Vie spirituelle

Solennité de tous les saints et commémoration des fidèles défunts - Padre Cantalamessa - 1.11.2008


Solennité de tous les saints et commémoration des fidèles défunts

La fête de la Toussaint et la commémoration des fidèles défunts ont quelque chose en commun et c'est pour cela qu'elles ont été placées l'une après l'autre. Elles nous parlent toutes deux de l'au-delà. Si nous ne croyions pas à une vie après la mort, il serait vain de célébrer la fête des saints, et encore plus vain de se rendre au cimetière. A qui irions-nous rendre visite et pourquoi allumer une bougie ou apporter des fleurs ?

Tout nous invite donc en ce jour à une réflexion de sagesse : « Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos coeurs pénètrent la sagesse », dit un psaume. « Nous sommes comme les feuilles sur l'arbre, en automne » (G. Ungaretti). Au printemps, l'arbre refleurit, mais avec de nouvelles feuilles ; le monde aussi continuera après nous, mais avec d'autres habitants. Les feuilles n'ont pas de deuxième vie, elles se décomposent là où elles tombent. En est-il de même pour nous ? Ici, l'analogie s'interrompt. Jésus a promis : « Je suis la résurrection. Qui croit en moi, même s'il meurt, vivra ». C'est le grand défi de la foi, pas seulement des chrétiens mais aussi des juifs et des musulmans, de tous ceux qui croient en un Dieu personnel.

Ceux qui ont vu le film « Le Docteur Jivago » se souviendront de la célèbre chanson de Lara qui constitue la bande sonore. Celle-ci dit : « Où, je ne sais pas, mais il y aura un lieu d'où nous ne reviendrons jamais.... » [Trad. de l'italien, ndlr]. La chanson exprime bien le sens du célèbre roman de Pasternac dont est tiré le film : deux amoureux qui se rencontrent, se cherchent, mais que le destin (nous sommes à l'époque tourmentée de la révolution bolchevique) sépare à chaque fois cruellement, jusqu'à la scène finale dans laquelle leurs chemins se croisent à nouveau, mais ils ne se reconnaissent pas.

Chaque fois que j'entends les notes de cette chanson, ma foi me fait presque crier en moi : oui, il y a un lieu d'où nous ne reviendrons jamais, et d'où nous ne voudrons pas revenir. Jésus est allé nous le préparer, il nous a ouvert la voie par sa résurrection et il nous a indiqué la voie pour le suivre, avec les béatitudes. Un lieu où le temps s'arrêtera sur nous pour céder le pas à l'éternité ; où l'amour sera total. Pas seulement l'amour de Dieu et pour Dieu, mais aussi tout amour honnête et saint vécu sur la terre.

La foi n'ôte pas aux croyants l'angoisse de devoir mourir mais la tempère avec l'espérance. La préface de la messe de commémoration des fidèles défunts dit que si la certitude de devoir mourir nous attriste, l'espérance de l'immortalité future nous console. A ce propos, il y a un témoignage bouleversant, qui nous vient également de Russie. En 1972, un texte fut publié dans une revue clandestine. Il s'agit d'une prière retrouvée dans la poche de la veste d'un soldat, Aleksander Zacepa, composée quelques instants avant la bataille au cours de laquelle il perdit la vie, pendant la seconde guerre mondiale. En voici le texte :

« Ecoute, O Dieu ! Je n'ai pas parlé avec toi une seule fois dans ma vie mais aujourd'hui j'ai envie de te faire fête. Tu sais, depuis que je suis tout petit, on m'a toujours dit que tu n'existais pas... et moi, comme un imbécile, j'y ai cru.

Je n'ai jamais contemplé tes oeuvres, mais cette nuit, du cratère fait par une grenade, j'ai observé le ciel étoilé, au-dessus de moi. Fasciné par leur scintillement, j'ai soudain compris combien c'est terrible d'avoir été trompé... Je ne sais pas, O Dieu, si tu me donneras la main, mais je te le dis, et tu me comprends...

N'est-ce pas étrange qu'au coeur d'un enfer épouvantable la lumière me soit apparue et que je t'aie découvert ? A part cela, je n'ai rien à te dire. Je suis heureux tout simplement parce que j'ai fait ta connaissance. A minuit nous devons attaquer, mais je n'ai pas peur. Toi, regarde-nous.

C'est le signal ! Je dois partir. J'étais bien avec toi. Je voudrais encore te dire, et tu le sais, que la bataille sera dure : il est possible que cette nuit même je vienne frapper à ta porte. Et même si jusqu'à présent je n'ai pas été ton ami, quand je viendrai, tu me laisseras entrer ?

Mais que se passe-t-il ? Je pleure ?

Mon Dieu, tu vois ce qui m'est arrivé, je ne commence que maintenant à voir clair... A bientôt, mon Dieu, je pars... j'aurai du mal à revenir. Comme c'est étrange, maintenant la mort ne me fait pas peur. (Edito in di V. Cattana, Le più belle preghiere del mondo, Mondadori 2006, p. 188).

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