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Evangéliser la Vie

Humanae Vitae dans l'enseignement de Benoit XVI

Publiée le 20-06-2017

     L'enseignement du Pape Benopit XVI est particulièrement riche, comme celui de son prédecesseur, Saint Jean Paul II. Travailler ces textes, les méditer... se laisser imprégner par cet enseignement permettra à chacun d'avancezr au large, de préciser ses engagements.

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2006

 

13 mai 2006 - Au Conseil Pontifical pour la Famille

Votre réunion vous a donné l'occasion d'examiner les défis et les projets pastoraux concernant la famille, considérée à juste titre comme Eglise domestique et sanctuaire de la vie. Il s'agit d'un domaine apostolique vaste, complexe et délicat, auquel vous consacrez de l'énergie et de l'enthousiasme, dans l'intention de promouvoir l'"Evangile de la famille et de la vie". Comment ne pas rappeler, à ce propos, la vision ample et clairvoyante de mes prédécesseurs, et de manière particulière de Jean-Paul II, qui ont promu, avec courage, la cause de la famille, la considérant comme une réalité décisive et irremplaçable pour le bien commun des peuples?

La  famille  fondée  sur  le mariage constitue un "patrimoine de l'humanité", une institution sociale fondamentale; elle est la cellule vitale et le pilier de la société et cela concerne les croyants et les non-croyants. Elle est une réalité pour laquelle tous les Etats doivent avoir la plus haute considération, car, comme aimait à le répéter Jean-Paul II, "l'avenir de l'humanité passe par la famille" (Familiaris consortio, n. 86). En outre, dans la vision chrétienne, le mariage, élevé par le Christ à la très haute dignité de sacrement, confère une plus grande splendeur et profondeur au lien conjugal, et engage plus profondément les époux qui, bénis par le Seigneur de l'Alliance, se promettent fidélité jusqu'à la mort dans l'amour ouvert à la vie. Pour eux, le centre et le coeur de la famille est le Seigneur, qui les accompagne dans leur union et les soutient dans la mission d'éduquer les enfants vers l'âge mûr. De cette manière, la famille chrétienne coopère avec Dieu non seulement en  engendrant  la  vie naturelle, mais également en cultivant les germes de la vie divine donnée dans le Baptême. Tels sont les principes bien connus de la vision chrétienne du mariage et de la famille. Je les ai rappelés encore une fois jeudi dernier, en m'adressant aux membres de l'Institut Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille.

Dans le monde actuel, dans lequel se répandent certaines conceptions équivoques sur l'homme, sur la liberté, sur l'amour humain, nous ne devons jamais nous lasser de présenter à nouveau la vérité sur l'institution familiale, telle qu'elle a été voulue par Dieu dès la création. Malheureusement, le nombre des séparations et des divorces s'accroît, rompant l'unité familiale et créant de nombreux problèmes aux enfants, victimes innocentes de ces situations. La stabilité de la famille est aujourd'hui particulièrement menacée; pour  la  sauvegarder, il faut souvent aller à contre-courant de la culture dominante, et cela exige de la patience, des efforts, des sacrifices et une recherche incessante de la compréhension mutuelle. Mais aujourd'hui aussi, il est possible aux conjoints de surmonter les difficultés et de rester fidèles à leur vocation, en ayant recours au soutien de Dieu à travers la prière et en participant assidûment aux sacrements, en particulier à l'Eucharistie. L'unité et la solidité de la famille aide la société à respirer les valeurs humaines authentiques et à s'ouvrir à l'Evangile. C'est à cela que contribue l'apostolat de nombreux Mouvements, appelés à oeuvrer dans ce domaine dans une entente harmonieuse avec les diocèses et les paroisses.

