui s'est produit au début, avec la première communauté apostolique, doit se produire également maintenant.

 

     A partir du jour de la Pentecôte la lumière du Seigneur ressuscité a transfiguré la vie des Apôtres. Ceux-ci avaient désormais la claire perception de ne pas être simplement des disciples d'une doctrine nouvelle et intéressante, mais des témoins choisis et responsables d'une révélation à laquelle était lié le salut de leurs contemporains et de toutes les générations futures. La foi pascale remplissait leur cœur d'une ardeur et d'un zèle extraordinaires, qui les rendait prêts à affronter chaque difficulté et même la mort, et qui donnait à leurs paroles une irrésistible énergie de persuasion. Ainsi, un groupe de personnes, dépourvues de ressources humaines et uniquement fortes de leur foi, affronta sans peur de dures persécutions et le martyre. L'Apôtre Jean écrit : «Et ce qui nous a fait vaincre le monde, c'est notre foi» (1 Jn 5, 4b).

 

     Nous sommes aujourd'hui les héritiers de ces témoins victorieux ! Mais c'est précisément de cette constatation que naît la question : qu'en est-il de notre foi ? Dans quelle mesure savons-nous aujourd'hui la communiquer ? La certitude que le Christ est ressuscité nous assure qu'aucune force adverse ne pourra jamais détruire l'Eglise. Nous sommes également animés par la conscience que seul le Christ peut satisfaire les attentes profondes de chaque cœur humain et répondre aux interrogations les plus troublantes sur la douleur, l'injustice et le mal, sur la mort et l'au-delà. Notre foi est donc fondée, mais il faut que cette foi devienne vie en chacun de nous. Un vaste effort capillaire à accomplir se présente alors, pour que chaque chrétien se transforme en «témoin» capable et prêt à assumer l'engagement de rendre compte à tous et toujours de l'espérance qui l'anime (cf. 1 P 3, 15). C'est pourquoi il faut recommencer à annoncer avec vigueur et joie l'événement de la mort et de la Résurrection du Christ, cœur du christianisme, ligne directrice de notre foi, puissant levier de nos certitudes, vent impétueux qui balaye toute peur et indécision, tout doute et calcul humain. Ce n'est que de Dieu que peut venir le changement décisif du monde. Ce n'est qu'à partir de la Résurrection que l'on comprend la véritable nature de l'Eglise et de son témoignage, qui n'est pas quelque chose de détaché du mystère pascal, mais bien son fruit, sa manifestation et sa réalisation de la part de ceux qui, recevant l'Esprit Saint, sont envoyés par le Christ pour poursuivre cette même mission (cf. Jn 2, 21-23).

 

     «Témoins de Jésus ressuscité» : cette définition des chrétiens dérive directement du passage de l'Evangile de Luc ..., mais également des Actes des Apôtres (cf. Ac 1, 8.22). Témoins de Jésus ressuscité. Ce «de» doit être bien compris ! Il signifie que le témoin est «de» Jésus ressuscité, c'est-à-dire qu'il appartient à Lui, et précisément en tant que tel il peut lui rendre un témoignage valable, il peut parler de Lui, Le faire connaître, conduire à Lui, transmettre sa présence. C'est exactement le contraire de ce qui se produit pour l'autre expression : «espérance du monde». Ici, la préposition «de» n'indique pas du tout l'appartenance, car le Christ n'est pas du monde, de même que les chrétiens ne doivent pas, non plus, être du monde. L'espérance, qui est le Christ, est dans le monde, est pour le monde, mais elle l'est précisément parce que le Christ est Dieu, est «le Saint» (en hébreu Qadosh). Le Christ est espérance pour le monde parce qu'il est ressuscité, et il est ressuscité parce qu'il est Dieu. Les chrétiens aussi peuvent apporter l'espérance au monde, car ils sont au Christ et à Dieu dans la mesure où ils meurent avec Lui au péché et renaissent avec Lui à la vie nouvelle de l'amour, du pardon, du service, de la non-violence. Comme le dit saint Augustin : «Tu as cru, tu as été baptisé : la vieille vie est morte, elle a été tuée sur la croix, ensevelie dans le baptême. La vieille vie a été ensevelie, cette vie dans laquelle tu as mal vécu : que la nouvelle vie renaisse» (Sermone Guelf. IX, in M. Pellegrino, Vox Patrum, 177). Ce n'est que si, comme le Christ, je ne suis pas du monde, que les chrétiens peuvent être espérance dans le monde et pour le monde…

 

     Soyez dans le monde d'aujourd'hui les témoins de ma Passion et de ma Résurrection (cf. Lc 24, 48). Dans un monde qui change, l'Evangile ne change pas. La Bonne Nouvelle reste toujours la même : le Christ est mort et il est ressuscité pour notre salut ! En son nom, apportez à tous l'annonce de la conversion et du pardon des péchés, mais soyez les premiers à donner le témoignage d'une vie convertie et pardonnée. Sachez bien que cela n'est pas possible sans être «revêtus d'une force venue d'en haut» (Lc 24, 49), c'est-à-dire sans la force intérieure de l'Esprit du Ressuscité. Pour la recevoir, il ne faut pas, comme le dit Jésus à ses disciples, s'éloigner de Jérusalem, il faut rester dans la «ville» où s'est consommé le mystère du salut, l'Acte d'amour suprême de Dieu pour l'humanité. Il faut rester en prière avec Marie, la Mère que le Christ nous a donnée sur la Croix. Pour les chrétiens, citoyens du monde, rester à Jérusalem ne peut que signifier rester dans l'Eglise, la «ville de Dieu», où puiser dans les Sacrements l'«onction» de l'Esprit Saint. …Consacrés par son «onction», allez ! Apportez la joyeuse annonce aux pauvres, pansez les plaies des cœurs meurtris, annoncez la libération des esclaves, la délivrance des prisonniers, proclamez l'année de grâce du Seigneur (cf. Is 61, 1-2). Rebâtissez les ruines antiques, relevez les restes désolés, restaurez les villes en ruines (cf. Is 61, 4). Nombreuses sont les situations difficiles qui attendent une intervention résolutive ! Apportez dans le monde l'Espérance de Dieu, qui est le Christ Seigneur, qui est ressuscité des morts, et qui vit et règne pour les siècles des siècles.

 

 

 

 

 

1er novembre 2006 – Homélie Messe Toussaint

    Les Béatitudes nous montrent la physionomie spirituelle de Jésus, et expriment ainsi son mystère, le mystère de Mort et de Résurrection, de Passion, et de joie de la Résurrection.

 

 

 

 

1er novembre 2006 – Angelus

     L'homme moderne attend-il encore cette vie éternelle, ou bien considère-t-il qu'elle appartient à une mythologie désormais dépassée? A notre époque, plus que par le passé, nous sommes tellement occupés par les choses terrestres, qu'il est parfois difficile de penser à Dieu comme le protagoniste de l'histoire et de notre vie elle-même. Toutefois, par sa nature, l'existence humaine est tendue vers quelque chose de plus grand, qui la transcende; le désir de justice, de vérité, et de bonheur complet inscrit dans l'être humain est irrépressible. Face à l'énigme de la mort, sont présents chez de nombreuses personnes le désir et l'espérance de retrouver leurs proches dans l'au-delà. De même qu'il existe la profonde conviction d'un jugement dernier qui rétablisse la justice, et l'attente d'une confrontation finale dans laquelle chacun reçoive ce qui lui est dû.

     La "vie éternelle", pour nous, chrétiens, n'indique cependant pas une vie qui dure pour toujours, mais une nouvelle qualité de vie, pleinement plongée dans l'amour de Dieu, qui libère du mal et de la mort et nous place dans une communion sans fin avec tous les frères et les soeurs qui participent du même Amour. C'est pourquoi l'éternité peut être déjà présente au centre de la vie terrestre et temporelle, lorsque l'âme, à travers la grâce, est unie à Dieu, à son fondement ultime. Tout passe, seul Dieu reste immuable. Un Psaume dit:  "Et ma chair et mon coeur sont consumés:  roc de mon coeur, ma part, Dieu à jamais!" (Ps 73 [72], 26). Tous les chrétiens, appelés à la sainteté, sont des hommes et des femmes qui vivent solidement ancrés à ce "Roc"; ils ont les pieds sur terre, mais le coeur déjà au Ciel, demeure définitive des amis de Dieu.

     Chers frères et soeurs, méditons sur ces réalités l'âme tournée vers notre destin ultime et définitif, qui donne un sens aux situations quotidiennes. Ravivons le sentiment joyeux de la communion des saints et laissons-nous attirer vers le but de notre existence:  la rencontre face-à-face avec Dieu. Prions afin que cela soit l'héritage de tous les fidèles défunts, non seulement de nos proches, mais également de toutes les âmes, en particulier celles qui sont le plus oubliées et qui ont besoin de la miséricorde divine. Que la Vierge Marie, Reine de Tous les Saints, nous guide pour choisir en tout moment la vie éternelle, la "vie du monde à venir" comme nous le disons dans le Credo; un monde déjà inauguré par la résurrection du Christ, et dont nous pouvons hâter la venue par notre conversion sincère et les oeuvres de charité.

 

.

 

 

 

 

 

 

2007

 

 

 

10 janvier 2007 – Audience Générale

     La chose la plus importante à remarquer est que, outre les services caritatifs, Etienne accomplit également une tâche d'évangélisation à l'égard de ses compatriotes, de ceux qu'on appelle « hellénistes ». Luc insiste en effet sur le fait que lui, « plein de grâce et de puissance » (Ac 6, 8), présente au nom de Jésus une nouvelle interprétation de Moïse et de la Loi même de Dieu, il relit l'Ancien Testament à la lumière de l'annonce de la mort et de la résurrection de Jésus. Cette relecture de l'Ancien Testament, une relecture christologique, provoque les réactions des Juifs qui perçoivent ses paroles comme un blasphème (cf. Ac 6, 11-14). C'est pour cette raison qu'il est condamné à la lapidation. Et saint Luc nous transmet le dernier discours du saint, une synthèse de sa prédication. Comme Jésus avait montré aux disciples d'Emmaüs que tout l'Ancien Testament parle de lui, de sa croix et de sa résurrection, de même saint Etienne, suivant l'enseignement de Jésus, lit tout l'Ancien Testament d'un point de vue christologique. Il démontre que le mystère de la Croix se trouve au centre de l'histoire du salut raconté dans l'Ancien Testament, il montre que réellement Jésus, le crucifié et le ressuscité, est le point d'arrivée de toute cette histoire. Et il démontre donc également que le culte du temple est fini et que Jésus, le ressuscité, est le nouveau et véritable « temple ». C'est précisément ce « non » au temple et à son culte qui provoque la condamnation de saint Etienne, qui, à ce moment - nous dit saint Luc -, fixant les yeux vers le ciel vit la gloire de Dieu et Jésus qui se trouvait à sa droite. Et voyant le ciel, Dieu et Jésus, saint Etienne dit : « Voici que je contemple les cieux ouverts : le Fils de l'homme est debout à la droite de Dieu » (Ac 7, 56). Suit alors son martyre, qui, de fait, est modelé sur la passion de Jésus lui-même, dans la mesure où il remet au « Seigneur Jésus » son esprit et qu'il prie pour que les péchés de ses meurtriers ne leur soient pas imputés (cf. Ac 7, 59-60).
 

 

 

 

 

21 janvier 2007 – Angelus

     Le Christ ressuscité est espérance pour tous. Il l'est spécialement pour les chrétiens.

 

 

14 février 2007 – Audience Générale
     Les Evangiles nous informent que les femmes, à la différence des Douze, n'abandonnèrent pas Jésus à l'heure de la Passion (cf. Mt 27, 56.61 ; Mc 15, 40). Parmi elles ressort en particulier Marie-Madeleine, qui non seulement assista à la Passion mais fut également la première à témoigner et à annoncer le Ressuscité (cf. 20, 1. 11-18).

 

 

 

Message pour le Carême 2007
      L'apôtre Thomas reconnut Jésus comme « Seigneur et Dieu » quand il mit la main sur la blessure de son flanc…

 

     Contempler « celui qu'ils ont transpercé » nous poussera de ainsi à ouvrir notre cœur aux autres en reconnaissant les blessures infligées à la dignité de l'être humain ; cela nous poussera, en particulier, à combattre chaque forme de mépris de la vie et d'exploitation des personnes, et à soulager les drames de la solitude et de l'abandon de tant de personnes. Le Carême est pour chaque chrétien une expérience renouvelée de l'amour de Dieu qui se donne à nous dans le Christ, amour que chaque jour nous devons à notre tour « redonner » au prochain, surtout à ceux qui souffrent le plus et sont dans le besoin. De cette façon seulement nous pourrons participer pleinement à la joie de Pâques. Marie, Mère du Bel Amour, tu nous guides dans ce chemin du Carême, chemin d'authentique conversion à l'amour du Christ.

