Benoît XVI de A à Z

Apotres (les Douze)

2006



26 mars 2006 - Angelus
L'Eglise progresse dans l'histoire et se répand sur la terre, accompagnée par Marie, Reine des Apôtres. Comme au Cénacle, la Sainte Vierge constitue toujours pour les chrétiens la mémoire vivante de Jésus. C'est elle qui anime leur prière et soutient leur espérance. Nous lui demandons de nous guider sur le chemin de chaque jour et de protéger avec une prédilection spéciale les communautés chrétiennes qui vivent dans des situations de grande difficulté et de grandes souffrances.



1er septembre 2006 - Sanctuaire de la Sainte Face de Manopello
Lorsque je priais tout à l'heure, je pensais aux deux premiers Apôtres, qui, sur l'invitation de Jean-Baptiste, suivirent Jésus près du Jourdain - comme nous le lisons au début de l'Evangile de Jean (cf. Jn 1, 35-37). L'évangéliste rapporte que Jésus se tourna vers eux et leur demanda: « Que cherchez-vous ? Ils lui répondirent: « Rabbi, où demeures-tu ? ». Il dit alors : « Venez et voyez » (cf. Jn 1, 38-39). Ce même jour, les deux disciples qui Le suivirent vécurent une expérience inoubliable, qui les amena à affirmer : « Nous avons trouvé le Messie » (Jn 1, 41). Celui que, quelques heures auparavant, ils considéraient comme un simple « rabbi », avait acquis une identité bien précise, celle du Christ attendu depuis des siècles. Mais, en réalité, que de route ces disciples avaient encore devant eux ! Ils ne pouvaient pas même imaginer combien le mystère de Jésus de Nazareth pouvait être profond ; combien sa « face » pouvait se révéler insondable, impénétrable. Si bien que, après avoir vécu trois ans ensemble, Philippe, l'un d'eux, s'entendra dire au cours de la Dernière Cène: « Voilà si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ? ». Et ensuite, ces paroles qui expriment toute la nouveauté de la révélation de Jésus: « Qui m'a vu a vu le Père » (Jn 14, 9). Ce n'est qu'après sa passion, lorsqu'ils rencontreront le Christ ressuscité, quand l'Esprit illuminera leurs esprits et leurs coeurs, que les Apôtres comprendront la signification des paroles que Jésus avait prononcées, et ils Le reconnaîtront comme le Fils de Dieu, le Messie promis pour la rédemption du monde. Ils deviendront alors ses messagers inlassables, des témoins courageux jusqu'au martyre.



19 octobre 2006 - Homélie de la Messe dans le stade de Verona
A partir du jour de la Pentecôte la lumière du Seigneur ressuscité a transfiguré la vie des Apôtres. Ceux-ci avaient désormais la claire perception de ne pas être simplement des disciples d'une doctrine nouvelle et intéressante, mais des témoins choisis et responsables d'une révélation à laquelle était lié le salut de leurs contemporains et de toutes les générations futures. La foi pascale remplissait leur cœur d'une ardeur et d'un zèle extraordinaires, qui les rendait prêts à affronter chaque difficulté et même la mort, et qui donnait à leurs paroles une irrésistible énergie de persuasion. Ainsi, un groupe de personnes, dépourvues de ressources humaines et uniquement fortes de leur foi, affronta sans peur de dures persécutions et le martyre. L'Apôtre Jean écrit : «Et ce qui nous a fait vaincre le monde, c'est notre foi» (1 Jn 5, 4b).



10 décembre 2006 - Homélie consécration de l'église paroissiale Sainte Marie Etoile de l'Evangélisation
Je voudrais mentionner les douze fondements de la cité, sur lesquels se trouvent les noms des douze Apôtres. Les fondements de la ville ne sont pas des pierres matérielles, mais des êtres humains - ce sont les Apôtres avec le témoignage de leur foi. Les Apôtres demeurent les fondements de base de la nouvelle cité, de l'Eglise, à travers le ministère de la succession apostolique: à travers les Evêques. Les cierges que nous allumons contre les murs des églises dans les lieux où seront faites les onctions rappellent, précisément, les Apôtres: leur foi est la véritable lumière qui illumine l'Eglise. Et dans le même temps, elle est le fondement sur laquelle celle-ci repose. La foi des Apôtres n'est pas une chose dépassée. Puisqu'elle est la vérité, elle est le fondement sur lequel nous nous trouvons, elle est la lumière grâce à laquelle nous voyons.



