François de A à Z

Esprit du monde - Esprit mondain - Mondanité

2013

 

 

4 mai 2013 – Au terme de la prière du chapelet à Sainte Marie Majeure

     Jésus Christ, par sa Passion, sa Mort et Résurrection, nous apporte le salut, nous donne la grâce et la joie d’être fils de Dieu, de l’appeler en vérité par le nom de Père. Marie est mère, et une mère se préoccupe surtout de la santé de ses enfants, elle sait toujours en prendre soin avec un grand et tendre amour. La Vierge protège notre santé. Qu’est-ce que cela signifie, que la Vierge protège notre santé ? Je pense en particulier à trois aspects : elle nous aide à grandir, à affronter la vie, à être libres ; elle nous aide à grandir, elle nous aide à affronter la vie, elle nous aide à être libres.

     Une mère aide ses enfants à grandir et veut qu’ils grandissent bien ; pour cela, elle les éduque à ne pas céder à la paresse — qui dérive aussi d’un certain bien-être —, à ne pas se reposer dans une vie facile, où l’on se contente de posséder uniquement des choses. La mère prend soin des enfants afin qu’ils grandissent toujours plus, qu’ils se fortifient, qu’ils soient capables de prendre des responsabilités, de s’engager dans la vie, de tendre vers de grands idéaux. L’Évangile de saint Luc dit que, dans la famille de Nazareth, Jésus « grandissait, se fortifiait et se remplissait de sagesse. Et la grâce de Dieu était sur lui » (Lc 2, 40). La Vierge fait précisément ceci en nous, elle nous aide à grandir humainement et dans la foi, à être forts et à ne pas céder à la tentation d’être hommes et chrétiens de façon superficielle, mais à vivre de façon responsable, à tendre toujours plus vers le haut.

     Une mère pense aussi à la santé de ses enfants en les éduquant à affronter les difficultés de la vie. On n’éduque pas, on ne prend pas soin de la santé en évitant les problèmes, comme si la vie était une autoroute sans obstacles. La maman aide les enfants à regarder avec réalisme les problèmes de la vie et à ne pas se perdre en eux, mais à les affronter avec courage, à ne pas être faibles, et à savoir les dépasser, dans un sain équilibre qu’une mère « sent » entre les lieux de la sécurité et les zones de risque. Une maman sait faire cela ! Elle ne porte pas toujours son enfant sur la route de la sécurité, parce que de cette manière l’enfant ne peut pas grandir, mais elle ne le laisse pas non plus sur la route du risque, parce que cela est dangereux.      Une maman sait équilibrer les choses. Une vie sans défis n’existe pas et un jeune garçon ou une jeune fille qui ne sait pas les affronter en se mettant en jeu, est un jeune garçon ou une jeune fille sans colonne vertébrale !    Un dernier aspect : une bonne mère non seulement accompagne ses enfants dans leur croissance, sans éviter les problèmes, les défis de la vie ; une bonne mère aide aussi à prendre des décisions définitives, dans la liberté. Ce n’est pas facile ; mais une mère sait le faire. Mais que signifie la liberté ? Ce n’est certainement pas faire tout ce que l’on veut, en se laissant dominer par les passions, ni passer d’une expérience à l’autre sans discernement, ni suivre les modes du temps ; la liberté ne signifie pas, pour ainsi dire, jeter tout ce qui ne nous plaît pas par la fenêtre. Non, cela n’est pas la liberté. La liberté nous est donnée afin que nous sachions faire les bons choix dans la vie ! Marie, en bonne mère, nous éduque à être, comme Elle, capables de faire des choix définitifs ; des choix définitifs, en ce moment où règne, pour ainsi dire, la philosophie du provisoire. Il est si difficile de s’engager dans la vie de façon définitive. Et elle nous aide à faire des choix définitifs avec cette pleine liberté, avec laquelle elle a répondu « oui » au plan de Dieu dans sa vie (cf. Lc 1, 38).

     Chers frères et sœurs, comme il est difficile, à notre époque, de prendre des décisions définitives ! Le provisoire nous séduit tous. Nous sommes victimes d’une tendance qui nous pousse au provisoire… comme si nous désirions rester adolescents. C’est un peu le charme de rester adolescents, et cela pour toute la vie ! N’ayons pas peur des engagements définitifs, des engagements qui impliquent et concernent toute la vie ! De cette façon notre vie sera féconde ! Et cela est la liberté : avoir le courage de prendre ces décisions avec grandeur.

     Toute l’existence de Marie est un hymne à la vie, un hymne d’amour à la vie : elle a enfanté Jésus dans la chair et a accompagné la naissance de l’Église sur le Calvaire et au Cénacle. La Salus Populi Romani est la maman qui nous donne la santé pour grandir, qui nous donne la santé pour affronter et dépasser les problèmes, qui nous donne la santé pour nous rendre libres en vue des choix définitifs ; la maman qui nous enseigne à être féconds, à être ouvert à la vie et à être toujours féconds de bien, féconds de joie, féconds d’espérance, à ne jamais perdre l’espérance, à donner sa vie aux autres, la vie physique et spirituelle.

 

 

6 octobre 2013 – Angelus

     « Les apôtres dirent au Seigneur : “Augmente en nous la foi” » (Lc 17, 5-6). Il me semble que nous pouvons tous faire nôtre cette invocation. Nous aussi, comme les apôtres, disons au Seigneur Jésus : « Augmente en nous la foi ! ». Oui, Seigneur, notre foi est petite, notre foi est faible, fragile, mais nous te l’offrons telle qu’elle est pour que tu la fasses grandir. Voulez-vous répéter tous ensemble cela : « Seigneur, augmente en nous la foi ! » ? On le fait ? Tous : Seigneur, augmente en nous la foi ! Seigneur, augmente en nous la foi ! Seigneur, augmente en nous la foi ! Qu’il l’augmente !