 

4 mars 2007 - Angelus

     En ce 2e dimanche de Carême, l'évangéliste Luc souligne que Jésus est monté sur la montagne « pour prier » (9,28) avec les apôtres Pierre, Jacques et Jean, et que « pendant qu'il priait » (9,29), survint le mystère lumineux de sa transfiguration. Pour les trois apôtres, monter sur la montagne a ainsi signifié être enveloppés par la prière de Jésus, qui se retirait souvent pour prier, spécialement à l'aube et après le crépuscule, et parfois toute la nuit. Mais c'est seulement cette fois-là, sur la montagne, qu'il a voulu manifester à ses amis la lumière intérieure qui l'emplissait lorsqu'il priait : son visage - lit-on dans l'Evangile - s'éclaira et ses vêtements laissèrent transparaître la splendeur de la Personne divine du Verbe incarné (cf. Lc 9,29).

     Il y a un autre détail, précisément dans le récit de Luc, qui mérite d'être souligné : l'indication de l'objet de la conversation de Jésus avec Moïse et Elie, apparus à côté de Lui transfiguré. Ceux-ci, raconte l'Evangéliste, « parlaient de son départ (en grec, éxodos) qui allait se réaliser à Jérusalem » (9,31). Jésus écoute donc la Loi et les Prophètes qui lui parlent de sa mort et de sa résurrection. Dans son dialogue intime avec le Père, Il ne sort pas de l'histoire, il ne fuit pas sa mission pour laquelle il est venu au monde, même s'il sait que pour arriver à la gloire il devra passer par la Croix. Au contraire, le Christ entre plus profondément dans cette mission, en adhérant de tout son être à la volonté du Père, et il nous montre que la vraie prière consiste précisément dans l'union de notre volonté avec celle de Dieu. Par conséquent, pour un chrétien, prier ne signifie pas s'évader de la réalité et des responsabilités qu'elle comporte, mais les assumer à fond, en faisant confiance à l'amour fidèle et inépuisable du Seigneur. C'est pourquoi l'événement de la Transfiguration est, paradoxalement, l'agonie à Gethsémani (cf. Lc 22,39-46). Devant l'imminence de la passion, Jésus fera l'expérience de l'angoisse mortelle et il s'abandonnera à la volonté divine : à ce moment-là, sa prière sera un gage de salut pour nous tous. Le Christ en effet suppliera le Père céleste de « le libérer de la mort », et, comme l'écrit l'auteur de la lettre aux Hébreux, « il a été exaucé en raison de sa piété » (5,7). La résurrection est la preuve de cet exaucement.

    

 

18 mars 2007 - Angelus
    
Le quatrième dimanche de Carême, est appelé en latin Dimanche Laetare, c'est-à-dire « Réjouis-toi », premier mot de l'antienne d'ouverture de la liturgie de la messe. Aujourd'hui, la liturgie nous invite à nous réjouir parce que Pâques, le jour de la victoire du Christ sur le péché et la mort, approche.

 

 

25 mars 2007 - Angelus

   L'Annonciation, racontée au début de l'Evangile de saint Luc, est un événement humble, caché - personne ne l'a vu, personne ne l'a connu, sauf Marie - mais en même temps décisif pour l'histoire de l'humanité. Lorsque la Vierge prononça son « oui » à l'annonce de l'Ange, Jésus fut conçu et avec Lui commença la nouvelle ère de l'histoire, qui serait ensuite scellée par la Pâque comme « Alliance nouvelle et éternelle.

 

 

 

 

2 avril 2007 – Messe 2ème anniversaire de la mort de Jean Paul II

     A Béthanie, où, précisément "six jours avant la Pâque" - comme le notait l'évangéliste Jean - Lazare, Marthe et Marie offrirent un repas au Maître. Le récit évangélique confère un intense climat pascal à notre méditation:  le repas de Béthanie est un prélude à la mort de Jésus, sous le signe de l'onction que Marie accomplit en hommage au Maître et qu'Il accepta en prévision de sa sépulture (cf. Jn 12, 7). Mais c'est également l'annonce de la Résurrection, à travers la présence même de Lazare ressuscité, témoignage éloquent du pouvoir du Christ sur la mort. Outre l'importance de la signification pascale, le récit du repas de Béthanie porte en lui un écho déchirant, empli d'affection et de dévotion; un mélange de joie et de douleur:  une joie festive pour la visite de Jésus et de ses disciples, pour la résurrection de Lazare, pour la Pâque désormais proche; une profonde amertume car cette Pâque pouvait être la dernière, comme le laissaient craindre les intrigues des Juifs qui voulaient la mort de Jésus et les menaces contre Lazare lui-même dont on projetait l'élimination.

     Dans cet épisode évangélique, un geste attire notre attention, qui, aujourd'hui encore, parle de façon particulière à nos cœurs:  à un certain moment, Marie de Béthanie, "prenant une livre de parfum de nard pur, de grand prix, oignit les pieds de Jésus et les essuya avec ses cheveux" (Jn 12, 3). C'est l'un des détails de la vie de Jésus que saint Jean a recueillis dans la mémoire de son cœur et qui contiennent une profondeur expressive inépuisable. Il parle de l'amour pour le Christ, un amour surabondant, prodigue, comme l'onguent "de grand prix" versé sur ses pieds. Un fait qui scandalisa de façon caractéristique Judas l'Iscariote:  la logique de l'amour s'oppose à celle du profit.

 

 

5 avril 2007 – Homélie Sainte Cène du Seigneur
    
Dans la lecture du Livre de l'Exode, est décrite la célébration de la Pâque d'Israël, telle qu'elle était réglementée dans la Loi mosaïque. A l'origine, il a pu y avoir une fête de printemps des nomades. Pour Israël, toutefois, cela s'était transformé en une fête de commémoration, d'action de grâce et, dans le même temps, d'espérance. Au centre de la Cène pascale, ordonnée selon des règles liturgiques déterminées, se trouvait l'agneau comme symbole de la libération de l'esclavage en Egypte. C'est pourquoi l'haggadah pascal était une partie intégrante du repas à base d'agneau : le souvenir narratif que c'était Dieu lui-même qui avait libéré Israël « la main haute ». Lui, le Dieu mystérieux et caché, s'était révélé plus fort que le pharaon avec tout le pouvoir qu'il avait à sa disposition. Israël ne devait pas oublier que Dieu avait personnellement pris en main l'histoire de son peuple et que cette histoire était sans cesse fondée sur la communion avec Dieu. Israël ne devait pas oublier Dieu.

     La parole de la commémoration était entourée par des paroles de louange et d'action de grâce tirées des Psaumes. Rendre grâce et bénir Dieu atteignait son sommet dans la berakha, qui en grec est appelée eulogia ou eucaristia : bénir Dieu devient une bénédiction pour ceux qui le bénissent. L'offrande donnée à Dieu revient bénie à l'homme. Tout cela élevait un pont entre le passé et le présent et vers l'avenir : la libération d'Israël n'était pas encore accomplie. La nation souffrait encore comme petit peuple dans le cadre des tensions entre les grandes puissances. Se rappeler avec gratitude de l'action de Dieu par le passé devenait ainsi dans le même temps une supplication et une espérance : Mène à bien ce que tu as commencé ! Donne-nous la liberté définitive !

     C'est cette cène aux multiples significations que Jésus célébra avec les siens le soir avant sa Passion. Sur la base de ce contexte nous devons comprendre la nouvelle Pâque, qu'Il nous a donnée dans la Sainte Eucharistie. Dans les récits des évangélistes il existe une contradiction apparente entre l'Evangile de Jean, d'une part, et ce que, de l'autre, nous communiquent Matthieu, Marc et Luc. Selon Jean, Jésus mourut sur la croix précisément au moment où, dans le temple, étaient immolés les agneaux pascals. Sa mort et le sacrifice des agneaux coïncidèrent. Cela signifie cependant qu'Il mourut la veille de Pâques et qu'il ne put donc pas célébrer personnellement la cène pascale - c'est tout au moins ce qu'il semble. En revanche, selon les trois Evangiles synoptiques, la Dernière Cène de Jésus fut une cène pascale. Dans la forme traditionnelle de cette cène il a inséré la nouveauté du don de son corps et de son sang. Cette contradiction semblait insoluble jusqu'il y a quelques années encore. La plupart des exégètes était de l'avis que Jean n'avait pas voulu nous communiquer la véritable date historique de la mort de Jésus, mais avait choisi une date symbolique pour rendre ainsi évidente la vérité la plus profonde : Jésus était le nouvel et véritable agneau qui a répandu son sang pour nous tous.

     La découverte des écrits de Qumran nous a entre-temps conduits à une possible solution convaincante qui, bien que n'ayant pas encore été acceptée par tous, est hautement probable. Nous sommes à présent en mesure de dire que ce que Jean a rapporté est historiquement précis. Jésus a réellement versé son sang la veille de la Pâque, à l'heure de l'immolation des agneaux. Il a cependant célébré la Pâque avec ses disciples probablement selon le calendrier de Qumran, donc au moins un jour avant - il l'a célébrée sans agneau, comme la communauté de Qumran, qui ne reconnaissait pas le temple d'Hérode et qui était en attente du nouveau temple. Jésus a donc célébré la Pâque sans agneau - non, pas sans agneau : au lieu de l'agneau il s'est donné lui-même, son corps et son sang. Il a ainsi anticipé sa mort de manière cohérente avec sa parole : « Personne n'a pu me l'enlever [ma vie] : je la donne de moi-même » (Jn 10, 18). Au moment où il présentait à ses disciples son corps et son sang, Il accomplissait réellement cette affirmation. Il a offert lui-même sa vie. Ce n'est qu'ainsi que l'antique Pâque atteignait son véritable sens.

     Saint Jean Chrysostome, dans ses catéchèses eucharistiques a un jour écrit : Que dis-tu, Moïse ? Le sang de l'agneau purifie les hommes ? Il les sauve de la mort ? Comment le sang d'un animal peut-il purifier les hommes, sauver les hommes, avoir du pouvoir contre la mort ? De fait - poursuit Chrysostome - l'agneau ne pouvait constituer qu'un geste symbolique et donc l'expression de l'attente et de l'espérance en Quelqu'un qui aurait été en mesure d'accomplir ce que le sacrifice d'un animal n'était pas capable de faire. Jésus célébra la Pâque sans agneau et sans temple et, toutefois, non sans agneau et sans temple. Il était lui-même l'Agneau attendu, le véritable, comme l'avait annoncé Jean Baptiste au début du ministère public de Jésus : « Voici l'Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde » (Jn 1, 29). Et c'est lui-même qui est le véritable temple, le temple vivant, dans lequel Dieu habite et dans lequel nous pouvons rencontrer Dieu et l'adorer. Son sang, l'amour de Celui qui est en même temps Fils de Dieu et véritable homme, l'un de nous, ce sang peut sauver. Son amour, cet amour dans lequel Il se donne librement pour nous, est ce qui nous sauve. Le geste nostalgique, d'une certaine manière privé d'efficacité, qui était l'immolation de l'agneau innocent et immaculé, a trouvé une réponse dans Celui qui est devenu pour nous à la fois Agneau et Temple.

     Ainsi, au centre de la Pâque nouvelle de Jésus se trouvait la Croix. De la croix venait le don nouveau apporté par Lui. Et ainsi, celle-ci demeure toujours dans l'Eucharistie, dans laquelle nous pouvons célébrer avec les Apôtres au fil du temps, la nouvelle Pâque. Le don vient de la croix du Christ. « Personne n'a pu me l'enlever [ma vie] : je la donne de moi-même ». Maintenant, c'est à nous qu'il la donne. L'haggadah pascal, la commémoration de l'action salvifique de Dieu est devenue mémoire de la croix et résurrection du Christ - une mémoire qui ne rappelle pas simplement le passé mais nous attire en la présence de l'amour du Christ. Et ainsi, la berakha, la prière de bénédiction et d'action de grâce d'Israël, est devenue notre célébration eucharistique, dans laquelle le Seigneur bénit nos dons - pain et vin - pour se donner lui-même à travers eux. Prions le Seigneur de nous aider à comprendre toujours plus profondément ce merveilleux mystère, à l'aimer toujours davantage et par là même à l'aimer Lui-même toujours davantage. Prions-le de nous attirer toujours davantage en lui avec la sainte communion. Prions-le de nous aider à ne pas garder notre vie pour nous-mêmes mais à la Lui donner et ainsi à agir avec Lui, afin que les hommes trouvent la vie - la vie véritable qui ne peut venir que de Celui qui est Lui-même le Chemin, la Vérité et la Vie.

 

15 avril 2007 – Homélie Messe 80 ans du Saint-Père Benoit XVI

     Selon une tradition ancienne, ce dimanche s'appelle dimanche in Albis. En ce jour, les néophytes de la veillée pascale revêtaient une fois encore leur vêtement blanc, symbole de la lumière que le Seigneur leur avait donnée au baptême. Ils déposaient ensuite leur vêtement blanc, mais la luminosité nouvelle qui leur avait été communiquée, ils devaient la faire entrer dans leur vie quotidienne. La flamme délicate de la vérité et du bien que le Seigneur avait allumée en eux, il devaient la conserver avec diligence pour apporter ainsi à notre monde quelque chose de la luminosité et de la bonté de Dieu.
 