Ensuite, un thème plus que jamais délicat de nos jours est le respect dû à l'embryon humain, qui devrait toujours naître d'un acte d'amour et être déjà traité comme une personne (cf. Evangelium vitae, n. 60). Les progrès de la science et de la technique dans le domaine de la bioéthique se transforment en menace lorsque l'homme perd le sens de ses limites et, en pratique, prétend se substituer à Dieu créateur. L'Encyclique Humanae vitae réaffirme avec clarté que la procréation humaine doit toujours être le fruit de l'acte conjugal, avec sa double signification unitive et procréative (cf. n. 12). C'est ce qu'exige la grandeur de l'amour conjugal selon le projet divin, comme je l'ai rappelé dans l'Encyclique Deus caritas est:   "L'eros rabaissé simplement au "sexe" devient une marchandise, une simple "chose" que l'on peut acheter et vendre; plus encore, l'homme devient une marchandise... En réalité, nous nous trouvons devant une dégradation du corps humain" (n. 5). Grâce à Dieu, de nombreuses personnes, en particulier parmi les jeunes, redécouvrent la valeur de la chasteté, qui apparaît toujours davantage comme la garantie sûre de l'amour authentique. Le moment historique que nous vivons demande aux familles chrétiennes de témoigner avec une cohérence courageuse que la procréation est le fruit de l'amour. Un tel témoignage ne manquera pas d'encourager les hommes politiques et les législateurs à sauvegarder les droits de la  famille. En effet, on voit que l'on accorde toujours plus de crédit aux solutions juridiques pour ce qu'on appelle les "unions libres" qui, bien que refusant les obligations du mariage, prétendent jouir de droits équivalents. En outre, on veut parfois parvenir à une nouvelle définition du mariage pour légaliser des unions homosexuelles, en leur attribuant également le droit d'adopter des enfants.

De vastes zones du monde subissent ce qu'on appelle l'"hiver démographique", avec le vieillissement progressif de la population qui s'ensuit; les familles apparaissent parfois menacées par la peur de la vie, de la paternité et de la maternité. Il faut leur redonner confiance, pour qu'elles puissent continuer à accomplir leur noble mission de procréer dans l'amour. Je suis reconnaissant à votre Conseil pontifical car, lors de diverses rencontres continentales et nationales, il cherche à dialoguer avec ceux qui ont des responsabilités politiques et législatives à ce propos, de même qu'il s'efforce de tisser un vaste réseau de dialogue avec les Evêques, en offrant aux Eglises locales l'opportunité de cours ouverts aux responsables de la pastorale. Je profite ensuite de l'occasion pour réitérer l'invitation faite à toutes les communautés diocésaines de participer avec leurs délégations à la V Rencontre mondiale des Familles, qui aura lieu en juillet prochain à Valence, en Espagne, et à laquelle, si Dieu le veut, j'aurai la joie de participer en personne.

Merci encore pour le travail que vous accomplissez; que le Seigneur continue à le rendre fécond! Je vous assure pour cela de mon souvenir dans la prière, alors que, en invoquant la protection maternelle de Marie, je vous donne à tous ma Bénédiction, que j'étends volontiers aux familles, afin qu'elles continuent à construire leur foyer sur l'exemple de la Sainte Famille de Nazareth.

 

 

 

 

2008

 

10 mai 2008 - Discours pour le Congrès des 40 ans d'Humanae Vitae

   Le Concile Vatican II, dans la Constitution Gaudium et spes, s'adressait déjà aux hommes de science en les invitant à unir leurs efforts pour atteindre une unité du savoir et une certitude consolidée autour des conditions qui peuvent favoriser une "saine régulation de la procréation humaine" (GS, n. 52). Mon prédécesseur de vénérée mémoire, le serviteur de Dieu Paul VI, le 25 juillet 1968, publiait la Lettre encyclique Humanae vitae. Ce document devint rapidement un signe de contradiction. Elaboré à la lumière d'une décision difficile, il constitue un geste significatif de courage en réaffirmant la continuité de la doctrine et de la tradition de l'Eglise. Ce texte, souvent mal compris et sujet à des équivoques, fit beaucoup discuter, également parce qu'il se situait à l'aube d'une profonde contestation qui marqua la vie de générations entières. Quarante ans après sa publication, cet enseignement manifeste non seulement sa vérité de façon immuable, mais il révèle également la clairvoyance avec laquelle le problème fut affronté. De fait, l'amour conjugal fut décrit au sein d'une processus global qui ne s'arrête pas à la division entre l'âme et le corps et ne dépend pas du seul sentiment, souvent fugace et précaire, mais qui prend en charge l'unité de la personne et le partage total des époux qui, dans l'accueil réciproque, s'offrent eux-mêmes dans une promesse d'amour fidèle et exclusif qui naît d'un authentique choix de liberté. Comment un tel amour pourrait-il rester fermé au don de la vie? La vie est toujours un don inestimable; chaque fois que l'on assiste à son apparition nous percevons la puissance de l'action créatrice de Dieu qui a confiance en l'homme et, de cette manière, l'appelle à construire l'avenir avec la force de l'espérance.

