Journées mondiales de la jeunesse

JMJ 1989 à Compostelle : Les textes de référence


Jean Paul II à son arrivée à St Jacques de Compostelle, le 19 août1989



Je viens donc à Saint-Jacques, ville aux innombrables références pour d'innombrables peuples. Je viens comme successeur de Pierre pour encourager mes frères, pour animer les forces des jeunes et me réconforter avec eux, et pour annoncer Jésus-Christ, le Chemin, la Vérité et la Vie. Pour engager tous dans la construction d'un monde où resplendira la dignité de l'homme, image de Dieu, et où avanceront la justice et la paix. Et selon le témoignage de l'Apôtre proto-martyr, Saint-Jacques, je veux inviter les jeunes à ouvrir leur coeur à l'Evangile du Christ et à être ses témoins, et si cela était nécessaire, témoins-martyrs, aux portes du troisième millénaire.

Que Dieu nous bénisse pour toujours !
Que l'Apôtre Saint Jacques nous accompagne ! Avant d'aller à Covadonga, je confie à Marie cette rencontre avec la jeunesse. Rite du Pèlerin à la cathédrale, le samedi 19 août 1989 La célébration à laquelle ont pris part 200 évêques et environ 700 jeunes laïcs et séminaristes s'est déroulée en deux temps : devant la cathédrale, le Pape a reçu Son Excellence Mgr l'Archevêque de Saint-Jacques ; puis, après son discours, il est entré dans le sanctuaire, où a eu lieu le « Rite du Pèlerin ». Voici le discours qu'il a prononcé en espagnol.

1."J'étais joyeux que l'on me dise : Allons à la maison du Seigneur ! Et nos pieds s'arrêtent dans tes portes, Jérusalem !" (Ps 122/121, 1-2)

Chers frères dans l'épiscopat, frères et soeurs dans le Christ. Comme un pèlerin parmi les autres, je voudrais vraiment rendre grâce au Seigneur, de qui vient tout bien, d'être venu à Saint-Jacques-de-Compostelle. Devant ce majestueux Portail de la Gloire, que je contemple pour la seconde fois, je suis vraiment envahi par cette émotion vibrante qu'ont ressenti les coeurs de milliers de pèlerins fervents de Saint-Jacques qui, au cours des siècles, ont posé leur regard sur ce retable de pierre unique et très original, image évocatrice de la vraie Jérusalem céleste.

Avant de passer la porte de la maison et du temple de Saint-Jacques pour vénérer son tombeau et embrasser son image, je voudrais saluer tous ceux qui sont présents ici, venus eux aussi en pèlerinage au tombeau de l'apôtre.

Tout d'abord, je voudrais saluer fraternellement le pasteur de cet archidiocèse, Son Excellence Mgr Antonio Maria Rouco Varela, que je remercie pour les paroles aimables qu'il a bien voulu m'adresser. Je salue également son évêque auxiliaire, Son Excellence Mgr Ricardo Blàsquez Pérez ainsi que les cardinaux et les évêques présents, venus d'autres diocèses d'Espagne et du monde, accompagnés de nombreux pèlerins. En même temps qu'eux, je salue aussi les nombreux prêtres, religieux et religieuses.
Je salue en outre cordialement les séminaristes et les jeunes qui, représentant tous les autres et portant la cape du pèlerin sur les épaules, m'ont accompagné jusqu'à la cathédrale.
Je renouvelle tout particulièrement mon salut affectueux à leurs Majestés les Souverains d'Espagne qui ont voulu participer à cette liturgie. Par leur intermédiaire, je me permets de réitérer mes salutations chaleureuses au cher peuple espagnol.
Dieu a voulu que, en ma qualité d'Evêque de Rome, Successeur de saint Pierre, originaire de la Galice orientale, je puisse venir à nouveau, comme pèlerin, pour rencontrer en ce lieu saint de la Galice orientale du Finisterre hispanique, des jeunes pèlerins venus du monde entier pour louer Jésus-Christ, Voie, Vérité, Vie.


2. "Jérusalem, bâtie comme une ville où tout semble fait corps, là où montent les tribus, les tribus du Seigneur, est pour Israël une raison de rendre grâce au nom du Seigneur." (Ibid. 3-4)

Ce pèlerinage prend une signification exceptionnelle, car il est le but de tous ceux qui participent à la IVe Journée Mondiale de la Jeunesse.
Compostelle, endroit spacieux aux portes ouvertes où, pendant des siècles, a été dispensé sans aucune discrimination le pain du « pardon » et de la grâce, veut devenir, à partir de ce moment, un phare lumineux de vie chrétienne, une réserve d'énergie apostolique pour de nouveaux moyens d'évangélisation, sous l'impulsion de la foi des jeunes, d'une foi toujours jeune.
Ils sont nombreux ceux qui se sont joints à mon pèlerinage − outre tous ceux qui sont également présents par la pensée − se sentant tous interpellés par la parole du Christ : « Je suis la Voie, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6). Ces mêmes pèlerins transmettent au monde actuel le germe d'espoir d'une nouvelle génération de disciples du Christ, profondément confiants et généreusement engagés tout comme l'apôtre Saint Jacques, dans cette aventure qui consiste à répandre et à enraciner la Bonne Nouvelle parmi les hommes. Cette évangélisation se présente comme une prérogative pour les jeunes au coeur généreux et créateur, ouverts à l'instauration d'un monde sans frontières, où prédomine une civilisation fondée sur l'amour, dont tous les protagonistes doivent être les enfants de Dieu dispersés dans le monde.

3. "Appelez la paix sur Jérusalem : que reposent les tentes ! Adviennent la paix dans les murs" (Ibid. 6-7).

Aujourd'hui, ici , devant le Portail de la Gloire, ce pèlerinage de la IVe Journée Mondiale de la Jeunesse se présente comme un signe clair et éloquent pour le monde. Nos voix proclament unanimement notre foi et notre espérance. Nous voulons allumer un brasier d'amour et de vérité qui attire l'attention du monde, comme autrefois les lumières mystérieuses vues à cet endroit. Nous voulons secouer la torpeur de notre monde, par le cri à l'unisson de milliers de jeunes pèlerins annonçant publiquement le Christ, Rédempteur de tous les hommes, centre de l'histoire, espérance des fidèles et sauveur des peuples.