2007



14 février 2007 - Audience Générale
Les Evangiles nous informent que les femmes, à la différence des Douze, n'abandonnèrent pas Jésus à l'heure de la Passion (cf. Mt 27, 56.61 ; Mc 15, 40).



1er avril 2007 - Homélie Messe des Rameaux - XXIIème JMJ
Dans la procession du Dimanche des Rameaux, nous nous associons à la foule des disciples qui, dans une joyeuse fête, accompagnent le Seigneur lors de son entrée à Jérusalem. Comme eux, nous louons le Seigneur à pleine voix pour tous les prodiges que nous avons vus. Oui, nous aussi nous avons vu et nous voyons encore les prodiges du Christ: comment il conduit les hommes et les femmes à renoncer aux commodités de leur vie et à se mettre totalement au service des personnes qui souffrent; comment Il donne aux hommes et aux femmes le courage de s'opposer à la violence et au mensonge, pour laisser place à la vérité dans le monde; comment, dans le secret, Il incite les hommes et les femmes à faire du bien aux autres, à susciter la réconciliation là où régnait la haine, à édifier la paix là où régnait l'inimitié.

La procession est tout d'abord un joyeux témoignage que nous rendons à Jésus Christ, dans lequel le Visage de Dieu nous a été rendu visible et grâce auquel le cœur de Dieu nous est ouvert à tous. Dans l'Evangile de Luc, le récit du début du cortège près de Jérusalem est composé en partie littéralement sur le modèle du rite du couronnement avec lequel, selon le Premier Livre des Rois, Salomon fut institué comme héritier de la royauté de David (cf. 1 R 1, 33-35). Ainsi, la procession des Rameaux est également une procession du Christ Roi: nous professons la royauté de Jésus Christ, nous reconnaissons Jésus comme le Fils de David, le véritable Salomon - le Roi de la paix et de la justice. Le reconnaître comme Roi signifie : l'accepter comme Celui qui nous indique le Chemin, celui à qui nous faisons confiance et que nous suivons. Cela signifie accepter jour après jour sa parole comme critère valable pour notre vie. Cela signifie voir en Lui l'autorité à laquelle nous nous soumettons. Nous nous soumettons à Lui, car son autorité est l'autorité de la vérité.

La procession des Rameaux est tout d'abord - comme elle le fut ce jour-là pour les disciples - une expression de joie, car nous pouvons connaître Jésus, parce qu'Il nous accorde d'être ses amis et parce qu'il nous a donné la clé de la vie. Cette joie, qui existe au début, est cependant également l'expression de notre "oui" à Jésus et de notre disponibilité à aller avec Lui partout où il nous conduit. L'exhortation qui se trouvait aujourd'hui au début de notre liturgie interprète donc, à juste titre, la procession également comme une représentation symbolique de ce que nous appelons "sequela Christi" : "Nous demandons la grâce de le suivre", avons-nous dit. L'expression "sequela Christi" est une description de toute l'existence chrétienne en général. En quoi consiste-t-elle ? Que signifie concrètement "suivre le Christ" ?

Au début, avec les premiers disciples, le sens était beaucoup plus simple et immédiat: cela signifiait que ces personnes avaient décidé de quitter leur profession, leurs affaires, toute leur vie pour aller avec Jésus. Cela signifiait entreprendre une nouvelle profession: celle de disciple. Le contenu fondamental de cette profession était d'aller avec le maître, de se confier totalement à sa direction. Ainsi, la "sequela" était quelque chose d'extérieur et, dans le même temps, très intérieure. L'aspect extérieur était le fait de marcher derrière Jésus dans ses pèlerinages à travers la Palestine; l'aspect intérieur était la nouvelle orientation de l'existence, qui n'avait plus ses points de référence dans les affaires, dans le métier qui permettait de vivre, dans la volonté personnelle, mais qui s'abandonnait totalement à la volonté d'un Autre. Etre à sa disposition était désormais devenu une raison de vivre. Quelques scènes de l'Evangile nous donnent une idée très claire du renoncement au propre bien et du détachement par rapport à soi-même que cela comporte.