Le Magistère de l'Eglise ne peut pas s'exempter de réfléchir de manière toujours nouvelle et approfondie sur les principes fondamentaux qui concernent le mariage et la procréation. Ce qui était vrai hier, reste également vrai aujourd'hui. La vérité exprimée dans Humanae vitae ne change pas; au contraire, précisément à la lumière des nouvelles découvertes scientifiques, son enseignement se fait plus actuel et incite à réfléchir sur la valeur intrinsèque qu'il possède. La parole clef pour entrer avec cohérence dans ses contenus demeure celle de l'amour. Comme je l'ai écrit dans ma première Encyclique Deus caritas est:  "L'homme devient vraiment lui-même, quand le corps et l'âme se trouvent dans une profonde unité. (...) Mais ce ne sont ni seulement l'esprit ou le corps qui aiment:  c'est l'homme, la personne, qui aime comme créature unifiée, dont font partie le corps et l'âme" (n. 5). En l'absence de cette unité, la valeur de la personne se perd et l'on tombe dans le grave danger de considérer le corps comme un objet que l'on peut acheter ou vendre (cf. ibid.). Dans une culture soumise à la domination de l'avoir sur l'être, la vie humaine risque de perdre sa valeur. Si l'exercice de la sexualité se transforme en une drogue qui veut assujettir le conjoint à ses propres désirs et intérêts, sans respecter les temps de la personne aimée, alors ce que l'on doit défendre n'est plus seulement le véritable concept d'amour, mais en premier lieu la dignité de la personne elle-même. En tant que croyants nous ne pourrions jamais permettre que la domination de la technique puisse nier la qualité de l'amour et le caractère sacré de la vie.

Ce n'est pas un hasard si Jésus, en parlant de l'amour humain, fait référence à ce qui est accompli par Dieu au début de la création (cf. Mt 19, 4-6). Son enseignement renvoie à l'acte gratuit avec lequel le Créateur a voulu non seulement exprimer la richesse de son amour, qui s'ouvre en se donnant à tous, mais également définir un paradigme en fonction duquel doit se décliner l'action de l'humanité. Dans la fécondité de l'amour conjugal, l'homme et la femme participent à l'acte créateur du Père et mettent en évidence qu'à l'origine de leur vie conjugale il y a un "oui" authentique qui est prononcé et réellement vécu dans la réciprocité, en restant toujours ouvert à la vie. Cette parole du Seigneur reste immuable avec sa profonde vérité et ne peut pas être effacée par les différentes théories qui, au cours des ans, se sont succédé et parfois même contredites entre elles. La loi naturelle, qui est à la base de la reconnaissance de la véritable égalité entre les personnes et les peuples, mérite d'être reconnue comme la source à laquelle doit s'inspirer également la relation entre les époux dans leur responsabilité d'engendrer de nouveaux enfants. La transmission de la vie est inscrite dans la nature et ses lois demeurent comme une norme non écrite à laquelle tous doivent se référer. Toute tentative de détourner le regard de ce principe reste elle-même stérile et ne produit pas de fruit.

