Benoît XVI de A à Z

Présence de Dieu

2005

 

20 août 2005 – JMJ Cologne - Veillée avec les jeunes

     Dans notre pèlerinage avec les mystérieux Mages d'Orient, nous sommes arrivés au moment que saint Matthieu, dans son Evangile, décrit ainsi:  "En entrant dans la maison (sur laquelle l'étoile s'était arrêtée), ils virent l'enfant avec Marie sa mère; et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui" (Mt 2, 11). Le cheminement extérieur de ces hommes était achevé. Ils étaient parvenus à leur but. Mais, à ce point, commence pour eux un nouveau cheminement, un pèlerinage intérieur qui change toute leur vie, parce qu'ils avaient sûrement imaginé ce Roi nouveau-né d'une manière différente. Ils s'étaient précisément arrêtés à Jérusalem pour recueillir auprès du Roi local des informations sur le Roi promis qui venait de naître. Ils savaient que le monde était désordonné, et c'est pourquoi leur coeur était inquiet. Ils étaient certains que Dieu existait et qu'il était un Dieu juste et bienveillant. Et peut-être avaient-ils entendu parler des grandes prophéties dans lesquelles les prophètes d'Israël annonçaient un Roi qui serait en harmonie intime avec Dieu et qui, en son nom et pour son compte, rétablirait l'ordre dans le monde. Pour chercher ce Roi, ils s'étaient mis en route:  au plus profond d'eux-mêmes, ils étaient à la recherche du droit, de la justice qui devait venir de Dieu, et ils voulaient servir ce Roi, se prosterner à ses pieds et ainsi contribuer eux-mêmes au renouveau du monde. Ils appartenaient à cette sorte de gens "qui ont faim et soif de la justice" (Mt 5, 6). Une telle faim et une telle soif les avaient accompagnés dans leur pèlerinage - ils s'étaient fait pèlerins à la recherche de la justice qu'ils attendaient de Dieu, pour pouvoir se mettre à son service.

     Même si les autres personnes, celles qui étaient restées chez elles, les considéraient peut-être comme des utopistes et des rêveurs - ils étaient au contraire des personnes qui avaient les pieds sur terre et qui savaient que, pour changer le monde, il faut disposer du pouvoir. C'est pourquoi ils ne pouvaient chercher l'enfant de la promesse ailleurs que dans le palais du Roi. Maintenant, ils se prosternent cependant devant un enfant de pauvres gens, et ils en viennent rapidement à savoir que, fort de son pouvoir, Hérode - le Roi auprès duquel ils s'étaient rendus - avait l'intention de le poursuivre, en sorte qu'il ne resterait plus à la famille que la fuite et l'exil. Le nouveau Roi, devant lequel ils s'étaient prosternés, était très différent de ce qu'ils attendaient. Ainsi, ils devaient apprendre que Dieu est différent de la façon dont habituellement nous l'imaginons. C'est ici que commença leur cheminement intérieur. Il commença au moment même où ils se prosternèrent devant l'enfant et où ils le reconnurent comme le Roi promis. Mais la joie qu'ils manifestaient par leurs gestes devait s'intérioriser.

Ils devaient changer leur idée sur le pouvoir, sur Dieu et sur l'homme, et, ce faisant, ils devaient aussi se changer eux-mêmes. Maintenant, ils le constataient:  le pouvoir de Dieu est différent du pouvoir des puissants de ce monde. Le mode d'agir de Dieu est différent de ce que nous imaginons et de ce que nous voudrions lui imposer à lui aussi. Dans ce monde, Dieu n'entre pas en concurrence avec les formes terrestres du pouvoir. Il n'a pas de divisions à opposer à d'autres divisions. Dieu n'a pas envoyé à Jésus, au Jardin des Oliviers, douze légions d'anges pour l'aider (cf. Mt 26, 53). Au pouvoir tapageur et pompeux de ce monde, Il oppose le pouvoir sans défense de l'amour qui, sur la Croix - et ensuite continuellement au cours de l'histoire - succombe et qui cependant constitue la réalité nouvelle, divine, qui s'oppose ensuite à l'injustice et instaure le Règne de Dieu. Dieu est différent - c'est cela qu'ils reconnaissent maintenant. Et cela signifie que, désormais, eux-mêmes doivent devenir différents, ils doivent apprendre le style de Dieu.

        "En entrant dans la maison, ils virent l'enfant avec Marie sa mère; et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui" (Mt 2, 11). Chers amis, il ne s'agit pas d'une histoire lointaine, survenue il y a très longtemps. Il s'agit d'une présence. Ici, dans la sainte hostie, Il est devant nous et au milieu de nous. Comme en ce temps-là, il se voile mystérieusement dans un silence sacré et, comme en ce temps-là, se dévoile précisément le vrai visage de Dieu. Il s'est fait pour nous le grain de blé tombé en terre, qui meurt et qui porte du fruit jusqu'à la fin du monde (cf. Jn 12, 24). Il est présent comme en ce temps-là à Bethléem. Il nous invite au pèlerinage intérieur qui s'appelle adoration. Mettons-nous maintenant en route pour ce pèlerinage et demandons-lui de nous guider.

 

 

 

 

6 novembre 2005 – Aux francophones, au terme de l’Angelus

     Puissiez-vous demeurer vigilants pour accueillir le Christ et pour remplir dans le monde votre mission de service, prenant soin d'aider les jeunes à reconnaître la présence du Seigneur à leurs côtés et les appels qu'il leur adresse pour mener une vie libre et belle.

 

 

26 novembre 2005 – Méditation lors des 1ères Vêpres du 1er Dimanche de l’Avent

    Dieu nous appelle à la communion avec lui, qui se réalisera pleinement au retour du Christ, et Il s'engage lui-même à faire en sorte que nous arrivions préparés à cette rencontre finale et décisive. L'avenir est, pour ainsi dire, contenu dans le présent, ou mieux, dans la présence de Dieu lui-même, de son amour indéfectible, qui ne nous laisse pas seuls, qui ne nous abandonne pas même un seul instant, comme un père et une mère n'arrêtent jamais de suivre leurs enfants sur le chemin de leur croissance. Face au Christ qui vient, l'homme se sent interpellé dans tout son être, que l'Apôtre résume par les termes "esprit, âme et corps", indiquant ainsi toute la personne humaine, comme une unité articulée possédant une dimension somatique, psychique et spirituelle. La sanctification est un don de Dieu et une initiative venant de lui, mais l'être humain est appelé à y répondre de tout son être, sans que rien de lui ne soit exclu.

 

 

18 décembre 2005 – Homélie Messe dans la paroisse romaine de Casalbertone

     "Réjouis-toi, sois contente". C'est la première parole qui retentit dans le Nouveau Testament comme tel, car l'annonce faite par l'ange à Zacharie à propos de la naissance de Jean Baptiste est une parole qui retentit encore sur le seuil entre les deux Testaments. Ce n'est qu'avec ce dialogue de l'Ange Gabriel avec Marie, que commence réellement le nouveau Testament. Nous pouvons donc dire que la première parole du Nouveau Testament est une invitation à la joie: "réjouis-toi, sois contente". Le Nouveau Testament est véritablement "Evangile", la "Bonne Nouvelle" qui nous apporte la joie. Dieu n'est pas loin de nous, inconnu, énigmatique, voire dangereux; Dieu est proche de nous, si proche qu'il se fait enfant, et que nous pouvons "tutoyer" ce Dieu.

 

 

 

24 décembre 2005 – Homélie de la Messe de la Nuit de Noel

     Dieu n'est pas solitude éternelle, mais cercle d'amour où il se donne et se redonne dans la réciprocité. Il est Père, Fils et Esprit Saint.

 

 

 

 

2006

 

 

 

 

 

2 mars 2006 – Avec les prêtres du Diocèse de Rome

     L'adoration consiste à entrer, au plus profond de notre cœur, en communion avec le Seigneur, qui est présent de façon corporelle dans l'Eucharistie. Dans l'Ostensoir, il se donne toujours entre nos mains, et nous invite à nous unir à sa Présence, à son Corps ressuscité….

 

     "Comment parvenir à une foi vivante, à une foi réellement catholique, à une foi concrète, vive et efficace ?". La foi, en ultime analyse, est un don. La première condition consiste à se laisser donner quelque chose, ne pas être auto-suffisants, ne pas tout faire tout seul, car cela n'est pas possible, mais nous ouvrir dans la conscience que le Seigneur donne réellement. Il me semble que ce geste d'ouverture est également le premier geste de la prière: être ouvert à la présence du Seigneur et à son don…

 

    Un simple optimisme superficiel, qui ne tiendrait pas compte des grandes menaces à l'égard des jeunes d'aujourd'hui, des enfants, des familles, serait certainement erroné. Nous devons percevoir avec un grand réalisme ces menaces qui naissent là où Dieu est absent. Nous devons sentir toujours davantage notre responsabilité, afin que Dieu soit présent, et ainsi, l'espérance et la capacité d'avancer avec confiance vers l'avenir.