 

21 avril 2007 – Aux jeunes et aux Malades à Pavie, depuis le balcon de l’évêché.

     Chers jeunes, le Christ ressuscité renouvelle à chacun de vous son invitation à le suivre. N'hésitez pas à avoir confiance en Lui; rencontrez-le, écoutez-le, aimez-le de tout votre cœur; dans l'amitié avec Lui, ressentez la véritable joie qui donne un sens et une valeur à l'existence.

 

 

22 avril 207 – Homélie Messe à Pavie

     Au cours du temps pascal, l'Eglise nous présente, dimanche après dimanche, quelques passages de la prédication à travers lesquels les Apôtres, en particulier Pierre, après Pâques, invitaient Israël à la foi en Jésus Christ, le Ressuscité, fondant ainsi l'Eglise. Dans la lecture d'aujourd'hui, les Apôtres se tiennent devant le Sanhédrin - devant l'institution qui, ayant déclaré Jésus coupable de mort, ne pouvait tolérer que ce Jésus, à travers la prédication des Apôtres, commence à présent à agir à nouveau; elle ne pouvait tolérer que sa force de guérison soit à nouveau présente et qu'autour de ce nom se rassemblent des personnes qui croyaient en Lui comme dans le Rédempteur promis. Les Apôtres sont accusés. Le reproche est le suivant:  "Vous voulez faire retomber sur nous le sang de cet homme-là". A cette accusation, Pierre répond par une brève catéchèse sur l'essence de la foi chrétienne:  "Non, nous ne voulons pas faire retomber son sang sur vous. L'effet de la mort et de la résurrection de Jésus est totalement différent. Dieu a fait de lui "la tête et le sauveur" pour tous, précisément pour vous également, pour son peuple d'Israël". Et où conduit cette "tête", qu'apporte ce "sauveur"? Saint Pierre nous dit qu'il conduit à la conversion - il crée l'espace et la possibilité de reconnaître ses torts, de se repentir, de recommencer. Et Il donne le pardon des péchés - il nous introduit dans une juste relation avec Dieu et ainsi dans une juste relation de chacun avec soi-même et avec les autres.

     Cette brève catéchèse de Pierre ne valait pas seulement pour le Sanhédrin. Elle nous parle à tous. Parce que Jésus, le Ressuscité, vit également aujourd'hui. Et pour toutes les générations, pour tous les hommes, Il est la "tête" qui précède sur le chemin, qui montre la voie et le "sauveur" qui rend notre vie juste. Les deux paroles "conversion" et "pardon des péchés" correspondent aux deux titres du Christ "tête" archegòs en grec, et "sauveur", il s'agit des deux paroles-clés de la catéchèse de Pierre, paroles qui en cet instant, veulent atteindre également notre cœur. Et que veulent-elles dire? Le chemin que nous devons accomplir - le chemin que Jésus nous indique, s'appelle "conversion". Mais quel est-il? Que faut-il faire? Dans chaque vie, la conversion possède sa propre forme, car chaque homme est quelque chose de nouveau et personne n'est uniquement la copie d'un autre. Mais au cours de l'histoire de la chrétienté, le Seigneur nous a envoyé des modèles de conversion qui, si nous tournons notre regard vers eux, peuvent nous orienter. Nous pourrions pour cela regarder Pierre lui-même, auquel le Seigneur avait dit au Cénacle:  "Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères" (Lc 22, 32). Nous pourrions nous tourner vers Paul comme vers un grand converti.

 

 

 

29 avril 2007 – Homélie Messe ordinations Sacerdotales à Saint Pierre de Rome

      Que Marie, Mère céleste des prêtres, vous accompagne. Que celle, qui sous la Croix s'est unie au sacrifice de son Fils - et après sa Résurrection a accueilli le don de l'Esprit dans le Cénacle, avec les Apôtres et les autres disciples -, vous aide, et aide chacun de nous, chers frères dans le sacerdoce, à se laisser transformer intérieurement par la grâce de Dieu. Ce n'est qu'ainsi qu'il est possible d'être des images fidèles du Bon Pasteur ; ce n'est qu'ainsi que l'on peut accomplir avec joie la mission de connaître, guider et aimer le troupeau que Jésus s'est acquis au prix de son Sang.

 

 

12 mai 2007 – Rencontre avec les Sœurs Clarisses à la Ferme de l’Espérance, à Guaratingueta, au Brésil.

     Là où la société ne voit plus aucun avenir ou espérance, les chrétiens sont appelés à annoncer la force de la Résurrection:  ici justement, dans cette "Fazenda da Esperança", où résident tant de personnes, en particulier des jeunes, qui tentent de surmonter le problème de la drogue, de l'alcool et de la dépendance à des substances chimiques, on témoigne de l'Evangile du Christ au milieu d'une société consumériste éloignée de Dieu. Combien la perspective du Créateur dans son œuvre est différente! Les sœurs clarisses et les autres religieux de clôture - qui dans la vie contemplative, scrutent la grandeur de Dieu et découvrent également la beauté de la créature - peuvent, avec l'auteur sacré, contempler Dieu lui-même, en extase, en admiration devant son œuvre, sa créature aimée:  "Dieu vit tout ce qu'il avait fait:  cela était très bon" (Gn 1, 31).

 

     Lorsque le péché entra dans le monde et, avec lui, la mort, la créature aimée de Dieu - même blessée - ne perdit pas toute sa beauté:  au contraire, elle reçut un amour plus grand:  "Heureuse faute qui a mérité d'avoir un aussi grand Rédempteur!" - proclame l'Eglise dans la nuit mystérieuse et claire de Pâques (Exultet). C'est le Christ ressuscité qui soigne les blessures et qui sauve les fils et les filles de Dieu, qui sauve l'humanité de la mort, du péché et de l'esclavage des passions. La Pâque du Christ unit le ciel et la terre. Dans cette "Fazenda da Esperança" s'unissent les prières des Clarisses et le dur travail de la médecine et de l'ergothérapie pour vaincre les prisons et briser les chaînes des drogues qui font souffrir les fils bien-aimés de Dieu.

     Ainsi se recompose la beauté des créatures qui enchante et émerveille leur Créateur. Tel est le Père tout-puissant, le seul dont l'essence est l'amour et dont la gloire est l'homme vivant, comme le dit saint Irénée. Il "a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique  (Jn 3, 16) pour relever celui qui est tombé le long du chemin, assailli et blessé par les voleurs sur la route de Jérusalem à Jéricho. Sur les routes du monde, Jésus "est la main que le Père tend au pécheur; il est le chemin au moyen duquel nous parvient la paix" (anaphore eucharistique). Oui, ici, nous découvrons que la beauté des créatures et l'amour de Dieu sont inséparables.

 

11 juin 2007, au congrès annuel du Diocèse de Rome, Basilique Saint Jean de Latran

     Dès le début, les disciples ont reconnu en Jésus ressuscité celui qui est notre frère en humanité, mais qui ne fait également qu'un en Dieu; celui qui, à travers sa venue dans le monde et dans toute sa vie, sa mort et sa résurrection, nous a apporté Dieu, a rendu de façon nouvelle et unique Dieu présent dans le monde, celui donc qui donne une signification et une espérance à notre vie: en lui, en effet, nous rencontrons le véritable visage de Dieu, ce dont nous avons réellement besoin pour vivre.
 

 

17 juin 2007, avec les jeunes, à Assise ; à l’occasion du 8ème centenaire de la conversion de Saint François.

         Nous avons entendu répéter dans le chant que saint François a entendu la voix. Il a entendu dans son cœur la voix du Christ et que se passe-t-il? Il se passe qu'il doit se mettre au service de ses frères, surtout de ceux qui souffrent le plus. Telle est la conséquence de cette première rencontre avec la voix du Christ. Ce matin, en passant par Rivortorto, j'ai regardé le lieu où, selon la tradition, étaient rassemblés les lépreux, les derniers, les marginalisés, à l'égard desquels François éprouvait un sentiment irrésistible de répulsion. Touché par la grâce, il leur ouvrit son cœur. Et il le fit non seulement à travers un geste d'aumône empli de charité, car cela était trop peu, mais également en les embrassant et en les servant. Lui-même confesse que ce qui lui était auparavant amer devint pour lui "douceur d'âme et de corps" (2 Test 3: FF 110).

 

        La grâce commençait donc à former François. Il devint toujours plus capable de fixer son regard sur le visage du Christ et d'écouter sa voix. Ce fut à ce moment-là que le Crucifié de saint Damien lui adressa la parole, en l'appelant à une mission audacieuse: "Va François, répare ma maison qui, comme tu le vois, tombe en ruine" (2 Cel I, 6, 10: FF 593). En m'arrêtant ce matin à Saint-Damien, puis dans la Basilique Sainte-Claire, où l'on conserve le Crucifix original qui parla à saint François, j'ai fixé moi aussi mon regard dans les yeux du Christ. C'est l'image du Christ Crucifié-Ressuscité, vie de l'Eglise, qui parle également en nous si nous sommes attentifs, tout comme il y a deux mille ans, il parla à ses apôtres, et il y a huit cents ans, il parla à François. L'Eglise vit continuellement de cette rencontre.
 

 

30 juin 2007 – Audience aux nouveaux Archevêques, à leurs familles et amis

   Puissent les croix que les Archevêques métropolitains portent sur leur pallium rappeler aux membres des différentes communautés chrétiennes qu'elles ont à témoigner, par la parole et par toute leur vie, du Christ ressuscité, dans une fidélité toujours plus grande à l'Eglise, faisant de tous les catholiques, là où ils demeurent, des missionnaires de l'Evangile.

 

15 août 2007 – Angelus de l’Assomption

     Nous célébrons aujourd'hui la solennité de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie. Il s'agit d'une fête ancienne, qui trouve son fondement ultime dans l'Ecriture Sainte : en effet, celle-ci présente la Vierge Marie étroitement unie à son divin Fils et toujours solidaire avec lui. Mère et Fils apparaissent étroitement associés dans la lutte contre l'ennemi infernal jusqu'à la victoire définitive sur lui. Cette victoire s'exprime en particulier dans le dépassement du péché et de la mort, c'est-à-dire dans le dépassement de ces ennemis que saint Paul présente toujours ensemble (cf. Rm 5, 12. 15-21; 1 Co 15, 21-26). C'est pourquoi, de même que la résurrection glorieuse du Christ fut le signe définitif de cette victoire, ainsi, la glorification de Marie, également dans son corps virginal, constitue la confirmation finale de sa pleine solidarité avec le Fils tant dans la lutte que dans la victoire.
 

 

 

7 septembre 2007 – Prière au Sanctuaire de Mariazell, en Autriche

     Avant même la Création du monde, Dieu nous a choisis dans le Christ. Il connaît et il aime chacun de nous depuis l'éternité ! Et dans quel but nous a-t-il choisis ? Pour être saints et immaculés devant lui dans la charité ! Et ce n'est pas une tâche inhabituelle :  dans le Christ, Il nous en a déjà offert la réalisation. Nous avons été rachetés ! En vertu de notre communion avec le Christ ressuscité, Dieu nous a bénis de toutes les bénédictions spirituelles. Ouvrons notre cœur, accueillons ce précieux héritage ! Nous pourrons alors entonner avec Marie la louange de sa grâce. Et si nous continuons à présenter nos préoccupations quotidiennes à la Mère immaculée du Christ, Elle nous aidera à ouvrir nos petites espérances toujours vers la grande, la véritable espérance qui donne un sens à notre vie et peut nous combler d'une joie profonde et indestructible.

 

9 septembre 2007 – Homélie Messe Cathédrale Sain Etienne, à Vienne

   "Sine dominico non possumus!". Sans le don du Seigneur, sans le Jour du Seigneur, nous ne pouvons pas vivre:  c'est ainsi que répondirent, en l'an 304, plusieurs chrétiens d'Abitène, dans l'actuelle Tunisie, lorsque, surpris au cours de la Célébration eucharistique dominicale qui était interdite, ils furent conduits devant le juge et on leur demanda pourquoi ils avaient célébré le Dimanche la fonction religieuse chrétienne, alors qu'ils savaient bien que cela était puni par la mort. "Sine dominico non possumus". Dans le mot dominicum/dominico sont liées de façon indissoluble deux significations, dont nous devons à nouveau apprendre à percevoir l'unité. Il y a tout d'abord le don du Seigneur - ce don est Lui-même:  le Ressuscité, au contact et à la proximité duquel les chrétiens doivent se trouver pour être eux-mêmes. Cela n'est cependant pas seulement un contact spirituel, intérieur, subjectif:  la rencontre avec le Seigneur s'inscrit dans le temps à travers un jour précis. Et, de cette façon, elle s'inscrit dans notre existence concrète, physique et communautaire, qui est temporalité. Elle donne à notre temps, et donc à notre vie dans son ensemble, un centre, un ordre intérieur. Pour ces chrétiens, la Célébration eucharistique dominicale n'était pas un précepte, mais une nécessité intérieure. Sans Celui qui soutient notre vie, la vie elle-même est vide. Abandonner ou trahir ce centre ôterait à la vie elle-même son fondement, sa dignité intérieure et sa beauté.