Il est urgent que nous redécouvrions à nouveau une alliance qui a toujours été féconde, lorsqu'elle a été respectée; celle-ci voit au premier-plan la raison et l'amour. Un maître perspicace comme Guillaume de Saint-Thierry pouvait écrire des paroles que nous ressentons également profondément valable pour notre époque:  "Si la raison instruit l'amour et l'amour illumine la raison, si la raison se convertit en amour et l'amour consent à se laisser retenir entre les limites de la raison, alors ceux-ci peuvent accomplir quelque chose de grand" (Nature et grandeur de l'amour, n. 21, 8). Quel est ce "quelque chose de grand" auquel nous pouvons assister? C'est l'apparition de la responsabilité à l'égard de la vie, qui rend fécond le don que chacun fait de soi à l'autre. C'est le fruit d'un amour qui sait penser et choisir en pleine liberté, sans se laisser conditionner outre mesure par l'éventuel sacrifice demandé. C'est de là que naît le miracle de la vie dont les parents font eux-mêmes l'expérience, en ressentant comme quelque chose d'extraordinaire ce qui s'accomplit en eux et à travers eux. Aucune technique mécanique ne peut remplacer l'acte d'amour que deux époux s'échangent comme signe d'un mystère plus grand qui les voit acteurs et co-participants de la création.

On assiste toujours plus souvent, hélas, à de tristes événements qui concernent des adolescents, dont les réactions manifestent une connaissance incorrecte du mystère de la vie et des implications risquées de leurs gestes. L'urgence de la formation, à laquelle je fais souvent référence, voit dans le thème de la vie l'un de ses thèmes privilégiés. Je souhaite vraiment que l'on réserve, notamment aux jeunes, une attention toute particulière, afin qu'ils puissent apprendre le véritable sens de l'amour et se préparent pour cela à travers une éducation adaptée à la sexualité, sans se laisser distraire par des messages éphémères qui empêchent d'atteindre l'essence de la vérité qui est en jeu. Donner de fausses illusions dans le domaine de l'amour ou tromper sur les responsabilités authentiques que l'on est appelé à assumer avec l'exercice de sa propre sexualité ne fait pas honneur à une société qui se réclame des principes de la liberté et de la démocratie. La liberté doit se conjuguer avec la vérité et la responsabilité avec la force du dévouement à l'autre et également avec le sacrifice; sans ces composantes, la communauté des hommes ne grandit pas et le risque de se refermer dans un cercle d'égoïsme asphyxiant reste toujours aux aguets.

L'enseignement exprimé par l'Encyclique Humanae vitae n'est pas facile. Toutefois, il est conforme à la structure fondamentale avec laquelle la vie a toujours été transmise dès la création du monde, dans le respect de la nature et conformément à ses exigences. Le respect pour la vie humaine et la sauvegarde de la dignité de la personne nous imposent de tout tenter pour que tous puissent puissent partager l'authentique vérité de l'amour conjugal responsable, dans une pleine adhésion à la loi inscrite dans le cœur de chaque personne. Avec ces sentiments, je vous donne à tous ma Bénédiction apostolique.

 

 

2 octobre 2008 - Message au congrès international pour le 40ème anniversaire d'Humanae Vitae (Rome, 3-4 octobre 2008)

A Mgr Livio Melina
Recteur de l'Institut pontifical
"Jean-Paul ii"
pour les études sur le mariage et la famille

     J'ai appris avec joie que l'Institut pontifical dont vous êtes le Recteur et l'Université catholique du Sacré-Cœur ont organisé de manière opportune un Congrès international à l'occasion du 40 anniversaire de la publication de l'encyclique Humanae vitae, un document important dans lequel est abordé l'un des aspects essentiels de la vocation matrimoniale et du chemin spécifique de sainteté qu'elle implique. En effet, les époux, ayant reçu le don de l'amour, sont appelés à devenir à leur tour don l'un pour l'autre sans réserve. Ce n'est qu'ainsi que les actes spécifiques et exclusifs des conjoints sont vraiment des actes d'amour qui, alors qu'ils les unissent en une seule chair, construisent une authentique communion personnelle. La logique du don total configure donc intrinsèquement l'amour conjugal et, grâce à l'effusion sacramentelle de l'Esprit Saint, devient le moyen pour réaliser dans sa propre vie une authentique charité conjugale.