 

6 avril 2006 -  Rencontre avec les jeunes du diocèse de Rome, Place Saint Pierre

     Il me semble que le grand défi de notre temps  soit la sécularisation:  c'est-à-dire une façon de vivre et de présenter le monde comme "si Deus non daretur", c'est-à-dire comme si Dieu n'existait pas. On veut réduire Dieu à la sphère du privé, à un sentiment, comme s'Il n'était pas une réalité objective et ainsi, chacun forme son propre projet de vie. Mais cette vision qui se présente comme si elle était scientifique, n'accepte comme valable que ce qui peut être vérifié par l'expérience. Avec un Dieu qui ne se prête pas à l'expérience immédiate, cette vision finit par déchirer également la société:  il en découle en effet que chacun forme son projet et à la fin, chacun s'oppose à l'autre. Une situation, comme on le voit, clairement invivable. Nous devons rendre Dieu à nouveau présent dans nos sociétés. Cela me semble être la première nécessité:  que Dieu soit à nouveau présent dans notre vie, que nous ne vivions pas comme si nous étions autonomes, autorisés à inventer ce que sont la liberté et la vie. Nous devons prendre acte du fait que nous sommes des créatures, constater qu'il y a un Dieu qui nous a créés et que demeurer dans sa volonté n'est pas une dépendance, mais un don d'amour qui nous fait vivre.

 

     Connaître Dieu, reconnaître que Dieu est présent dans ma vie, et que Dieu joue un rôle. Si nous reconnaissons que Dieu est présent, que notre liberté est une liberté partagée avec les autres et qu'il doit donc y avoir un paramètre commun pour construire une réalité commune, cela soulève la question : quel Dieu ? Il existe en effet tant de fausses images de Dieu, d'un Dieu violent, etc.

     Il nous faut reconnaître le Dieu qui nous a montré son Visage en Jésus, qui a souffert pour nous, qui nous a aimés jusqu'à la mort et ainsi, a vaincu la violence. Il faut rendre présent, avant tout dans notre "propre vie", le Dieu vivant, le Dieu qui n'est pas un inconnu, un Dieu inventé, un Dieu uniquement pensant, mais un Dieu qui s'est montré, qui s'est révélé, et qui a révélé son Visage. Ce n'est qu'ainsi que notre vie devient véritable, authentiquement humaine et ainsi également, les critères du véritable humanisme deviennent présents dans la société.


 

 

7 mai 2006 – Homélie Messe Ordinations Sacerdotales

     Le mystère de la Croix se trouve au centre du service de Jésus en tant que pasteur : c'est le grand service qu'Il nous rend à tous. Il se donne lui-même, et pas seulement dans un passé lointain. Dans la sainte Eucharistie, il réalise cela chaque jour, il se donne lui-même à travers nos mains, il se donne à nous. C'est pourquoi, à juste titre, au centre de la vie sacerdotale se trouve la sainte Eucharistie, dans laquelle le sacrifice de Jésus sur la Croix demeure sans cesse présent, réellement parmi nous. Et, à partir de cela, nous apprenons également ce que signifie célébrer l'Eucharistie de manière adéquate : c'est une rencontre avec le Seigneur qui se dépouille pour nous de sa gloire divine, qui se laisse humilier jusqu'à la mort sur la Croix et se donne ainsi à chacun de nous. Pour le prêtre, l'Eucharistie quotidienne, dans laquelle il revit toujours à nouveau ce mystère, est très importante; il se place toujours à nouveau entre les mains de Dieu, faisant en même temps l'expérience de la joie de savoir qu'Il est présent, qu'Il m'accueille, qu'Il me relève toujours à nouveau et me porte, qu'Il me donne lui-même la main. L'Eucharistie doit devenir pour nous une école de vie, dans laquelle nous apprenons à donner notre vie. ..

 

     Que l'Eglise …au-delà de toutes les diversités et les limites, soit un signe de la présence de Dieu dans le monde.

 

29 juin 2006 - Homélie de la Messe Sts Pierre et Paul

    Le Seigneur est continuellement en chemin vers la Croix, vers l'abaissement du serviteur de Dieu souffrant et tué, mais il est en même temps toujours également en chemin vers la vaste étendue du monde, dans laquelle Il nous précède comme Ressuscité, afin que resplendissent dans le monde la lumière de sa parole et la présence de son amour; il est en chemin afin qu'à travers Lui, le Christ crucifié et ressuscité, Dieu lui-même, arrive dans le monde

 

 

 

15 aout 2006 – Homélie de la Messe à Castelgandolfo

      Marie en disant : « Je suis la servante du Seigneur, qu'il m'advienne selon ta parole » a préparé ici sur la terre la demeure pour Dieu : corps et âme, elle en est devenue la demeure et elle a ainsi ouvert la terre au ciel.

 

     Saint Luc, …à travers différentes allusions, fait comprendre que Marie est la véritable Arche de l'Alliance, que le mystère du Temple - la venue de Dieu ici sur terre - s'accomplit en Marie. Dieu habite réellement en Marie, il devient présent ici sur la terre. Marie devient sa tente. Ce que désirent toutes les cultures - c'est-à-dire que Dieu vienne habiter parmi nous - se réalise ici. Saint Augustin dit : « Avant de concevoir le Seigneur dans le corps, elle l'avait déjà conçu dans l'âme ». Elle avait donné au Seigneur l'espace de son âme et elle était ainsi devenue réellement le véritable Temple où Dieu s'est incarné, où il est devenu présent sur cette terre. Et ainsi, étant la demeure de Dieu sur la terre, sa demeure éternelle est déjà préparée en elle, cette demeure est déjà préparée pour toujours…

 

      Ecoutons encore une fois les paroles d'Elisabeth, qui s'achèvent dans le Magnificat de Marie: « Bienheureuse celle qui a cru ». L'acte premier et fondamental pour devenir demeure de Dieu et pour trouver ainsi le bonheur définitif, c'est croire, c'est la foi, la foi en Dieu, la foi en ce Dieu qui s'est montré en Jésus Christ et se fait entendre à travers la parole divine de l'Ecriture Sainte. Croire, ce n'est pas ajouter une opinion à d'autres. Et la conviction, la foi que Dieu existe n'est pas une information comme les autres. Il y a de nombreuses informations dont il nous importe peu qu'elles soient vraies ou fausses, elles ne changent pas notre vie. Mais si Dieu n'existe pas, la vie est vide, l'avenir est vide. Et si Dieu existe, tout est transformé, la vie est lumière, notre avenir est lumière et nous avons une orientation pour trouver comment vivre. C'est pourquoi croire constitue l'orientation fondamentale de notre vie. Croire, dire: « Oui, je crois que Tu es Dieu, je crois que dans le Fils incarné Tu es présent parmi nous », oriente ma vie, me pousse à m'attacher à Dieu, à m'unir à Dieu et ainsi à trouver le lieu où vivre, et la manière de vivre. Et croire n'est pas seulement un type de pensée, une idée ; … une manière d'agir, c'est une manière de vivre. Croire veut dire suivre la trace qui nous est indiquée par la Parole de Dieu

 

 

31 août 2006 – Avec les prêtres du diocèse d’Albano

     Une autre expérience est celle des groupes de prière, dans lesquels ils apprennent à écouter la Parole de Dieu, à apprendre la Parole de Dieu précisément dans leur contexte de jeunes, à entrer en contact avec Dieu. Cela veut dire également apprendre la forme commune de la prière, la liturgie, qui sans doute dans un premier temps leur apparaît assez inaccessible. Ils apprennent qu'il existe la Parole de Dieu qui nous cherche, en dépit de la distance du temps, qui nous parle aujourd'hui. Nous portons le fruit de la terre et de notre travail au Seigneur et nous le trouvons transformé en don de Dieu. Nous parlons en tant que fils au Père, et nous recevons ensuite le don de Lui-même. Nous recevons la mission d'aller dans le monde avec le don de sa Présence.
 

 

 

 

1er septembre 2006 – Sanctuaire de la Sainte Face de Manopello

     L'expérience des vrais amis de Dieu, les saints, ont reconnu et aimé chez leurs frères, en particulier les pauvres et les indigents, la face de ce Dieu longuement contemplée avec amour dans la prière. Ils constituent pour nous des exemples encourageants à imiter; ils nous assurent que si nous parcourons fidèlement cette voie, la voie de l'amour, nous aussi - comme le chante le Psalmiste - nous nous rassasierons de la présence de Dieu (cf. Ps 16 [17], 15).

 

 

6 octobre 2006 –Homélie Messe Commission Théologique Internationale

     Cela me fait penser à saint Ignace d'Antioche et à l'une de ses belles expressions: "Qui a compris les paroles du Seigneur comprend son silence, parce que le Seigneur doit être connu dans son silence". L'analyse des paroles de Jésus arrive jusqu'à un certain point, mais elle demeure dans notre pensée. C'est uniquement lorsque nous arrivons à ce silence du Seigneur, dans sa présence avec le Père dont proviennent les paroles, que nous pouvons réellement commencer à comprendre la profondeur de ces paroles. Les paroles de Jésus sont nées dans son silence sur la Montagne, comme le dit l'Ecriture, dans sa présence avec le Père. C'est de ce silence de la communion avec le Père, de l'immersion dans le Père, que naissent les paroles et ce n'est qu'en arrivant à ce point, et en partant de ce point, que nous arrivons à une véritable profondeur de la Parole et que nous pouvons être d'authentiques interprètes de la Parole. Le Seigneur nous invite, en parlant, à gravir avec Lui la Montagne, et dans son silence, à apprendre ainsi, à nouveau, le véritable sens des paroles.