     Et que répond le Seigneur ? Il répond : « Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous auriez dit au mûrier que voilà : Déracine-toi et va te planter dans la mer, et il vous aurait obéi » (v. 6). Le grain de sénevé est tout petit, mais Jésus dit qu’il suffit d’avoir une foi comme cela, petite, mais vraie, sincère, pour faire des choses humainement impossibles, impensables. Et c’est vrai ! Nous connaissons tous des personnes simples, humbles, mais avec une foi très forte, qui déplacent vraiment les montagnes ! Pensons par exemple, à certaines mamans et papas qui affrontent des situations très difficiles ; ou à certains malades, même très graves, qui transmettent la sérénité à ceux qui vont les trouver. Ces personnes, précisément en raison de leur foi, ne se vantent pas de ce qu’elles font, au contraire, comme Jésus le demande dans l’Évangile, elles disent : « Nous sommes des serviteurs inutiles ; nous avons fait ce que nous devions faire » (Lc 17, 10). Combien de gens parmi nous ont cette foi forte, humble, et qui fait tant de bien !

     Chacun de nous, dans sa vie de chaque jour, peut rendre témoignage au Christ, avec la force de Dieu, la force de la foi. La foi toute petite que nous avons, mais qui est forte ! Avec cette force, témoigner de Jésus Christ, être chrétiens à travers notre vie, à travers notre témoignage !

 

 

16 mai 2013 – A de nouveaux Ambassadeurs près le Saint-Siège

     Notre humanité vit en ce moment comme un tournant de son histoire, eu égard aux progrès enregistrés en divers domaines. Il faut faire l’éloge des acquis positifs qui contribuent au bien-être authentique de l’humanité dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la communication par exemple. Toutefois, il y a lieu de reconnaître aussi que la plupart des hommes et des femmes de notre temps continuent de vivre dans une précarité quotidienne aux conséquences funestes. Certaines pathologies augmentent, avec leurs conséquences psychiques ; la peur et la désespérance saisissent les cœurs de nombreuses personnes même dans les pays dits riches ; la joie de vivre s’amenuise ; l’indécence et la violence prennent de l’ampleur ; et la pauvreté devient plus criante. Il faut lutter pour vivre, et pour vivre souvent indignement. L’une des causes de cette situation, à mon avis, se trouve dans le rapport que nous entretenons avec l’argent, et dans notre acceptation de son empire sur nos êtres et nos sociétés. Ainsi la crise financière que nous traversons, nous fait oublier son origine première située dans une profonde crise anthropologique. Dans la négation du primat de l’homme ! On s’est créé des idoles nouvelles. L’adoration de l’antique veau d’or (cf. Ex 32, 15-34) a trouvé un visage nouveau et impitoyable dans le fétichisme de l’argent, et dans la dictature de l’économie sans visage, ni but vraiment humain.

     La crise mondiale qui touche les finances et l’économie semble mettre en lumière leurs difformités, et surtout la grave déficience de leur orientation anthropologique qui réduit l’homme à une seule de ses nécessités : la consommation. Et pire encore, l’être humain est considéré aujourd’hui comme étant lui-même un bien de consommation qu’on peut utiliser, puis jeter. Nous avons initié cette culture de l’élimination. Cette dérive se situe au niveau individuel et sociétal. Et elle est promue ! Dans un tel contexte, la solidarité qui est le trésor du pauvre, est souvent considérée comme contre-productive, contraire à la rationalité financière et économique. Alors que le revenu d’une minorité s’accroît de manière exponentielle, celui de la majorité s’affaiblit. Ce déséquilibre provient d’idéologies promotrices de l’autonomie absolue des marchés et de la spéculation financière, niant ainsi le droit de contrôle aux États chargés pourtant de pourvoir au bien-commun. S’installe une nouvelle tyrannie invisible, parfois virtuelle, qui impose unilatéralement, et sans recours possible, ses lois et ses règles. En outre, l’endettement et le crédit éloignent les pays de leur économie réelle, et les citoyens de leur pouvoir d’achat réel. À cela s’ajoute, si besoin en est, une corruption tentaculaire et une évasion fiscale égoïste qui ont pris des dimensions mondiales. La volonté de puissance et de possession est devenue sans limite.

     Derrière cette attitude se cache le refus de l’éthique, le refus de Dieu. Tout comme la solidarité, l’éthique dérange ! Elle est considérée comme contre-productive ; comme trop humaine, car elle relativise l’argent et le pouvoir ; comme une menace, car elle refuse la manipulation et l’assujettissement de la personne. Car l’éthique conduit vers Dieu qui, lui, se situe en-dehors des catégories du marché. Dieu est considéré par ces financiers, économistes et politiques, comme étant incontrôlable - Dieu incontrôlable ! -, dangereux même puisqu’il appelle l’homme à sa réalisation plénière et à l’indépendance des esclavages de tout genre. L’éthique - une éthique non idéologique naturellement - permet, à mon avis, de créer un équilibre et un ordre social plus humains. En ce sens, j’encourage les maîtres financiers et les gouvernants de vos pays, à considérer les paroles de saint Jean Chrysostome : « Ne pas faire participer les pauvres à ses propres biens, c’est les voler et leur enlever la vie. Ce ne sont pas nos biens que nous détenons, mais les leurs » (Homélie sur Lazare, 1, 6 : PG 48, 992D).

     Il serait souhaitable de réaliser une réforme financière qui soit éthique et qui entraînerait à son tour une réforme économique salutaire pour tous. Celle-ci demanderait toutefois un changement courageux d’attitude des dirigeants politiques. Je les exhorte à faire face à ce défi, avec détermination et clairvoyance, en tenant certes compte de la particularité de leurs contextes. L’argent doit servir et non pas gouverner ! Le Pape aime tout le monde : les riches comme les pauvres. Mais le Pape a le devoir au nom du Christ, de rappeler au riche qu’il doit aider le pauvre, le respecter, le promouvoir. Le Pape appelle à la solidarité désintéressée, et à un retour de l’éthique pour l’humain dans la réalité financière et économique.