Avec eux et tous ceux qui sont présents devant ce portail, revit sous nos yeux la rencontre de la multitude des pèlerins devant les portes du sanctuaire de Saint-Jacques décrite par le Codex Callistinus : « Là, se rendent des multitudes de personnes de toutes le nations... Il n'y a aucune langue ou dialecte dont les sons ne résonnent ici... les portes de la Basilique ne se ferment ni de jour ni de nuit... Tout le monde va là en criant : « E-ultr-eia (en avant ! ). E-sus-eia (plus haut !) ». Oui. Pour un moment Saint-Jacques-de-Compostelle est aujourd'hui le coeur de la rencontre, le but du pèlerinage, le signe éloquent de l'Eglise pèlerine et missionnaire, pénitente et itinérante, orante et évangélisatrice qui va par les chemins de l'histoire « parmi les persécutions du monde et les consolations de Dieu, annonçant la Croix du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne » (Cf. Lumen gentium, 8).

4. "Pour l'amour de mes frères, de mes amis, laissez-moi dire : paix sur toi. Pour la maison du Seigneur notre Dieu, je prie pour ton bonheur" (ibid. 8-9).
Je suis venu ici avant tout pour vous proclamer et vous affirmer à tous que l'Eglise est le peuple de Dieu en marche. C'est pourquoi, et non sans raison, les premiers chrétiens qui suivirent le Christ furent appelés les hommes du chemin (Cf. He 9, 2). L'Eglise dans son parcours sur les sentiers de l'histoire ne cesse d'affirmer la présence de Jésus de Nazareth, car dans le cheminement de chaque chrétien le mystérieux pèlerin d'Emmaüs est présent, il suit et accompagne les siens en les éclairant de sa parole lumineuse et en les nourrissant de son corps et de son sang, pain de la vie éternelle.
C'est pourquoi il ne faut pas s'étonner que la « route de Saint-Jacques » ait été considérée en certaines occasions comme le paradigme de la pérégrination de l'Eglise dans sa marche de la cité céleste ; itinéraire de prière et de pénitence, de charité et de solidarité ; partie de la vie où la foi, se faisant histoire des hommes , transforme également la culture de manière chrétienne. Les églises et les abbayes, les hôpitaux et les auberges de la route de Saint-Jacques parlent encore aujourd'hui de cette aventure chrétienne du pèlerin chez qui la foi se fait vie, histoire, culture, charité, oeuvres de miséricorde.
Désormais au seuil de l'an 2000, l'Eglise veut continuer à être la compagne de voyage de l'humanité ; de notre propre humanité également, parfois souffrante et abandonnée en raison de nombreuses infidélités, mais ayant toujours besoin d'être guidée vers le Salut au milieu du brouillard épais qui l'entoure, lorsque s'affaiblit la conscience de la vocation chrétienne commune, même parmi les fidèles eux-mêmes. En se laissant conduire par l'Esprit, les chrétiens répandent partout les valeurs de la paix et de la vérité qui émanent de l'Evangile, capables de donner un sens nouveau, une sève vivifiante au monde et à la société actuelle.
Il est donc nécessaire que le souvenir d'un passé chrétien particulier incite tous les enfants de l'Eglise, et j'ajouterais en particulier les fils et les filles de la noble Espagne, à s'engager dans une oeuvre passionnante qui consiste à faire fleurir un nouvel humanisme chrétien qui donne un sens authentique à la vie dans un moment où il y a une soif et une faim de Dieu si grandes.

5. "Sachez-le, c'est le Seigneur qui est Dieu... Venez à ses portiques en rendant grâce, à ses parvis en chantant louange, rendez-lui grâce , bénissez son nom » (Ps 100-99, 3-4).
Voilà la raison principale qui l'a poussé à venir jusqu'au tombeau de l'Apôtre : annoncer ici que le Christ est et sera toujours « la Voie, la Vérité et la Vie ». Dans ces paroles si évocatrices, nous trouvons l'essence même de la révélation totale du Christ à l'homme, à chaque homme, qui doit l'accepter comme la Voie s'il ne veut pas se perdre, l'assumer comme la Vérité s'il ne veut pas tomber dans l'erreur, et s'ouvrir à l'effusion de la Vie − la Vie éternelle − qui émane de lui, s'il ne veut pas se laisser absorber par des idéologies et des cultures de mort et de destruction.
Aujourd'hui, comme hier, nous devons découvrir personnellement, comme notre Apôtre, que le Christ est le Seigneur, afin de nous transformer en serviteur et en apôtre, en témoins et en évangélisateurs, et construire ainsi une civilisation plus juste, une société humaine où il fait bon vivre. Tel est l'héritage que saint Jacques a légué non seulement à l'Espagne et à l'Europe mais à tous les pays du monde. Et c'est également le message que le Pape, successeur de Pierre, voudrait vous confier pour que la Bonne Nouvelle du salut ne se transforme pas en silence stérile mais qu'elle trouve un écho favorable et produise d'abondant fruits de vie éternelle.
Sur le portail de cette cathédrale qui fut appelé très judicieusement « Portail de la Gloire » en raison de sa beauté architectonique et de sa profonde signification spirituelle, nous pouvons contempler l'image de la Bienheureuse Vierge Marie qui apparaît dans une attitude expressive d'acceptation de la volonté divine. Que la Vierge pèlerine de la foi et Vierge du chemin nous aide tous à prononcer, avec fermeté et soumission, le « oui » définitif au projet divin afin que puisse s'épanouir dans l'Eglise et dans le monde la force rénovatrice authentique de la grâce et que tous les hommes puissent se remettre à marcher comme des frères sur le sentier qui conduit à la demeure éternelle.
Du plus profond du coeur, je vous demande de ne pas négliger ce qui vous est le plus cher : l'héritage historique de saint Jacques, et qu'en rendant grâce à Dieu pour le passé, vous ne cessiez de considérer l'avenir, de sorte qu'en demeurant toujours fidèles à votre foi catholique, toujours professée en communion avec le successeur de Pierre, vous puissiez toujours présenter au monde, avec une fraîcheur juvénile, l'éternel message évangélique de l'Apôtre.
« Il est bon le Seigneur, éternel est son amour, et d'âge en âge sa vérité » (Ibid. 5).