    Cette attitude des chrétiens de l'époque a-t-elle également de l'importance pour nous, chrétiens d'aujourd'hui? Oui, elle vaut également pour nous, qui avons besoin d'une relation qui nous soutienne et donne une orientation et un contenu à notre vie. Nous aussi avons besoin du contact avec le Ressuscité, qui nous soutient jusqu'au-delà de la mort. Nous avons besoin de cette rencontre qui nous réunit, qui nous donne un espace de liberté, qui nous fait regarder au-delà de l'activisme de la vie quotidienne vers l'amour créateur de Dieu, dont nous provenons et vers lequel nous sommes en marche.

     Toutefois, si nous prêtons à présent attention au passage évangélique d'aujourd'hui, au Seigneur qui nous parle dans celui-ci, nous prenons peur:  "Celui qui ne quitte pas toutes ses possessions et qui n'abandonne pas aussi tous ses liens familiaux, ne peut pas être mon disciple". Nous voudrions objecter:  mais que dis-tu Seigneur? Le monde n'a-t-il pas besoin de sa famille? N'a-t-il pas besoin de l'amour paternel et maternel, de l'amour entre parents et enfants, entre homme et femme? N'avons-nous pas besoin de l'amour de la vie, besoin de la joie de vivre? N'y a-t-il pas besoin de personnes qui investissent dans les biens de ce monde et qui édifient la terre qui nous a été donnée, de manière à ce que tous puissent avoir une partie de ses dons? Ne nous a-t-on pas aussi confié le devoir de nous occuper du développement de la terre et de ses biens? Si nous écoutons mieux le Seigneur et surtout si nous écoutons l'ensemble de ce qu'Il nous dit, alors nous comprenons que Jésus n'exige pas la même chose de tous. Chacun a sa tâche personnelle et le type de "sequela" préparé pour lui. Dans l'Evangile d'aujourd'hui, Jésus parle directement de ce qui n'est pas la tâche des nombreuses personnes qui s'étaient associées à lui dans le pèlerinage vers Jérusalem, mais qui est un appel particulier aux Douze. Ceux-ci doivent tout d'abord surmonter le scandale de la Croix et doivent ensuite être prêts à vraiment tout quitter et à accepter la mission apparemment absurde d'aller jusqu'aux extrémités de la terre et, avec leur peu de culture, d'annoncer à un monde plein d'une présumée érudition et d'une formation fausse ou véritable - ainsi que bien sûr d'annoncer en particulier aux pauvres et aux simples - l'Evangile de Jésus Christ. Ils doivent être prêts, sur leur chemin dans le vaste monde, à subir en première personne le martyre, pour témoigner ainsi l'Evangile du Seigneur crucifié et ressuscité. Si la parole de Jésus au cours de ce pèlerinage vers Jérusalem, où une grande foule l'accompagne, s'adresse tout d'abord aux Douze, son appel atteint naturellement, au-delà du moment historique, tous les siècles. De tous temps, Il appelle des personnes à compter exclusivement sur Lui, à tout quitter et à être totalement à sa disposition, et ainsi à la disposition des autres:  à créer des oasis d'amour désintéressé dans un monde dans lequel, si souvent, ne semblent compter que le pouvoir et l'argent. Rendons grâce au Seigneur, car tout au long des siècles, il nous a donné des hommes et des femmes qui par amour pour Lui ont tout quitté, devenant des signes lumineux de son amour! Il suffit de penser à des personnes comme Benoît et Scholastique, comme François et Claire d'Assise, Elisabeth de Thuringe et Edwige de Silésie, comme Ignace de Loyola, Thérèse d'Avila, jusqu'à Mère Teresa de Calcutta et Padre Pio! Ces personnes, à travers toute leur vie, sont devenues une interprétation de la parole de Jésus, qui en eux devient proche et compréhensible pour nous. Et nous prions le Seigneur, afin qu'à notre époque également, il donne à de nombreuses personnes le courage de tout quitter, pour être ainsi à la disposition de tous.

     Précisément parce que, le Dimanche, on traite en profondeur de la rencontre, dans la Parole et dans le Sacrement, avec le Christ ressuscité, le rayon de ce jour embrasse la réalité tout entière. Les premiers chrétiens ont célébré le premier jour de la semaine comme Jour du Seigneur, parce que c'était le jour de la Résurrection.

 

 

1er novembre 2007 - Angelus

     Aujourd'hui, en la solennité de la Toussaint, notre coeur, franchissant les limites du temps et de l'espace, s'élargit aux dimensions du Ciel. Au début du christianisme, les membres de l'Eglise étaient également appelés les « saints ». Dans la Première Lettre aux Corinthiens, par exemple, saint Paul s'adresse à « vous qui avez été sanctifiés dans le Christ Jésus, vous les fidèles qui êtes, par appel de Dieu, le peuple saint, avec tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ » (1 Co 1, 2). En effet, le chrétien est déjà saint, car le Baptême l'unit à Jésus et à son mystère pascal, mais il doit dans le même temps le devenir, en se conformant à Lui toujours plus profondément. On pense parfois que la sainteté est une condition privilégiée réservée à quelques élus. En réalité, devenir saint est la tâche de chaque chrétien, et nous pourrions même dire de chaque homme ! L'Apôtre écrit que Dieu nous a depuis toujours bénis et choisis dans le Christ « pour que nous soyons, dans l'amour, saints et irréprochables sous son regard » (Ep 1, 3-4). Tous les êtres humains sont donc appelés à la sainteté qui, en dernière analyse consiste à vivre en enfants de Dieu, dans cette « ressemblance » à Lui, à partir de laquelle il nous a créés.
 

 

 

 

 

2008

 

 

 

 

 

25 février 2008 – Au Congrès de l’Académie Pontificale pour la Vie

      Quand une vie s'éteint qu'elle soit d'un âge avancé, ou au contraire à l'aube d'une existence terrestre, ou dans la pleine fleur de l'âge pour des raisons imprévues, on ne doit pas y voir seulement un processus biologique qui s'épuise, ou une biographie qui s'achève, mais plutôt une nouvelle naissance et une existence renouvelée, offerte par le Ressuscité à qui ne s'est pas opposé à son Amour.

 

 

9 avril 2008 – Au terme de l’Audience Générale

     J’exhorte chacun à vivre intensément ce temps pascal, en témoignant de la joie que le Christ mort et ressuscité donne à ceux qui se confient à lui.

 

 

9 avril 2008 – Au terme de l’Audience Générale, aux français

     A l'exemple de saint Benoît, donnez une place importante à la prière et à la contemplation du visage du Christ ressuscité présent et agissant dans votre vie.

 

9 juin 2008 – Au Congrès du Diocèse de Rome

     Jésus ressuscité des morts est vraiment le fondement indéfectible sur lequel s'appuie notre foi et notre espérance. Il l'est depuis le début, depuis les apôtres, qui ont été les témoins directs de sa résurrection et l'ont annoncée au monde au prix de leur vie. Il l'est aujourd'hui et le sera toujours. Comme l'écrit l'apôtre Paul dans le chapitre XV de la première Lettre aux Corinthiens, "si le Christ n'est pas ressuscité, vide alors est notre message, vide aussi votre foi" (v. 14), si "c'est pour cette vie seulement que nous avons mis notre espoir dans le Christ, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes" (v. 19). Je vous répète ce que j'ai dit, le 19 octobre 2006, au Congrès ecclésial de Vérone:  "La résurrection du Christ est un fait qui a eu lieu dans l'histoire, dont les apôtres ont été les témoins et certainement pas les créateurs. Dans le même temps celle-ci n'est pas du tout un simple retour à notre vie terrestre; elle est en revanche le plus grand "changement" jamais survenu, le "saut" décisif vers une dimension de vie profondément nouvelle, l'entrée dans un ordre complètement différent, qui concerne tout d'abord Jésus de Nazareth, mais avec Lui, nous aussi, toute la famille humaine, l'histoire et l'univers tout entier".

     Dans la lumière de Jésus ressuscité d'entre les morts, nous pouvons donc comprendre les vraies dimensions de la foi chrétienne, comme "une espérance qui transforme et soutient notre vie" (Encyclique Spe salvi, 10), en nous libérant de ces équivoques et de ces fausses alternatives qui, au cours des siècles, ont réduit et affaibli le souffle de notre espérance. Concrètement, l'espérance de celui qui croit dans le Dieu qui a ressuscité Jésus d'entre les morts s'avance totalement vers ce bonheur et cette joie pleine et totale que nous appelons vie éternelle, mais justement pour cela investit, anime et transforme notre existence quotidienne terrestre, donne une orientation et une signification non éphémère à nos petites espérances comme aux efforts que nous accomplissons pour changer et rendre moins injuste le monde dans lequel nous vivons. De la même manière, l'espérance chrétienne concerne certes d'une manière personnelle chacun d'entre nous, le salut éternel de notre moi et sa vie dans ce monde, mais elle est également une espérance communautaire, une espérance pour l'Eglise et pour toute la famille humaine, elle est donc "toujours essentiellement aussi espérance pour les autres; c'est seulement ainsi qu'elle est vraiment espérance pour moi" (ibid., n. 48).

    

 

17 juillet 2008 – Accueil des jeunes à Sydney

      Il y a presque deux mille ans, les Apôtres, réunis à l’étage de la maison, avec Marie (cf. Ac 1, 14) et avec quelques femmes fidèles, furent remplis de l’Esprit Saint (cf. Ac 2, 4). En cet instant extraordinaire, qui manifesta la naissance de l’Église, le trouble et la peur qui avaient saisi les Disciples du Christ, se sont transformées en une vigoureuse conviction, et en une prise de conscience d’un objectif. Ils se sentirent poussés à parler de leur rencontre avec Jésus ressuscité, que désormais, ils appelaient affectueusement le Seigneur. À bien des égards, les Apôtres étaient des personnes ordinaires. Aucun d’eux ne pouvait prétendre qu’il était un disciple parfait. Ils n’avaient pas su reconnaître le Christ (cf. Lc 24, 13-32), ils avaient dû rougir de leur ambition (cf. Lc 22, 24-27), ils l’avaient même renié (cf. Lc 22, 54-62). Et pourtant, quand ils furent remplis de l’Esprit Saint, ils furent transpercés par la vérité de l’Évangile du Christ et ils se sentirent poussés à le proclamer sans crainte. Rassurés, ils s’écrièrent : repentez-vous, faites-vous baptiser, recevez l’Esprit Saint (cf. Ac 2, 37-38) ! Fondée sur l’enseignement des Apôtres et y adhérant, rompant le pain et priant (cf. Ac 2, 42), la jeune communauté chrétienne se leva pour s’opposer à la perversité de la culture qui l’entourait (cf. Ac 2, 40), pour prendre soin de ses propres membres (cf. Ac 2, 44-47), pour défendre sa foi en Jésus face aux oppositions (cf. Ac, 4, 33) et pour guérir les malades (cf. Ac 5, 12-16). Et, obéissant au commandement du Christ lui-même, ils partirent, rendant témoignage à la plus grande histoire de tous les temps : que Dieu s’est fait l’un de nous, que le divin est entré dans l’histoire humaine pour la transformer, et que nous sommes appelés à nous immerger dans l’amour salvifique du Christ qui triomphe du mal et de la mort. Dans son célèbre discours à l’aréopage, saint Paul introduisit ainsi le message : Dieu donne toute chose à chacun, y compris le souffle et la vie, afin que toutes les Nations puissent le chercher, si jamais, marchant à tâtons, elles arrivent à le trouver. En effet, il n’est pas loin de chacun de nous, puisque en lui il nous est donné de vivre, de nous mouvoir, d’exister (cf. Ac 17, 25-28).

 

21 juillet 2008 – Accueil des jeunes à Sydney

     Sur la scène, ces derniers jours, les acteurs principaux étaient évidemment les jeunes eux-mêmes. La Journée Mondiale de la Jeunesse leur appartient. Ce sont eux qui ont fait de cette Journée un événement ecclésial de portée mondiale, une grande célébration de la jeunesse, une grande célébration de ce que signifie être Église, Peuple de Dieu au milieu du monde, uni dans la foi et dans l’amour et rendu capable par l’Esprit de témoigner du Christ ressuscité jusqu’aux extrémités de la terre.