Mais avec cela se manifeste également ce que signifie pour nous la "sequela" et quelle est sa véritable essence pour nous: il s'agit d'une mutation intérieure de l'existence. Cela exige que je ne sois plus enfermé dans mon moi, en considérant ma propre réalisation comme la raison principale de ma vie. Cela exige que je me donne librement à un Autre - pour la vérité, pour l'amour, pour Dieu qui, en Jésus Christ, me précède et m'indique le chemin. Il s'agit de la décision fondamentale de ne plus considérer l'utilité et le gain, la carrière et le succès comme les buts ultimes de ma propre vie, mais de reconnaître en revanche comme critères authentiques la vérité et l'amour. Il s'agit du choix entre vivre uniquement pour moi-même ou me donner - pour la chose la plus grande. Et il faut bien considérer que la vérité et l'amour ne sont pas des valeurs abstraites; en Jésus Christ, elles sont devenues personne. En Le suivant, j'entre au service de la vérité et de l'amour. En me perdant, je me retrouve.

Revenons à la liturgie et à la procession des Rameaux. Dans celle-ci, la liturgie prévoit comme chant le Psaume 24 [23], qui était également en Israël un chant de procession utilisé lors de la montée sur le mont du temple. Le Psaume interprète la montée intérieure dont la montée extérieure est l'image et il nous explique ainsi encore une fois ce que signifie monter avec le Christ. "Qui peut gravir la montagne du Seigneur ?", demande le Psaume, qui indique deux conditions essentielles. Ceux qui montent et qui veulent vraiment atteindre les hauteurs, arriver jusqu'au véritable sommet, doivent être des personnes qui s'interrogent sur Dieu. Des personnes qui scrutent autour d'elles pour chercher Dieu, pour chercher son Visage. Chers jeunes amis - comme cela est important précisément aujourd'hui: ne pas se laisser entraîner ici et là dans la vie; ne pas se contenter de ce que tout le monde pense, dit et fait. Scruter Dieu et chercher Dieu. Ne pas laisser que la question sur Dieu se dissolve dans nos âmes. Le désir de ce qui est le plus grand. Le désir de Le connaître - son Visage...

L'autre condition très concrète pour la montée est la suivante: celui qui "a les mains innocentes et le cœur pur" peut se tenir dans le lieu saint. Des mains innocentes - ce sont des mains qui ne sont pas utilisées pour des actes de violence. Ce sont des mains qui ne se sont pas salies par la corruption, les pots-de-vin. Un cœur pur - quand le cœur est-il pur? Un cœur est pur lors qu'il ne fait pas semblant, lorsqu'il ne se tache pas avec le mensonge et l'hypocrisie. C'est un cœur qui reste transparent comme l'eau d'une source, car il ne connait pas la duplicité. Un cœur est pur lorsqu'il ne se laisse pas troubler par l'ivresse du plaisir; c'est un cœur dont l'amour est véritable et pas seulement la passion d'un moment. Des mains innocentes et un cœur pur: si nous marchons avec Jésus, nous montons et nous trouvons les purifications qui nous conduisent vraiment à cette hauteur à laquelle l'homme est destiné: l'amitié avec Dieu lui-même.

Le Psaume 24 [23] qui parle de la montée se termine par une liturgie d'entrée devant la porte du temple: "Portes, levez vos frontons, levez-les, portes éternelles: qu'il entre le roi de gloire". Dans l'ancienne liturgie du Dimanche des Rameaux, le prêtre, parvenu devant l'église, frappait puissamment avec un bras de la croix de la procession à la porte encore fermée, qui s'ouvrait alors. C'était une belle image du mystère de Jésus lui-même qui, avec le bois de sa croix, avec la force de son amour qui se donne, a frappé du côté du monde à la porte de Dieu; du côté d'un monde qui ne réussissait pas à trouver un accès à Dieu. Avec la croix, Jésus a ouvert toute grande la porte de Dieu, la porte entre Dieu et les hommes. A présent, celle-ci est ouverte. Mais de l'autre côté également, le Seigneur frappe avec sa croix: il frappe aux portes du monde, aux portes de nos cœurs, qui si souvent et en si grand nombre sont fermées pour Dieu. Et il nous parle plus ou moins ainsi: si les preuves que Dieu te donne de son existence dans la création ne réussissent pas à t'ouvrir à Lui; si la parole de l'Ecriture et le message de l'Eglise te laissent indifférent - alors regarde-moi, regarde le Dieu qui pour toi a souffert, qui souffre personnellement avec toi - vois que je souffre par amour pour toi ouvre-toi à moi, ton Seigneur et ton Dieu.