Que saint Jacques et la Vierge Marie intercèdent pour vous devant le trône du Très-Haut. Ainsi soit-il !
Jean Paul II

Prière à l'Apôtre Saint Jacques, le 19 août 1989 O saint Jacques !
Me voici, de nouveau, auprès de ton tombeau,
Vers lequel je m'approche aujourd'hui,
Pèlerin de tous les chemins du monde.
Afin d'honorer ta mémoire
Et d'implorer ta protection.

Je viens de Rome, lumineuse et pérenne,
Jusqu'à toi qui t'es fait pèlerin
Sur les pas du Christ pour apporter
Son nom et sa voix aux frontières de l'Univers.

Je viens des côtés de Pierre,
Et c'est en tant que son successeur
Que j'apporte,
A toi, qui es avec lui un pilier de l'Eglise,
Le baiser fraternel qui vient de tous les siècles
Et le chant qui résonne, ferme et apostolique
Dans la catholicité.

Avec moi viens, ô saint Jacques,
Un immense fleuve de jeunes,
Né des sources de tous les pays de la terre.
Le voici, uni et calmé en ta présence,
Avide de rafraîchir sa foi
Dans l'exemple vibrant de ta vie.

Nous venons vers le seuil béni
En un courageux pèlerinage,
Nous venons, mélangés à cette foule,
Qui depuis les entrailles des siècles,
Apporte sans cesse les hommes à Compostelle
Où tu es pèlerin et hôtelier,
Apôtre et Patron.

Et nous venons aujourd'hui à ton côté
Parce que nous faisons le chemin ensemble.
Nous cheminons vers la fin d'un millénaire
Que nous voulons sceller avec le sceau du Christ.
Nous allons encore plus loin,
Vers le but d'un nouveau millénaire,
Que nous voulons inaugurer au nom du Seigneur.

O saint Jacques,
Il nous faut pour ce pèlerinage,
Ton ardeur et ton intrépidité,
C'est pour cela que nous venons jusqu'ici,
A ce « Finisterras »
De tes aventures apostoliques pour te le demander.

Montre-nous, apôtre et ami du Seigneur,
Le CHEMIN qui mène jusqu'à LUI.
Ouvre-nous, prêcheur des Espagnes,
La VERITE que tu as apprise de la bouche du Maître.

Donne-nous, témoin de l'Evangile,
La force d'aimer à jamais la VIE.

Patron des Pèlerins,
Mets-toi à la tête de notre pèlerinage
Chrétien et juvénile.
Et comme jadis les peuples marchaient vers toi,
Viens avec nous, à la rencontre des peuples.
Comme toi, saint Jacques, Apôtre et pèlerin,
Nous voulons montrer aux hommes d'Europe
Et du monde
Que le Christ est, aujourd'hui et toujours,
Le CHEMIN, la VERITE et la VIE.

Jean Paul II

 

 

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Veillée avec les jeunes, au Monte del Gozo,

le samedi 19 août 1989 Le chemin de l'unique Vérité



I. Le Chemin

1. Chers Jeunes : je vous salue au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ : Le Chemin, la Vérité et la Vie. A vous, qui êtes venus de partout en Espagne et des différentes nations de l'Amérique latine, ainsi que de tant de pays du monde, je vous remercie d'avoir accepté mon invitation à faire ensemble ce pèlerinage, ce chemin jusqu'au tombeau de l'Apôtre saint Jacques.
Je salue maintenant les jeunes de toute la Galice et tout spécialement ceux de l'archidiocèse de Saint-Jacques-de-Compostelle. Vous avez la chance d'offrir le logis et l'hospitalité aux pèlerins qui arrivent jusqu'à votre terre, une terre privilégiée parce qu'elle abrite le but d'un Chemin qui conduit à l'Allégresse, à la Joie, à Jésus-Christ.
Je désire maintenant saluer en quelques langues représentées ici par des jeunes pèlerins.

Avec vous, qui vous êtes réunis ici en grand nombre, j'ai très présent , parce qu'ils se sont unis spirituellement à nous, tant de garçons et de filles du monde entier qui ont communiqué leur union et leur adhésion à cette Journée.
Je remercie aussi les cardinaux et les évêques, les prêtres, religieux et religieuses, et tous les fidèles laïcs qui vous ont accompagnés dans cette route vers Compostelle.
Le Chemin c'est là le mot qui exprime le mieux la caractéristique de cette rencontre mondiale de la jeunesse.
Vous vous êtes mis en marche depuis tous les pays de l'Europe depuis tous les continents. Quelques-uns d'entre vous sont venus à pied, comme les anciens pèlerins ; d'autres en bicyclette, en bateau, en avion... Vous êtes venus redécouvrir ici, à Saint-Jacques, les racines de notre foi, pour vous engager, avec un coeur généreux dans la « nouvelle évangélisation », au seuil du troisième millénaire.
Pendant des siècles, d'innombrables pèlerins nous ont précédés sur le chemin de Saint-Jacques. Au commencement du premier tableau de cette représentation scénique, nous avons vu les pèlerins avec les symboles caractéristiques et traditionnels du « chemin de Saint-Jacques » : le chapeau, le bâton, la coquille et la gourde. Quand vous retournerez dans vos pays chez vous, dans vos milieux d'étude, ces symboles vous rappelleront la rencontre de ce soir et, surtout, son sens.
Pour nous, ainsi que pour les pèlerins qui nous ont précédés, ce chemin exprime un profond esprit de conversion. Un désir de revenir à Dieu, un chemin de purification et de pénitence, de renouvellement et de réconciliation.
Aussi, pour nous tous, comme pour les pèlerins qui nous ont précédés dans le passé, est-il très important de terminer ce chemin par une rencontre avec le Seigneur, à travers les sacrements de la Pénitence et de l'Eucharistie. Je sais que beaucoup d'entre vous les avez reçus au long de ces jours-ci. « La purification du coeur et la conversion au Père du ciel sont, comme l'ont écrit dans leur lettre pastorale les évêques des diocèses du chemin de Saint-Jacques, inspiration et motif fondamentaux du Chemin de Saint-Jacques » (n. 57).

