Vie spirituelle

Méditation sur le Notre Père - Bienheureux Charles de Foucauld





Notre Père, qui êtes au Cieux
Pourquoi choisissez-vous cette qualification plutôt que toute autre, plutôt que « Père juste », « Père saint » ?... C'est sans doute, mon Dieu, pour élever notre âme dès le commencement de la prière bien haut au-dessus de cette pauvre terre, et la placer dès le début où elle doit toujours être, en cette vie et dans l'autre, au ciel sa patrie...C'est aussi pour nous placer dès les premiers mots de nos prières dans l'espérance et la paix : Notre Père est dans les cieux : comment, avec la confiance, n'aurions-nous pas espérance et douce paix ?...
C'est aussi pour nous mettre dès le début dans la joie : comment ne serions-nous pas dans la joie, en pensant que notre Père, notre Dieu, notre Bien-aimé, celui que nous aimons de tout notre coeur, de toute notre âme, de tout notre esprit et de toutes nos forces, jouit pour l'éternité d'un Bonheur infini ?


Que Votre Nom soit sanctifié
Que demandons-nous par ces mots, mon Seigneur ?... Nous demandons tout ce qui est l'objet de nos désirs, tout ce qui est le but, la fin de notre vie, de l'Eglise, et de votre propre vie, mon Seigneur Jésus !
Nous demandons la manifestation de la gloire de Dieu et le salut des hommes... Qu'est-ce en effet que demander que votre Nom soit sanctifié, sinon prier que vous soyez aussi glorifié que possible par tous les hommes, par leurs pensées, leurs paroles et leurs actions ? Et ceci c'est à la fois la manifestation de votre gloire et leur perfection... C'est donc le but à la fois unique et double de toutes nos prières et de toute notre vie que contiennent ces mots : « que votre Nom soit sanctifié »
Avec quel amour, avec quelle chaleur nous devons soupirer vers vous, mon Dieu, pour que cette prière soit exaucée !... Combien de fois elle s'est échappée des lèvres de Notre Seigneur, lui qui n'est venu sur la terre que pour travailler à son accomplissement ! Combien de fois il a demandé à Dieu ce qu'il nous dit de lui demander par ces mots !
Cette prière faisait le fond de ses demandes, comme ce désir était le plus ardent de son coeur, comme leur accomplissement était la fin et tout le travail de sa vie... Que cette prière soit aussi le fond de nos prières, de nos oraisons, de nos désirs ; que non seulement en récitant le Pater nous demandions à Dieu sa gloire et le salut des hommes, mais que la plupart de nos prières n'aient d'autre objet, à l'imitation de Notre-Seigneur : et que toutes nos pensées, nos paroles et nos actions n'aient d'autre but, comme les siennes.
Prions sans cesse pour cela, vivons uniquement pour cela, comme notre divin modèle... Que nos soupirs, nos paroles, nos actes tendent tous à ce que le Nom de Dieu soit glorifié et, pour cela, à ce que les hommes se sanctifient, comme les soupirs, les paroles et les actes du Sauveur tendirent tous à cette fin....
Cela n'empêche pas que nous ne fassions des prières et des actes pour des objets particuliers concourant au but général, comme Notre-Seigneur prie pour ses Apôtres en particulier et instruit, guérit, tel et tel individu : ...par nos actes, nous si petits, n'aurons presque toujours d'influence apparente que sur les individus, mais offrons-les à Dieu, appliquons-les pour le bien général, et dans nos prières, qui touchent et atteignent l'infini, donnons toujours la plus grande part à la demande générale de la manifestation de la gloire Dieu et du salut des âmes, imitant en cela Notre-Seigneur Jésus-Christ.


Que ton Règne vienne
Par cette demande, je demande exactement la même chose que par la précédente : la manifestation de la gloire de Dieu et le salut des hommes... Qu'est-ce en effet que l'arrivée du règne de Dieu, sinon que tous les hommes, le regardant comme le seul Maître auquel ils ont à coeur d'obéir, comme leur Roi tout-puissant et bien-aimé, s'empressent de toutes leurs forces à servir de leur mieux ce Roi béni, emploient tout leur coeur, tout leur esprit, toutes leurs forces, toute leur âme à accomplir le plus parfaitement ses moindres désirs ?...
Et qu'est-ce que ce zèle incomparable de tous les hommes à servir leur Roi céleste de tout leur coeur, sinon la manifestation de la gloire de Dieu et le salut de tous les hommes ?
Combien nous devons prier, soupirer, nous mortifier, diriger nos pensées et nos actions dans ce but, que Notre-Seigneur nous apprend à placer non seulement comme premier, mais encore comme second objet de nos prières !...
Combien cette demande doit faire le fond de nos oraisons, de nos pensées, de nos désirs, puisque Notre-Seigneur nous l'inculque tellement, et puisque nous savons qu'elle a fait le fond de ses prières, de ses entretiens avec son Père pendant toute sa vie !