Tel est l'appel, qu'en cette heure, nous laissons pénétrer dans notre cœur. Que le Seigneur nous aide à ouvrir la porte de notre cœur, la porte du monde, afin que Lui, le Dieu vivant, puisse à travers son Fils arriver dans notre temps, atteindre notre vie.



7 juin 2007 - Homélie Messe Corpus Domini
Dans l'Exhortation post-synodale, en commentant l'exclamation du prêtre après la consécration: "Il est grand le mystère de la foi!", j'observais: à travers ces paroles, il "proclame le mystère qui est célébré et il manifeste son émerveillement devant la conversion substantielle du pain et du vin en corps et en sang du Seigneur Jésus, réalité qui dépasse toute compréhension humaine" (n. 6). Précisément parce qu'il s'agit d'une réalité mystérieuse qui dépasse notre compréhension, nous ne devons pas nous étonner si, aujourd'hui encore, de nombreuses personnes ont du mal à accepter la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie. Il ne peut en être autrement. Il en fut ainsi depuis le jour où, dans la synagogue de Capharnaüm, Jésus déclara publiquement être venu pour nous donner en nourriture sa chair et son sang (cf. Jn 6, 26-58). Ce langage apparut "dur" et de nombreuses personnes se retirèrent. A l'époque, comme aujourd'hui, l'Eucharistie demeure "un signe de contradiction" et ne peut manquer de l'être, car un Dieu qui se fait chair et se sacrifie pour la vie du monde met en crise la sagesse des hommes. Mais avec une humble confiance, l'Eglise fait sienne la foi de Pierre et des autres Apôtres, et proclame avec eux, tout comme nous proclamons: "Seigneur, à qui irons-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle" (Jn 6, 68). Renouvelons nous aussi la profession de foi dans le Christ vivant et présent dans l'Eucharistie. Oui, "c'est un dogme pour les chrétiens, / que le pain se change en son Corps / que le vin devient son Sang".



11 juin 2007, au congrès annuel du Diocèse de Rome, Basilique Saint Jean de Latran
"Jésus est le Seigneur". Nous le retrouvons déjà dans la déclaration solennelle qui conclut le discours de Pierre lors de la Pentecôte, lorsque le premier des Apôtres a dit: "Que toute la maison d'Israël le sache donc avec certitude: Dieu l'a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous avez crucifié". (Ac 2, 36). La conclusion du grand hymne au Christ, contenu dans la Lettre de Paul aux Philippiens, est analogue: "Que toute langue proclame de Jésus Christ qu'il est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père" (2, 11). Saint Paul encore, dans le salut final de la Première Epître aux Corinthiens, s'exclame: "Si quelqu'un n'aime pas le Seigneur, qu'il soit anathème! Maran atha! notre Seigneur, viens!" (1 Co 16, 22), nous transmettant ainsi la très antique invocation en langue araméenne de Jésus comme Seigneur. On pourrait ajouter diverses autres citations: je pense au douzième chapitre de l'Epître aux Corinthiens elle-même, où saint Paul dit: "Nul ne peut dire "Jésus est Seigneur" s'il n'est avec l'Esprit Saint" (1 Co 12, 3). Et il déclare ainsi que telle est la confession fondamentale de l'Eglise, guidée par l'Esprit Saint. Nous pourrions penser également au dixième chapitre de l'Epître aux Romains, où l'Apôtre dit: "si tu affirmes de ta bouche que Jésus est Seigneur" (Rm 10, 9), rappelant également aux chrétiens de Rome que cette parole - "Jésus est le Seigneur" - est la confession commune de l'Eglise, le fondement certain de toute la vie de l'Eglise. De ces paroles s'est développée toute la confession du Credo apostolique, du Credo de Nicée. Dans un autre passage de la Première Epître aux Corinthiens également, Paul affirme; "Car bien qu'il y ait, soit au ciel, soit sur la terre, de prétendus dieux - et de fait il y a quantité de Dieu et quantité de seigneurs - pour nous en tous cas, il n'y a qu'un seul Dieu, le Père, de qui tout vient et pour qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus Christ, par qui tout existe et par qui nous sommes" (1 Co 8, 5-6). Ainsi, dès le début, les disciples ont reconnu en Jésus ressuscité celui qui est notre frère en humanité, mais qui ne fait également qu'un en Dieu; celui qui, à travers sa venue dans le monde et dans toute sa vie, sa mort et sa résurrection, nous a apporté Dieu, a rendu de façon nouvelle et unique Dieu présent dans le monde, celui donc qui donne une signification et une espérance à notre vie: en lui, en effet, nous rencontrons le véritable visage de Dieu, ce dont nous avons réellement besoin pour vivre.