2. Réfléchissons à présent sur la signification du mot chemin, pour que cette conversion du coeur et cette rencontre avec le Seigneur que nous sommes en train de vivre, donnent un sens à notre vie.
Le mot chemin a beaucoup à voir avec le mot recherche. Cet aspect a été souligné dans la représentation que nous sommes en train de voir.
Que cherchez-vous, pèlerins ? a demandé le carrefour des chemins. Ce carrefour représente la question que l'homme se pose sur le sens de la vie, sur le but qu'il veut atteindre, sur la raison de sa conduite.
Nous avons vu représentées, de façon très expressive, quelques-unes des choses que souvent beaucoup d'hommes se fixent comme but de leur vie et de leur action : l'argent, le succès, l'égoïsme, le bien-être. Mais les jeunes pèlerins du scénario ont vu que, à long terme, cela ne satisfait pas l'homme. Ces choses ne peuvent remplir le coeur humain.

3. Que cherchez-vous pèlerins ? Cette question, nous devons nous la poser tous ici. Surtout vous, chers jeunes, qui avez maintenant la vie devant vous. Je vous invite à décider de façon définitive la direction de votre chemin. Avec les mêmes paroles du Christ, je vous demande : « Que cherchez-vous ? » (Jn A, 38). Cherchez-vous Dieu ?
La tradition spirituelle du christianisme souligne pas seulement l'importance de notre quête de Dieu. Elle insiste sur quelque chose de plus important encore : c'est Dieu qui nous cherche. Il vient à notre rencontre.
Notre chemin de Compostelle signifie vouloir donner une réponse à nos besoins, à nos questions, à notre « recherche », et aussi aller à la rencontre de Dieu qui nous cherche avec un amour si grand que difficilement nous parvenons à le comprendre.

4. Cette rencontre avec Dieu se réalise en Jésus-Christ. C'est en lui, qui a donné la vie pour nous, en son humanité, que nous constatons l'amour que Dieu a pour nous. « Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que celui qui croira en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle » (Jn 3, 16).
Et de même que Jésus appela Jacques et les autres apôtres, de même il appelle chacun de nous. Chacun de nous, ici, à Saint-Jacques-de-Compostelle, doit comprendre et croire : « Dieu m'appelle, Dieu m'envoie ». Depuis l'éternité, Dieu a pensé à nous et nous a aimés en tant que personnes uniques et irremplaçables. Il nous appelle et son appel se réalise à travers la personne de Jésus-Christ qui nous dit, comme il a dit aux Apôtres : « Viens et suis-moi ». C'est lui qui est le Chemin qui nous conduit au but ».
Mais il nous faut bien reconnaître que nous n'avons ni la force, ni la constance, ni la pureté de coeur suffisantes pour suivre Dieu toute notre vie et de tout notre coeur. Demandons à Marie, elle qui fut la première à suivre le chemin de son Fils, qu'elle intercède pour nous.
Jésus désire nous accompagner, comme il accompagne les disciples sur le chemin d'Emmaüs ; il nous indique la direction du chemin à vivre. Il nous donne la force. En retournant chez nous, nous pourrons dire que notre coeur brûlait quand il nous parlait sur le chemin, et que nous l'avons reconnu à la fraction du pain (cf. Lc 24, 22-25). Ce sera le moment de nous présenter à nos frères, comme témoins. Oui ! Témoins de l'amour de Dieu et de son espoir de salut !

II. LA VERITE

1. "Nous cherchons la vérité". Il faut que ces paroles du dernier chant résonnent dans nos coeurs, car elles donnent le sens le plus profond du chemin de Saint-Jacques : chercher la vérité et la proclamer.
Où est la vérité ? Qu'est-ce que la vérité ? ( Jn 18, 38). Avant vous, quelqu'un a posé cette même question à Jésus.
Au cours du jeu scénique, nous avons été témoins de trois réponses que donne le monde à ces questions. La première : mettre toute son ardeur dans la satisfaction immédiate de nos sens, en cherchant continuellement les plaisirs de la vie. A cela, les pèlerins ont répondu : « Nous nous sommes amusés, mais... nous continuons à marcher dans le vide ».
La seconde réponse, celle des violents qui mettent leur intérêt dans le pouvoir et la domination sur autrui, les pèlerins du deuxième tableau ne l'ont pas jugée bonne non plus. Cette réponse conduit non seulement à la destruction de la dignité de l'autre − frère ou soeur −, mais encore à la destruction de soi-même. Certaines expériences de ce siècle, qui se poursuivent encore de nos jours, montrent à l'évidence où l'on aboutit quand on prend pour but le pouvoir et la suprématie sur les autres.
La troisième réponse donnée par les toxicomanes, c'est chercher la libération et l'épanouissement de la personne dans l'évasion du réel. C'est la triste expérience faite par tant de gens, entre autres par beaucoup de jeunes de votre âge qui se sont engagés sur ce chemin ou d'autres similaires. Au lieu de les conduire vers la liberté, ces voies les mènent à l'esclavage, et même à l'autodestruction.