     L’Église, pour sa part, travaille toujours pour le développement intégral de toute personne. En ce sens, elle rappelle que le bien commun ne devrait pas être un simple ajout, un simple schéma conceptuel de qualité inférieure inséré dans les programmes politiques. Elle encourage les gouvernants à être vraiment au service du bien commun de leurs populations. Elle exhorte les dirigeants des entités financières à prendre en compte l’éthique et la solidarité. Et pourquoi ne se tourneraient-ils pas vers Dieu pour s’inspirer de ses desseins ? Il se créera alors une nouvelle mentalité politique et économique qui contribuera à transformer l’absolue dichotomie entre les sphères économique et sociale en une saine cohabitation.

 

 

18 mai 2013 – Veillée de Pentecôte

     Il y a un problème qui ne fait pas du bien aux chrétiens : l’esprit du monde, l’esprit mondain, la mondanité spirituelle. Cela nous conduit à la suffisance, à vivre l’esprit du monde et non celui de Jésus. La question que vous posiez est : comment doit-on vivre pour affronter cette crise qui touche l’éthique publique, le modèle de développement, la politique. Étant donné que cette crise est une crise de l’homme, une crise qui détruit l’homme, c’est une crise qui dépouille l’homme de l’éthique. Dans la vie publique, dans la politique, s’il n’y pas d’éthique, une éthique de référence, tout est possible et on peut tout faire. Et nous voyons, quand nous lisons les journaux, combien le manque d’éthique dans la vie publique fait beaucoup de mal à l’humanité tout entière.

 

 

31 mai 2013 – Au terme du chapelet

     Ce soir nous avons prié ensemble avec le Saint Rosaire ; nous avons reparcouru plusieurs événements du chemin de Jésus, de notre salut et nous l’avons fait avec Celle qui est notre Mère, Marie, Celle qui nous guide d’une main sûre vers son Fils Jésus. Marie nous guide toujours vers Jésus.

     Aujourd’hui, nous célébrons la fête de la Visitation de la Vierge Marie à sa parente Élisabeth. Je voudrais méditer avec vous sur ce mystère qui montre comment Marie affronte le chemin de sa vie, avec un grand réalisme, humanité, sens du concret.

     Trois mots résument l’attitude de Marie : écoute, décision, action. Des mots qui indiquent une voie pour nous aussi, face à ce que le Seigneur nous demande dans la vie. Écoute, décision, action.

     Écoute. D’où naît le geste de Marie d’aller chez sa parente Élisabeth ? D’une parole de l’Ange de Dieu : « Et voici qu’Élisabeth, ta parente, vient, elle aussi, de concevoir un fils dans sa vieillesse... » (Lc 1, 36). Marie sait écouter Dieu. Attention : ce n’est pas simplement « entendre », entendre de manière superficielle, mais c’est une « écoute » faite d’attention, d’accueil, de disponibilité envers Dieu. Ce n’est pas la manière distraite avec laquelle nous nous présentons parfois face au Seigneur ou aux autres : nous entendons les paroles, mais nous n’écoutons pas vraiment. Marie est attentive à Dieu, elle écoute Dieu.

      Mais Marie écoute aussi les faits, c’est-à-dire qu’elle lit les événements de sa vie, elle est attentive à la réalité concrète et ne s’arrête pas à la surface, mais elle va en profondeur, pour en saisir la signification. Sa parente Élisabeth, qui est déjà âgée, attend un enfant : voilà le fait. Mais Marie est attentive à la signification, elle sait la saisir : « Rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1, 37).

     Cela vaut également pour notre vie : l’écoute de Dieu qui nous parle, et également l’écoute de la réalité quotidienne, l’attention aux personnes, aux faits car le Seigneur se tient à la porte de notre vie et frappe de plusieurs manières, il place des signes sur notre chemin ; il nous donne la capacité de les voir. Marie est la mère de l’écoute, une écoute attentive de Dieu et une écoute tout aussi attentive des événements de la vie.

     Le deuxième mot: décision. Marie ne vit pas « en hâte », en s’essoufflant, mais, comme le souligne saint Luc, « elle méditait toutes ces choses dans son cœur » (cf. Lc 2, 19.51). Et également au moment décisif de l’Annonciation de l’Ange, elle demande : « Comment cela sera-t-il ? » (Lc 1, 34). Mais elle ne s’arrête pas non plus au moment de la réflexion; elle accomplit un pas en avant : elle décide. Elle ne vit pas en hâte, mais uniquement quand cela est nécessaire « elle se hâte ». Marie ne se laisse pas entraîner par les événements, elle n’évite pas la difficulté de la décision. Et cela a lieu aussi bien pour le choix fondamental qui changera sa vie : « Me voici, je suis la servante du Seigneur... » (cf. Lc 1, 38), que dans les choix plus quotidiens, mais eux aussi riches de signification. L’épisode des noces de Cana me vient à l’esprit (cf. Jn 2, 1-11) : ici aussi on voit le réalisme, l’humanité, le sens concret de Marie, qui est attentive aux faits, aux problèmes ; elle vit et elle comprend la difficulté de ces deux jeunes époux à qui vient à manquer le vin de la fête, elle réfléchit et sait que Jésus peut faire quelque chose, et elle décide de s’adresser à son Fils pour qu’il intervienne : « Ils n’ont plus de vin » (cf. v. 3). Elle décide.

