Saint Pie X

Aux enfants de la Première Communion - le 14 avril 1912


Discours de saint Pie X aux premiers communiants français au cours de l'audience du 14 avril 1912

Je vous remercie, mes chers enfants, de la consolation que vous me procurez de me trouver au milieu de vous, quand je songe que je représente Jésus-Christ lui-même, qui se plaisait auprès de vos semblables et disait à ses apôtres : Laissez venir à moi les petits enfants, car le royaume des cieux appartient à ceux qui leur ressemblent (Lc 18, 16).
J'ai encore un motif spécial de vous remercier, mes chers enfants, parce que cette solennelle démonstration de votre amour pour le Pape, qui vous a coûté les fatigues d'un long voyage, me donne l'occasion de me réjouir de votre docilité à l'invitation que Notre-Seigneur vous a adressée par ma bouche, quand, pour la première fois, malgré la tendresse de votre âge, vous l'avez reçu dans la très sainte Communion.
Nous lisons dans I'Evangile que le divin Rédempteur appela un jour un petit enfant semblable à vous et, le plaçant au milieu de ses apôtres, leur adressa ces paroles : Gardez-vous de mépriser un seul de ces enfants, parce que, je vous le dis, leurs anges contemplent sans cesse la face de mon Père qui est dans les cieux (Mt 18, 10). Hélas ! ces gardiens célestes trop souvent sont attristés et saisis d'horreur quand ils découvrent dans les âmes qui leur sont confiées la dépravation et les souillures du péché. Les anges des enfants, au contraire, sans être jamais distraits par leur sollicitude de la vision bienheureuse de Dieu, qu'ils voient face à face dans son éternelle lumière, le retrouvent encore dans leur âme, où il se reflète comme dans un miroir d'innocence, de pureté et de candeur.
Mais si cela est vrai de tous aussi bien que de votre semblable que Notre-Seigneur appela au milieu de ses apôtres, qu'aurait-il dit de vous, chers petits enfants, qui l'avez reçu lui-même avec sa divinité et son humanité sacrée dans la sainte communion, où vous avez uni votre chair avec sa chair, votre sang avec son sang, où votre coeur a palpité avec le sien ? Qu'aurait-il dit de vos saints anges, au-dessus desquels vous élève la participation à la sainte Eucharistie, puisqu'ils n'ont pas reçu cette grâce qui vous a été accordée de vous nourrir de Jésus-Christ, de ne faire qu'une même chose avec lui, de vous unir à lui au point de vous approprier en quelque manière sa nature divine et ses perfections infinies ?
Et voyez, mes chers enfants, les grâces qui découlent de ce bienfait. Par cette communication de lui-même, il nous donne - cet aimable Sauveur - à notre intelligence la vérité, la justice et la sainteté à notre volonté, et la bonté à notre coeur, en sorte que le fidèle qui communie peut en toute vérité répéter avec saint Paul : Jésus-Christ est ma vie. Je vis, ce n'est plus moi qui vis, c'est Jésus-Christ qui vit en moi. Mihi vivere Christus est (Ph 1, 21). Vivo jam non ego, vivit vero in me Christus (Ga 2, 20).
Ainsi, puisque Dieu est la pureté sans tache, celui qui s'unit à Jésus-Christ dans la sainte communion, s'élevant comme une innocente colombe des eaux fangeuses de ce monde misérable, s'envole et va se réfugier dans le sein de Dieu, de celui qui est plus pur que les neiges immaculées qui couronnent les montagnes.
Si Dieu est la beauté infinie, celui qui s'unit à Jésus-Christ attire à lui l'admiration et les regards amoureux des anges qui, s'ils pouvaient souffrir quelque passion, seraient jaloux de son sort.
Si Dieu est la charité par essence, le fidèle uni à Jésus-Christ est comme ravi en une bienheureuse extase. La charité le transfigure. Elle se trahit dans tout son extérieur et jusque dans son visage, dans les ardentes aspirations de son coeur et dans la suavité de ses paroles, qui distillent de ses lèvres comme le miel. Tout en lui rappelle et manifeste l'amour.
Enfin, si Dieu est la bonté même - et bonté, dans le langage des saintes Ecritures, est la même chose que perfection, - le fidèle qui s'est uni à Jésus-Christ dans la sainte Eucharistie trouve dans la vertu de ce sacrement toute perfection et toute sainteté. Il y puise la force pour s'élever au-dessus de lui-même, respirer à la félicité éternelle et mépriser les faux biens de ce monde, comme impuissants à satisfaire ses désirs. Semblable au char de feu du prophète Elie, elle l'entraîne loin d'ici-bas et, pendant qu'il vit encore sur la terre, elle le transforme en habitant du ciel, jouissant d'une paix et d'une félicité qu'aucune langue ne saurait expliquer, car, selon la parole des saintes Ecritures : L'oeil de l'homme n'a jamais vu, son oreille n'a jamais entendu, son coeur n'a jamais goûté les délices que Dieu réserve à ceux qui l'aiment (1 Co 2, 9). Et ainsi s'accomplit la promesse de Jésus-Christ : Celui qui se nourrit de ce pain a la vie éternelle. Qui manducat meam carnem et bibit meum sanguinem habet vitam æternam (Jn 6, 55). Il ne dit pas qu'il l'aura, qu'elle lui est réservée dans l'avenir, habebit, mais qu'il l'a déjà, habet, et qu'il en possède le gage certain.
Mes bien chers enfants, je vous félicite de nouveau de la grande grâce que Dieu vous a faite, et je me plais de vous saluer comme des anges, que dis-je, comme leurs rivaux qui les surpassent en félicité par ce privilège de la sainte communion qui vous a unis intimement à Notre-Seigneur dans la participation de son corps et de son sang adorable, de sa nature divine et de ses perfections infinies.