2. Je suis persuadé que, comme presque tous les jeunes d'aujourd'hui, vous êtes préoccupés par la pollution de l'air et de la mer, et que la question de l'écologie vous tient à coeur. Vous êtes choqués du mauvais usage des biens de la terre et de la destruction progressive de l'environnement. Et vous avez raison. Il faut entreprendre une action coordonnée et responsable avant que notre planète ne subisse des dommages irréversibles.
Mais, chers jeunes, il existe aussi une pollution des idées et des moeurs qui peut conduire à la destruction de l'homme. Cette pollution, c'est le péché, d'où naît le mensonge.
La Vérité et le mensonge. Il faut reconnaître que bien des fois le mensonge se présente à nous sous les traits de la vérité. Aussi est-il nécessaire de pratiquer le discernement pour reconnaître la vérité, la Parole qui vient de Dieu, et repousser les tentations qui viennent du « Père du mensonge ». Je veux parler du péché qui consiste à nier Dieu, à refuser la lumière. Comme dit l'Evangile de Jean, "la vraie lumière" était dans le monde : le Verbe "par qui le monde était fait, mais le monde ne l'a pas reconnu" (cf. Jn 1, 9-10).

3. "A la racine du péché humain, il y a donc le mensonge en tant que refus radical de la vérité qui est dans le Verbe du Père, par lequel s'exprime la toute puissance et en même temps l'amour "de Dieu le Père, Créateur du ciel et de la terre" " (Dominum et vivificantem, n. 33).
"La vérité qui est dans le Verbe du Père". Voilà ce que nous voulons dire quand nous reconnaissons Jésus-Christ comme la Vérité. « Qu'est-ce que la Vérité ? » lui demandait Pilate. La tragédie de Pilate a été que la Vérité se tenait devant lui en la personne de Jésus-Christ et qu'il n'a pas été capable de la reconnaître.
Chers jeunes, cette tragédie ne doit pas se reproduire dans notre vie. Le Christ est le centre de la foi chrétienne ; la foi que l'Eglise proclame aujourd'hui, comme elle l'a toujours fait, à tous les hommes et à toutes les femmes : Dieu s'est fait homme. « Le Verbe s'est fait chair, il a habité parmi nous » (Jn 1, 14). Les yeux de la foi voient en Jésus-Christ l'homme tel qu'il peut-être et tel que Dieu veut qu'il soit. En même temps Jésus nous révèle l'amour du Père.

4. Comme je l'ai écrit dans le Message pour cette Journée mondiale de la Jeunesse, la vérité est l'exigence la plus profonde de l'esprit humain. Avant tout, vous devez avoir soif de la vérité sur Dieu, sur l'homme, sur la vie et le monde.
Mais la Vérité, c'est Jésus-Christ. Aimez la Vérité ! Vivez dans la vérité ! Portez la vérité au monde ! Soyez témoins de la Vérité ! Jésus est la vérité qui sauve ; il est la Vérité entière vers laquelle nous guidera l'Esprit de Vérité (cf. Jn 16, 13).
Chers jeunes : cherchons la vérité sur le Christ, sur son Eglise ! Mais soyons cohérent : aimons la vérité, vivons dans la vérité, proclamons la vérité ! O christ, enseign-nous la Vérité ! Sois pour nous l'unique Vérité !


III. LA VIE

Chers jeunes, dans la dimension du don, la perspective mûre d'une vocation humaine et chrétienne se présente. Ceci est important surtout pour la vocation religieuse, par laquelle un homme ou une femme, au travers de la profession des conseils évangéliques, assume le programme que le Christ même a réalisé sur la terre pour le royaume de Dieu. Ils s'engagent à donner un témoignage particulier de l'amour de Dieu avant tout, et ils rappellent à chacun l'appel commun à l'union avec Dieu dans l'éternité.
Le monde actuel a besoin plus que jamais de ces témoignages, parce qu'il est si souvent occupé par les choses de la terre qu'il oublie celles du Ciel.
Je veux rappeler ici d'une façon particulière les 400 jeunes religieuses de vie contemplative d'Espagne qui m'ont communiqué le souhait d'être présentes à cette rencontre. Je sais, certes, qu'elles sont très unies à nous à travers la prière dans le silence du cloître. Il y a sept ans, beaucoup ont assisté à la rencontre que j'ai eue avec les jeunes au stade Santiago Bernabeu à Madrid.
Après, répondant généreusement à l'appel du Christ, elles l'ont suivi pour toute la vie. Maintenant, elles se consacrent à prier pour l'Eglise, mais surtout pour vous garçons et filles, pour que vous sachiez répondre aussi avec générosité à l'appel de Jésus.
Avec une profonde allégresse, j'ai la joie aussi de vous présenter, comme modèle d'imitation du Christ, la louable figure du serviteur de Dieu, Rafaël Arnaiz Baron, mort oblat trappiste à l'âge de 27 ans, à l'abbaye de San Isidro de Dueñas (Palencia). On a dit de lui justement qu'il vécut et mourut « avec un coeur joyeux et avec beaucoup d'amour de Dieu ». Il fut un jeune, comme beaucoup d'entre vous, qui a accueilli l'appel du Christ et qui l'a suivi avec résolution.


IV. REPONSE A L'APPEL DU CHRIST

1. Vous êtes venus, filles et garçons, à ce Mont de la Joie, pleins d'espoir et de confiance, laissant de côté les embûches du monde, pour trouver véritablement Jésus, « le chemin, la vérité et la vie », qui invite tous à le suivre avec amour. C'est un appel universel qui ne tient pas compte de la couleur de la peau, de la condition sociale, ou de l'âge. Dans cette soirée... si chargée d'émotion par son sens religieux, de fraternité et de joie juvénile, le Christ ami est au milieu de l'assemblée pour vous demander personnellement si vous voulez suivre résolument les chemins qu'il vous montre, si vous êtes disposés à accepter sa Vérité, son Message de Salut, si vous désirez vivre pleinement l'idéal chrétien.
C'est une décision que vous devez prendre sans peur. Dieu vous aidera, vous donnera sa lumière et sa force pour que vous sachiez répondre généreusement à son appel. Appel à une vie chrétienne totale.
Répondez à l'appel du Christ et suivez-le !