     Dans la vie, il est difficile de prendre des décisions, nous tendons souvent à les renvoyer, à laisser les autres décider à notre place, nous préférons souvent nous laisser entraîner par les événements, suivre la mode du moment. Parfois nous savons ce que nous devons faire, mais nous n’en avons pas le courage ou cela nous paraît trop difficile car cela signifie aller à contre-courant. Marie, dans l’Annonciation, dans la Visitation, aux noces de Cana va à contre-courant ; elle se met à l’écoute de Dieu, elle réfléchit et cherche à comprendre la réalité, et elle décide de se remettre totalement à Dieu, elle décide de rendre visite, bien qu’étant enceinte, à sa parente âgée, elle décide de s’en remettre à son Fils avec insistance pour sauver la joie des noces.

     Le troisième mot : action. Marie se mit en voyage et « se rendit en hâte... » (cf. Lc 1, 39). Malgré les difficultés, les critiques qu’elle aura reçu devant sa décision de partir, elle ne s’arrête devant rien. Et ici elle part « en hâte ». Dans la prière, devant Dieu qui parle, en réfléchissant et en méditant sur les faits de sa vie, Marie n’est pas pressée, elle ne se laisse pas prendre par le moment. Mais quand elle voit clairement ce que Dieu lui demande, ce qu’elle doit faire, elle ne perd pas de temps, elle ne tarde pas, mais elle part « en hâte ». Saint Ambroise commente : « La grâce du Saint-Esprit ne comporte pas de lenteurs » (Expos. Evang. sec. Lucam, II, 19 : pl, 1560).     L’action de Marie est une conséquence de son obéissance aux paroles de l’Ange, mais unie à la charité : elle va chez Élisabeth pour se rendre utile ; et en sortant de chez elle, d’elle-même, par amour, elle apporte ce qu’elle a de plus précieux : Jésus ; elle apporte son Fils.

     Parfois, nous nous arrêtons nous aussi pour écouter, pour réfléchir sur ce que nous devrions faire, peut-être savons nous même clairement la décision que nous devons prendre, mais nous ne passons pas à l’action. Et surtout nous ne nous mettons pas en jeu nous-mêmes en nous « hâtant » vers les autres pour leur apporter notre aide, notre compréhension, notre charité ; pour apporter nous aussi, comme Marie, ce que nous avons de plus précieux et que nous avons reçu, Jésus et son Évangile, à travers la parole et surtout le témoignage concret de notre action.

 

 

 

16 juin 2013 – Homélie Messe Evangelium Vitae – Année de la Foi

     Souvent - nous le savons par expérience -  l’homme ne choisit pas la vie, n’accueille pas l’"Évangile de la Vie", mais se laisse guider par des idéologies et des logiques qui mettent des obstacles à la vie, qui ne la respectent pas, parce qu’elles sont dictées par l’égoïsme, par l’intérêt, par le profit, par le pouvoir, par le plaisir et elles ne sont pas dictées par l’amour, par la recherche du bien de l’autre. C’est l’illusion constante de vouloir construire la cité de l’homme sans Dieu, sans la vie et l’amour de Dieu – une nouvelle Tour de Babel ; c’est penser que le refus de Dieu, du message du Christ, de l’Évangile de la vie conduit à la liberté, à la pleine réalisation de l’homme. Le résultat est qu’au Dieu vivant, on substitue des idoles humaines et passagères, qui offrent l’ivresse d’un moment de liberté, mais qui à la fin sont porteuses de nouveaux esclavages et de mort. La sagesse du Psalmiste dit : « Les préceptes du Seigneur sont droits, ils réjouissent le cœur ; le commandement du Seigneur est limpide, il clarifie le regard » (Ps 19,9). Rappelons-nous : Dieu, le Vivant, est miséricordieux ! Le Seigneur est le Vivant, il est miséricordieux !

 

 

 

 

 

2014

 

 

 

31 janvier 2014 – Discours aux membres de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi

     Depuis les premiers temps de l’Église, la tentation existe de comprendre la doctrine dans un sens idéologique ou de la réduire à un ensemble de théories abstraites et cristallisées (cf. Exhort. apost. Evangelii gaudium, nn. 39-42). En réalité, la doctrine a comme unique objectif de servir la vie du peuple de Dieu et elle entend assurer à notre foi un fondement sûr. En effet, la tentation est grande de s’approprier les dons du salut qui vient de Dieu, pour les soumettre — peut-être même avec de bonnes intentions — aux vues et à l’esprit du monde. Et ceci est une tentation qui se répète continuellement.

    

 

 

7 février 2014, aux Evêques de Pologne en Visite Ad Limina

     Dans la mesure où l’on observe aussi un certain fléchissement de la vie chrétienne, sous divers aspects, un discernement est nécessaire, ainsi qu’une recherche des motifs et des moyens d’aborder les nouveaux défis comme, par exemple, l’idée d’une liberté sans limites, une tolérance hostile ou méfiante vis-à-vis de la vérité, ou encore un ressentiment envers la juste opposition de l’Église au relativisme dominant. Avant tout, dans le cadre de la pastorale ordinaire, je voudrais centrer votre attention sur la famille, « cellule de base de la société », « lieu où l’on apprend à vivre ensemble dans la différence et à appartenir à d’autres, et où les parents transmettent la foi à leurs enfants » (Exhort. apost. Evangelii gaudium, 66).

     Mais aujourd’hui, le mariage est souvent considéré comme une forme de gratification affective qui peut s’exprimer de n’importe quelle façon et être modifiée selon la sensibilité de chacun (cf. ibid.). Malheureusement, cette vision a une influence sur la mentalité des chrétiens, facilitant le recours au divorce ou à la séparation de fait. Les pasteurs sont appelés à se demander comment aider ceux qui vivent dans cette situation, afin qu’ils ne se sentent pas exclus de la miséricorde de Dieu, de l’amour fraternel d’autres chrétiens et de la sollicitude de l’Église pour leur salut ; ils doivent aussi chercher comment les aider à ne pas abandonner la foi et à élever leurs enfants dans la plénitude de l’expérience chrétienne.