 

 

 

 

 

 

1er novembre 2008 – Angelus

     Nous célébrons aujourd'hui avec une grande joie la fête de la Toussaint. En visitant un jardin botanique, on reste émerveillé devant la variété des plantes et des fleurs, et on pense spontanément à l'imagination du Créateur qui a transformé la terre en un jardin merveilleux. Un sentiment semblable nous saisit lorsque nous prenons en considération le spectacle de la sainteté:  le monde nous apparaît comme un "jardin", où l'Esprit de Dieu a suscité avec une admirable imagination une multitude de saints et de saintes, de tout âge et condition sociale, de chaque langue, peuple et culture. Chacun est différent de l'autre, avec la particularité de sa propre personnalité humaine et de son propre charisme spirituel. Tous portent cependant imprimé le "sceau" de Jésus (cf. Ap 7, 3), c'est-à-dire l'empreinte de son amour, témoigné à travers la Croix. Il sont tous dans l'allégresse, dans une fête sans fin, mais, comme Jésus, ils ont atteint cet objectif en passant à travers les difficultés et l'épreuve (cf. Ap 7, 14), en affrontant chacun leur part de sacrifice pour participer à la gloire de la résurrection.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2009

 

 

11 février 2009 – A l’issue de la Messe pour les malades, Basilique Saint Pierre

     Pour nous chrétiens, c'est dans le Christ que se trouve la réponse à l'énigme de la douleur et de la mort.

 

 

2 avril 2009 – Homélie de la Messe du IVème anniversaire de la mort de Jean Paul II

      L'Evangile propose à notre méditation la dernière partie du chapitre VIII de l'Evangile de Jean, qui contient, comme nous venons de l'entendre, un long débat sur l'identité de Jésus. Peu de temps auparavant, Il s'est présenté comme "la lumière du monde" (v. 12), en utilisant par trois fois (vv. 24.28.58) l'expression "Je suis" qui, dans un sens fort, rappelle le nom de Dieu révélé à Moïse (cf. Es 3, 14). Et il ajoute:  "Si quelqu'un garde ma parole, il ne verra jamais la mort" (v. 51), en déclarant ainsi avoir été envoyé par Dieu, qui est son Père, pour apporter aux hommes la liberté radicale à l'égard du péché et de la mort, indispensable pour entrer dans la vie éternelle. Toutefois, ses paroles blessent l'orgueil de ses interlocuteurs, et la référence au grand patriarche Abraham devient également un motif de conflit. "En vérité, en vérité je vous le dis - affirme le Seigneur -, avant qu'Abraham existât, Je Suis" (8, 58). Sans demi-mesure, il déclare sa préexistence, et donc, sa supériorité par rapport à Abraham, suscitant - de façon compréhensible - la réaction scandalisée des juifs. Mais Jésus ne peut taire son identité; il sait que, à la fin, le Père lui-même lui donnera raison, le glorifiant par la mort et la résurrection, car précisément lorsqu'il sera élevé sur la croix, il se révélera le Fils unique de Dieu (cf. Jn 8, 28; Mc 15, 39).

 

1er novembre 2009 – Angelus

      Demain aura lieu la commémoration de tous les fidèles défunts. Je voudrais inviter à vivre ce jour selon l'authentique esprit chrétien, c'est-à-dire dans la lumière qui vient du Mystère pascal. Le Christ est mort et ressuscité et il nous a ouvert le passage à la maison du Père, le Royaume de la vie et de la paix. Celui qui suit Jésus dans cette vie est accueilli où Il nous a précédés. Au cours de nos visites dans les cimetières, par conséquent, rappelons-nous que là, dans les tombes, ne reposent que les dépouilles mortelles de nos proches dans l'attente de la résurrection finale. Leurs âmes ― comme le dit l'Ecriture ― sont déjà « dans la main de Dieu » (Sg 3, 1). Aussi le moyen le plus approprié et efficace de leur rendre hommage est-il de prier pour eux, en offrant des actes de foi, d'espérance et de charité. En union au Sacrifice eucharistique, nous pouvons intercéder pour leur salut éternel, et faire l'expérience de la communion la plus profonde, dans l'attente de nous retrouver ensemble, pour jouir à jamais de l'Amour qui nous a créés et rachetés.

     Chers amis, comme est belle et réconfortante la communion des saints! C'est une réalité qui confère une dimension différente à toute notre vie. Nous ne sommes jamais seuls! Nous appartenons à une « compagnie » spirituelle au sein de laquelle règne une profonde solidarité: le bien de chacun est au bénéfice de tous et, inversement, le bonheur commun rayonne sur chaque individu. Dans une certaine mesure, c'est un mystère dont nous pouvons déjà faire l'expérience dans ce monde, dans la famille, dans l'amitié, en particulier dans la communauté spirituelle de l'Eglise. Puisse la Très Sainte Vierge Marie nous aider à marcher d'un pas alerte sur le chemin de la sainteté et être une Mère de miséricorde pour les âmes des défunts.

 

 

 

 

 

 

2010

 

 

 

11 février 2010 – Homélie de la Messe pour les malades

     La maternité de l'Eglise est le reflet de l'amour bienveillant de Dieu, dont parle le prophète Isaïe:  "Comme celui que sa mère console, moi aussi, je vous consolerai, à Jérusalem vous serez consolés" (Is 66, 13). Une maternité qui parle sans parole, qui suscite le réconfort dans les cœurs, une joie intime, une joie qui, paradoxalement, coexiste avec la douleur, avec la souffrance. L'Eglise, comme Marie, conserve en elle les drames de l'homme et le réconfort de Dieu, elle les garde ensemble, le long du pèlerinage de l'histoire. A travers les siècles, l'Eglise manifeste les signes de l'amour de Dieu, qui continue à accomplir de grandes choses chez les personnes humbles et simples. La souffrance acceptée et offerte, le partage sincère et gratuit, ne sont-ils pas des miracles de l'amour? Le courage d'affronter le mal désarmés - comme Judith - avec la seule force de la foi et de l'espérance dans le Seigneur, n'est-il pas un miracle que la grâce de Dieu suscite continuellement chez tant de personnes qui consacrent leur temps et leurs énergies à aider ceux qui souffrent? Pour tout cela, nous vivons une joie qui n'oublie pas la souffrance, mais qui la comprend plus encore. De cette façon, les malades et toutes les personnes qui souffrent sont dans l'Eglise non seulement les destinataires d'attentions et de soins, mais avant tout les acteurs du pèlerinage de la foi et de l'espérance, témoins des prodiges de l'amour, de la joie pascale qui jaillit de la Croix et de la Résurrection du Christ.

 

18 février 2010 – Rencontre avec les prêtres de Rome

     « Ayant présenté avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications » (He 5, 7). Il ne s'agit pas seulement d'une mention de l'heure de l'angoisse sur le Mont des Oliviers, mais c'est un résumé de toute l'histoire de la passion, qui embrasse toute la vie de Jésus. Des larmes: Jésus pleurait devant la tombe de Lazare, il était réellement touché intérieurement par le mystère de la mort, par la terreur de la mort. Des personnes perdent leur frère, comme dans ce cas, leur mère et leur fils, leur ami: tout l'aspect terrible de la mort, qui détruit l'amour, qui détruit les relations, qui est un signe de notre finitude, de notre pauvreté. Jésus est mis à l'épreuve et il se confronte jusqu'au plus profond de son âme avec ce mystère, avec cette tristesse qui est la mort, et il pleure. Il pleure devant Jérusalem, en voyant la destruction de cette belle cité à cause de la désobéissance; il pleure en voyant toutes les destructions de l'histoire dans le monde; il pleure en voyant que les hommes se détruisent eux-mêmes, ainsi que leurs villes dans la violence, dans la désobéissance.

      Jésus pleure, en poussant de grands cris. Les Evangiles nous disent que Jésus a crié de la Croix, il a crié: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? » (Mc 15, 34; cf. Mt 27, 46) et, à la fin, il a crié encore une fois. Et ce cri répond à une dimension fondamentale des Psaumes: dans les moments terribles de la vie humaine, de nombreux Psaumes constituent un cri puissant vers Dieu: « Aide-nous, écoute-nous! » Précisément aujourd'hui, dans le bréviaire, nous avons prié dans ce sens: Où es-tu Dieu? « Tu nous traites en bétail de boucherie » (Ps 44, 12). Un cri de l'humanité qui souffre! Et Jésus, qui est le véritable sujet des Psaumes, apporte réellement ce cri de l'humanité à Dieu, aux oreilles de Dieu: « Aide-nous et écoute-nous! ». Il transforme toute la souffrance humaine, en l'assumant en lui-même, en un cri aux oreilles de Dieu.

     L'auteur de la Lettre aux Hébreux dit que Jésus a prié, avec une violente clameur et des larmes, Dieu qui pouvait le sauver de la mort et qu'en raison de sa piété, il est exaucé (cf. 5, 7). Ici, nous voudrions dire: « Non, ce n'est pas vrai, il n'a pas été exaucé, il est mort ». Jésus a prié d'être libéré de la mort, mais il n'a pas été libéré, il est mort de manière très cruelle. C'est pourquoi le grand théologien libéral Harnack a dit: « Il manque ici une négation », il faut écrire: « Il n'a pas été exaucé » et Bultmann a accepté cette interprétation. Il s'agit toutefois d'une solution qui n'est pas une exégèse, mais une violence faite au texte. Dans aucun des manuscrits n'apparaît la négation, mais bien « il a été exaucé »; nous devons donc apprendre à comprendre ce que signifie cet « être exaucé », malgré la Croix.

     Je vois trois niveaux de compréhension de cette expression. A un premier niveau, on peut traduire le texte grec ainsi: « il a été racheté de son angoisse » et en ce sens Jésus est exaucé. Ce serait donc une allusion à ce que raconte saint Luc, qu'« un ange a réconforté Jésus » (cf. Lc 22, 43), de façon qu'après le moment de l'angoisse, il puisse aller droit et sans crainte vers son heure, comme nous le décrivent les Evangiles, en particulier celui de saint Jean. Il aurait été exaucé, au sens où Dieu lui donne la force de pouvoir porter tout ce poids et il est ainsi exaucé. Mais, pour ma part, il me semble que ce n'est pas une réponse tout à fait suffisante. Exaucé de manière plus profonde – le père Vanhoye l'a souligné – cela veut dire: « il a été racheté de la mort », mais pas en ce moment, pas à ce moment-là, mais pour toujours, dans la Résurrection: la vraie réponse de Dieu à la prière d'être racheté de la mort est la Résurrection et l'humanité est rachetée de la mort précisément dans la Résurrection, qui est la vraie guérison de nos souffrances, du mystère terrible de la mort.
Ici est déjà présent un troisième niveau de compréhension: la Résurrection de Jésus n'est pas seulement un événement personnel. Il semble qu'il peut être utile d'avoir à l'esprit le bref texte dans lequel saint Jean, dans le chapitre 12 de son Evangile, présente et raconte, de manière très synthétique, l'épisode du Mont des Oliviers. Jésus dit: « Mon âme est troublée » (Jn 12, 27), et, dans toute l'angoisse du Mont des Oliviers, que puis-je dire? « Père, sauve-moi de cette heure ou glorifie ton nom » (cf. Jn 12, 27-28). C'est la même prière que celle que nous trouvons dans les Synoptiques: « Si cela est possible, sauve-moi, mais que ta volonté sois faite » (cf. Mt 26, 42; Mc 14, 36; Lc 22, 42) qui, dans le langage johannique, apparaît justement sous la forme: « Père, sauve-moi, Père, glorifie ». Et Dieu répond: « Je t'ai glorifié et de nouveau je te glorifierai » (cf. Jn 12, 28). Telle est la réponse, le vœu exaucé par Dieu: je glorifierai la Croix; c'est la présence de la gloire divine, parce que c'est l'acte suprême de l'amour. Dans la Croix, Jésus est élevé sur toute la terre et attire la terre à lui; dans la croix apparaît à présent le « Kabod », la vraie gloire divine du Dieu qui aime jusqu'à la Croix et transforme ainsi la mort et crée la Résurrection.

 

 

 

 

 

 

15 juin 2010 – Au Congrès du diocèse de Rome

     La foi ne peut jamais être présupposée, car chaque génération a besoin de recevoir ce don à travers l'annonce de l'Evangile, et de connaître la vérité que le Christ nous a révélée. L'Eglise est donc toujours engagée à proposer à tous le dépôt de la foi qui contient également la doctrine sur l'Eucharistie — mystère central «qui contient tout le trésor spirituel de l’Eglise, à savoir le Christ lui-même, notre Pâque» (Conc. œcum. Vat. II décr. Presbyterorum ordinis, n. 5) —; doctrine qui aujourd'hui, malheureusement, n'est pas suffisamment comprise dans sa valeur profonde et dans son importance pour l'existence des croyants. C'est pourquoi il est important qu'une connaissance plus approfondie du mystère du Corps et du Sang du Seigneur soit ressentie comme une exigence par les diverses communautés de notre diocèse de Rome. Dans le même temps, dans l'esprit missionnaire que nous voulons nourrir, il est nécessaire que se diffuse l'engagement d'annoncer cette foi eucharistique, afin que chaque homme rencontre Jésus Christ qui nous a révélé le Dieu «proche», ami de l'humanité, et d'en témoigner à travers une vie éloquente de charité.