A ces félicitations je joindrai quelques avis, que je vous prie de bien graver dans votre mémoire.
Ces bienfaits de Dieu dont je viens de vous parler, vous les avez goûtés avant d'en avoir la pleine et entière connaissance, parce que les saintes affections du coeur attendent encore à votre âge le parfait développement de l'intelligence. Aussi je vous recommande tout d'abord, comme fruit de votre visite au Pape, la résolution et la promesse solennelle de fréquenter encore longtemps le catéchisme. C'est là, en vous perfectionnant avec diligence et avec amour dans la connaissance de la doctrine chrétienne, que vous apprendrez, avec les autres vérités de notre sainte religion, que la divine Eucharistie est le centre de la foi, le but final de toute autre dévotion, la source de tout bien, la consommation de tous les autres sacrements, le résumé des divins mystères, le fleuve de toutes les grâces, le baume de toutes les douleurs, le pain de la vie, le viatique qui nous fortifie pour le voyage vers l'éternité, le gage et la jouissance anticipée du bonheur éternel.
Mes chers enfants, chers premiers communiants, vous avez reçu Notre-Seigneur pour la première fois, mais ce n'est pas assez. Chaque jour nous demandons à Dieu le pain qui doit soutenir la vie de notre corps, ainsi avons-nous besoin du pain céleste qui donne la vie à notre âme. La seconde recommandation que je vous adresse sera donc de vous approcher fréquemment, si vous ne le pouvez tous les jours, de la Table eucharistique pour vous unir à votre Sauveur. Vous lui ferez encore de fréquentes visites dans la solitude et le silence de son tabernacle, d'où vous l'entendrez qui vous adresse cette invitation pleine d'amour : Venez à moi, vous tous qui avez faim, et je vous rassasierai ; vous tous qui êtes chargés et opprimés, et je vous donnerai le soulagement, la paix et la consolation.
Enfin, mon dernier désir, mes chers enfants, c'est que l'amour de Notre-Seigneur règne tellement en vous qu'il vous transforme en autant d'apôtres, zélés pour sa gloire. Vous serez le trésor de vos familles, que vous consolerez par votre bonne conduite et que votre seul exemple gagnera à la fréquentation de la sainte Eucharistie. A l'école, vous provoquerez par votre piété l'émulation de vos jeunes condisciples. A la paroisse, tous vous regarderont comme des anges tutélaires. Enfin, partout autour de vous, par vos prières, par votre sagesse et par les seuls attraits de votre modestie, vous contribuerez, autant qu'il est en vous, à la conversion des pécheurs et au retour à Jésus-Christ des incrédules et des indifférents.
En vous adressant ces recommandations et ces voeux, mes bien chers petits enfants, je vous accorde de tout coeur, à vous, à vos jeunes compagnons de France, à vos pères et mères, et à tous vos parents, la Bénédiction apostolique.

[Texte officiel : Actes de Pie X, éditions de la Bonne Presse, volume VII, pp. 201-204]


 

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