 

 

3 novembre 2006 – A l’Université Pontificale Grégorienne

     Aujourd'hui, on est obligé de tenir compte de la confrontation avec la culture séculière qui, dans de nombreuses parties du monde, tend toujours davantage non seulement à nier tout signe de la présence de Dieu dans la vie de la société et de l'individu, mais qui, à travers divers moyens qui désorientent et obscurcissent la juste conscience de l'homme, cherche à corroder sa capacité de se mettre à l'écoute de Dieu.

 

 

 

 

 

2007

 

 

 

 

7 janvier 2007 – Homélie Messe Baptêmes - Chapelle Sixtine

     Jean-Baptiste affirme : « Pour moi je vous baptise avec de l'eau, mais vient le plus fort que moi [...] lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu » (Lc 3, 16). Nous avons vu l'eau ; à présent, cependant, une question se pose : en quoi consiste le feu auquel saint Jean-Baptiste fait allusion ? Pour voir cette réalité du feu, présente dans le Baptême avec l'eau, nous devons comprendre que le Baptême de Jean était un geste humain, un acte de pénitence, un geste de l'homme qui tend vers Dieu pour demander le pardon de ses péchés et la possibilité de commencer une nouvelle existence. Ce n'était qu'un désir humain, un mouvement vers Dieu avec ses propres forces. Or, cela n'est pas suffisant. La distance serait trop importante. En Jésus Christ, nous voyons que Dieu vient à notre rencontre. Dans le Baptême chrétien, institué par le Christ, nous n'agissons pas seulement nous-mêmes avec le désir d'être lavés, avec la prière d'obtenir le pardon. Dans le Baptême, c'est Dieu lui-même qui agit, c'est Jésus qui agit à travers l'Esprit Saint. Dans le Baptême chrétien, est présent le feu de l'Esprit Saint. C'est Dieu qui agit, et pas seulement nous. Dieu est présent ici, aujourd'hui. Il assume et fait de vos enfants ses fils.

 

 

4 mars 2007 - Angelus

     La prière n'est pas un accessoire, une « option », mais une question de vie ou de mort. Seul en effet celui qui prie, c'est-à-dire celui qui s'abandonne à Dieu avec un amour filial peut entrer dans la vie éternelle, qui est Dieu lui-même. Demandons à Marie, Mère du Verbe incarné et maîtresse de vie spirituelle, de nous enseigner à prier, comme le faisait son Fils, afin que notre existence soit transformée par la lumière de sa présence.

 

4 mars 2007 – Aux francophones, après l’Angelus

          Que ce temps du Carême soit pour chacun de vous un moment favorable pour découvrir la présence du Christ dans vos vies et pour vous mettre à l'écoute de sa parole. C'est lui la lumière qui éclaire nos chemins, laissons-nous guider par lui pour être à notre tour transfigurés par la gloire du Père.


15 avril 2007 – Homélie Messe 80 ans du Saint-Père Benoit XVI

     Le Saint-Père Jean-Paul II a voulu que soit célébrée en ce dimanche d’après Pâques, la fête de la Miséricorde divine : dans le mot « miséricorde », il trouvait le résumé et l'interprétation nouvelle pour notre temps de tout le mystère de la Rédemption. Il a vécu sous deux régimes dictatoriaux, et, en contact avec la pauvreté, le besoin, et la violence, il a fait l'expérience profonde de la puissance des ténèbres, qui est installée dans le monde également à notre époque. Mais il a aussi fait l'expérience, et pas moins fortement, de la présence de Dieu qui s'oppose à toutes ces forces par son pouvoir totalement différent et divin : le pouvoir de la Miséricorde. C'est la Miséricorde qui met une limite au mal.

 

 

10 mai 2007 – Avec les jeunes, au Brésil

    Jésus nous assure que seul Dieu est bon. Etre ouvert à la bonté signifie accueillir Dieu. Ainsi, Il nous invite à voir Dieu dans toutes les choses et dans tous les événements, même là où la majorité voit seulement une absence de Dieu. En voyant la beauté des créatures et en constatant la beauté présente dans chacune d'elles, il est impossible de ne pas croire en Dieu et de ne pas faire l'expérience de sa présence salvifique et réconfortante. Si nous réussissions à voir tout le bien qui existe dans le monde et, plus encore, à faire l'expérience du bien qui provient de Dieu lui-même, nous ne cesserions de nous approcher de Lui, de le louer et de lui rendre grâce. Il nous remplit sans cesse de joie et de biens. Sa joie est notre force.

 

11 mai 2007 – Homélie Messe Canonisation de Frère Antonio de Sant'Anna Galvão, au Brésil.

     La vie de l'Eglise est donc essentiellement eucharistique. Le Seigneur, dans sa Providence bienveillante, nous a laissé un signe visible de sa présence.

 

 

13 mai 2007 – Homélie Messe inauguration Vème Conf. Générale de l’épiscopat Latino-Américain – Aparecida – Brésil

         La Jérusalem céleste,  la  Cité sainte, "descendait du ciel, de chez Dieu, avec en elle la gloire de Dieu" (Ap 21, 10). Mais la gloire de Dieu est l'Amour; la Jérusalem céleste est donc une icône de l'Eglise tout entière sainte et glorieuse, sans tache ni ride (cf. Ep 5, 27), où rayonne en son centre et dans chacune de ses parties la présence de Dieu Charité. Elle est appelée "épouse", "l'Epouse de l'Agneau" (Ap 21, 9), parce que la figure nuptiale qui traverse du début à la fin la révélation biblique trouve son accomplissement dans celle-ci. La Cité-Epouse est la patrie de la pleine communion de Dieu avec les hommes; en elle, il n'y a besoin d'aucun temple ni d'aucune source extérieure de lumière, parce que la présence de Dieu et de l'Agneau est immanente et l'éclaire de l'intérieur.

     Cette merveilleuse icône a une valeur eschatologique:  elle exprime le mystère de la beauté qui constitue déjà la forme de l'Eglise, même si elle n'est pas encore parvenue à sa plénitude. C'est la destination de notre pèlerinage, la patrie qui nous attend et à laquelle nous aspirons. La voir avec les yeux de la foi, la contempler et la désirer, ne doit pas constituer un motif d'évasion de la réalité historique où l'Eglise vit en partageant les joies et les espérances, les douleurs et les angoisses de l'humanité contemporaine, en particulier des plus pauvres et de ceux qui souffrent (cf. Const.  Gaudium  et spes, n. 1). Si la beauté de la Jérusalem céleste est la gloire de Dieu, c'est-à-dire son amour, c'est précisément et uniquement dans la charité que nous pouvons nous approcher de celle-ci et, dans une certaine mesure, déjà y habiter. Celui qui aime le Seigneur Jésus et observe sa parole fait l'expérience déjà dans ce monde de la mystérieuse présence de Dieu Un et Trine :  "Nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui" (Jn 14, 23). Chaque chrétien, par conséquent, est appelé à devenir une pierre vivante de cette splendide "demeure de Dieu avec les hommes". Quelle magnifique vocation!

    Une Eglise tout entière animée et mue par la charité du Christ, Agneau immolé par amour, est l'image historique de la Jérusalem céleste, l'anticipation de la Cité sainte, resplendissante de la gloire de Dieu. Elle libère une force missionnaire irrésistible, qui est la force de la sainteté.

 

11 juin 2007, au congrès annuel du Diocèse de Rome, Basilique Saint Jean de Latran

     Dès le début, les disciples ont reconnu en Jésus ressuscité celui qui est notre frère en humanité, mais qui ne fait également qu'un en Dieu; celui qui, à travers sa venue dans le monde et dans toute sa vie, sa mort et sa résurrection, nous a apporté Dieu, a rendu de façon nouvelle et unique Dieu présent dans le monde, celui donc qui donne une signification et une espérance à notre vie: en lui, en effet, nous rencontrons le véritable visage de Dieu, ce dont nous avons réellement besoin pour vivre.
 

 

17 juin 2007, avec les jeunes, à Assise ; à l’occasion du 8ème centenaire de la conversion de Saint François.

     Un aspect qui impressionnait les contemporains de François était également son ambition, sa soif de gloire et d'aventure. Ce fut cela qui le conduisit sur les champs de bataille, avant d'être fait prisonnier pendant un an à Pérouse. La même soif de gloire, une fois libre, devait le conduire dans les Pouilles, dans une nouvelle expédition militaire, mais précisément dans cette circonstance, à Spolète, le Seigneur se présenta à son cœur, le poussa à revenir sur ses pas et à se placer sérieusement à l'écoute de sa Parole. Il est intéressant de noter que le Seigneur a su prendre François dans le sens qui était le sien, celui du désir de s'affirmer, pour lui montrer la voie d'une ambition sainte, projetée sur l'infini: "Qui peut t'être plus utile, le patron ou le serviteur?" (3 Comp 2, 6: FF 1401), fut la question qu'il entendit résonner dans son cœur. C'est-à-dire: pourquoi te contenter d'être dépendant des hommes, lorsqu'il y a un Dieu qui est prêt à t'accueillir dans sa maison, à son service royal ?

     Saint François a entendu la voix. Il a entendu dans son cœur la voix du Christ et que se passe-t-il? Il se passe qu'il doit se mettre au service de ses frères, surtout de ceux qui souffrent le plus. Telle est la conséquence de cette première rencontre avec la voix du Christ. Ce matin, en passant par Rivortorto, j'ai regardé le lieu où, selon la tradition, étaient rassemblés les lépreux, les derniers, les marginalisés, à l'égard desquels François éprouvait un sentiment irrésistible de répulsion. Touché par la grâce, il leur ouvrit son cœur. Et il le fit non seulement à travers un geste d'aumône empli de charité, car cela était trop peu, mais également en les embrassant et en les servant. Lui-même confesse que ce qui lui était auparavant amer devint pour lui "douceur d'âme et de corps" (2 Test 3: FF 110).