29 juin 2007 - Homélie Messe Solennité des Sts Pierre et Paul
La fête d'aujourd'hui m'offre l'opportunité de revenir encore une fois méditer sur la confession de Pierre, un moment décisif du chemin des disciples avec Jésus. Les Evangiles synoptiques le situent à proximité de Césarée de Philippe (cf. Mt 16, 13-20; Mc 8, 27-30; Lc 9, 18-22). Jean, pour sa part, nous transmet une autre confession significative de Pierre, après le miracle des pains et le discours de Jésus dans la Synagogue de Capharnaüm (cf. Jn 6, 66-70). Matthieu rappelle l'attribution à Simon de la part de Jésus du surnom de Céphas, "Pierre". Jésus affirme vouloir édifier "sur cette pierre" son Eglise et, dans cette perspective, il confère à Pierre le pouvoir des clés (cf. Mt 16, 17-19). A partir de ces récits, il apparaît clairement que la confession de Pierre est inséparable de la charge pastorale qui lui est confiée à l'égard du troupeau du Christ.

Selon tous les Evangélistes, la confession de Simon a lieu à un moment décisif de la vie de Jésus lorsque, après la prédication en Galilée, il se dirige résolument vers Jérusalem pour mener à bien, à travers la mort sur la croix et la résurrection, sa mission salvifique. Les disciples participent à cette décision: Jésus les invite à faire un choix qui les conduira à se distinguer de la foule pour devenir la communauté des croyants en Lui, sa "famille", le début de l'Eglise. En effet, il y a deux manières de "voir" et de "connaître" Jésus: l'une - celle de la foule - plus superficielle, l'autre - celle des disciples - plus pénétrante et plus authentique. Avec la double question: "Que disent les gens - Que dites-vous de moi?", Jésus invite les disciples à prendre conscience de cette perspective différente. Les gens pensent que Jésus est un prophète. Ce n'est pas faux, mais cela n'est pas suffisant; cela est impropre. Il s'agit en effet d'aller en profondeur, de reconnaître la singularité de la personne de Jésus de Nazareth, sa nouveauté. Aujourd'hui aussi, il en est de même: beaucoup approchent Jésus, pour ainsi dire, de l'extérieur. De grands chercheurs en reconnaissent l'envergure spirituelle et morale et l'influence sur l'histoire de l'humanité, en le comparant à Bouddha, Confucius, Socrate et aux autres sages et grands personnages de l'histoire. Il ne parviennent pas toutefois à le reconnaître dans son unicité. Il vient à l'esprit ce que dit Jésus à Philippe au cours de la Dernière Cène: "Voilà si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe?" (Jn 14, 9). Souvent Jésus est également considéré comme l'un des grands fondateurs de religions, dont chacun peut prendre quelque chose pour se former une conviction propre. Comme à l'époque, aujourd'hui aussi, les "gens" ont donc des opinions différentes sur Jésus. Et comme à l'époque, à nous aussi, disciples d'aujourd'hui, Jésus répète sa question: "Mais pour vous, qui suis-je?". Nous voulons faire nôtre la réponse de Pierre. Selon l'Evangile de Marc, Il dit: "Tu es le Christ" (8, 29); chez Luc l'affirmation est: "Le Christ de Dieu" (9, 20); chez Matthieu résonne: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant" (16, 16); enfin, chez Jean: "Tu es le Saint de Dieu" (6, 69). Ce sont autant de réponses justes, valables pour nous également.