Que Votre volonté soit faite sur la terre comme elle est faite dans le ciel »
Cette demande est exactement la même que les deux précédentes : elle demande les deux mêmes choses : la manifestation de la gloire de Dieu et la sanctification des hommes...
Qu'est-ce en effet que demander que les hommes fassent la volonté de Dieu, sinon demander qu'ils vivent saintement ?... et la sainteté des hommes, c'est en cela même que consiste la manifestation de la gloire de Dieu sur la terre...
Dans la prière que Notre-Seigneur m'enseigne, il veut donc qu'avant toute autre demande, je prie son Père par trois fois pour la manifestation de sa gloire sur la terre et la sanctification des hommes... Cela me montre combien il avait ces deux objets à coeur, combien elles ont fait le fond de ses désirs, de ses soupirs, de ses prières, comme d'ailleurs elles ont été la fin de toute sa vie ici-bas...
Cela montre aussi combien tout ce qui est propre à glorifier Dieu et à faire du bien aux âmes, réjouit le Coeur de Notre-Seigneur, puisque c'est conforme à ses plus ardents désirs, à l'oeuvre de toute sa vie...Et cela montre combien toute offense contre Dieu et tout ce qui retarde la sanctification d'une âme est douloureux à son Coeur, puisque c'est en opposition directe avec ce qu'il désire le plus ardemment, avec ce qu'il demandait tous les jours à son Père avec larmes et soupirs, à ce pourquoi il a donné tout son Sang...
Nous voyons par là combien ceux qui, comme la bénie Sainte Thérèse, éprouvent un serrement de coeur, une souffrance extrême à la vue, au récit, du moindre péché, commis par qui que ce soit, ont l'Esprit de Notre-Seigneur, qui lui-même éprouvait exactement la même peine en pareil cas, puisqu'il désirait si ardemment, qu'il aimait, chérissait si vivement la gloire, la louange, l'honneur de son Père et la sanctification des hommes...
Nous voyons aussi combien peu ont l'Esprit de Notre-Seigneur, ceux qui peuvent voir commettre des péchés, en entendre raconter sans douleurs : tant qu'on n'éprouve pas cette vive douleur de toute offense contre Dieu qu'éprouvait Sainte Thérèse et bien plus encore Notre-Seigneur, on n'a pas un vrai amour de la manifestation de la gloire de Dieu, on est loin d'avoir l'Esprit de Jésus...
Nous devons donc avoir une joie et un désir extrême de toute bonne action, un zèle extrême pour faire produire le bien ; et une douleur, une crainte extrême de tout ce qui offense Dieu et un zèle extrême pour lui éviter les moindres offenses. (C'est dans cet esprit que Notre-Seigneur chassait les vendeurs du Temple ; que Saint Jean Chrysostome veut que les fidèles reprennent et même frappent les passants, les inconnus qu'ils entendraient blasphémer).


Donnez-nous aujourd'hui notre pain substantiel
Que demandons-nous par là, mon Dieu ? Nous demandons pour aujourd'hui, et en même temps pour toute cette vie présente qui ne dure qu'un jour, le pain qui est au-dessus de toute autre substance, c'est-à-dire le pain surnaturel, le seul qui nous soit nécessaire, le seul dont nous ayons absolument besoin pour atteindre notre fin : ce seul pain nécessaire, c'est la Grâce...
Toutefois il est un autre pain, également spirituel, qui sans être absolument indispensable comme la Grâce est indispensable pour beaucoup et est le bien des biens ; cet autre pain dont le seul mot de pain nous donne la pensée, et qui est un bien si doux, un bien suprême, Dieu même, c'est la Très Sainte Eucharistie : en demandant le pain surnaturel qui nous est le plus nécessaire, nous la demandons certainement...
Nous demandons donc deux choses en demandant notre pain supersubstantiel : d'abord la Grâce, ensuite la Sainte Eucharistie...Mais par-dessus tout, il faut remarquer qu'en demandant ce double pain de la Grâce et de l'Eucharistie, je ne le demande pas pour moi seul, mais pour nous, c'est-à-dire pour tous les hommes...
Je ne fais aucune demande pour moi seul : tout ce que je demande dans le Pater, je le demande ou pour Dieu ou pour tous les hommes : m'oublier, ne penser qu'à Dieu et au prochain, et à moi seulement en vue de Dieu et dans la même mesure que les autres, comme il convient à celui qui aime Dieu par-dessus tout et le prochain comme soi-même, voici ce que Notre-Seigneur me fait pratiquer à chaque demande du Pater...
Donc à chacun des articles du Pater, ne pas prier pour moi seul, ne pas demander pour moi seul, mais avoir bien soin de demander pour tous les hommes, pour « nous » tous, enfants de Notre-Seigneur, aimés de lui, pour « nous » tous qu'il a rachetés de son Sang.


Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons
Après avoir prié Dieu pour ce qui fait la fin de la vie de Notre Seigneur et de la nôtre, après lui avoir demandé ce qui est le plus nécessaire pour atteindre cette fin et le lui avoir demandé pour tous les hommes, après avoir poussé vers lui un soupir de désir en lui demandant ce pain de l'Eucharistie qui est lui-même, nous nous souvenons, après être montés si haut, de ce que nous sommes, de la misère infinie de notre âme qui a de telles aspirations, de tels désirs, de tels besoins, une telle fin.
Et à cette vue, nous disons : « Ayez pitié de nous, car nous sommes pécheurs »... Nous demandons pardon de toute notre âme et pour nous et pour tous ceux qui ont offensé Dieu : nous voyons combien nos péchés sont horribles, combien ils sont en horreur à Dieu, combien ils l'outragent, l'insultent, combien Notre-Seigneur a souffert dans son Coeur de chacune de ces offenses faites à son Père, quelles souffrances il a voulu subir pour les expier, quel prix elles lui ont couté... et alors, entrant dans les sentiments de Notre-Seigneur nous demandons pardon à Dieu avec humilité et repentir, pardon de nos crimes : la douleur de l'avoir offensé nous-mêmes, la douleur de le voir offensé par d'autres s'exhale de nos lèvres par ce cri : « Pardonnez-nous nos offenses ! »...
Et en même temps comme nous sentons qu'on ne peut sérieusement demander pardon à un autre si soi-même on ne pardonne pas, comme d'ailleurs nous voyons clairement que toutes les injures qu'on pourrait nous faire ne sont rien à coté de celles que nous avons faites à Dieu, nous protestons que nous pardonnons, que nous regardons comme rien le mal qu'on a pu nous faire, que nous n'avons pas un regard pour lui, que nous l'avons oublié...
Et nous supplions Dieu de nous pardonner, lui aussi nos offenses énormes envers lui... Le pardon, comme la Grâce, on le demande, non pour soi seul, mais pour tous les hommes.



Ne nous laissez pas succomber à la tentation
Mon Seigneur, expliquez-moi ce que vous voulez que je demande par là et pourquoi vous voulez que je demande ceci plutôt qu'autre chose...
Cette demande, c'est un cri, le cri de toute heure, de toute minute, le cri de « Au secours ! »...
Il faut qu'il ait sa place dans le Pater, parce que, étant la demande obligée de tous les moments de la vie, il doit se trouver dans toute prière...
Je suis tellement entouré d'ennemis que non seulement je ne puis pas atteindre ma fin sans appeler « au secours » à toute heure, mais que je ne peux même pas dire une petite, une courte prière sans crier « au secours »...
Notre-Seigneur me fait faire cette demande dans le Pater parce qu'elle m'est nécessaire à toute heure, qu'elle doit se trouver, au titre de cri de l'âme, cent fois dans toute prière, et pour m'apprendre à pousser dans cesse vers lui, ce cri de « au secours ».


Délivrez-nous du Mal.
Délivrez-nous du péché, le seul mal véritable, le seul mal qui vous offense, votre mal !
Délivrez du péché tous les hommes : de cette manière ils seront saints, et leur sainteté vous glorifiera : votre gloire sera manifestée et leur salut sera assuré, ce qui est la seule chose que nous voulons : délivrez-nous donc du Mal, du péché, mon Dieu, afin que vous soyez glorifié, afin que les hommes soient sauvés...
Cette demande renferme, comme les trois premières, tout ce que nous avons à demander, tout ce qui constitue notre fin, celle de l'Eglise, celle de la vie de Notre-Seigneur ici-bas...Mais elle renferme tout cela d'une manière indirecte et en faisant un retour sur nous-même, en demandant une des choses nécessaires pour accomplir notre fin, tandis que les trois premières phrases demandent directement notre fin dernière, la gloire de Dieu.












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