    La grâce commençait donc à former François. Il devint toujours plus capable de fixer son regard sur le visage du Christ et d'écouter sa voix. Ce fut à ce moment-là que le Crucifié de saint Damien lui adressa la parole, en l'appelant à une mission audacieuse: "Va François, répare ma maison qui, comme tu le vois, tombe en ruine" (2 Cel I, 6, 10: FF 593). En m'arrêtant ce matin à Saint-Damien, puis dans la Basilique Sainte-Claire, où l'on conserve le Crucifix original qui parla à saint François, j'ai fixé moi aussi mon regard dans les yeux du Christ. C'est l'image du Christ Crucifié-Ressuscité, vie de l'Eglise, qui parle également en nous si nous sommes attentifs, tout comme il y a deux mille ans, il parla à ses apôtres, et il y a huit cents ans, il parla à François. L'Eglise vit continuellement de cette rencontre.

    Oui, chers jeunes: laissons le Christ venir à notre rencontre! Ayons confiance en Lui, écoutons sa Parole.

 

24 juillet 2007 – Avec les prêtres du diocèse de Belluno

     Les Dix Commandements relus, revécus à la lumière du Christ, à la lumière de la vie de l'Eglise et de ses expériences, indiquent plusieurs valeurs fondamentales et essentielles: le quatrième et le sixième commandement indiquent ensemble l'importance de notre corps, de respecter les lois du corps, de la sexualité et de l'amour, la valeur de l'amour fidèle, la famille; le cinquième commandement indique la valeur de la vie et également la valeur de la vie commune; le septième commandement indique la valeur du partage des biens de la terre et la juste division de ces biens, l'administration de la création de Dieu; le huitième commandement indique la grande valeur de la vérité. Donc, si dans le quatrième, le cinquième et le sixième commandement, nous avons l'amour pour le prochain, dans le septième, nous avons la vérité. Tout cela ne peut fonctionner sans la communion avec Dieu, sans le respect de Dieu et sans la présence de Dieu dans le monde. Un monde sans Dieu devient dans tous les cas le monde de l'arbitraire et de l'égoïsme. Ce n'est que si Dieu apparaît qu'il y a de la lumière, de l'espérance….

 

        Jésus a dit : soignez les malades, ceux qui se sont égarés, ceux qui en ont besoin. C'est l'amour de l'Eglise pour ceux qui sont exclus, pour ceux qui souffrent. Les personnes riches peuvent être elles aussi intérieurement exclues et souffrir. "Soignez" se réfère à tous les besoins humains, qui sont toujours des besoins qui vont en profondeur vers Dieu. Il est donc nécessaire, comme on dit, de connaître les brebis, d'avoir des relations humaines avec les personnes qui nous sont confiées, d'avoir un contact humain et ne pas perdre l'humanité, car Dieu s'est fait homme et a ainsi confirmé toutes les dimensions de notre être humain. Mais, comme je l'ai dit, l'humain et le divin vont toujours de pair. A ce terme de "soigner" sous ses multiples formes, appartient également, me semble-t-il, le ministère sacramentel. Le ministère de la réconciliation est un acte de soin extraordinaire, dont l'homme a besoin pour être totalement sain. Il y a donc besoin de ces soins sacramentels, en commençant par le Baptême, qui est le renouvellement fondamental de notre existence, en passant par le sacrement de la réconciliation et par l'onction des malades. Dans tous les autres sacrements, également dans l'Eucharistie, il y a naturellement un grand soin des âmes. Nous devons soigner les corps, mais surtout - tel est notre mandat - les âmes. Nous devons penser aux nombreuses maladies, aux besoins moraux, spirituels qui existent et que nous devons affronter, en guidant les personnes à la rencontre du Christ dans le sacrement, en les aidant à découvrir la prière, la méditation, le fait d'être dans l'Eglise en silence avec cette présence de Dieu.

       Annoncer. Qu'annonçons-nous ? Nous annonçons le Royaume de Dieu. Mais le Royaume de Dieu n'est pas une lointaine utopie d'un monde meilleur, qui se réalisera peut-être dans cinquante ans ou qui sait quand. Le Royaume de Dieu est Dieu lui-même, Dieu qui s'est approché et qui est devenu très proche dans le Christ. Tel est le Royaume de Dieu: Dieu lui-même est proche et nous devons nous rapprocher de ce Dieu qui est proche, car il s'est fait homme, il demeure homme et il est toujours avec nous à travers sa Parole, dans la Très Sainte Eucharistie et dans tous les croyants. Annoncer le Royaume de Dieu signifie donc parler de Dieu aujourd'hui, rendre présente la Parole de Dieu, l'Evangile qui est présence de Dieu et, naturellement, rendre présent le Dieu qui s'est fait présent dans la sainte Eucharistie.

 

 

        Il n'existe plus de monde uniforme. En particulier en Occident, où sont présents tous les autres continents, toutes les autres religions, les autres façons de vivre la vie humaine. Nous vivons une rencontre permanente, qui ressemble peut-être à l'Eglise antique, où existait la même situation. Les chrétiens représentaient une très petite minorité, un grain de sénevé qui commençait à croître, entouré par des religions et des conditions de vie très différentes. Nous devons donc réapprendre ce que les chrétiens des premières générations ont vécu. Saint Pierre, dans sa première Lettre, au troisième chapitre, a dit: "Vous devez toujours être prêts à rendre compte de l'espérance qui est en vous". Il a ainsi formulé pour l'homme normal de l'époque, pour le chrétien normal, la nécessité de conjuguer annonce et dialogue. Il n'a pas dit formellement: "Annoncez à chacun l'Evangile". Il a dit: "Vous devez être capables, prêts à rendre compte de l'espérance qui est en vous". Il me semble que cela est la synthèse nécessaire entre dialogue et annonce. Le premier point est qu'en nous-mêmes doit toujours être présente la raison de notre espérance. Nous devons être des personnes qui vivent la foi et qui pensent la foi, qui la connaissent intérieurement. Ainsi, en nous-mêmes, la foi devient raison, devient raisonnable. La méditation de l'Evangile, et donc l'annonce, l'homélie, la catéchèse, pour rendre les personnes capables de penser la foi, constituent déjà des éléments fondamentaux de cette combinaison entre dialogue et annonce. Nous devons nous-mêmes penser la foi, vivre la foi et, en tant que prêtres, trouver différentes façons de la rendre présente, de manière à ce que nos catholiques chrétiens puissent avoir la conviction, la promptitude et la capacité de rendre compte de leur foi. Cette annonce, que la foi transmet dans la conscience d'aujourd'hui, doit revêtir de multiples formes. Sans aucun doute, les homélies et les catéchèses en sont deux formes principales, mais il y a ensuite tant d'autres façons de se rencontrer - séminaires de la foi, mouvements laïcs, etc. - où l'on parle de la foi et où l'on apprend la foi. Tout cela nous rend tout d'abord capables de vivre réellement en étant le prochain des non-chrétiens - en majorité, ce sont ici des chrétiens orthodoxes, des protestants, mais également des fidèles d'autres religions, musulmans et autres. Le premier point est de vivre avec eux, en reconnaissant en eux le prochain, notre prochain. Vivre donc à la première personne l'amour du prochain comme expression de notre foi. Je pense que cela constitue déjà un témoignage très fort et également une forme d'annonce: vivre réellement avec ces autres personnes l'amour du prochain, reconnaître en ceux-ci, en eux, notre prochain, de sorte qu'ils puissent voir: cet "amour du prochain" est pour moi. Si tout cela a lieu, nous pourrons plus facilement présenter la source de notre comportement, c'est-à-dire le fait que l'amour du prochain est l'expression de notre foi. Ainsi, dans le dialogue, on ne peut pas immédiatement passer aux grands mystères de la foi, bien que les musulmans aient déjà une certaine connaissance du Christ, qui nie sa divinité, mais qui reconnaît en Lui au moins un grand prophète. Ils éprouvent de l'amour pour la Vierge. Il existe donc des éléments communs dans la foi, qui constituent des points de départ pour le dialogue. Un élément pratique et réalisable, nécessaire, est surtout de rechercher l'entente fondamentale sur les valeurs de la vie. Ici aussi, nous possédons un trésor commun, car elles proviennent de la religion d'Abraham, réinterprétée, revécue de manières qui sont à étudier, auxquelles nous devons enfin répondre. Mais la grande expérience substantielle, celle des Dix Commandements, est présente et cela me semble un point à approfondir. Passer aux grands mystères me semble un niveau difficile, qui ne se réalise pas dans les grandes rencontres. La semence doit peut-être entrer dans les coeurs, de sorte que la réponse de la foi à travers des dialogues plus spécifiques puisse mûrir ici et là. Mais ce que nous pouvons et devons faire est de rechercher le consensus sur des valeurs fondamentales, exprimées dans les Dix Commandements, résumées dans l'amour du prochain et dans l'amour de Dieu, et ainsi interprétables dans les divers domaines de la vie. Nous nous trouvons tous au moins sur un chemin commun vers le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, le Dieu qui est finalement le Dieu au visage humain, le Dieu présent en Jésus Christ. Mais si ce dernier pas est plutôt à accomplir lors de rencontres intimes, personnelles ou en petits groupes, le chemin vers ce Dieu, dont proviennent ces valeurs qui rendent possible la vie commune, me paraît également réalisable lors de rencontres plus importantes. Il me semble donc que se réalise ici une forme d'annonce humble, patiente, qui attend, mais qui rend également déjà concrète notre vie selon la conscience illuminée par Dieu.
 