2. Mais, plus d'un parmi vous se demandera : Qu'est-ce que Jésus veut de moi ? A quoi m'appelle-t-il ? Quel est le sens de son appel pour moi ?
Pour la grande majorité d'entre vous, l'amour humain se présente comme une forme de réalisation de soi dans la formation d'une famille. C'est pourquoi, au nom du Christ, je veux vous demander : êtes-vous disposés à suivre l'appel du Christ dans le sacrement du mariage, pour être procréateurs des vies nouvelles, formateurs de nouveaux pèlerins vers la cité céleste ?
Dans l'histoire du Salut, le mariage chrétien est un mystère de foi. La famille est un mystère d'amour, du fait qu'elle collabore directement avec l'oeuvre créatrice de Dieu. Très chers jeunes, un grand secteur de la société n'accepte pas les enseignements du Christ et, en conséquence, il prend d'autres chemins : l'hédonisme, le divorce, l'avortement, le contrôle de la natalité et les moyens de contraception. Ces conceptions de la vie s'opposent clairement à la loi de Dieu et aux enseignements de l'Eglise. Suivre fidèlement le Christ veut dire mettre en pratique le message évangélique qu'impliquent aussi la chasteté, la défense de la vie, de même que l'indissolubilité du lien matrimonial qui n'est pas un simple contrat que l'on peut rompre arbitrairement.

3. En vivant dans le « permissivisme » du monde moderne, qui nie ou minimise l'authenticité des principes chrétiens, il est facile et attirant de respirer cette mentalité contaminée et de succomber au désir passager. Mais, vous devez tenir compte de ce que ceux qui agissent de cette manière ne suivent pas et n'aiment pas le Christ. Aimer signifie marcher ensemble dans la même direction vers Dieu qui est l'origine de l'amour. Dans cette dimension chrétienne, l'amour est plus fort que la mort parce qu'il nous prépare à accueillir la vie, à la protéger et à la défendre dès le sein maternel et jusqu'à la mort. C'est pourquoi je vous demande encore une fois :

Etes-vous prêts et prêtes a sauvegarder la vie humaine avec le soin le plus grand dans toutes les circonstances, même dans les plus difficiles ? Etes-vous prêts comme jeunes chrétiens, à vivre et à défendre l'amour dans le mariage indissoluble, à l'éducation équilibrée des enfants sous la protection de l'amour paternel et l'amour maternel qui se complètent mutuellement ?

Ceci est le témoignage chrétien que l'on espère de la majorité d'entre vous, jeunes. Etre chrétien veut dire donner témoignage de la vérité chrétienne ; et aujourd'hui, particulièrement, c'est mettre en pratique le sens authentique que le Christ et l'Eglise donnent à la vie et à la pleine réalisation des jeunes dans le mariage et la famille.

4. L'appel du Christ mène à un chemin qu'il n'est pas facile de parcourir, car il peut mener même à la Croix. Mais il n'y a pas d'autres chemins qui conduisent à la vérité et qui donnent la vie. Cependant, nous ne sommes pas seuls sur ce chemin. Marie, par son Fiat, a ouvert un chemin nouveau pour l'humanité. C'est elle qui, par son acceptation et son dévouement total à la mission de son Fils, est le prototype de toute vocation chrétienne. C'est elle qui marchera avec nous, qui sera notre compagne de route, et avec son aide nous pouvons suivre la vocation que nous offre le Christ.
Chers jeunes, mettons-nous à suivre le Christ, Chemin, Vérité et Vie. Ainsi, nous serons d'ardents messagers de la nouvelle évangélisation et de généreux constructeurs de la civilisation de l'amour.

Le Pape a salué les jeunes en douze langues différentes. Voici ce qu'il a dit en français :
"Je salue de tout coeur les jeunes de langue française et je les félicite d'avoir répondu en si grand nombre1 à mon invitation . Chers jeunes, soyez les bienvenus à cette rencontre extraordinaire, que j'ai tant désirée ! Que la joie et la paix du Christ soit toujours avec vous !"

1. En effet, les journaux italiens ont donné le chiffre de 100 000 jeunes de langue française.


Homélie de la messe, célébrée au Monte del Gozo, le 20 août 1989


1. "Il viendra encore des peuples et des habitants des grandes villes. Et les habitants d'une ville iront vers l'autre en disant : "Allons donc implorer la face du Seigneur et chercher le Seigneur des armées" " (Za, 20, 21).

Je salue cordialement toutes les personnes présentes. Habitants de nombreuses villes ! Représentants de tant de peuples et de nations. Venus ici non seulement de la Galice, de toute l'Espagne, des pays d'Europe, de l'Atlantique jusqu'à l'Oural, mais aussi de l'Amérique du nord et du sud, du Moyen-Orient, de l'Afrique, de l'Asie et de l'Océanie !
De même il m'est agréable de saluer les jeunes venus de tant de communautés paroissiales et diocésaines, d'associations, de mouvements et de groupes de l'Eglise de Dieu.
Je salue les jeunes présents à cette célébration eucharistique et tous ceux de votre âge, où qu'ils se trouvent.
Je vous ai invités à ce pèlerinage à l'occasion de la Journée mondiale de la Jeunesse en l'année du Seigneur 1989. Je vous remercie très sincèrement de votre présence.

2. Ce lieu est lié à la mémoire de l'Apôtre de Jésus-Christ. Un des deux fils de Zébédée : Jacques, frère de Jean. Par l'Evangile, nous connaissons le nom de son père et celui de sa mère. Nous savons qu'elle intervînt auprès de Jésus en faveur de ses fils : « Ordonne que mes deux fils que voici siègent, l'un à ta droite et l'autre à ta gauche, dans ton royaume » (Mt 20, 21).
La mère se souciait d'assurer l'avenir de ses fils. Elle observait tout ce que faisait Jésus ; elle avait vu le pouvoir divin qui accompagnait sa mission. Elle croyait fermement qu'il était le Messie annoncé par les prophètes. Le Messie qui devait rétablir le royaume d'Israël (cf. Ac 1, 6).
Il n'y a pas lieu de s'étonner du comportement de cette mère. Il n'y a aucune raison de s'étonner de la démarche venant d'une fille d'Israël qui aimait son peuple. Et qui aimait ses fils. Elle voulait pour eux ce qu'elle considérait comme un bien.