Arrêtons-nous en particulier sur le texte de Matthieu, reproposé par la liturgie d'aujourd'hui. Selon certains chercheurs, la formule qui y apparaît présuppose le contexte post-pascal, et serait même liée à une apparition personnelle de Jésus ressuscité à Pierre; une apparition analogue à celle qu'eut Paul sur le chemin de Damas. En réalité la charge conférée par le Seigneur à Pierre est enracinée dans la relation personnelle que la personne historique de Jésus eut avec le pêcheur Simon, à commencer par la première rencontre avec lui, lorsqu'il lui dit: "Tu es Simon... tu t'appelleras Céphas (qui veut dire Pierre)" (Jn 1, 42). C'est l'évangéliste Jean qui le souligne, lui aussi pêcheur et associé, avec son frère Jacques, des deux frères Simon et André. Le Jésus qui, après la résurrection, appela Saul, est le même qui - encore plongé dans l'histoire - approcha, après le baptême dans le Jourdain, les quatre frères pêcheurs, alors disciples du Baptiste (cf. Jn 1, 35-42). Il alla les chercher sur la rive du lac de Galilée, et il les appela à le suivre pour être des "pêcheurs d'hommes" (cf. Mc 1, 16-20). Il confia ensuite à Pierre un devoir particulier, en reconnaissant ainsi en lui un don spécial de foi de la part du Père céleste. Tout cela, évidemment, reçut ensuite l'éclairage de l'expérience pascale, mais en demeurant toujours fermement ancré dans les événements historiques précédant la Pâque. Le parallélisme entre Pierre et Paul ne peut pas réduire la portée du chemin historique de Simon avec son Maître et Seigneur, qui dès le commencement lui attribua la caractéristique de "roc" sur lequel il allait édifier sa nouvelle communauté, l'Eglise.

Dans les Evangiles synoptiques la confession de Pierre est toujours suivie par l'annonce, de la part de Jésus, de sa passion prochaine. Une annonce devant laquelle Pierre réagit, parce qu'il ne réussit pas encore à comprendre. Et il s'agit pourtant d'un élément fondamental, sur lequel Jésus insiste donc avec force. En effet, les titres qui Lui sont attribués par Pierre - tu es "le Christ", "le Christ de Dieu, "le Fils du Dieu vivant" - ne se comprennent de manière authentique qu'à la lumière du mystère de sa mort et de sa résurrection. Et le contraire est également vrai: l'événement de la croix révèle son sens plénier seulement si "cet homme", qui a souffert et qui est mort sur la croix, "était vraiment fils de Dieu", pour reprendre les paroles prononcées par le centurion devant le Crucifié (cf. Mc 15, 39). Ces textes disent clairement que l'intégrité de la foi chrétienne est donnée par la confession de Pierre, éclairée par l'enseignement de Jésus sur son "chemin" vers la gloire, c'est-à-dire sur sa manière absolument singulière d'être le Messie et le Fils de Dieu. Un "chemin" étroit, une "manière" scandaleuse pour les disciples de tout temps, qui inévitablement sont amenés à penser selon les hommes et non selon Dieu (cf. Mt 16, 23). Aujourd'hui encore, comme aux temps de Jésus, il ne suffit pas de posséder la juste confession de foi: il est nécessaire d'apprendre toujours à nouveau du Seigneur la manière particulière avec laquelle il est le Sauveur et le chemin sur lequel nous devons le suivre. Nous devons en effet reconnaître que, même pour le croyant, la Croix est toujours difficile à accepter. L'instinct pousse à l'éviter, et le tentateur induit à penser qu'il est plus sage de se préoccuper de se sauver soi-même plutôt que de perdre sa vie par fidélité à l'amour, par fidélité au Fils de Dieu qui s'est fait homme.