     Dans toute sa vie publique, Jésus, à travers la prédication de l'Evangile et les signes miraculeux, a annoncé la bonté et la miséricorde du Père à l'égard de l'homme. Cette mission a atteint son sommet sur le Golgotha, où le Christ crucifié a révélé le visage de Dieu, afin que l'homme, en contemplant la Croix, puisse reconnaître la plénitude de l'amour (cf. Benoît XVI, Enc. Deus caritas est, n. 12). Le sacrifice du Calvaire est mystérieusement anticipé dans la Dernière Cène lorsque Jésus, partageant avec les Douze le pain et le vin, les transforme dans son corps et dans son sang, qu'il devait offrir peu après comme Agneau immolé. L'Eucharistie est le mémorial de la mort et de la résurrection de Jésus Christ, de son amour jusqu'à la fin pour chacun de nous, mémorial qu'il a voulu confier à l'Eglise afin qu'il soit célébré dans les siècles. Selon la signification du verbe hébreu zakar, le «mémorial» n'est pas simplement le souvenir de quelque chose qui a eu lieu par le passé, mais une célébration qui actualise cet événement, de façon à en reproduire la force et l'efficacité salvifique. Ainsi il «rend présent et actualise le sacrifice que le Christ a offert à son Père, une fois pour toutes, sur la croix, en faveur de l’humanité» (Compendium du Catéchisme de l'Eglise catholique, n. 280). Chers frères et sœurs, à notre époque, le mot sacrifice n'est pas apprécié, il semble même appartenir à d'autres époques et à une autre façon de concevoir la vie. Mais, bien compris, il est et demeure fondamental, car il nous révèle de quel amour Dieu nous aime dans le Christ.

     Dans le don que Jésus fait de lui-même, nous trouvons toute la nouveauté du culte chrétien. Dans l'Antiquité, les hommes offraient en sacrifice aux divinités les animaux ou les prémices de la terre. Jésus, en revanche, s'offre lui-même, son corps et toute son existence: Lui-même en personne devient ce sacrifice que la liturgie offre dans la Messe. En effet, à travers la consécration, le pain et le vin deviennent son vrai corps et sang. Saint Augustin invitait les fidèles à ne pas s'arrêter à ce qui apparaissait à leur vue, mais à aller au-delà: «Reconnaissez dans le pain — disait-il — ce même corps qui pendait sur la croix, et dans la coupe ce même sang qui jaillissait de son flanc» (Disc. 228 b, 2). Pour expliquer cette transformation, la théologie a créé le terme «transsubstantiation» un terme qui a retenti pour la première fois dans cette basilique au cours du IVe concile du Latran, dont sera célébré dans cinq ans le VIIIe centenaire. A cette occasion furent inclues dans la profession de foi les expressions suivantes: «Le corps et le sang, dans le sacrement de l’autel, sont vraiment contenus sous les espèces du pain et du vin, le pain étant transsubstantié dans le corps et le vin dans le sang par la puissance divine» (DS, 802). Il est donc fondamental que dans les itinéraires d'éducation à la foi des enfants, des adolescents et des jeunes, ainsi que dans les «centres d'écoute» de la Parole de Dieu, l'on souligne que dans le sacrement de l'Eucharistie, le Christ est véritablement, réellement et substantiellement présent.

     La Messe, célébrée dans le respect des normes liturgiques et avec une valorisation adéquate de la richesse des signes et des gestes, favorise et promeut la croissance de la foi eucharistique. Dans la célébration eucharistique, nous n'inventons pas quelque chose, mais nous entrons dans une réalité qui nous précède, et qui embrasse même le ciel et la terre, et donc également le passé, l’avenir et le présent. Cette ouverture universelle, cette rencontre avec tous les fils et les filles de Dieu constitue la grandeur de l'Eucharistie: nous allons à la rencontre de la réalité de Dieu présent dans le corps et le sang du ressuscité parmi nous. C'est pourquoi les prescriptions liturgiques dictées par l'Eglise ne sont pas des choses extérieures, mais expriment de façon concrète la réalité de la révélation du corps et du sang du Christ et ainsi, la prière révèle la foi selon l'antique principe lex orandi - lex credendi. C'est pourquoi nous pouvons dire que «la meilleure catéchèse sur l'Eucharistie est l'Eucharistie elle-même bien célébrée». (Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis, 64). Il est nécessaire que dans la liturgie ressorte avec clarté la dimension transcendante, celle du Mystère, de la rencontre avec le Divin, qui illumine et élève également la dimension «horizontale», c'est-à-dire le lien de communion et de solidarité qui existe entre ceux qui appartiennent à l'Eglise. En effet, lorsque prévaut cette dernière, on ne comprend pas pleinement la beauté, la profondeur, et l'importance du mystère célébré. Chers frères dans le sacerdoce, l'évêque vous a confié, le jour de votre ordination sacerdotale, le devoir de présider l'Eucharistie. Ayez toujours à cœur l'exercice de cette mission: célébrer les mystères divins avec une intense participation intérieure, afin que les hommes et les femmes de notre temps puissent être sanctifiés, mis en contact avec Dieu, vérité absolue et amour éternel.

     Et rappelons-nous également que l'Eucharistie, liée à la croix et à la résurrection du Seigneur, a dicté une nouvelle structure à notre époque. Le Ressuscité s'était manifesté le jour après le sabbat, le premier jour de la semaine, jour du soleil et de la création. Depuis le début, les chrétiens ont célébré leur rencontre avec le Ressuscité, l'Eucharistie, en ce premier jour, en ce nouveau jour du véritable soleil de l'histoire, le Christ Ressuscité. Et ainsi, le temps commence toujours à nouveau avec la rencontre avec le Ressuscité et cette rencontre donne son contenu et sa force à la vie de chaque jour. C'est pourquoi il est très important pour nous chrétiens de suivre ce rythme nouveau du temps, de rencontrer le Ressuscité le dimanche, et ainsi de «prendre» avec nous sa présence, qui nous transforme et transforme notre temps. En outre, je vous invite tous à redécouvrir la fécondité de l'adoration eucharistique: devant le Très Saint Sacrement, nous faisons l'expérience de façon toute particulière du fait de «demeurer» avec Jésus, que Lui-même, dans l'Evangile de Jean, place comme condition nécessaire pour porter beaucoup de fruit (cf. Jn 15, 5) et éviter que notre action apostolique ne se réduise à un activisme stérile, mais soit au contraire le témoignage de l'amour de Dieu.

     La communion avec le Christ est toujours aussi communion avec son corps qui est l'Eglise, comme le rappelle l'apôtre Paul en disant: «Le pain que nous rompons, n'est-il pas communion au corps du Christ? Parce qu'il n'y a qu'un pain, à plusieurs nous ne sommes qu'un corps, car tous nous participons à ce pain unique» (1 Co 10, 16-17). C'est en effet l'Eucharistie qui transforme un simple groupe de personnes en communauté ecclésiale: l'Eucharistie fait Eglise. Il est donc fondamental que la célébration de la Messe soit effectivement le sommet, la «structure portante» de la vie de chaque communauté paroissiale. Je vous exhorte tous à mieux prendre soin, à travers également des groupes liturgiques adaptés, de la préparation et de la célébration de l'Eucharistie, pour que ceux qui y participent puissent rencontrer le Seigneur. C’est le Christ ressuscité, qui se rend présent dans notre aujourd'hui et nous rassemble autour de lui. En nous nourrissant de Lui, nous sommes libérés des liens de l’individualisme et, au moyen de la communion avec Lui, nous devenons nous-mêmes, ensemble, une seule chose, son Corps mystique. Ainsi sont dépassées les différences dues à la profession, à la classe sociale, à la nationalité, parce que nous nous découvrons membres d'une unique grande famille, celle des fils de Dieu, dans laquelle à chacun est donnée une grâce particulière pour l'utilité commune. Le monde et les hommes n'ont pas besoin d'une intégration sociale supplémentaire, mais ils ont besoin de l'Eglise, qui est dans le Christ comme un sacrement, «c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain» (Conc. œcum. Vat. II, Const. Lumen gentium, n. 1), appelée à faire resplendir sur tous les peuples la lumière du Seigneur ressuscité.

     Jésus est venu pour nous révéler l'amour du Père, parce que «l'homme ne peut vivre sans amour» (Jean-Paul II, Enc. Redemptor hominis, n. 10). L'amour est, en effet, l'expérience fondamentale de tout être humain, ce qui donne une signification, ce qui donne un sens à la vie de chaque jour.

     Nourris par l’Eucharistie nous aussi, à l'exemple du Christ, nous vivons pour Lui, pour être témoins de l’amour. En recevant le Sacrement, nous entrons en communion de sang avec Jésus Christ. Dans la conception juive, le sang indique la vie; ainsi, nous pouvons dire que, en nous nourrissant du Corps du Christ, nous accueillons la vie de Dieu et nous apprenons à regarder la réalité avec ses yeux, en abandonnant la logique du monde pour suivre la logique divine du don et de la gratuité. Saint Augustin rappelle que durant une vision, il lui sembla entendre la voix du Seigneur, qui lui disait: «Je suis la nourriture des adultes. Grandis, et tu me mangeras, sans pour autant me transformer en toi, comme la nourriture de ta chair; mais tu te transformeras en moi» (cf. Confessions VII, 10, 16). Quand nous recevons le Christ, l'amour de Dieu s'étend dans notre intimité, il modifie radicalement notre cœur et nous rend capables de gestes qui, par la force de diffusion du bien, peuvent transformer la vie de ceux qui sont à nos côtés. La charité est en mesure d'engendrer un changement authentique et permanent de la société, en agissant dans les cœurs et dans les esprits des hommes, et quand elle est vécue dans la vérité, elle «est la force dynamique essentielle du vrai développement de chaque personne et de l’humanité tout entière» (Benoît XVI, Enc. Caritas in veritate, n. 1). Le témoignage de la charité pour le disciple de Jésus n'est pas un sentiment passager, mais au contraire c'est ce qui façonne la vie en toute circonstance. Je vous encourage tous, en particulier la Caritas et les diacres, à vous engager dans le domaine délicat et fondamental de l'éducation à la charité, comme dimension permanente de la vie personnelle et communautaire.

    

 

 

 

Exhortation Apostolique Verbum Domini, du 30.9.2010, numéro

     La Parole de Dieu est la véritable lumière dont l’homme a besoin. Oui, au moment de la Résurrection, le Fils de Dieu s’est manifesté comme Lumière du monde. À présent, en vivant avec lui et par lui, nous pouvons vivre dans la lumière.

     À Pâques, Dieu se révèle lui-même ainsi que la puissance de l’Amour trinitaire qui anéantit les forces destructrices du mal et de la mort.

 

 

1er novembre 2010 – Angelus

     Nous confions à la Vierge Marie, guide sûr vers la sainteté, notre pèlerinage vers la patrie céleste, alors que nous invoquons son intercession maternelle pour le repos éternel de tous nos frères et sœurs qui se sont endormis dans l’espérance de la Résurrection.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2011

 

 

 

 

 

 

11 février 2011 – Message pour la Journée Mondiale du Malale

     « C'est par ses blessures que vous avez été guéris" (1 P 2,24). Le Fils de Dieu a souffert, est mort, mais il est ressuscité et c'est justement pour cela que ces plaies deviennent le signe de notre rédemption, du pardon et de la réconciliation avec le Père ; mais elles deviennent aussi un banc d'essai pour la foi des disciples et pour notre foi ; chaque fois que le Seigneur parle de sa passion et de sa mort, ils ne comprennent pas, ils refusent et s'opposent. Pour eux, comme pour nous, la souffrance reste toujours lourde de mystère, difficile à accepter et à porter.

 

13 juin 2011 – Au Congrès du Diocèse de Rome

     La profession de foi placée en conclusion du discours — «Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous avez crucifié» (Ac 2, 36) — est l’annonce joyeuse que l’Eglise depuis des siècles ne cesse de répéter à chaque homme.

     A cette annonce — lit-on dans les Actes des Apôtres — tous «eurent le cœur transpercé» (2, 37). Cette réaction fut certainement engendrée par la grâce de Dieu: tous comprirent que cette proclamation réalisait les promesses et faisait désirer à chacun la conversion et le pardon de ses propres péchés. Les paroles de Pierre ne se limitaient pas à une simple annonce de faits, elles en montraient la signification, en rattachant la vie de Jésus aux promesses de Dieu, aux attentes d’Israël et, donc, à celles de tout homme. Le peuple de Jérusalem comprit que la résurrection de Jésus était en mesure et continue d’être en mesure d’illuminer l’existence humaine. Et en effet, de cet événement est née une nouvelle compréhension de la dignité de l’homme et de son destin éternel, de la relation entre l’homme et la femme, de la signification ultime de la douleur, de l’engagement dans la construction de la société. La réponse de la foi naît lorsque l’homme découvre, par la grâce de Dieu, que croire signifie trouver la vraie vie, la «pleine vie».