3. Voici donc Jacques, fils de Zébédée, pêcheur comme son père et son frère ; fils d'une mère décidée.
Jacques suivit Jésus de Nazareth. Lorsque le maître, répondant à la requête de la mère, répondit : « Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ? » (Mt 20, 21), Jacques et Jean répondirent sans hésitation : « Nous le pouvons ».
Cela n'est pas une réponse calculée mais une réponse pleine de confiance.
Jacques ne savait pas encore, en tout cas, il ne savait pas tout à fait ce que cette « coupe » signifiait. Le Christ parlait de la coupe qu'il devait boire ; la coupe qu'il avait reçu du Père.
Et vint le moment où le Christ accomplit ce qu'il avait annoncé : il but jusqu'à la dernière goutte la coupe que le Père lui avait donnée.
En réalité, saint Jacques ne se trouvait pas avec son Maître sur le Golgatha. Ni Pierre, d'ailleurs, ni les autres apôtres. Avec la mère du Christ se trouvait Jean, seulement lui.
Pourtant, plus tard, tous comprirent, et Jacques comprit la vérité sur la « coupe ». Il comprit que le Christ devait boire jusqu'à la dernière goutte. Il comprit qu'il était nécessaire qu'il souffrît tout cela, qu'il endurât la mort, la mort sur la Croix...
En effet, Le Christ, le Fils de Dieu « n'est pas venu pour être servi mais pour donner sa vie en rançon pour une multitude » (Mt 20, 28).
Le Christ est le serviteur de la rédemption humaine !
Voilà pourquoi : « Celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur » (Mt 20, 26).

4. Au cours des siècles, les gens de nombreuses villes et de nombreuses nations sont venus en pèlerinage jusqu'ici ; et même l'apôtre auquel le Christ avait dit : « Tu boiras ma coupe ».
Les jeunes sont venus en pèlerinage pour apprendre auprès de la tombe de l'apôtre cette vérité évangélique : « Celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur ».
Dans ces paroles, se trouve le critère essentiel de la grandeur de l'homme. Ce critère est nouveau. Il le fut au temps du Christ et continue à l'être après deux mille ans.
Ce critère est nouveau. Il suppose une transformation, un renouvellement des valeurs selon lesquelles on gouverne le monde. « Vous savez que les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands font sentir leur pouvoir. Il n'en doit pas être ainsi parmi vous » (Mt 20, 25-26).
Le critère à l'aide duquel le monde est gouverné est le critère du succès. Détenir le pouvoir... Détenir le pouvoir économique, pour mettre en évidence la subordination des autres. Détenir le pouvoir culturel pour manipuler les consciences. User et abuser !
Tel est « l'esprit de ce monde ».
Cela signifie-t-il que le pouvoir en soi est mauvais ? Que l'économie − l'initiative économique − est mauvaise ?
Non, absolument pas. L'un et l'autre peuvent être également une manière de servir. Voilà l'esprit du Christ, la vérité de l'Evangile. Cette vérité et cet esprit sont exprimés dans la cathédrale de Saint-Jacques de Compostelle par l'Apôtre qui, selon le désir de sa mère, devait être le premier, mais en suivant le Christ, se convertit en serviteur.

5. Pourquoi êtes-vous ici, vous, jeunes des années quatre-vingt-dix et du vingtième siècle ? Ne sentez-vous donc pas, au fond de vous-mêmes, « l'esprit de ce monde » qui, dans la mesure de cette époque riche en moyens d'utilisation et d'abus, lutte contre l'esprit de l'Evangile ?
Etes-vous donc venus ici pour vous convaincre définitivement qu'« être grands » signifie « servir » ? Mais êtes-vous prêts à boire à cette coupe ?Etes-vous prêts à vous laisser pénétrer par le corps et par le sang du Christ, pour mourir au vieil homme qui est en nous et ressusciter avec lui ? Sentez-vous la force du Seigneur pour vous charger des sacrifices, et des souffrances et de ces « croix » qui pèsent sur les jeunes désorientés sur le sens de la vie, manipulés par le pouvoir, sans travail, affamés, submergés par la drogue et la violence, esclaves de l'érotisme qui se répand partout ? Mais vous savez que le joug du Christ est doux...et qu'en lui seul nous aurons le maximum ici et maintenant, et plus tard la vie éternelle.