     D’autre part, il faut se demander comment améliorer la préparation des jeunes au mariage, de sorte qu’ils puissent découvrir de plus en plus la beauté de cette union qui, bien fondée sur l’amour et sur la responsabilité, est en mesure de dépasser les épreuves, les difficultés et les égoïsmes par le pardon mutuel, en réparant ce qui risque d’être ruiné et sans tomber dans le piège de la mentalité du rejet. Il faut s’interroger sur la manière d’aider les familles à vivre et à apprécier les moments de joies comme les moments de souffrance et de faiblesse. Que les communautés ecclésiales soient des lieux d’écoute, de dialogue, de réconfort et de soutien pour les époux, dans leur chemin conjugal et dans leur mission d’éducation. Qu’ils trouvent toujours dans les pasteurs le soutien de pères et de guides spirituels authentiques qui les protègent des menaces des idéologies négatives et les aident à devenir forts en Dieu et dans son amour.

 

 

1er Novembre 2014 – Homélie de la Messe au cimetière Verano, de Rome

     Lorsque dans la première lecture, nous avons entendu cette voix de l’ange qui cria à grande voix aux quatre anges auxquels il avait été permis de dévaster la terre et la mer et de tout détruire : « Attendez, pour malmener la terre et la mer et les arbres » (Ap 7, 3), il m’est venu à l’esprit une phrase qui n’est pas ici, mais qui est dans notre cœur à tous : « Les hommes sont capables de faire mieux que vous ». Nous sommes capables de dévaster la terre mieux que les anges. Et c’est ce que nous faisons, nous le faisons : dévaster la création, dévaster la vie, dévaster les cultures, dévaster les valeurs, dévaster l’espérance. Et combien avons-nous besoin de la force du Seigneur afin qu’il nous scelle de son amour et de sa force, pour arrêter cette folle course à la destruction ! Destruction de ce qu’Il nous a donné, des choses les plus belles qu’Il a faites pour nous, pour que nous les portions de l’avant, pour que nous les fassions croître, pour porter du fruit. Lorsque, dans la sacristie, je regardais les photos d’il y a 71 ans [le bombardement du Verano a eu lieu le 19 juillet 1943], j’ai pensé : « Cela a été si grave, si douloureux. Cela n’est rien en comparaison de ce qui a lieu aujourd’hui ». L’homme s’empare de tout, se prend pour Dieu, pour le roi. Et les guerres : les guerres qui continuent, pas précisément à semer le blé de la vie, mais à détruire. C’est l’industrie de la destruction. C’est un système, même de vie, qui fait que lorsque l’on n’arrive pas à arranger les choses, on les met au rebut : on met au rebut les enfants, on met au rebut les personnes âgées, on met au rebut les jeunes sans travail. Cette dévastation a produit cette culture du rebut : on met au rebut les peuples... C’est la première image qui m’est venue, lorsque j’ai entendu cette Lecture.

    La deuxième image, dans la même lecture : cette « foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation, race, peuple et langue » (7, 9). Les peuples, les gens... À présent commence le froid : ces pauvres gens qui, pour sauver leur vie, doivent fuir leur maison, leurs peuples, leurs villages, dans le désert... et vivent sous des tentes, souffrent du froid, sans médicaments, affamés, parce que le « dieu-homme » s’est emparé de la création, de tout cette beauté que Dieu a faite pour nous. Mais qui paie la fête ? Eux ! Les petits, les pauvres, ceux qui, en tant que personnes, ont fini au rebut. Et cela n’est pas de l’histoire ancienne : cela a lieu aujourd’hui. « Mais, Père, c’est loin... ». Ici aussi, partout. Cela arrive aujourd’hui Je dirais même plus : il semble que ces gens, ces enfants affamés, malades, il semble qu’ils ne comptent pas, qu’ils soient d’une autre espèce, qu’ils ne soient pas humains. Et cette multitude est devant Dieu et demande : « S’il vous plaît, donnez-nous le salut ! S’il vous plaît, donnez-nous la paix ! S’il vous plaît, donnez-nous du pain ! S’il vous plaît, donnez-nous du travail ! S’il vous plaît, donnez-nous des fils et des grands-parents ! S’il vous plaît, donnez-nous des jeunes avec la dignité de pouvoir travailler ! ». Parmi ces persécutés, il y a également ceux qui sont persécutés à cause de la foi. « L’un des vieillards prit alors la parole et me dit : “Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils et d’où viennent-ils ?”... “Ce sont ceux qui viennent de la grande épreuve : ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau” » (7, 13-14). Et aujourd’hui, sans exagérer, aujourd’hui, le jour de la Toussaint, je voudrais que l’on pense à eux tous, les saints inconnus. Des pécheurs comme nous, pires que nous, mais détruits. À tous ces gens qui vivent des grandes épreuves. La plupart du monde vit de grandes épreuves. Et le Seigneur sanctifie ce peuple, pécheur comme nous, mais il le sanctifie par les épreuves.

     Et à la fin, la troisième image : Dieu. La première : la dévastatation ; la deuxième, les victimes ; la troisième, Dieu. Dans la deuxième lecture, nous avons entendu : « Dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous savons que lors de cette manifestation nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est » (1 Jn 3, 2): c’est-à-dire l’espérance. Et c’est la bénédiction du Seigneur que nous avons encore: l’espérance. L’espérance qu’il ait pitié de son peuple, qu’il ait pitié de ceux qui vivent de grandes épreuves, qu’il ait pitié également des destructeurs, afin qu’ils se convertissent. Ainsi, la sainteté de l’Église va de l’avant : avec ces gens, avec nous qui verrons Dieu tel qu’il est. Quelle doit être notre attitude si nous voulons entrer dans ce peuple et marcher vers le Père, dans ce monde de dévastation, dans ce monde de guerres, dans ce monde d’épreuves ? Notre attitude, nous l’avons écouté dans l’Évangile, est l’attitude des Béatitudes. Seul ce chemin nous conduira à la rencontre avec Dieu. Seul ce chemin nous sauvera de la destruction, de la dévastation de la terre, de la Création, de la morale, de l’histoire, de la famille, de tout. Seul ce chemin: mais il nous fera passer des choses terribles ! Il nous apportera des problèmes, la persécution. Mais seul ce chemin nous mènera de l’avant. Et ainsi, ce peuple qui souffre tant aujourd’hui à cause de l’égoïsme des dévastateurs, de nos frères dévastateurs, ce peuple va de l’avant avec les Béatitudes, avec l’espérance de trouver Dieu, d’être face à face avec le Seigneur, avec l’espérance de devenir saints, au moment de la rencontre définitive avec Lui.