 

 

1er septembre 2007 – Rencontre avec 500 000 jeunes au sanctuaire marial de lorette.  

       Oui,  nous  tous,  même  en  étant croyants, nous connaissons le silence de Dieu. Dans le Psaume, il y a ce cri presque désespéré:  "Parle Dieu! Ne te cache pas!". Un livre vient récemment d'être publié avec les expériences de Mère Teresa et l'on constate ce que nous savions déjà avec plus d'évidence encore:  même avec toute sa charité, sa force de foi, Mère Teresa souffrait du silence de Dieu. D'un côté, nous devons supporter ce silence de Dieu également pour pouvoir comprendre nos frères qui ne connaissent pas Dieu. De l'autre, avec le Psaume, nous pouvons toujours à nouveau crier à Dieu:  "Parle, montre-toi!". Et sans aucun doute, dans notre vie, si notre cœur est ouvert, nous pouvons trouver les grands moments dans lesquels la présence de Dieu devient réellement sensible pour nous également. Je me souviens en ce moment d'une petite histoire que Jean-Paul II raconta au cours des Exercices spirituels qu'il prêcha lorsqu'il n'était pas encore Pape. Il raconta que, après la guerre, un officier russe qui était scientifique lui avait rendu visite:  "Je suis sûr que Dieu n'existe pas. Mais si je me trouve en montagne, devant sa majestueuse beauté, devant sa grandeur, je suis également sûr que le Créateur existe et que Dieu existe". La beauté de la Création est l'une des sources où nous pouvons réellement toucher du doigt la beauté de Dieu, nous pouvons voir que le Créateur existe et qu'il est bon, que ce que les Saintes Ecritures disent du récit de la Création est vrai, c'est-à-dire que Dieu a pensé et fait avec son cœur, avec sa volonté, avec sa raison, ce monde, et il l'a trouvé bon. Nous aussi nous devons être bons, pour avoir le cœur ouvert à percevoir la véritable présence de Dieu. Puis, en entendant la Parole de Dieu lors des grandes célébrations liturgiques, lors des fêtes de la foi, dans la grande musique de la foi, nous ressentons cette présence. Je me souviens, en cet instant, d'une autre petite histoire que m'a racontée récemment un évêque en visite "ad limina":  il y avait une femme non chrétienne très intelligente qui commença à écouter la grande musique de Bach, Haendel, Mozart. Elle était fascinée et un jour elle dit:  "Je dois trouver la source d'où peut provenir tant de beauté", et la femme s'est convertie au Christianisme, à la foi catholique, parce qu'elle avait trouvé que cette beauté a une source, et la source est la présence du Christ dans les cœurs, c'est la révélation du Christ dans les cœurs, c'est la révélation du Christ dans ce monde. Donc, de grandes fêtes de la foi, de la célébration liturgique, mais également le dialogue personnel avec le Christ:  Lui ne répond pas toujours, mais il y a des moments où il répond réellement. Et puis l'amitié, la compagnie de la foi. A présent, réunis ici  à Lorette, nous voyons que la foi unit, l'amitié crée une compagnie de personnes en chemin. Et nous sentons que tout cela ne vient pas de nulle part, mais a réellement une source, que le Dieu silencieux est aussi un Dieu qui parle, qui se révèle et surtout que nous-mêmes nous pouvons être des témoins de sa présence, que de notre foi apparaît réellement comme une lumière également pour les autres. Je dirais donc que, d'une part, nous devons accepter que, dans ce monde, Dieu soit silencieux, mais ne pas être sourds à ses paroles, à sa manière d'apparaître en de nombreuses occasions et nous voyons surtout dans la Création, dans la belle liturgie, dans l'amitié au sein de l'Eglise, la présence du Seigneur et, emplis de sa présence, nous pouvons nous aussi apporter de la lumière aux autres.

 

 

26 septembre 2007 – Audience Générale

    Même si nous ne pouvons pas déchiffrer les détails de l'histoire personnelle et collective, nous savons que le dessein de Dieu est toujours inspiré par son Amour.

 

14 novembre 2007 – Audience Générale

     Dialoguer avec Dieu, avec sa Parole, est dans un certain sens une présence du Ciel, c'est-à-dire une présence de Dieu. S'approcher des textes bibliques, surtout du Nouveau Testament, est essentiel pour le croyant, car « ignorer l'Ecriture, c'est ignorer le Christ ». Saint Jérôme

 

 

 

 

 

 

 

2008

 21 janvier 2008 – Lettre aux Romains sur l’éducation

      Celui qui croit en Jésus Christ a une autre raison, plus forte encore, de ne pas avoir peur :  il sait, en effet, que Dieu ne nous abandonne pas, que son amour nous atteint là où nous sommes et tels que nous sommes, avec nos pauvretés et nos faiblesses, pour nous offrir une nouvelle possibilité de bien.

 

 

 

27 février 2008 – A l’issue de l’Audience Générale

      Chers frères et sœurs, en continuant notre itinéraire de carême, l'Eglise nous invite à suivre les pas du Christ qui se dirige vers Jérusalem où il accomplira sa mission rédemptrice. Laissez-vous éclairer par sa parole afin que dans l'étude, la maladie, la vie familiale, vous puissiez faire l'expérience de sa présence et parcourir un chemin de conversion authentique, dans ce saint temps de pénitence 

 

 

 

 

 

 

9 juin 2008 – Au Congrès du Diocèse de Rome

     Dans la société et dans la culture d'aujourd'hui, il n'est pas facile de vivre sous le signe de l'espérance chrétienne. D'une part, en effet, prédominent des attitudes de défiance, de déception et de résignation, qui contredisent non seulement la "grande espérance" de la foi, mais également ces "petites espérances" qui nous confortent normalement dans l'effort d'atteindre les objectifs de la vie quotidienne. La sensation que les meilleures années sont derrière nous et qu'un destin de précarité et d'incertitudes attend les nouvelles générations se diffuse ainsi en Italie comme en Europe. D'autre part, les attentes de grandes nouveautés et d'améliorations se concentrent sur les sciences et les technologies, et donc sur les forces et les découvertes de l'homme, comme si la résolution des problèmes ne pouvait provenir que d'elles. Il serait insensé de nier ou de minimiser l'énorme contribution des sciences et des technologies à la transformation du monde et de nos conditions concrètes de vie, mais ce serait aussi se leurrer que d'ignorer que leurs progrès mettent entre les mains de l'homme de vertigineuses possibilités de mal et que, dans tous les cas, ce ne sont pas les sciences et les technologies qui peuvent donner un sens à notre vie et nous enseigner à distinguer le bien du mal. C'est pourquoi, comme je l'ai écrit dans Spe salvi, ce n'est pas la science mais l'amour qui rachète l'homme et cela vaut dans le cadre terrestre et de ce monde (n. 26).

     Nous nous rapprochons ainsi de la raison la plus profonde et décisive de la faiblesse de l'espérance dans le monde dans lequel nous vivons. Cette raison n'est finalement pas différente de celle indiquée par l'apôtre Paul aux chrétiens d'Ephèse, quand il leur rappelait que, avant de rencontrer le Christ, ils n'avaient "ni espérance ni Dieu en ce monde" (Ep 2, 12). Notre civilisation et notre culture, qui ont pourtant rencontré le Christ depuis deux mille ans désormais et seraient notamment ici, à Rome, méconnaissables sans sa présence, tendent cependant trop souvent à mettre Dieu entre parenthèses, à organiser la vie personnelle et sociale sans Lui, et même à considérer qu'on ne peut rien connaître de Dieu, ou aller jusqu'à nier son existence. Mais quand Dieu est laissé de côté, aucune des choses qui nous soutiennent ne peuvent trouver de place stable, toutes nos grandes et petites espérances reposent sur le vide. Pour "éduquer à l'espérance", comme nous nous le proposons dans ce Congrès et pour la prochaine année pastorale, il est avant tout nécessaire d'ouvrir à Dieu notre cœur, notre intelligence et toute notre vie, pour être ainsi, au milieu de nos frères, ses témoins crédibles.

 

 

 

 

     La personne qui prie n'est jamais totalement seule parce que Dieu est le seul qui, dans toutes les situations et au milieu de n'importe quelle épreuve, est toujours en mesure de l'écouter et de l'aider. A travers la persévérance dans la prière le Seigneur élargit notre désir et ouvre notre âme, en nous rendant davantage capables de l'accueillir en nous. La juste manière de prier est cependant un processus de purification intérieure. Nous devons nous exposer au regard de Dieu, à Dieu lui-même et c'est ainsi que, dans la lumière du visage de Dieu, nos mensonges et nos hypocrisies disparaissent. Notre exposition dans la prière au visage de Dieu est réellement une purification qui nous renouvelle, nous libère et nous ouvre non seulement à Dieu, mais également à nos frères. C'est donc le contraire d'une fuite de nos responsabilités envers le prochain. Au contraire, à travers la prière nous apprenons à garder le monde ouvert à Dieu et à devenir des ministres de l'espérance pour les autres.