Qu'était-il difficile d'accepter pour les personnes auxquelles Jésus s'adressait? Qu'est-ce qui continue de l'être encore pour beaucoup de personnes d'aujourd'hui? Ce qui est difficile à accepter, c'est le fait qu'il prétende être non seulement l'un des prophètes, mais le Fils de Dieu, et qu'il revendique pour lui-même la même autorité que Dieu. En l'écoutant prêcher, en le voyant guérir les malades, évangéliser les petits et les pauvres, réconcilier les pécheurs, les disciples parvinrent à comprendre peu à peu qu'il était le Messie au sens le plus élevé du terme, ce qui signifie qu'il n'était pas seulement un homme envoyé par Dieu, mais Dieu lui-même qui s'est fait homme. Bien sûr, tout cela était bien plus grand qu'eux, cela dépassait leur capacité d'entendement. Ils pouvaient exprimer leur foi avec les titres de la tradition hébraïque: "Christ", "Fils de Dieu", "Seigneur". Mais pour adhérer vraiment à la réalité, ces titres devaient en quelque sorte être redécouverts dans leur vérité la plus profonde: Jésus lui-même, à travers sa vie, en a révélé le sens plénier, toujours surprenant, et même paradoxal par rapport aux conceptions courantes. Et la foi des disciples a dû s'adapter progressivement. Elle nous apparaît comme un pèlerinage qui possède son moment originel dans l'expérience de Jésus historique, qui trouve son fondement dans le mystère pascal, mais qui doit ensuite aller encore de l'avant grâce à l'action de l'Esprit Saint. Telle est également la foi de l'Eglise au cours de l'histoire, telle est également la foi qui est la nôtre, chrétiens d'aujourd'hui. Solidement appuyée sur le "roc" de Pierre, elle est un pèlerinage vers la plénitude de cette vérité que le Pêcheur de Galilée professa avec une conviction passionnée: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant" (Mt 16, 16).

Que nous guide et que nous accompagne toujours par son intercession la sainte Mère de Dieu: que sa foi indéfectible, qui soutint la foi de Pierre et des autres Apôtres continue de soutenir celle des générations chrétiennes, notre propre foi: Reine des Apôtres, prie pour nous! Amen.



4 juillet 2007 - Appel du Pape aux jeunes en préparation à la Journée mondiale de la Jeunesse 2008, lors de l'Audience Générale
« Vous allez recevoir une force, celle de l'Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins jusqu'aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8). Nous ne pouvons qu'imaginer la réaction des Apôtres lorsqu'ils entendirent ces paroles, mais leur confusion était sans aucun doute tempérée par un sentiment de crainte et d'impatience quant à la venue de l'Esprit. Unis dans la prière avec Marie et les autres, dans le Cénacle (cf. Ac 1, 14), ils firent l'expérience de la véritable puissance de l'Esprit dont la présence transforme l'incertitude, la crainte et la division en détermination, espérance et communion.



8 septembre 2007 - Homélie Messe au Sanctuaire Marial de Mariazell
Aller en pèlerinage signifie être orientés dans une certaine direction, marcher vers un objectif. Cela confère également au chemin et à ses difficultés une beauté qui leur est propre. Parmi les pèlerins de la généalogie de Jésus, certains avaient oublié l'objectif et voulaient se présenter eux-mêmes comme cet objectif. Mais le Seigneur a toujours suscité à nouveau également des personnes qui se sont laissées entraîner par la nostalgie de l'objectif, en orientant leur propre vie vers lui. L'élan vers la foi chrétienne, le début de l'Eglise de Jésus Christ a été possible, parce qu'existaient en Israël des personnes dont le cœur était en quête - des personnes qui ne se sont pas installées dans l'habitude, mais qui ont regardé au loin, à la recherche de quelque chose de plus grand: Zacharie, Elisabeth, Siméon, Anne, Marie et Joseph, les Douze et beaucoup d'autres. Leur cœur étant en attente, ils pouvaient reconnaître en Jésus Celui que Dieu avait envoyé et devenir ainsi le début de sa famille universelle. L'Eglise des nations est devenue possible car, que ce soit dans la région de la Méditerranée et dans la proche ou la moyenne Asie, là où arrivaient les Messagers de Jésus, il y avait des personnes en attente qui ne se contentaient pas de ce que tous faisaient et pensaient, mais qui cherchaient l'étoile qui pouvait leur indiquer la voie vers la Vérité même, vers le Dieu vivant.