     La possibilité de procréer une nouvelle vie humaine est comprise dans le don intégral des conjoints. En effet, si chaque forme d'amour tend à diffuser la plénitude dont elle vit, l'amour conjugal a une façon particulière de se transmettre:   engendrer  des enfants. Ainsi, non seulement celui-ci ressemble à l'amour de Dieu, mais il participe à cet amour, qui veut se transmettre en appelant à la vie les personnes humaines. Exclure cette dimension de transmission au moyen d'une action qui vise à empêcher la procréation signifie nier la vérité intime de l'amour sponsal, par lequel se communique le don divin:  "Si donc on ne veut pas abandonner à l'arbitraire des hommes la mission d'engendrer la vie, il faut nécessairement reconnaître des limites infranchissables au pouvoir de l'homme sur son corps et sur ses fonctions; limites que nul homme, qu'il soit simple particulier ou revêtu d'autorité, n'a le droit d'enfreindre" (Humanae vitae, n. 17). Tel est le noyau essentiel de l'enseignement que mon vénéré prédécesseur Paul vi adressa aux époux et que le serviteur de Dieu Jean-Paul ii a lui aussi réaffirmé en de nombreuses occasions, en éclairant son fondement anthropologique et moral.

      A quarante ans de la publication de l'encyclique, nous pouvons mieux saisir combien cette lumière est décisive pour comprendre le grand "oui" qu'implique l'amour conjugal. Sous cette lumière, les enfants ne sont plus l'objectif d'un projet humain, mais ils sont reconnus comme un don authentique, à accueillir avec une attitude de générosité responsable envers Dieu, source première de la vie humaine. Ce grand "oui" à la beauté de l'amour comporte certainement la gratitude, aussi bien des parents en recevant le don d'un enfant, que de l'enfant lui-même en sachant que l'origine de sa vie se trouve dans un amour aussi grand et accueillant.

     Il est par ailleurs vrai que dans la vie du couple peuvent avoir lieu de graves circonstances dans lesquelles la prudence indique d'espacer les naissances des enfants ou même de les suspendre. Et c'est là que la connaissance naturelle des rythmes de la fertilité de la femme devient importante pour la vie des époux. Les méthodes d'observation, qui permettent au couple de déterminer les périodes de fertilité, lui permettent d'administrer ce que le Créateur a sagement inscrit dans la nature humaine, sans troubler la signification intégrale du don sexuel. De cette manière, les conjoints, en respectant la pleine vérité de leur amour, pourront en moduler les expressions conformément à ces rythmes, sans rien ôter au don total de soi qu'exprime l'union dans la chair. Cela exige assurément une maturité dans l'amour, qui n'est pas immédiate mais qui s'accompagne d'un dialogue et d'une écoute réciproque, ainsi qu'une domination particulière de la pulsion sexuelle sur un chemin de croissance dans la vertu.

     Dans cette perspective, en sachant que le Congrès se déroule également à l'initiative de l'Université catholique du Sacré-Cœur, je tiens également à dire combien j'apprécie ce que cette Institution universitaire accomplit pour soutenir l'Institut international Paul vi de recherche sur la fertilité et l'infertilité humaine pour une procréation responsable(isi), donné par celle-ci à mon inoubliable prédécesseur, le Pape Jean-Paul ii, voulant de cette manière offrir une réponse, pour ainsi dire, institutionnalisée à l'appel adressé par le Pape Paul vi dans le numéro 24 de l'encyclique aux "hommes de science". En effet, la tâche de l'isi est de faire progresser la connaissance des méthodes pour la régulation naturelle de la fertilité humaine et pour la résolution naturelle de l'éventuelle infertilité. Aujourd'hui, "grâce au progrès des sciences biologiques et médicales, l'homme peut disposer de ressources thérapeutiques toujours plus efficaces; mais il peut aussi acquérir des pouvoirs nouveaux, aux conséquences imprévisibles, sur la vie humaine dans son commencement même et à ses premiers stades" (Instruc. Donum vitae, n. 1). Dans cette perspective, "de nombreux chercheurs se sont engagés dans la lutte contre la stérilité. Tout en sauvegardant pleinement la dignité de la procréation humaine, certains sont arrivés à des résultats qui semblaient auparavant impossibles à atteindre. Les hommes de science doivent donc être encouragés à poursuivre leurs recherches, afin de prévenir les causes de la stérilité et de pouvoir la guérir, de sorte que les couples stériles puissent réussir à procréer dans le respect de leur dignité personnelle et de celle de l'enfant à naître" (Instruc. Donum vitae, n. 8). C'est précisément ce but que l'isi Paul viet d'autres centres analogues, avec l'encouragement de l'autorité ecclésiastique, se proposent.