 

 

 

 

 

 

2010

 

 

15 juin 2010 – Au Congrès du diocèse de Rome

     Rappelons-nous également que l'Eucharistie, liée à la croix et à la résurrection du Seigneur, a dicté une nouvelle structure à notre époque. Le Ressuscité s'était manifesté le jour après le sabbat, le premier jour de la semaine, jour du soleil et de la création. Depuis le début, les chrétiens ont célébré leur rencontre avec le Ressuscité, l'Eucharistie, en ce premier jour, en ce nouveau jour du véritable soleil de l'histoire, le Christ Ressuscité. Et ainsi, le temps commence toujours à nouveau avec la rencontre avec le Ressuscité et cette rencontre donne son contenu et sa force à la vie de chaque jour. C'est pourquoi il est très important pour nous chrétiens de suivre ce rythme nouveau du temps, de rencontrer le Ressuscité le dimanche, et ainsi de «prendre» avec nous sa présence, qui nous transforme et transforme notre temps. En outre, je vous invite tous à redécouvrir la fécondité de l'adoration eucharistique: devant le Très Saint Sacrement, nous faisons l'expérience de façon toute particulière du fait de «demeurer» avec Jésus, que Lui-même, dans l'Evangile de Jean, place comme condition nécessaire pour porter beaucoup de fruit (cf. Jn 15, 5) et éviter que notre action apostolique ne se réduise à un activisme stérile, mais soit au contraire le témoignage de l'amour de Dieu.

    

 

 

Exhortation Apostolique Verbum Domini, du 30.9.2010

     C’est un don et une tâche incontournable de l’Église de communiquer la joie qui vient de la rencontre avec la Personne du Christ, Parole de Dieu présente au milieu de nous. Dans un monde qui souvent considère Dieu comme superflu ou lointain, nous confessons comme Pierre que lui seul a «les paroles de la vie éternelle» (Jn 6, 68). Il n’existe pas de priorité plus grande que celle-ci: ouvrir à nouveau à l’homme d’aujourd’hui l’accès à Dieu, au Dieu qui parle et qui nous communique son amour pour que nous ayons la vie en abondance (cf. Jn 10, 10).

 

     Lorsque s’affaiblit en nous la conscience de son inspiration, on risque de lire l’Écriture comme un objet de curiosité historique et non plus comme l’œuvre de l’Esprit Saint, par laquelle nous pouvons entendre la voix même du Seigneur et connaître sa présence dans l’histoire

 

 

 

 

2012

 

 

16 avril 2012 – Homélie de la Messe de son 85ème anniversaire

     Le jour où j’ai été baptisé, comme je l’ai dit, c’était le Samedi Saint. On avait encore l’usage à cette époque d’anticiper la Veillée pascale dans la matinée, qui serait encore suivie par l’obscurité du Samedi Saint, sans l’Alléluia. Il me semble que ce singulier paradoxe, cette singulière anticipation de la lumière en un jour obscur, peut presque convenir comme image de l’histoire de notre époque. D’un côté, il y a encore le silence de Dieu et son absence, mais dans la Résurrection du Christ, il y a déjà l’anticipation du «oui» de Dieu, et en s’appuyant sur cette anticipation nous vivons et, à travers le silence de Dieu, nous entendons ses paroles, et à travers l’obscurité de son absence nous entrevoyons sa lumière. L’anticipation de la Résurrection à mi-chemin d’une histoire qui se développe est la force qui nous indique la route et nous aide à aller de l’avant.

     Nous rendons grâce au bon Dieu parce qu’il nous a donné cette lumière et nous le prions afin qu’elle puisse demeurer toujours. Et en ce jour, j’ai de bonnes raisons de Lui rendre grâce ainsi qu’à tous ceux qui, toujours à nouveau, m’ont fait percevoir la présence du Seigneur, qui m’ont accompagné afin que je ne perde pas la lumière.

 

 

13 mai 2012 – Visite au sanctuaire de La Verna, en Italie

     Contempler la Croix du Christ! Nous sommes montés en pèlerinage sur le Sasso Spicco de La Verna, où «deux années avant sa mort» (Celano, Vita Prima, III, 94: ff, 484) saint François reçut imprimées dans son corps les plaies de la passion glorieuse du Christ. Son chemin de disciple l’avait conduit à une union si profonde avec le Seigneur qu’il en partageait également les signes extérieurs de l’acte suprême d’amour de la Croix. Un chemin commencé à Saint-Damien, devant le Crucifix contemplé avec l’esprit et avec le cœur. La méditation permanente de la Croix, en ce lieu saint, a été la voie de sanctification pour de nombreux chrétiens, qui, pendant huit siècles, se sont agenouillés ici pour prier, dans le silence et dans le recueillement.

La Croix glorieuse du Christ résume les souffrances du monde, mais elle est surtout le signe tangible de l’amour, mesure de la bonté de Dieu envers l’homme. Dans ce lieu, nous sommes nous aussi appelés a retrouver la dimension surnaturelle de la vie, à lever les yeux de ce qui est contingent, pour recommencer à nous confier complètement au Seigneur, avec le cœur libre et dans une joie parfaite, en contemplant le Crucifié pour qu’il nous blesse par son amour.

«Très haut, tout puissant et bon Seigneur, à toi louange, gloire, honneur, et toute bénédiction» (Cantique de Frère Soleil: FF, 263). Ce n’est qu’en se laissant illuminer par la lumière de l’amour de Dieu, que l’homme et la nature entière peuvent être rachetés, que la beauté peut finalement refléter la splendeur du visage du Christ, comme la lune reflète le soleil. En jaillissant de la Croix glorieuse, le Sang du Crucifié recommence à vivifier les os desséchés de l’Adam qui est en nous, pour que chacun retrouve la joie de se mettre en marche vers la sainteté, de monter vers le haut, vers Dieu. De ce lieu béni, je m’unis à la prière de tous les franciscains et les franciscaines de la terre: «Nous t’adorons, ô Christ, et nous te bénissons ici et dans toutes les églises qui sont dans le monde, car par ta sainte croix tu as racheté le monde».

Ravis par l’amour du Christ! On ne monte pas à La Verna sans se laisser guider par la prière de saint François de l’absorbeat, qui récite: «Seigneur que la brûlante et douce force de ton amour prenne possession de mon âme et l’arrache de tout ce qui est sous le ciel, afin que je meure par amour de ton amour, comme toi-même daignas mourir par amour de mon amour» (Prière de l’«absorbeat», 1: FF, 277). La contemplation du crucifix est l’œuvre de l’esprit, mais elle ne réussit pas à s’élever vers le haut sans le soutien, sans la force de l’amour. Dans ce même lieu, frère Bonaventure de Bagnoregio, digne fils de saint François, projeta son Itinerarium mentis in Deum en nous indiquant la voie à parcourir pour nous diriger vers les sommets où rencontrer Dieu. Ce grand docteur de l’Eglise nous transmet son expérience, en nous invitant à la prière. L’esprit doit tout d’abord se tourner vers la Passion du Seigneur, car c’est le sacrifice de la Croix qui efface notre péché, un manquement qui ne peut être comblé que par l’amour de Dieu: «J’exhorte le lecteur — écrit-il —, avant tout au gémissement de la prière pour le Christ crucifié, dont le sang lave les taches de nos fautes» (Itinerarium mentis in Deum, Prol. 4). Mais, pour être efficace, notre prière a besoin des larmes, c’est-à-dire de la participation intérieure, de notre amour qui répond à l’amour de Dieu. Ensuite est nécessaire cette admiratio, que saint Bonaventure voit chez les humbles de l’Evangile, capables d’émerveillement devant l’œuvre salvifique du Christ. Et c’est précisément l’humilité qui est la porte de toute vertu. En effet, ce n’est pas avec l’orgueil intellectuel de la recherche refermée sur elle-même qu’il est possible d’atteindre Dieu, mais avec l’humilité, selon une célèbre expression de saint Bonaventure: «[l’homme] ne doit pas croire que lui suffise la lecture sans l’onction, la spéculation sans la dévotion, la recherche sans l’admiration, la considération sans l’exultation, l’activité sans la piété, la science sans la charité, l’intelligence sans l’humilité, l’étude sans la grâce divine, le miroir sans la sagesse divinement inspirée» (ibid.).

La contemplation du Crucifix possède une efficacité extraordinaire, parce qu’elle nous fait passer des choses pensées à l’expérience vécue; du salut espéré, à la patrie bienheureuse. Saint Bonaventure affirme: «Celui qui regarde avec attention [le Crucifix] ... accomplit avec lui la Pâque, c’est-à-dire le passage» (ibid., VII, 2). Tel est le cœur de l’expérience de La Verna, de l’expérience que vécut ici le Poverello d’Assise. Sur ce Mont sacré, saint François vit en lui-même la profonde unité entre sequela, imitatio et conformatio Christi. Et ainsi, il nous dit à nous aussi qu’il ne suffit pas de se déclarer chrétiens pour être chrétiens, pas plus que de chercher à accomplir les œuvres de bien. Il faut se configurer à Jésus, à travers un effort lent et progressif de transformation de son propre être, à l’image du Seigneur, pour que, par la grâce divine, chaque membre de son Corps, à Lui qui est l’Eglise, montre la ressemblance nécessaire avec le Chef, le Christ Seigneur. Et sur ce chemin aussi, il faut partir — comme nous l’enseignent les maîtres médiévaux dans le sillage du grand Augustin — de la connaissance de soi-même, de l’humilité du regard sincère au plus profond de soi.