     Que le Seigneur nous aide et nous donne la grâce de cette espérance, mais également la grâce du courage de sortir de tout ce qui est destruction, dévastation, relativisme de vie, exclusion des autres, exclusion des valeurs, exclusion de tout ce que le Seigneur nous a donné: exclusion de la paix. Qu’il nous libère de cela et qu’il nous donne la grâce de marcher avec l’espérance de nous retrouver un jour face à face avec Lui. Et cette espérance, frères et sœurs, ne déçoit pas !

 

 

 

 

 

 

 

2015

 

16 janvier 2015 – Homélie de la Messe,  cathédrale de l’Immaculée Conception à Manille

     Comme ambassadeurs du Christ, nous, évêques, prêtres et religieux, nous devrions être les premiers à accueillir sa grâce réconciliatrice dans nos cœurs. Saint Paul explique ce que cela signifie. Cela signifie rejeter les perspectives mondaines, en regardant de nouveau toute chose à la lumière du Christ. Cela implique que nous soyons les premiers à examiner notre conscience, à reconnaître nos échecs et nos chutes, et à emprunter la voie de la conversion continuelle, chaque jour la conversion. Comment pouvons-nous proclamer aux autres la nouveauté et le pouvoir libérateur de la croix, si nous-mêmes ne permettons pas à la parole de Dieu de secouer notre complaisance, notre peur de changer, nos compromissions mesquines avec les manières de ce monde, notre « mondanité spirituelle » (cf. Evangelii gaudium, n. 93) ?

    

 

18 janvier 2015 – Rencontre avec les jeunes, à Manille. Texte improvisé

      ….. C’est seulement quand nous sommes capables de pleurer sur ce que vous avez vécu que nous pouvons comprendre quelque chose et répondre quelque chose. La grande question pour tous : pourquoi les enfants souffrent ? Pourquoi les enfants souffrent ? C’est vraiment quand le cœur réussit à se poser la question et à pleurer, que nous pouvons comprendre quelque chose. Il y a une compassion mondaine qui ne sert à rien ! Une compassion qui nous fait tout au plus mettre la main au porte monnaie et donner une pièce. Si le Christ avait eu cette compassion, il serait passé, soigné trois ou quatre personnes et serait retourné au Père. C’est seulement quand le Christ a pleuré et a été capable de pleurer qu’il a compris nos drames.

     Chers jeunes, les pleurs manquent au monde d’aujourd’hui ! Les marginaux pleurent, ceux qui sont mis de côté pleurent, les méprisés pleurent, mais quand nous avons une vie sans trop de besoins, nous ne savons pas pleurer. Certaines réalités de la vie se voient seulement avec des yeux lavés par les larmes. J’invite chacun de vous à se demander : ai-je appris à pleurer ? Ai-je appris à pleurer quand je vois un enfant qui a faim, un enfant drogué dans la rue, un enfant sans maison, un enfant abandonné, un enfant abusé, un enfant utilisé comme esclave par la société ? Ou bien mes pleurs sont ils les pleurs capricieux de celui qui pleure parce qu’il voudrait avoir quelque chose de plus ? C’est la première chose que je voudrais vous dire : apprenons à pleurer, comme elle [Glyzelle] nous l’a appris aujourd’hui. N’oublions pas ce témoignage. La grande question : pourquoi les enfants souffrent ?, elle l’a posée en pleurant, et la grande réponse que nous pouvons faire à chacun est d’apprendre à pleurer.

     Jésus dans l’Évangile a pleuré, il a pleuré pour son ami mort. Il a pleuré dans son cœur pour cette famille qui avait perdu sa fille. Il a pleuré dans son cœur quand il a vu la pauvre mère, veuve, qui emmenait son fils au cimetière. Il a été ému et il a pleuré dans son cœur quand il a vu la foule comme des brebis sans pasteur. Si vous n’apprenez pas à pleurer vous n’êtes pas de bons chrétiens. Et c’est un défi. …Quand on nous pose la question pourquoi les enfants souffrent ? Pourquoi arrive-t-il ceci ou cela de tragique dans la vie ? Que notre réponse soit le silence, ou bien une parole qui nait des larmes. Soyez courageux, n’ayez pas peur de pleurer !

 

 

 

Message pour le Carême 2015

     Le Carême est un temps de renouveau pour l’Église, pour les communautés et pour chaque fidèle. Mais c’est surtout un « temps de grâce » (2 Cor 6, 2)…. Dieu… n’est pas indifférent à nous. Il porte chacun de nous dans son cœur, il nous connaît par notre nom, il prend soin de nous et il nous cherche quand nous l’abandonnons. Chacun de nous l’intéresse ; son amour l’empêche d’être indifférent à ce qui nous arrive. Mais il arrive que, quand nous allons bien et nous sentons à l’aise, nous oublions sûrement de penser aux autres (ce que Dieu le Père ne fait jamais), nous ne nous intéressons plus à leurs problèmes, à leurs souffrances et aux injustices qu’ils subissent… alors notre cœur tombe dans l’indifférence : alors que je vais relativement bien et que je suis à l’aise, j’oublie ceux qui ne vont pas bien. Cette attitude égoïste, d’indifférence, a pris aujourd’hui une dimension mondiale, au point que nous pouvons parler d’une mondialisation de l’indifférence. Il s’agit d’un malaise que, comme chrétiens, nous devons affronter.