     Nous pouvons nous demander:  comment se fait-il que le monde et également de nombreux fidèles éprouvent aujourd'hui tant de difficultés à comprendre le message de l'Eglise, qui illustre et défend la beauté de l'amour conjugal dans sa manifestation naturelle? Assurément la solution technique, également en ce qui concerne les grandes questions humaines, apparaît souvent la plus facile, mais celle-ci cache en réalité la question de fond, qui concerne le sens de la sexualité humaine et la nécessité d'une maîtrise responsable, pour que son exercice puisse devenir une expression d'amour personnel. La technique ne peut pas remplacer la maturation de la liberté, lorsque l'amour est en jeu. Et d'ailleurs, comme nous le savons bien, la raison elle-même ne suffit pas non plus:  c'est avec le cœur qu'il faut voir. Seuls les yeux du cœur réussissent à saisir les exigences propres d'un grand amour, capable d'embrasser la totalité de l'être humain. C'est pourquoi le service que l'Eglise offre dans sa pastorale matrimoniale et familiale devra savoir orienter les couples à comprendre avec le cœur le merveilleux dessein que Dieu a inscrit dans le corps humain, en les aidant à accueillir ce que comporte un authentique chemin de maturation.

      Le Congrès auquel vous participez représente donc un moment important de réflexion et d'attention pour les couples et pour les familles, en offrant le fruit d'années de recherche, que ce soit sur le plan anthropologique et éthique ou sur le plan purement scientifique, à propos d'une procréation vraiment responsable. Dans cette perspective, je ne peux que me réjouir avec vous, en souhaitant que ce travail porte des fruits abondants et contribue à soutenir les époux avec une sagesse et une clarté toujours plus grande sur leur chemin, en les encourageant dans leur mission à être, dans le monde, des témoins crédibles de la beauté de l'amour. Avec ces vœux, alors que j'invoque l'aide du Seigneur sur le déroulement des travaux du Congrès, j'envoie à tous une Bénédiction apostolique spéciale.

Du Vatican, le 2 octobre 2008

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2011

 

13 mai 2011 - Aux participants à la rencontre organisée par l'Institut Pontifical JeanPaul II pour les études sur le mariage et la famille. Salle Clémentine au Vatican

    C’est avec joie que je vous accueille aujourd’hui, quelques jours après la béatification du Pape Jean-Paul II, qui, il y a trente ans, comme nous l’avons entendu, voulut fonder dans le même temps le Conseil pontifical pour la famille et votre institut pontifical; deux organismes qui montrent qu’il était fermement convaincu de l’importance décisive de la famille pour l’Eglise et pour la société. Je salue les représentants de votre grande communauté présente désormais sur tous les continents, ainsi que la Fondation de grand mérite pour le mariage et la famille que j’ai créée pour soutenir votre mission. Je remercie le président, Mgr Melina, pour les paroles qu’il m’a adressées au nom de tous. Le nouveau bienheureux Jean-Paul II, qui, comme cela a été rappelé, fut victime il y a trente ans précisément du terrible attentat Place Saint-Pierre, vous a confiés, en particulier, pour l’étude, la recherche et la diffusion, ses «catéchèses sur l’amour humain», qui contiennent une profonde réflexion sur le corps humain. Conjuguer la théologie du corps et celle de l’amour pour trouver l’unité du chemin de l’homme: tel est le thème que je voudrais vous indiquer comme horizon pour votre travail.