 

 

2 novembre 2011 – Audience Générale

     L’Eglise nous invite à commémorer tous les fidèles défunts, à tourner notre regard vers les nombreux visages qui nous ont précédés et qui ont conclu leur chemin terrestre. Je voudrais vous proposer quelques pensées simples sur la réalité de la mort qui pour nous, chrétiens, est illuminée par la Résurrection du Christ, et pour renouveler notre foi dans la vie éternelle.

     Nous nous rendons ces jours-ci au cimetière pour prier pour les personnes chères qui nous ont quittés, nous allons en quelque sorte leur rendre visite pour leur exprimer, une fois de plus, notre affection, pour les sentir encore proches, en rappelant également, de cette façon, un article du Credo : dans la communion des saints existe un lien étroit entre nous, qui marchons encore sur cette terre, et nos nombreux frères et sœurs qui ont déjà atteint l’éternité.

     Depuis toujours, l’homme se préoccupe de ses morts et tente de leur donner une deuxième vie à travers l’attention, le soin, l’affection. D’une certaine façon, on veut conserver leur expérience de vie ; et, paradoxalement, c’est précisément des tombes devant lesquelles se bousculent les souvenirs que nous découvrons la façon dont ils ont vécu, ce qu’ils ont aimé, ce qu’ils ont craint, ce qu’ils ont espéré, et ce qu’ils ont détesté. Celles-ci représentent presque un miroir de leur monde.

     Pourquoi en est-il ainsi ? Car, bien que la mort soit souvent un thème presque interdit dans notre société, et que l’on tente constamment de chasser de notre esprit la seule idée de la mort, celle-ci concerne chacun de nous, elle concerne l’homme de tout temps et de tout lieu. Et devant ce mystère, tous, même inconsciemment, nous cherchons quelque chose qui nous invite à espérer, un signe qui nous apporte un réconfort, qui nous ouvre un horizon, qui offre encore un avenir. Le chemin de la mort, en réalité, est une voie de l’espérance et parcourir nos cimetières, comme lire les inscriptions sur les tombes, signifie accomplir un chemin marqué par l’espérance d’éternité.

     Mais nous nous demandons : pourquoi éprouvons-nous de la crainte face à la mort ? Pourquoi une grande partie de l’humanité ne s’est-elle jamais résignée à croire qu’au-delà de la mort, il n’y pas pas simplement le néant ? Je dirais qu’il existe de multiples réponses : nous éprouvons une crainte face à la mort car nous avons peur du néant, de ce départ vers quelque chose que nous ne connaissons pas, qui nous est inconnu. Il existe alors en nous un sentiment de rejet parce que nous ne pouvons pas accepter que tout ce qui a été réalisé de beau et de grand au cours d’une existence tout entière soit soudainement effacé, tombe dans l’abîme du néant. Et surtout, nous sentons que l’amour appelle et demande l’éternité et il n’est pas possible d’accepter que cela soit détruit par la mort en un seul moment.

     De plus, nous éprouvons de la crainte à l’égard de la mort car, lorsque nous nous trouvons vers la fin de notre existence, existe la perception qu’un jugement est exercé sur nos actions, sur la façon dont nous avons mené notre vie, surtout sur les zones d’ombre que nous savons souvent habilement éliminer ou que nous nous efforçons d’effacer de notre conscience. Je dirais que c’est précisément la question du jugement qui est souvent à l’origine de la préoccupation de l’homme de tous les temps pour les défunts, de l’attention pour les personnes qui ont compté pour lui et qui ne sont plus à ses côtés sur le chemin de la vie terrestre. Dans un certain sens, les gestes d’affection et d’amour qui entourent le défunt sont une façon de le protéger dans la conviction qu’ils ne demeurent pas sans effet sur le jugement. C’est ce que nous pouvons constater dans la majorité des cultures qui caractérisent l’histoire de l’homme.

     Aujourd’hui, le monde est devenu, tout au moins en apparence, beaucoup plus rationnel, ou mieux, la tendance s’est diffusée de penser que chaque réalité doit être affrontée avec les critères de la science expérimentale, et qu’également à la grande question de la mort on ne doit pas tant répondre avec la foi, mais en partant de connaissances expérimentables, empiriques. On ne se rend cependant pas suffisamment compte que, précisément de cette manière, on a fini par tomber dans des formes de spiritisme, dans la tentative d’avoir un contact quelconque avec le monde au-delà de la mort, presque en imaginant qu’il y existe une réalité qui, à la fin, serait une copie de la réalité présente.

     Chers amis, la solennité de la Toussaint et la commémoration de tous les fidèles défunts nous disent que seul celui qui peut reconnaître une grande espérance dans la mort, peut aussi vivre une vie à partir de l’espérance. Si nous réduisons l’homme exclusivement à sa dimension horizontale, à ce que l’on peut percevoir de manière empirique, la vie elle-même perd son sens profond. L’homme a besoin d’éternité et toute autre espérance est trop brève, est trop limitée pour lui. L’homme n’est explicable que s’il existe un Amour qui dépasse tout isolement, même celui de la mort, dans une totalité qui transcende aussi l’espace et le temps. L’homme n’est explicable, il ne trouve son sens profond, que s’il y a Dieu. Et nous savons que Dieu est sorti de son éloignement et s’est fait proche, qu’il est entré dans notre vie et nous dit : « Je suis la résurrection et la vie. Qui croit en moi, même s'il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (Jn 11, 25-26).

     Pensons un moment à la scène du Calvaire et écoutons à nouveau les paroles que Jésus, du haut de la Croix, adresse au malfaiteur crucifié à sa droite : « En vérité, je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23, 43). Pensons aux deux disciples sur la route d’Emmaüs, quand, après avoir parcouru un bout de chemin avec Jésus Ressuscité, ils le reconnaissent et partent sans attendre vers Jérusalem pour annoncer la Résurrection du Seigneur (cf. Lc 24, 13-35). Les paroles du Maître reviennent à l’esprit avec une clarté renouvelée : « Que votre cœur ne se trouble pas ! Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, je vous l'aurais dit ; je vais vous préparer une place » (Jn 14, 1-2). Dieu s’est vraiment montré, il est devenu accessible, il a tant aimé le monde « qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle » (Jn 3, 16), et dans l’acte d’amour suprême de la Croix, en se plongeant dans l’abîme de la mort, il l’a vaincue, il est ressuscité et nous a ouvert à nous aussi les portes de l’éternité. Le Christ nous soutient à travers la nuit de la mort qu’Il a lui-même traversée; il est le Bon Pasteur, à la direction duquel on peut se confier sans aucune crainte, car Il connaît bien la route, même dans l’obscurité.

     Chaque dimanche, en récitant le Credo, nous réaffirmons cette vérité. Et en nous rendant dans les cimetières pour prier avec affection et avec amour pour nos défunts, nous sommes invités, encore une fois, à renouveler avec courage et avec force notre foi dans la vie éternelle, ou mieux, à vivre avec cette grande espérance et à la témoigner au monde : derrière le présent il n’y a pas le rien. C’est précisément la foi dans la vie éternelle qui donne au chrétien le courage d’aimer encore plus intensément notre terre et de travailler pour lui construire un avenir, pour lui donner une espérance véritable et sûre.

 

 

2 novembre 2011 – Aux francophones, au terme de l’Audience Générale

     Que votre foi dans la résurrection du Christ vous donne force et courage pour traverser les épreuves de la vie et qu’elle fasse grandir en vous l’espérance de la vie éternelle ! Que Dieu vous bénisse !

 

26 novembre 2011 – Rencontre organisée par la Pastorale des services de la santé.

     C’est un motif de grande joie de vous rencontrer à l’occasion de la XXVIe Conférence internationale organisée par le Conseil pontifical pour la pastorale des services de la santé, qui a voulu réfléchir sur le thème: La pastorale de la santé au service de la vie à la lumière du magistère du bienheureux Jean-Paul II.

     Je suis certain que vos réflexions ont contribué à approfondir l’«Evangile de la Vie», précieux héritage du magistère du bienheureux Jean-Paul II. En 1985, il institua ce Conseil pontifical pour en donner un témoignage concret dans le vaste domaine de la santé. Il y a vingt ans, il institua la célébration de la Journée mondiale du malade; et, enfin, il institua la fondation «Le Bon Samaritain», comme instrument d’une nouvelle action caritative à l’égard des malades les plus pauvres dans divers pays, une fondation pour laquelle je lance un appel afin que l’engagement pour la soutenir soit renouvelé.

     Au cours des longues et intenses années de son pontificat, le bienheureux Jean-Paul II a proclamé que le service à la personne malade dans son corps et dans son esprit constitue un engagement constant d’attention et d’évangélisation pour toute la communauté ecclésiale, selon le mandat de Jésus aux Douze de guérir les malades (cf. Lc 9, 2). En particulier, dans la Lettre apostolique Salvifici doloris, du 11 février 1984, mon vénéré prédécesseur affirme: «La souffrance semble appartenir à la transcendance de l'homme; c'est un des points sur lesquels l'homme est en un sens “destiné” à se dépasser lui-même, et il y est appelé d'une façon mystérieuse» (n. 2). Le mystère de la douleur semble voiler la face de Dieu, le rendant presque comme un étranger ou allant même jusqu’à le considérer responsable de la souffrance humaine; mais les yeux de la foi sont capables de regarder ce mystère en profondeur. Dieu s’est incarné, il s’est fait proche de l’homme, même dans les situations les plus difficiles; il n’a pas éliminé la souffrance, mais dans le Crucifié ressuscité, dans le Fils de Dieu qui a souffert jusqu’à la mort et à la mort sur la croix, Il révèle que son amour descend également dans l’abîme le plus profond de l’homme pour lui apporter l’espérance. Le Crucifié est ressuscité, la mort a été illuminée dès le matin de Pâques: «Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle» (Jn 3, 16). Dans le Fils «donné» pour le salut de l’humanité, la vérité de l’amour est, dans un certain sens, prouvée à travers la vérité de la souffrance, et l’Eglise, née du mystère de la Rédemption dans la Croix du Christ, «a le devoir de rechercher la rencontre avec l'homme d'une façon particulière sur le chemin de sa souffrance. C'est dans cette rencontre que l'homme “devient la route de l'Eglise” et cette route-là est l'une des plus importantes» (Jean-Paul II, Lett. apos. Salvifici doloris, n. 3).

     Chers amis, le service d’accompagnement, de proximité et de soin aux frères malades, seuls, souvent éprouvés par des blessures non seulement physiques, mais également spirituelles et morales, vous place dans une position privilégiée pour témoigner de l’action salvifique de Dieu, de son amour pour l’homme et pour le monde, qui embrasse également les situations les plus douloureuses et terribles. La Face du Sauveur mourant sur la croix, du Fils consubstantiel au Père qui souffre comme un homme pour nous (cf. ibid., n. 17), nous enseigne à conserver et à promouvoir la vie, quelles que soit l’étape ou la condition dans laquelle elle se trouve, en reconnaissant la dignité et la valeur de chaque être humain, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26-27) et appelé à la vie éternelle.

     Cette vision de la douleur et de la souffrance illuminée par la mort et la résurrection du Christ nous a été témoignée par le lent calvaire qui a marqué les dernières années de vie du bienheureux Jean-Paul II et auquel on peut appliquer les paroles de saint Paul: «Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l'Eglise» (Col 1, 24). Sa foi ferme et sûre a enveloppé sa faiblesse physique, faisant de sa maladie, vécue par amour de Dieu, de l’Eglise et du monde, une participation concrète au chemin du Christ jusqu’à son Calvaire.

     La sequela Christi n’a pas épargné au bienheureux Jean-Paul II de prendre sa croix chaque jour jusqu’à la fin, pour être comme son unique Maître et Seigneur, qui de la Croix est devenu un point d’attraction et de salut pour l’humanité (cf. Jn 12, 32; 19, 37) et a manifesté sa gloire (cf. Mc 15, 39). Dans l’homélie de la Messe de béatification de mon vénéré prédécesseur, j’ai rappelé que «le Seigneur l’a dé pouillé petit à petit de tout, mais il est resté toujours un “roc”, comme le Christ l’a voulu. Sa profonde humilité, enracinée dans son union intime au Christ, lui a permis de continuer à guider l’Eglise et à donner au monde un message encore plus éloquent précisément au moment où les forces physiques lui venaient à manquer» (Homélie du 1er mai 2011).

     Chers amis, en tirant un enseignement du testament vécu par le bienheureux Jean-Paul II dans sa propre chair, je souhaite que vous aussi, dans l’exercice de votre ministère pastoral et dans votre activité professionnelle, vous puissiez découvrir dans l’arbre glorieux de la Croix du Christ «l'accomplissement et la pleine révélation de tout l'Evangile de la vie» (Lett. enc. Evangelium vitae, n. 50). Dans le service que vous prêtez dans les divers domaines de la pastorale de la santé, puissiez-vous faire l’expérience que «seul le service du prochain ouvre mes yeux sur ce que Dieu fait pour moi et sur sa manière à Lui de m’aimer» (Lett. enc. Deus caritas est, n. 18).