     Quand le peuple de Dieu se convertit à son amour, il trouve les réponses à ces questions que l’histoire lui pose continuellement. Un des défis les plus urgents sur lesquels je veux m’arrêter dans ce message, est celui de la mondialisation de l’indifférence.

     L’indifférence envers son prochain et envers Dieu est une tentation réelle même pour nous, chrétiens. C’est pour cela que nous avons besoin d’entendre, lors de chaque Carême, le cri des prophètes qui haussent la voix et qui nous réveillent.

     Dieu n’est pas indifférent au monde, mais il l’aime jusqu’à donner son Fils pour le salut de tout homme. Dans l’incarnation, dans la vie terrestre, dans la mort et la résurrection du Fils de Dieu, la porte entre Dieu et l’homme, entre ciel et terre, s’ouvre définitivement. Et l’Église est comme la main qui maintient ouverte cette porte grâce à la proclamation de la Parole, à la célébration des sacrements, au témoignage de la foi qui devient efficace dans la charité (cf. Ga 5, 6). Toutefois, le monde tend à s’enfermer sur lui-même et à fermer cette porte par laquelle Dieu entre dans le monde et le monde en lui. Ainsi, la main, qui est l’Église, ne doit jamais être surprise si elle est repoussée, écrasée et blessée.

     … Le chrétien est celui qui permet à Dieu de le revêtir de sa bonté et de sa miséricorde, de le revêtir du Christ, pour devenir comme lui, serviteur de Dieu et des hommes. …

     Il est nécessaire de traduire tout ce qui est dit par l’Église universelle dans la vie des paroisses et des communautés. Réussit-on dans ces réalités ecclésiales à faire l’expérience d’appartenir à un seul corps ? Un corps qui en même temps reçoit et partage tout ce que Dieu veut donner ? Un corps qui connaît et qui prend soin de ses membres les plus faibles, les plus pauvres et les plus petits ? Ou bien nous réfugions-nous dans un amour universel qui s’engage de loin dans le monde mais qui oublie le Lazare assis devant sa propre porte fermée ? (cf. Lc 16, 19-31).

 

     … Quand l’Église terrestre prie, s’instaure une communion de service réciproque et de bien qui parvient jusqu’en la présence de Dieu. Avec les saints qui ont trouvé leur plénitude en Dieu, nous faisons partie de cette communion dans laquelle l’indifférence est vaincue par l’amour. L’Église du ciel n’est pas triomphante parce qu’elle a tourné le dos aux souffrances du monde et se réjouit toute seule. Au contraire, les saints peuvent déjà contempler et jouir du fait que, avec la mort et la résurrection de Jésus, ils ont vaincu définitivement l’indifférence, la dureté du cœur et la haine. Tant que cette victoire de l’amour ne pénètre pas le monde entier, les saints marchent avec nous qui sommes encore pèlerins. Sainte Thérèse de Lisieux, docteur de l’Église, convaincue que la joie dans le ciel par la victoire de l’amour crucifié n’est pas complète tant qu’un seul homme sur la terre souffre et gémit, écrivait : « Je compte bien ne pas rester inactive au Ciel, mon désir est de travailler encore pour l'Église et les âmes » (Lettre 254, 14 juillet 1897).

     Nous aussi, nous participons aux mérites et à la joie des saints et eux participent à notre lutte et à notre désir de paix et de réconciliation. Leur joie de la victoire du Christ ressuscité nous est un motif de force pour dépasser tant de formes d’indifférence et de dureté du cœur.

 

     … La mission est ce que l’amour ne peut pas taire. …

      Je désire tant que les lieux où se manifeste l’Église, en particulier nos paroisses et nos communautés, deviennent des îles de miséricorde au milieu de la mer de l’indifférence !

 

     Même en tant qu’individu nous avons la tentation de l’indifférence. Nous sommes saturés de nouvelles et d’images bouleversantes qui nous racontent la souffrance humaine et nous sentons en même temps toute notre incapacité à intervenir. Que faire pour ne pas se laisser absorber par cette spirale de peur et d’impuissance ?

     … La souffrance de l’autre constitue un appel à la conversion parce que le besoin du frère me rappelle la fragilité de ma vie, ma dépendance envers Dieu et mes frères. Si nous demandons humblement la grâce de Dieu et que nous acceptons les limites de nos possibilités, alors nous aurons confiance dans les possibilités infinies que l’amour de Dieu a en réserve. Et nous pourrons résister à la tentation diabolique qui nous fait croire que nous pouvons nous sauver et sauver le monde tout seuls.

     …  Avoir un cœur miséricordieux ne veut pas dire avoir un cœur faible. Celui qui veut être miséricordieux a besoin d’un cœur fort, solide, fermé au tentateur, mais ouvert à Dieu. Un cœur qui se laisse pénétrer par l’Esprit et porter sur les voies de l’amour qui conduisent à nos frères et à nos sœurs. Au fond, un cœur pauvre, qui connaisse en fait ses propres pauvretés et qui se dépense pour l’autre.

 

 

 

 

 

Message pour la Journée Mondiale de la Jeunesse  - Rameaux 2015

      Chers jeunes, la recherche du bonheur est commune à toutes les personnes, de tous les temps, et de tous les âges. Dieu a déposé dans le cœur de chaque homme et de chaque femme un désir irrépressible de bonheur, de plénitude. Ne sentez-vous pas que vos cœurs sont inquiets et en recherche continuelle d’un bien qui puisse étancher leur soif d’infini ?

     Les premiers chapitres du livre de la Genèse nous présentent la magnifique béatitude à laquelle nous sommes appelés, et qui consiste en la communion parfaite avec Dieu, avec les autres, avec la nature, avec nous-mêmes. Le libre accès à Dieu, à son intimité et à sa vision était présent dans le projet de Dieu pour l’humanité dès ses origines, et faisait en sorte que la lumière divine imprégnait toutes les relations humaines de vérité et de transparence. Dans cet état de pureté originelle, les « masques » n’existaient pas, ni les faux-fuyants, ni les raisons de se cacher les uns aux autres. Tout était limpide et clair.