     Peu de temps après la mort de Michel-Ange, Paolo Veronese fut convoqué par l’Inquisition, accusé d’avoir peint des figures inappropriées autour de la Dernière Cène. Le peintre répondit que dans la chapelle Sixtine également, les corps étaient représentés nus, de façon peu respectueuse. Ce fut précisément l’inquisiteur qui prit la défense de Michel-Ange à travers une réponse devenue célèbre: «Ne sais-tu pas qu’il n’y a rien dans ces figures qui ne soient de l’esprit?». Vivant à l’époque moderne, nous avons du mal à comprendre ces paroles, car le corps nous apparaît comme une matière inerte, lourde, opposée à la connaissance et à la liberté propres à l’esprit. Mais les corps peints par Michel-Ange sont habités de lumière, de vie, de splendeur. Il voulait montrer ainsi que nos corps cachent un mystère. En eux, l’esprit se manifeste et est à l’œuvre. Ils sont appelés à être des corps spirituels, comme le dit saint Paul (1 Co 15, 44). Nous pouvons alors nous demander: ce destin du corps peut-il illuminer les étapes de son chemin? Si notre corps est appelé à être spirituel, son histoire ne devra-t-elle pas être celle de l’alliance entre le corps et l’esprit? En effet, loin de s’opposer à l’esprit, le corps est le lieu où l’esprit peut habiter. A la lumière de cela, il est possible de comprendre que nos corps ne sont pas une matière inerte, lourde, mais qu’ils parlent, si nous savons les écouter, le langage du véritable amour.

     Le premier mot de ce langage se trouve dans la création de l’homme. Le corps nous parle d’une origine que nous n’avons pas conférée à nous-mêmes. «C'est toi... qui m'as tissé au ventre de ma mère» dit le Psalmiste au Seigneur (Ps 139, 13). Nous pouvons affirmer que le corps, en nous révélant l’Origine, porte en lui une signification filiale, car il nous rappelle notre engendrement, qui puise, à travers nos parents qui nous ont transmis la vie, au Dieu Créateur. Ce n’est que lorsqu’il reconnaît l’amour originel qui lui a donné la vie que l’homme peut s’accepter, qu’il peut se réconcilier avec la nature et avec le monde. A la création d’Adam suit celle d’Eve. La chair, reçue de Dieu, est appelée à rendre possible l’union d’amour entre l’homme et la femme et à transmettre la vie. Les corps d’Adam et d’Eve apparaissent, avant la chute, en parfaite harmonie. Il y a en eux un langage qu’ils n’ont pas créé, un erosenraciné dans leur nature, qui les invite à se recevoir mutuellement par le Créateur, pour pouvoir ainsi se donner. Nous comprenons alors que, dans l’amour, l’homme est «recréé». Incipit vita nova,disait Dante (Vita Nuova, i, 1), la vie de la nouvelle unité des deux en une seule chair. La véritable fascination de la sexualité naît de la grandeur de cet horizon qui s’ouvre: la beauté intégrale, l’univers de l’autre personne et du «nous» qui naît dans l’union, la promesse de communion qui se cache, la fécondité nouvelle, le chemin que l’amour ouvre vers Dieu, source de l’amour. L’union en une seule chair se fait alors union de toute la vie, tant que l’homme et la femme deviennent également un seul esprit. C’est ainsi que s’ouvre un chemin dans lequel le corps nous enseigne la valeur du temps, de la lente maturation dans l’amour. Dans cette lumière, la vertu de la chasteté reçoit un nouveau sens. Ce n’est pas un «non» aux plaisirs et à la joie de la vie, mais le grand «oui» à l’amour comme communication profonde entre les personnes, qui exige temps et respect, comme chemin parcouru ensemble vers la plénitude et comme amour qui devient capable d’engendrer la vie et d’accueillir généreusement la vie nouvelle naissante.