22 septembre 2007 Aux nouveaux Évêques nommés au cours de l'année
L'évangéliste Luc écrit que Jésus Christ choisit les douze Apôtres après avoir passé toute la nuit sur la montagne à prier (Lc 6, 12); et l'Evangéliste Marc précise que les douze furent choisis pour "qu'ils soient avec lui, et pour les envoyer prêcher" (Mc 3, 14). Très chers confrères, nous aussi, comme les Apôtres, en tant que leurs successeurs, nous sommes appelés tout d'abord pour demeurer avec le Christ, pour le connaître plus profondément et participer à son mystère d'amour et à sa relation pleine de confiance avec le Père. Dans la prière profonde et personnelle, l'Evêque, comme tous les fidèles et plus encore qu'eux, est appelé à croître dans l'esprit filial envers Dieu, en apprenant de Jésus lui-même la familiarité, la confiance et la fidélité, des attitudes qui sont les siennes dans sa relation avec le Père.

Et les Apôtres avaient bien compris que l'écoute dans la prière et l'annonce des choses écoutées devaient avoir la primauté sur de nombreuses choses à accomplir, car ils décidèrent: "Nous resterons fidèles à la prière et au service de la Parole" (Ac 6, 4).



2008



17 juillet 2008 - Accueil des jeunes à Sydney
Il y a presque deux mille ans, les Apôtres, réunis à l'étage de la maison, avec Marie (cf. Ac 1, 14) et avec quelques femmes fidèles, furent remplis de l'Esprit Saint (cf. Ac 2, 4). En cet instant extraordinaire, qui manifesta la naissance de l'Église, le trouble et la peur qui avaient saisi les Disciples du Christ, se sont transformées en une vigoureuse conviction, et en une prise de conscience d'un objectif. Ils se sentirent poussés à parler de leur rencontre avec Jésus ressuscité, que désormais, ils appelaient affectueusement le Seigneur. À bien des égards, les Apôtres étaient des personnes ordinaires. Aucun d'eux ne pouvait prétendre qu'il était un disciple parfait. Ils n'avaient pas su reconnaître le Christ (cf. Lc 24, 13-32), ils avaient dû rougir de leur ambition (cf. Lc 22, 24-27), ils l'avaient même renié (cf. Lc 22, 54-62). Et pourtant, quand ils furent remplis de l'Esprit Saint, ils furent transpercés par la vérité de l'Évangile du Christ et ils se sentirent poussés à le proclamer sans crainte. Rassurés, ils s'écrièrent : repentez-vous, faites-vous baptiser, recevez l'Esprit Saint (cf. Ac 2, 37-38) ! Fondée sur l'enseignement des Apôtres et y adhérant, rompant le pain et priant (cf. Ac 2, 42), la jeune communauté chrétienne se leva pour s'opposer à la perversité de la culture qui l'entourait (cf. Ac 2, 40), pour prendre soin de ses propres membres (cf. Ac 2, 44-47), pour défendre sa foi en Jésus face aux oppositions (cf. Ac, 4, 33) et pour guérir les malades (cf. Ac 5, 12-16). Et, obéissant au commandement du Christ lui-même, ils partirent, rendant témoignage à la plus grande histoire de tous les temps : que Dieu s'est fait l'un de nous, que le divin est entré dans l'histoire humaine pour la transformer, et que nous sommes appelés à nous immerger dans l'amour salvifique du Christ qui triomphe du mal et de la mort. Dans son célèbre discours à l'aréopage, saint Paul introduisit ainsi le message : Dieu donne toute chose à chacun, y compris le souffle et la vie, afin que toutes les Nations puissent le chercher, si jamais, marchant à tâtons, elles arrivent à le trouver. En effet, il n'est pas loin de chacun de nous, puisque en lui il nous est donné de vivre, de nous mouvoir, d'exister (cf. Ac 17, 25-28).



18 juillet 2008 - rencontre œcuménique dans la crypte de la cathédrale de Sydney
Chaque élément de la structure de l'Église est important, cependant ils vacilleraient et s'écrouleraient tous sans la pierre angulaire qu'est le Christ. En tant que « concitoyens » de cette « demeure de Dieu », les chrétiens doivent travailler ensemble pour s'assurer que l'édifice soit solide afin que d'autres personnes aient envie d'y entrer et de découvrir les nombreux trésors de grâce qui s'y trouvent. En promouvant les valeurs chrétiennes, nous ne devons pas négliger de proclamer leur source, en donnant un témoignage commun de Jésus Christ le Seigneur. C'est Lui qui a confié cette mission aux Apôtres, c'est de Lui que les prophètes ont parlé, et c'est Lui que nous offrons au monde.



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