     Quand l’homme et la femme cèdent à la tentation et brisent la relation de communion confiante avec Dieu, le péché entre dans l’histoire humaine (cf. Gn 3). Les conséquences se font tout de suite connaître, y compris dans leurs relations avec soi-même, l’un avec l’autre, avec la nature. Et elles sont dramatiques ! La pureté des origines est comme polluée. À partir de ce moment l’accès direct à la présence de Dieu n’est plus possible. Il s’en suit la tendance à se cacher, l’homme et la femme doivent couvrir leur nudité. Privés de la lumière provenant de la vision du Seigneur, ils regardent la réalité qui les entoure de manière déformée, myope. La « boussole » intérieure qui les guidait dans la recherche du bonheur perd son point de référence et les appels du pouvoir, de la possession et de l’appétit du plaisir à n’importe quel prix, les entraînent dans le gouffre de la tristesse et de l’angoisse. 

     Nous trouvons dans les psaumes le cri que l’humanité adresse à Dieu du fond de l’âme : « Qui nous fera voir le bonheur ? Sur nous, Seigneur, que s’illumine ton visage » (Ps 4, 7). Le Père, dans sa bonté infinie, répond à cette supplique en envoyant son Fils. En Jésus, Dieu prend un visage humain. Par son incarnation, sa vie, sa mort et sa résurrection, il nous rachète du péché et nous ouvre des horizons nouveaux, jusqu’alors impensables.

     Et ainsi, dans le Christ, chers jeunes, se trouve le plein accomplissement de vos rêves de bonté et de bonheur. Lui seul peut satisfaire vos attentes, tant de fois déçues par les fausses promesses du monde. Comme le disait saint Jean-Paul II : « C’est lui, la beauté qui vous attire tellement ; c’est lui qui vous provoque par la soif de la radicalité qui vous empêche de vous habituer aux compromis ; c’est lui qui vous pousse à faire tomber les masques qui faussent la vie ; c’est lui qui lit dans vos cœurs les décisions les plus profondes que d’autres voudraient étouffer. C’est Jésus qui suscite en vous le désir de faire de votre vie quelque chose de grand » (Veillée de prière à Tor Vergata, 19 août 2000 : Documentation catholique, 97 (2000), p. 778 ).

     2. Heureux les cœurs purs…

     À présent cherchons à approfondir comment cette Béatitude passe par la pureté du cœur. Avant tout nous devons comprendre le sens biblique du mot cœur. Dans la culture juive, le cœur est le centre des sentiments, des pensées, et des intentions de la personne humaine. Si la Bible nous enseigne que Dieu ne regarde pas les apparences, mais le cœur (cf. 1S 16, 7), on peut dire aussi que c’est à partir de notre cœur que nous pouvons voir Dieu. Cela parce que le cœur résume l’être humain dans sa totalité et dans son unité de corps et d’âme, dans sa capacité d’aimer et d’être aimé.

     En ce qui concerne la définition de « pur », le mot grec utilisée par l’Évangéliste Matthieu est katharos, et signifie fondamentalement propre, limpide, libre de substance contaminante. Dans l’Évangile nous voyons Jésus détruire une certaine conception de la pureté rituelle liée à l’extériorité, qui interdisait tout contact avec des choses et des personnes (comme les lépreux et les étrangers), considérées comme impures. Aux pharisiens qui, comme tant de juifs de cette époque, ne mangeaient pas sans avoir fait les ablutions et qui observaient de nombreuses traditions liées au lavage des objets, Jésus dit de manière catégorique : « Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. C’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure » (Mc 7, 15.21-22).

     En quoi consiste donc le bonheur qui jaillit d’un cœur pur ? À partir de la liste des maux qui rendent l’homme impur, énumérés par Jésus, nous voyons que la question concerne surtout le champ de nos relations. Chacun de nous doit apprendre à discerner ce qui peut « polluer » son cœur, se former une conscience droite et sensible, capable de « discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait » (Rm 12, 2). Si une saine attention à la sauvegarde de la création est nécessaire, pour la pureté de l’air, de l’eau et de la nourriture, combien plus devons-nous garder la pureté de ce que nous avons de plus précieux : nos cœurs et nos relations. Cette « écologie humaine » nous aidera à respirer l’air pur qui vient des belles choses, de l’amour vrai, de la sainteté.

     Un jour je vous ai posé la question : où est votre trésor ? Sur quel trésor repose votre cœur ? (cf. Entretien avec quelques jeunes de Belgique, 31 mars 2014). Oui, nos cœurs peuvent s’attacher aux vrais ou aux faux trésors, ils peuvent trouver un repos authentique ou s’endormir, devenant paresseux et engourdis. Le bien le plus précieux que nous pouvons avoir dans la vie est notre relation avec Dieu. En êtes-vous convaincus ? Êtes-vous conscients de la valeur inestimable que vous avez aux yeux de Dieu ? Savez-vous que vous êtes  aimés et accueillis par lui, inconditionnellement, comme vous êtes ? Quand cette perception diminue, l’être humain devient une énigme incompréhensible, parce que savoir que l’on est aimé de Dieu inconditionnellement donne sens à notre vie. Vous rappelez-vous la conversation de Jésus avec le jeune homme riche (cf. Mc 10, 17-22) ? L’évangéliste Marc note que le Seigneur fixa son regard sur lui et l’aima (cf. v. 21), l’invitant ensuite à le suivre pour trouver le vrai trésor. Je vous souhaite, chers jeunes, que ce regard du Christ, plein d’amour, vous accompagne toute votre vie.

 

publié le : 25 février 2015

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