Apporter l’amour du Christ! Combien de pèlerins sont montés et montent sur ce Mont sacré pour contempler l’amour de Dieu crucifié et se laisser ravir par Lui. Combien de pèlerins sont montés à la recherche de Dieu, qui est la véritable raison pour laquelle l’Eglise existe: servir de pont entre Dieu et l’homme. Et ici, ils vous rencontrent aussi, fils et filles de saint François. Rappelez-vous toujours que la vie consacrée a pour tâche spécifique de témoigner, à travers la parole et l’exemple d’une vie menée selon les conseils évangéliques, de l’histoire d’amour fascinante entre Dieu et l’humanité, qui traverse l’histoire.

    

 

 

16 mai 2012 – Audience Générale

     Dans les dernières catéchèses, nous avons réfléchi sur la prière dans les Actes des Apôtres et aujourd’hui, je voudrais commencer à parler de la prière dans les Lettres de saint Paul, l’apôtre des gentils. J’aimerais, avant tout, faire remarquer que ce n’est pas un hasard si ses Lettres sont introduites et se concluent par l’expression d’une prière : au début, l’action de grâce et la louange, et, à la fin, le vœu que la grâce de Dieu guide le chemin des communautés auxquelles s’adresse la lettre. Entre la formule d’ouverture « d'abord je remercie mon Dieu par Jésus Christ » (Rm 1, 8) et le souhait final : « La grâce du Seigneur Jésus soit avec vous ! » (1 Co 16, 23), c’est tout le contenu des Lettres de l’apôtre qui se déploie. La prière de saint Paul manifeste une grande richesse de formes qui vont de l’action de grâce à la bénédiction, de la louange à la demande et à l’intercession, de l’hymne à la supplique : toute une gamme d’expressions qui montre comment la prière implique et pénètre toutes les situations de la vie, qu’elles soit personnelles ou celles de la communauté à laquelle il s’adresse.

     Un premier élément que l’apôtre veut nous faire comprendre est que la prière ne doit pas être vue comme une simple bonne œuvre que nous accomplissons pour Dieu, comme notre propre action.      C’est avant tout un don, fruit de la présence vivante, vivifiante du Père et de Jésus-Christ en nous. Ainsi il écrit, dans la Lettre aux Romains : « Pareillement l'Esprit vient au secours de notre faiblesse ; car nous ne savons que demander pour prier comme il faut ; mais l'Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements ineffables » (8, 26). Et nous savons combien cette parole de l’apôtre est vraie : « Nous ne savons que demander pour prier comme il faut ». Nous voulons prier, mais Dieu est loin, nous n’avons pas les paroles, le langage, pour parler à Dieu, ni même la pensée. Nous pouvons seulement nous ouvrir, mettre notre temps à la disposition de Dieu, attendre qu’il nous aide lui-même à entrer dans un vrai dialogue.

     L’apôtre dit : ce manque de paroles, cette absence de paroles, mais aussi ce désir d’entrer en contact avec Dieu, voilà précisément une prière que l’Esprit-Saint non seulement comprend, mais porte et interprète auprès de Dieu. Notre faiblesse devient justement, par l’intermédiaire de l’Esprit-Saint, une véritable prière, un véritable contact avec Dieu. L’Esprit-Saint est quasiment l’interprète qui nous fait comprendre, à nous comme à Dieu, ce que nous voulons dire.

     Dans la prière, plus encore que dans les autres dimensions de notre existence, nous faisons l’expérience de notre faiblesse, de notre pauvreté, de notre nature créée, puisque nous sommes mis face à la toute-puissance et à la transcendance de Dieu. Et plus nous progressons dans l’écoute et dans le dialogue avec Dieu, pour que la prière devienne la respiration quotidienne de notre âme, plus nous percevons le sens de nos limites, non seulement devant les situations concrètes de tous les jours, mais aussi dans notre relation avec le Seigneur. C’est alors que grandit en nous le besoin de lui faire confiance, de nous en remettre toujours davantage à lui ; nous comprenons que « nous ne savons que demander pour prier comme il faut » (Rm 8, 26).

     Et c’est l’Esprit-Saint qui vient en aide à notre incapacité, qui éclaire notre esprit et qui réchauffe notre cœur, nous poussant à nous tourner vers Dieu. Pour saint Paul, la prière est surtout l’œuvre de l’Esprit dans notre humanité, qui assume notre faiblesse et transforme, d’hommes liés aux réalités matérielles en hommes spirituels. Dans la Première Lettre aux Corinthiens, l’apôtre dit : « Or, nous n'avons pas reçu, nous, l'esprit du monde, mais l'Esprit qui vient de Dieu, pour connaître les dons gracieux que Dieu nous a faits.Et nous en parlons non pas avec des discours enseignés par l'humaine sagesse, mais avec ceux qu'enseigne l'Esprit, exprimant en termes spirituels des réalités spirituelles » (2, 12-13). En habitant notre fragilité humaine, l’Esprit-Saint nous change, intercède pour nous et nous élève jusqu’à Dieu (cf. Rm 8, 26).

     Notre union au Christ se réalise par cette présence de l’Esprit-Saint, puisqu’il s’agit de l’Esprit du Fils de Dieu, en qui nous sommes devenus fils. Saint Paul parle de l’Esprit du Christ (cf. Rm 8, 9), pas seulement de l’Esprit de Dieu. C’est évident : si le Christ est le Fils de Dieu, son Esprit est aussi l’Esprit de Dieu ; ainsi, si l’Esprit de Dieu, l’Esprit du Christ, s’est fait proche de nous par le passé dans le Fils de Dieu et Fils de l’homme, l’Esprit de Dieu devient aussi un esprit humain et nous touche ; nous pouvons entrer dans la communion de l’Esprit. C’est comme s’il disait que non seulement Dieu le Père s’est rendu visible dans l’incarnation du Fils, mais aussi l’Esprit de Dieu se manifeste dans la vie et dans l’action de Jésus, de Jésus-Christ, qui a vécu, a été crucifié, est mort et ressuscité. L’apôtre rappelle que « nul ne peut dire : "Jésus est Seigneur", s'il n'est avec l'Esprit Saint » (1 Co 12, 3). L’Esprit oriente donc notre cœur vers Jésus-Christ, de sorte que « ce n’est plus nous qui vivons, mais le Christ qui vit en nous » (cf. Ga 2, 20). Dans ses Catéchèses sur les Sacrements, réfléchissant sur l’Eucharistie, saint Ambroise affirme : « Celui qui s’enivre de l’Esprit est enraciné dans le Christ » (5, 3, 17 : PL 16, 450).

     Je voudrais maintenant mettre en évidence trois conséquences pour notre vie chrétienne, lorsque nous laissons agir en nous non pas l’esprit du monde, mais l’Esprit du Christ comme principe intérieur de toutes nos actions.

     Avec la prière animée par l’Esprit-Saint, nous sommes tout d’abord mis en condition d’abandonner et de surpasser toute forme de peur ou d’esclavage, en vivant la liberté authentique des enfants de Dieu. Sans la prière qui alimente chaque jour notre être dans le Christ, dans une intimité croissante, nous nous trouvons dans la condition décrite par saint Paul dans la Lettre aux Romains : nous ne faisons pas le bien que nous voulons, mais le mal que nous ne voulons pas (cf. Rm 7, 19). Et c'est l’expression de l’aliénation de l’être humain, de la destruction de notre liberté, à cause de notre condition d’être marqué par le péché originel : nous voulons le bien que nous ne faisons pas et nous faisons ce que nous ne voulons pas, le mal.

     L’apôtre veut faire comprendre que ce n’est pas avant tout notre volonté qui nous libère de ces conditions, ni la Loi, mais l’Esprit-Saint. Et puisque « où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Co 3, 17), avec la prière, nous faisons l’expérience de la liberté donnée par l’Esprit : une liberté authentique, qui est une liberté par rapport au mal et au péché, pour le bien et pour la vie, pour Dieu. La liberté de l’Esprit, continue saint Paul, ne s’identifie jamais ni avec le libertinage, ni avec la possibilité de faire le choix du mal, mais plutôt avec le « le fruit de l'Esprit [qui] est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres,douceur, maîtrise de soi » (Ga 5, 22). Voilà la vraie liberté : pouvoir réellement suivre son désir du bien, de la vraie joie, de la communion avec Dieu sans se laisser asservir par les circonstances qui nous attirent vers d’autres directions.

     Une seconde conséquence se vérifie dans notre vie, quand nous laissons agir en nous l’Esprit du Christ : la relation avec Dieu elle-même devient tellement profonde qu’elle ne se laisse affecter par aucune réalité ou situation. Nous comprenons alors qu’avec la prière nous ne sommes pas libérés de l’épreuve et de la souffrance, mais nous pouvons les vivre en union avec le Christ, avec ses souffrances, dans la perspective de participer aussi à sa gloire (cf. Rm 8, 17). Souvent, dans notre prière, nous demandons à Dieu d’être libérés du mal physique ou spirituel, et nous le faisons avec une grande confiance. Pourtant, nous avons souvent l’impression de ne pas être écoutés et nous risquons alors de nous décourager et de ne pas persévérer. En réalité, il n’y a pas un cri humain qui ne soit écouté par Dieu et, dans la prière constante et fidèle, nous comprenons justement avec saint Paul que « les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer à la gloire qui doit se révéler en nous » (Rm 8, 18).