     Il est certain que le corps contient également un langage négatif: il nous parle de l’oppression de l’autre, du désir de posséder et d’exploiter. Toutefois, nous savons que ce langage n’appartient pas au dessein originel de Dieu, mais qu’il est le fruit du péché. Lorsqu’on le détache de son sens filial, de son lien avec le Créateur, le corps se rebelle contre l’homme, il perd sa capacité de faire transparaître la communion et devient le terrain de l’appropriation de l’autre. N’est-ce pas là le drame de la sexualité, qui demeure aujourd’hui renfermée dans le cercle restreint de son corps et dans l’émotivité, mais qui en réalité ne peut s’accomplir que dans l’appel à quelque chose de plus grand? A ce propos, Jean-Paul II parlait de l’humilité du corps. Un personnage de Claudel dit à son bien-aimé: «de cette promesse que mon corps t'a faite je suis impuissante à m'acquitter», et se voit répondre: le corps «se dissout mais la promesse qu'il m'a faite ne se dissout pas» (Le soulier de satin,Jour III, scène XIII). La force de cette promesse explique que la Chute n’est pas la dernière parole sur le corps dans l’histoire du salut. Dieu offre à l’homme également un chemin de rédemption du corps, dont le langage est préservé dans la famille. Si, après la Chute, Eve reçoit ce nom, Mère des vivants, cela témoigne que la force du péché ne réussit pas à effacer le langage originel du corps, la bénédiction de vie que Dieu continue d’offrir quand l’homme et la femme s’unissent en une seule chair. La famille, voilà le lieu où la théologie du corps et la théologie de l’amour se mêlent. Ici, on apprend la bonté du corps, son témoignage d’une origine bonne, dans l’expérience d’amour que nous recevons de nos parents. Ici l’on vit le don de soi dans une seule chair, dans la charité conjugale qui allie les époux. Ici, l’on fait l’expérience de la fécondité de l’amour, et la vie se mêle à celle d’autres générations. C’est dans la famille que l’homme découvre sa capacité à être en relation, non comme un individu autonome qui se réalise seul, mais comme fils, époux, parent, dont l’identité se fonde dans le fait d’être appelé à l’amour, à être reçupar les autres et à se donner aux autres.

     Ce chemin de la création trouve sa plénitude avec l’Incarnation, avec la venue du Christ. Dieu a assumé le corps, il s’est révélé en lui. Le mouvement du corps vers le haut est ici intégré dans un autre mouvement plus originel, le mouvement humble de Dieu qui s’abaisse vers le corps, pour ensuite l’élever vers lui. En tant que Fils, il a reçu le corps filial dans la gratitude et dans l’écoute du Père; et il a donné ce corps pour nous, pour engendrer ainsi le nouveau corps de l’Eglise. La liturgie de l’Ascension chante cette histoire de la chair, qui a péché en Adam, et a été assumée et rachetée par le Christ. C’est une chair qui devient toujours plus pleine de lumière et d’Esprit, pleine de Dieu. C’est ainsi qu’apparaît la profondeur de la théologie du corps. Celle-ci, lorsqu’elle est lue dans l’ensemble de la tradition, évite le risque de superficialité et permet de saisir la grandeur de la vocation à l’amour, qui est un appel à la communion des personnes dans la double forme de vie de la virginité et du mariage.

     Chers amis, votre Institut est placé sous la protection de la Vierge. Dante dit à propos de Marie des paroles lumineuses pour une théologie du corps: «En ton sein se ralluma l’amour» (Paradis, XXIII, 7). Dans son corps de femme, a pris corps l’Amour qui engendre l’Eglise. Que la Mère du Seigneur continue de protéger votre chemin et de rendre féconds votre étude et votre enseignement, au service de la mission de l’Eglise pour la famille et la société. Que vous accompagne ma Bénédiction apostolique, que je vous donne de tout cœur à tous. Merci.

 

 

 

 

 

 

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