6. Pourquoi êtes-vous ici, vous les jeunes des années quatre-vingt-dix et du vingtième siècle ? Ne ressentez-vous donc pas « l'esprit du monde » ?
Etes-vous ici − je le répète encore − pour vous convaincre définitivement qu'«être grand »signifie servir. Ce « service » n'est certainement pas un simple sentiment humanitaire. De même que la communauté des disciples du Christ n'est pas une agence de volontariat ni d'aide sociale. Un service de cette nature resterait limité au niveau de « l'esprit du monde ». Non ! Il s'agit de beaucoup plus. La radicalité, la qualité et le destin du « service » auquel nous sommes tous appelés, s'encadrent dans le mystère de la rédemption de l'homme. Car nous avons été créés, nous avons été appelés, nous avons été destinés, d'abord et surtout, à servir Dieu, à l'image et à la ressemblance du Christ qui, comme le Seigneur de toute la Création, centre du cosmos et de l'histoire, a manifesté sa royauté par l'obéissance jusqu'à la mort, ayant été glorifié dans la Résurrection (Lumen genitum, 36). Le Royaume de Dieu se réalise par l'intermédiaire de ce « service » qui est la plénitude et la mesure de tout service humain. Il ne s'accomplit pas selon le critère des hommes, par le pouvoir, la force et l'argent. Il exige de chacun de nous la disponibilité totale de suivre le Christ qui "n'est pas venu pour être servi, mais pour servir".
Chers amis, je vous invite à découvrir votre vocation authentique pour collaborer à la diffusion de ce Royaume de la vérité et de la vie, de la sainteté et de la grâce, de la justice, de l'amour et de la paix. Si vous désirez vraiment servir vos frères, permettez que le Christ règne dans vos coeurs, qu'il vous aide à discerner et à croître dans votre épanouissement personnel, qu'il vous fortifie dans les vertus, vous remplisse surtout de sa charité, qu'il vous conduise par le chemin qui mène à la « condition de l'homme parfait ». N'ayez pas peur d'être saints ! Telle est la liberté par laquelle le Christ nous a libérés (Ga 5, 1). Non pas comme le promettent avec illusion et tromperie les pouvoirs de ce monde : une autonomie totale, une rupture avec toute appartenance en tant que créatures et enfants, une affirmation d'autosuffisance qui nous laissent sans défense devant nos limites et nos faiblesses, livrés à la prison de notre égoïsme, esclaves de « l'esprit de ce monde », condamnés à « l'esclavage de la corruption » (Rm 8, 21).
Voilà pourquoi je demande au Seigneur de vous aider à grandir dans cette « liberté authentique », comme critère fondamental et lumineux de jugement et de choix dans la vie. Cette liberté même orientera votre conduite morale dans la vérité et dans la charité. Elle vous aidera à découvrir l'amour authentique, libéré de toute permissivité aliénante et délétère. Elle fera de vous des personnes ouvertes à un éventuel appel de don total dans le sacerdoce ou dans la vie consacrée. Elle vous fera grandir en humanité par l'étude et le travail. Elle encouragera vos actes de solidarité et votre service aux nécessiteux dans le corps et dans l'âme. Elle vous transformera en « seigneurs » pour mieux servir et n'être pas « esclaves », victimes et partisans des modèles prédominants dans les attitudes et les comportements.

7. Servir : être homme pour les autres. Voilà la vérité que l'apôtre Paul enseigne de manière très éloquente dans la seconde lecture de la liturgie de ce jour.
« Ne vous surestimez pas plus qu'il ne faut vous estimer, mais gardez de vous une sage estime, chacun selon le degré de foi que Dieu lui a départi » (Rm 12, 3).
Oui ! Il faut bien connaître le don que Dieu t'a concédé dans le Christ. Il faut bien connaître le don reçu pour pouvoir le donner aux autres.
Oui ! Il faut bien savoir quels sont les dons que Dieu t'a donnés dans le Christ ! Il est nécessaire de bien connaître le don reçu dans sa propre expérience de vie familiale et paroissiale, dans la participation aux associations, dans la floraison charismatique des mouvements, pour savoir le donner aux autres. Afin d'enrichir ainsi la communion et l'élan missionnaire de l'Eglise. Pour être témoins du Christ dans son quartier et à l'école, à l'université et à l'usine, dans les lieux de travail et de divertissements... Pour contribuer au bien commun, comme des serviteurs qui savent promouvoir une plus grande humanité dans la dignité et la charité permettant ainsi aux jeunes d'être d'authentiques protagonistes d'une vie plus humaine.

8. Voilà ce qu'enseigne l'Apôtre. Et ce qu'il dit n'est pas un simple enseignement, mais une invitation pressante.
« Que votre charité soit sans feinte, détestant le mal, solidement attachés au bien ; que l'amour fraternel vous lie d'affection entre vous, chacun regardant les autres comme plus méritants, d'un zèle sans nonchalance, dans la ferveur de l'esprit, au service du Seigneur, avec la joie de l'espérance, constants dans la tribulation, assidus à la prière, prenant part aux besoins des saints, avides de donner l'hospitalité » (Rom 12, 9-13).
Ne vous le dit-il pas à vous, particulièrement, les jeunes ? Le fait que vous soyez jeunes ne vous rend-il pas plus sensibles précisément à ce programme de vie d'attitude à adopter ? A ce monde de valeurs ? Ne vous ouvre-t-il pas vers ce monde ? Et si, par hasard, vous éprouviez des résistances provenant de l'intérieur, ou même de l'extérieur, votre jeunesse n'est-elle pas prête à lutter pour une telle « forme de vie » précisément ?
Cette forme a été donnée à la vie humaine par le Christ. Il connaît ce qu'il y a dans l'homme (Cf. Jn 2, 25).
« Nouvel Adam, le Christ, dans la révélation même du mystère et de son amour, manifeste pleinement l'homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation » (Gaudium et spes, 22).
Chers jeunes, laissez-vous saisir par lui ! Seul le Christ est la Voie, la Vérité et la Vie, comme le proclame, dans son admirable synthèse évangélique, le mot d'ordre de notre Journée Mondiale.
O Mont de la Joie, où se rassemblent les pèlerins, fais que nous nous souvenions d'une des plus belles caractéristiques du chemin de Saint-Jacques : l'universalité.
Je vous invite à vous maintenir, comme vous l'avez toujours fait, dans les liens de la catholicité.

9. Vous êtes venus en pèlerinage ici, au tombeau de l'Apôtre, qui peut vous confirmer à la première personne, pour ainsi dire, la vérité sur la vocation de l'homme dont le seul point de référence est le Christ.
Venez pour découvrir votre vocation personnelle.
Approchez-vous de l'autel pour offrir, avec le pain et le vin, votre jeunesse, la recherche de la vérité, ainsi que le bon et le beau qui sont en vous. Toute cette inquiétude créatrice.
Toutes les souffrances de vos jeunes coeurs.

10. Etant avec vous, je veux vous dire avec le psalmiste : Voici que « la terre a donné son produit » (Ps 67-66, 7), le produit le plus précieux : l'homme, la jeunesse humaine.
Que resplendisse devant vous le visage de Dieu qui se reflète dans le visage humain du Christ, Rédempteur de l'homme.
« Que les nations jubilent et chantent » (Ps 67-66, 5).
Que vos contemporains, en voyant votre pèlerinage s'exclament : « Nous voulons aller avec vous, car nous avons appris que Dieu est avec vous » (Za 8, 23).
Voilà ce que vous souhaite le Pape, l'évêque de Rome, qui a participé avec vous à ce pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle.

Jean Paul II

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