 

 

 

2012

 

7 avril 2012 – Homélie de la Messe de la Nuit de Pâques

     Pâques est la fête de la nouvelle création. Jésus est ressuscité et ne meurt plus. Il a enfoncé la porte vers une vie nouvelle qui ne connaît plus ni maladie ni mort. Il a pris l’homme en Dieu lui-même. « La chair et le sang ne peuvent hériter du royaume de Dieu » avait dit Paul dans la Première Lettre aux Corinthiens (15, 50). L’écrivain ecclésiastique Tertullien, au IIIe siècle, en référence à la résurrection du Christ et à notre résurrection avait l’audace d’écrire : « Ayez confiance, chair et sang, grâce au Christ vous avez acquis une place dans le Ciel et dans le royaume de Dieu » (CCL II 994). Une nouvelle dimension s’est ouverte pour l’homme. La création est devenue plus grande et plus vaste. Pâques est le jour d’une nouvelle création, c’est la raison pour laquelle en ce jour l’Église commence la liturgie par l’ancienne création, afin que nous apprenions à bien comprendre la nouvelle. C’est pourquoi, au début de la Liturgie de la Parole durant la Vigile pascale, il y a le récit de la création du monde. En relation à cela, deux choses sont particulièrement importantes dans le contexte de la liturgie de ce jour. En premier lieu, la création est présentée comme un tout dont fait partie le phénomène du temps. Les sept jours sont une image d’une totalité qui se déroule dans le temps. Ils sont ordonnés en vue du septième jour, le jour de la liberté de toutes les créatures pour Dieu et des unes pour les autres. La création est donc orientée vers la communion entre Dieu et la créature ; elle existe afin qu’il y ait un espace de réponse à la grande gloire de Dieu, une rencontre d’amour et de liberté. En second lieu, durant la Vigile pascale, du récit de la création, l’Église écoute surtout la première phrase : « Dieu dit : ‘Que la lumière soit’ ! » (Gen 1, 3). Le récit de la création, d’une façon symbolique, commence par la création de la lumière. Le soleil et la lune sont créés seulement le quatrième jour. Le récit de la création les appelle sources de lumière, que Dieu a placées dans le firmament du ciel. Ainsi il leur ôte consciemment le caractère divin que les grandes religions leur avaient attribué. Non, ce ne sont en rien des dieux. Ce sont des corps lumineux, créés par l’unique Dieu. Ils sont en revanche précédés de la lumière par laquelle la gloire de Dieu se reflète dans la nature de l’être qui est créé.

     Qu’entend par là le récit de la création ? La lumière rend possible la vie. Elle rend possible la rencontre. Elle rend possible la communication. Elle rend possible la connaissance, l’accès à la réalité, à la vérité. Et en rendant possible la connaissance, elle rend possible la liberté et le progrès. Le mal se cache. La lumière par conséquent est aussi une expression du bien qui est luminosité et créé la luminosité. C’est le jour dans lequel nous pouvons œuvrer. Le fait que Dieu ait créé la lumière signifie que Dieu a créé le monde comme lieu de connaissance et de vérité, lieu de rencontre et de liberté, lieu du bien et de l’amour. La matière première du monde est bonne, l’être même est bon. Et le mal ne provient pas de l’être qui est créé par Dieu, mais existe seulement en vertu de la négation. C’est le « non ».

     A Pâques, au matin du premier jour de la semaine, Dieu a dit de nouveau : « Que la lumière soit ! ». Auparavant il y avait eu la nuit du Mont des Oliviers, l’éclipse solaire de la passion et de la mort de Jésus, la nuit du sépulcre. Mais désormais c’est de nouveau le premier jour ­ la création recommence entièrement nouvelle. « Que la lumière soit ! », dit Dieu, « et la lumière fut ». Jésus se lève du tombeau. La vie est plus forte que la mort. Le bien est plus fort que le mal. L’amour est plus fort que la haine. La vérité est plus forte que le mensonge. L’obscurité des jours passés est dissipée au moment où Jésus ressuscite du tombeau et devient, lui-même, pure lumière de Dieu. Ceci, toutefois, ne se réfère pas seulement à lui ni à l’obscurité de ces jours. Avec la résurrection de Jésus, la lumière elle-même est créée de façon nouvelle. Il nous attire tous derrière lui dans la nouvelle vie de la résurrection et vainc toute forme d’obscurité. Il est le nouveau jour de Dieu, qui vaut pour nous tous.

     Mais comment cela peut-il arriver ? Comment tout cela peut-il parvenir jusqu’à nous de façon que cela ne reste pas seulement  parole, mais devienne une réalité dans laquelle nous sommes impliqués ? Par le sacrement du Baptême et la profession de foi, le Seigneur a construit un pont vers nous, par lequel le nouveau jour vient à nous. Dans le Baptême, le Seigneur dit à celui qui le reçoit : Fiat lux ­ que la lumière soit. Le nouveau jour, le jour de la vie indestructible vient aussi à nous. Le Christ te prend par la main. Désormais tu seras soutenu par lui et tu entreras ainsi dans la lumière, dans la vraie vie. Pour cette raison, l’Église primitive a appelé le Baptême « photismos » ­ illumination.

     Pourquoi ? L’obscurité vraiment menaçante pour l’homme est le fait que lui, en vérité, est capable de voir et de rechercher les choses tangibles, matérielles, mais il ne voit pas où va le monde et d’où il vient. Où va notre vie elle-même. Ce qu’est le bien et ce qu’est le mal. L’obscurité sur Dieu et sur les valeurs sont la vraie menace pour notre existence et pour le monde en général. Si Dieu et les valeurs, la différence entre le bien et le mal restent dans l’obscurité, alors toutes les autres illuminations, qui nous donnent un pouvoir aussi incroyable, ne sont pas seulement des progrès, mais en même temps elles sont aussi des menaces qui mettent en péril nous et le monde. Aujourd’hui nous pouvons illuminer nos villes d’une façon tellement éblouissante que les étoiles du ciel ne sont plus visibles. N’est-ce pas une image de la problématique du fait que nous soyons illuminés ? Sur les choses matérielles nous savons et nous pouvons incroyablement beaucoup, mais ce qui va au-delà de cela, Dieu et le bien, nous ne réussissons plus à l’identifier. C’est pourquoi, c’est la foi qui nous montre la lumière de Dieu, la véritable illumination, elle est une irruption de la lumière de Dieu dans notre monde, une ouverture de nos yeux à la vraie lumière

     Durant la Vigile pascale, la nuit de la nouvelle création, l’Église présente le mystère de la lumière avec un symbole tout à fait particulier et très humble : le cierge pascal. C’est une lumière qui vit en vertu du sacrifice. Le cierge illumine en se consumant lui-même. Il donne la lumière en se donnant lui-même. Ainsi il représente d’une façon merveilleuse le mystère pascal du Christ qui se donne lui-même et ainsi donne la grande lumière. En second lieu, nous pouvons réfléchir sur le fait que la lumière du cierge est du feu. Le feu est une force qui modèle le monde, un pouvoir qui transforme. Et le feu donne la chaleur. Là encore le mystère du Christ se rend à nouveau visible. Le Christ, la lumière est feu, il est la flamme qui brûle le mal transformant ainsi le monde et nous-mêmes. « Qui est près de moi est près du feu », exprime une parole de Jésus transmise par Origène. Et ce feu est en même temps chaleur, non une lumière froide, mais une lumière dans laquelle se rencontrent la chaleur et la bonté de Dieu.

     Le grand hymne de l’Exultet, que le diacre chante au début de la liturgie pascale, nous fait encore remarquer d’une façon très discrète un autre aspect. Il rappelle que ce produit, la cire, est du en premier lieu au travail des abeilles. Ainsi entre en jeu la création tout entière. Dans la cire, la création devient porteuse de lumière. Mais, selon la pensée des Pères, il y a aussi une allusion implicite à l’Église. La coopération de la communauté vivante des fidèles dans l’Église est presque semblable à l’œuvre des abeilles. Elle construit la communauté de la lumière. Nous pouvons ainsi voir dans la cire un rappel fait à nous-mêmes et à notre communion dans la communauté de l’Église, qu’elle existe afin que la lumière du Christ puisse illuminer le monde.

     Prions le Seigneur à présent de nous faire expérimenter la joie de sa lumière, et prions-le, afin que nous-mêmes nous devenions des porteurs de sa lumière, pour qu’à travers l’Église la splendeur du visage du Christ entre dans le monde (cf. LG 1). Amen.

 

 

 

16 avril 2012 – Homélie de la Messe de son 85ème anniversaire

     Le jour où j’ai été baptisé, comme je l’ai dit, c’était le Samedi Saint. On avait encore l’usage à cette époque d’anticiper la Veillée pascale dans la matinée, qui serait encore suivie par l’obscurité du Samedi Saint, sans l’Alléluia. Il me semble que ce singulier paradoxe, cette singulière anticipation de la lumière en un jour obscur, peut presque convenir comme image de l’histoire de notre époque. D’un côté, il y a encore le silence de Dieu et son absence, mais dans la Résurrection du Christ, il y a déjà l’anticipation du «oui» de Dieu, et en s’appuyant sur cette anticipation nous vivons et, à travers le silence de Dieu, nous entendons ses paroles, et à travers l’obscurité de son absence nous entrevoyons sa lumière. L’anticipation de la Résurrection à mi-chemin d’une histoire qui se développe est la force qui nous indique la route et nous aide à aller de l’avant.

    

 

 

5 mai 2012 – A des Evêques des USA en Visite Ad Limina

    Conduire les autres à la vérité est en fin de compte un acte d’amour (cf. Discours aux éducateurs catholiques, Washington, 17 avril 2008). La reconnaissance, de la part de la foi, de cette unité fondamentale de toute la connaissance constitue un rempart contre l’aliénation et la fragmentation qui ont lieu lorsque l’utilisation de la raison est détachée de la poursuite de la vérité et de la vertu; dans ce sens, les institutions catholiques ont un rôle spécifique à jouer pour aider à surmonter la crise des universités aujourd’hui. Profondément enraciné dans cette vision de la relation intrinsèque entre foi, raison et la poursuite de l’excellence humaine, tout intellectuel chrétien et toutes les institutions éducatives de l’Eglise doivent être convaincus, et désireux d’en convaincre d’autres qu’aucun aspect de la réalité ne demeure étranger ou épargné par le mystère de la rédemption et la domination du Seigneur ressuscité sur toute la création.

 

 

 

16 mai 2012 – Audience Générale

       La prière ne nous épargne pas les épreuves et la souffrance ; au contraire, nous « gémissons nous aussi intérieurement dans l'attente de la rédemption de notre corps » (Rm 8, 24), dit saint Paul ; il dit que la prière ne nous épargne pas la souffrance mais elle nous permet de la vivre et de l’affronter avec une force nouvelle, avec la même confiance que Jésus qui, selon la Lettre aux Hébreux, « aux jours de sa chair, [a] présenté, avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et a été exaucé en raison de sa piété » (5, 7). La réponse de Dieu le Père à son Fils, à ses cris et à ses larmes, n’a pas été la libération des souffrances, de la croix, de la mort, mais un exaucement encore plus grand, une réponse beaucoup plus profonde ; à travers la croix et la mort, Dieu a répondu par la Résurrection de son Fils, par une vie nouvelle. La prière animée par l’Esprit-Saint nous porte, nous aussi, à vivre chaque jour le chemin de notre vie avec ses épreuves et ses souffrances, dans la pleine espérance, dans la confiance en Dieu qui répond comme il a répondu à son Fils.

 

 

31 mai 2012 – Au terme de la Veillée mariale à la Grotte de Lourdes, dans les Jardins du Vatican.

     La foi de Marie nous invite à regarder au-delà des apparences et à croire fermement que les difficultés quotidiennes préparent un printemps qui a déjà commencé en Jésus Ressuscité.

 

 

2 juin 2012 – Méditation lors de la prière du Milieu du Jour, à Milan

     Le mystère pascal a marqué le début d’un temps nouveau: la mort et la résurrection du Christ recrée l’innocence au sein de l’humanité et y fait naître la joie.

    

 

5 aout 2012 – Aux pèlerins francophones, au terme de l’Angelus

     Dans l’Évangile nous voyons les foules se déplacer pour suivre Jésus. Comme celles d’hier, les foules d’aujourd’hui ont faim de nourriture terrestre et spirituelle. En nous partageant sa Parole et son Corps en nourriture, Jésus nous comble et nous rassasie. Que la Vierge Marie vous aide à accueillir ce don de Dieu et à vous laisser transformer, comme les Apôtres au jour de la Transfiguration, par le visage lumineux du Christ ressuscité!

 

 

 

 

 

 

publié le : 01 janvier 2005

Sommaire documents

t>