     La prière ne nous épargne pas les épreuves et la souffrance ; au contraire, nous « gémissons nous aussi intérieurement dans l'attente de la rédemption de notre corps » (Rm 8, 24), dit saint Paul ; il dit que la prière ne nous épargne pas la souffrance mais elle nous permet de la vivre et de l’affronter avec une force nouvelle, avec la même confiance que Jésus qui, selon la Lettre aux Hébreux, « aux jours de sa chair, [a] présenté, avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et a été exaucé en raison de sa piété » (5, 7). La réponse de Dieu le Père à son Fils, à ses cris et à ses larmes, n’a pas été la libération des souffrances, de la croix, de la mort, mais un exaucement encore plus grand, une réponse beaucoup plus profonde ; à travers la croix et la mort, Dieu a répondu par la résurrection de son Fils, par une vie nouvelle. La prière animée par l’Esprit-Saint nous porte, nous aussi, à vivre chaque jour le chemin de notre vie avec ses épreuves et ses souffrances, dans la pleine espérance, dans la confiance en Dieu qui répond comme il a répondu à son Fils.

     Troisième point, la prière du croyant s’ouvre aussi aux dimensions de l’humanité et de tout le créé, assumant la « création en attente [qui] aspire à la révélation des enfants de Dieu » (Rm 8, 19). Cela signifie que la prière, soutenue par l’Esprit du Christ qui parle à l’intime de notre cœur, ne reste jamais fermée sur elle-même, n’est jamais seulement une prière pour moi, mais elle s’élargit au partage des souffrances de notre temps, des autres. Elle devient intercession pour les autres et, me libérant de moi-même, canal d’espérance pour toute la création, expression de cet amour de Dieu qui est répandu dans nos cœurs par l’Esprit qui nous a été donné (cf. Rm 5, 5). Et ceci est justement le signe d’une véritable prière, qui n’aboutit pas en nous-mêmes, mais qui s’ouvre aux autres et, ainsi, me libère et participe à la rédemption du monde.

     Chers frères et sœurs, saint Paul nous enseigne que, dans notre prière, nous devons nous ouvrir à la présence de l’Esprit-Saint, qui prie en nous par des gémissements inexprimables, pour nous amener à adhérer à Dieu de tout notre cœur et de tout notre être. L’Esprit du Christ devient la force de notre « faible » prière, la lumière de notre prière « éteinte », le feu de notre prière « aride », et nous donne la vraie liberté intérieure, nous enseignant à vivre en affrontant les épreuves de l’existence, dans l’assurance que nous ne sommes pas seuls, nous ouvrant aux horizons de l’humanité et de la création qui « gémit en travail d'enfantement » (Rm 8, 22).

 

 

 

26 mai 2012 – Audience au Renouveau charismatique

      Continuez à témoigner de la joie de la foi dans le Christ, de la beauté d’être des disciples de Jésus, de la puissance d’amour que son Evangile libère dans l’histoire, ainsi que de l’incomparable grâce dont tout chrétien peut faire l’expérience dans l’Eglise par la pratique sanctifiante des sacrements et l’exercice humble et désintéressé des charismes, qui, comme le dit saint Paul, doivent être toujours exercés pour le bien commun. ... Cultivez dans votre âme des désirs élevés et généreux! Que les pensées, les sentiments, les actions de Jésus deviennent les vôtres!

     Le Seigneur est avec nous, il agit par la force de son Esprit.

 

 

 

11 juin 2012 – au Congrès du Diocèse de Rome.

     (Par le Baptême),  Dieu n’est plus très éloigné pour nous, il n’est pas une réalité dont débattre — s’il existe ou s’il n’existe pas —, mais nous sommes en Dieu et Dieu est en nous. La priorité, le caractère central de Dieu dans notre vie est une première conséquence du baptême. À la question : « Dieu existe-t-il ? », la réponse est : « Il existe et il est avec nous ; cette proximité de Dieu touche notre vie, cet être en Dieu lui-même, qui n’est pas une étoile lointaine, mais qui le lieu de ma vie ». Cela serait la première conséquence et devrait donc nous dire que nous devons nous-mêmes tenir compte de cette présence de Dieu, vivre réellement dans sa présence.

 

     Le christianisme n’est pas une chose purement spirituelle, une chose uniquement subjective, du sentiment, de la volonté, des idées, mais c’est une réalité universelle. Dieu est le Créateur de toute la matière, la matière concerne le christianisme, et ce n’est que dans ce grand contexte de matière et d’esprit à la fois que nous sommes chrétiens. Il est donc très important que la matière fasse partie de notre foi, que le corps fasse partie de notre foi ; la foi n’est pas purement spirituelle, mais Dieu nous insère ainsi dans toute la réalité de l’univers et transforme l’univers, l’attire à lui. Et cet élément matériel — l’eau — n’est pas seulement un élément fondamental de l’univers, une matière fondamentale créée par Dieu, mais il a aussi à voir avec tout le symbolisme des religions, car dans toutes les religions, l’eau a quelque chose à dire. Le chemin des religions, cette recherche de Dieu de différentes manières — parfois erronées, mais qui sont toujours une recherche de Dieu — est assumée dans le sacrement. Les autres religions, avec leur chemin vers Dieu, sont présentes, sont assumées, et c’est ainsi que l’on accomplit la synthèse du monde ; toute la recherche de Dieu qui s’exprime dans les symboles des religions, et surtout — naturellement — le symbolisme de l’Ancien Testament, qui ainsi, avec toutes ses expériences de salut et de bonté de Dieu, devient présent.

 

 

     1er juillet 2012 – Angelus

     L’évangéliste Marc nous présente le récit de deux guérisons miraculeuses que Jésus accomplit en faveur de deux femmes: la fille d’un des chefs de la synagogue, nommé Jaïre, et une femme qui souffrait d’hémorragie (cf. Mc 5, 21-43). Ces deux épisodes présentent deux niveaux de lecture; celui purement physique: Jésus se penche sur la souffrance humaine et guérit le corps; et celui spirituel: Jésus est venu pour guérir le cœur de l’homme, pour donner le salut et encourager la foi en Lui. Dans le premier épisode en effet, à la nouvelle que la petite fille de Jaïre est morte, Jésus dit au chef de la synagogue: «Sois sans crainte, aie seulement la foi» (v. 36), il le prend avec lui où repose l’enfant et s’exclame: «Fillette, je te le dis, lève-toi» (v. 41). Elle se leva et se mit à marcher. Saint Jérôme commente ces paroles, soulignant le pouvoir salvifique de Jésus: «Jeune fille, lève-toi par moi: non par un mérite de ta part, mais par ma grâce. Lève-toi par moi: le fait d’être guéri ne dépend pas de ta vertu» (Homélie sur l’Evangile de Marc, 3). Le second épisode, celui de la femme souffrant d’hémorragies, met de nouveau en évidence le fait que Jésus est venu libérer l’être humain dans sa totalité. En effet, le miracle se déroule en deux temps: d’abord arrive la guérison physique, mais elle est étroitement liée à la guérison plus profonde, celle que la grâce de Dieu donne à celui qui s’ouvre à Lui avec foi. Jésus dit à la femme: «Ma fille, ta foi t’a sauvée; va en paix et sois guérie de ton infirmité» (Mc 5, 34).

      Ces deux récits de guérison sont pour nous une invitation à dépasser une vision purement horizontale et matérielle de la vie. Nous demandons à Dieu tant de guérisons de problèmes, de nécessités concrètes, et c’est juste, mais ce que nous devons demander avec insistance est une foi toujours plus solide, afin que le Seigneur renouvelle notre vie, et une confiance ferme dans son amour, dans sa providence qui ne nous abandonne pas.

     Jésus qui est attentif à la souffrance humaine nous fait penser aussi à ceux qui aident les malades à porter leur croix, en particulier les médecins, les professionnels de la santé et ceux qui assurent l’assistance religieuse dans les maisons de soins. Ils sont des «réserves d’amour», qui apportent sérénité et espérance aux personnes qui souffrent. Dans l’encyclique Deus caritas est, je soulignais que, pour ce précieux service, il faut avant tout la compétence professionnelle — une des premières nécessités fondamentales — mais à elle seule, elle ne peut suffire. Il s’agit, en effet, d’êtres humains, qui ont besoin d’humanité et de l’attention du cœur. «C’est pourquoi, en plus de la préparation professionnelle, il est nécessaire pour ces personnes d’avoir aussi et surtout une “formation du cœur”: il convient de les conduire à la rencontre avec Dieu dans le Christ, qui suscite en eux l’amour et qui ouvre leur esprit à autrui» (n. 31).

     

1er juillet 2012 – Aux pélerins francophones, au terme d el’Angelus

     Pendant cette période estivale, je vous invite à savoir prendre du temps pour Dieu. Sachez témoigner de sa présence au milieu de nous. Soyez des porteurs de sa miséricorde et de sa tendresse à chacun de ceux qu’il vous est donné de rencontrer, plus particulièrement à ceux qui souffrent. A l’exemple de la Vierge Marie, laissons de côté nos peurs et nos doutes et soyons fiers de témoigner de notre foi!

 

 

 

 

publié le : 23 août 2016

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