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1967-2017 : La loi Neuwirth au tribunal de l’histoire

Publiée le 20-02-2017

Généthique a rencontré G.Puppinck

En France, le gouvernement fête la loi Neuwirth. 50 ans après, les raisons de sa promulgation sont oubliées et son bilan est discutable.

 

Abrogeant la loi en vigueur depuis 1920 qui interdisait « la propagande et l’utilisation des moyens de contraception », la loi Neuwirth du 28 décembre 1967 a autorisé la pilule et légalisé ainsi la contraception. Le 8 février 2017, avec quelques mois d’avance sur le cinquantième anniversaire de l’adoption de cette loi, le Sénat a rendu hommage à l’ancien député gaulliste en proposant la mise en service d’un timbre-poste à l’effigie du « père de la pilule ».

 

Si la loi Neuwirth est considérée comme un symbole de libération pour des milliers de femmes, la réalité est tout autre. Les médias affichent d’ailleurs ces jours-ci une certaine unanimité à constater que la pilule « a fait long feu ». Les femmes se détournent de ce moyen contraceptif qui altère leur santé sans les affranchir pour autant. Certaines dénoncent même : « On nous empoisonne pour le plaisir des hommes »[1]. La révolution en marche semble sur le retour, mais ses effets délétères sont bien présents. Gènéthique revient avec Grégor Puppinck, docteur en droit et Directeur du Centre Européen pour le Droit et la Justice (ECLJ-Strasbourg), sur les tendances historiques qui ont conduit à l’adoption de cette loi.

 

 

Gènéthique : Dans quel contexte la loi Neuwirth est-elle votée ?

Grégor Puppinck : La loi Neuwirth n’est pas le fruit du hasard : c’est un événement français qui participe d’un mouvement plus large en Occident. Lucien Neuwirth, alors ministre du Général de Gaulle, ne fait qu’appliquer en France un programme mondial de contrôle des naissances, le « birth control », par la diffusion des moyens de contraception. En France, l’opinion publique parle d’ailleurs de la contraception orale comme d’une importation américaine : la pilule a été mise au point en 1956 par le docteur Gregory Pincus, biologiste américain, et, dans Archimède le clochard, film diffusé en 1959, Jean Gabin dénonce en une réplique ce programme qui exporte « une pilule américaine à dépeupler » !

 

G : Dépeupler ? Comment ce programme a-t-il été introduit en France ?

GP : C’est Pierre Simon qui se fait fort de diffuser en France le programme américain conçu et promu par la Fondation Rockefeller et le Population Council dont il est membre correspondant pour la France. C’est lui qui se présente comme le principal artisan de la contraception et de l’avortement ; il a notamment introduit le stérilet en France en 1963.

Mais, comme il le reconnaît lui-même, sa motivation n’est pas la libération de la femme. Pierre Simon n’est pas un féministe et il entre d’ailleurs souvent en conflit avec le mouvement féministe. Sa préoccupation première est d’abord d’ordre démographique et eugénique : il s’agit, pour cet obstétricien, d’œuvrer au contrôle et à l’amélioration de la procréation humaine à grande échelle, afin d’échapper à la « bombe démographique » qui menace. En outre, certains scientifiques caressent le rêve d’une amélioration de l’espèce humaine, et le contrôle rationnel de la procréation leur semble être alors un moyen efficace à cette fin.

 

G : Comment l’argument sur la maîtrise de la fécondité s’impose-t-il ?

GP : Si la maîtrise de la fécondité est présentée et vécue au plan individuel comme une fin en soi, elle apparaît, au plan politique et collectif, comme poursuivant une finalité plus vaste, à savoir le contrôle rationnel de la procréation humaine. La maîtrise de la fécondité sert donc deux finalités : d’abord, une finalité proche et individuelle, ensuite une finalité lointaine et collective dont elle se révèle être un moyen. Ces deux finalités sont de natures différentes : la première est portée par des militantes féministes, dont l’intention se borne à faire en sorte que les femmes puissent connaître et maîtriser leur corps, et ce dans le cadre du mariage en général. La seconde finalité de contrôle rationnel de la procréation et d’amélioration de l’espèce humaine est beaucoup plus ambitieuse : ses motivations sont plus profondes et sont fondées sur une véritable philosophie matérialiste et scientiste.

Ces scientistes, souvent des médecins francs-maçons comme Pierre Simon, vont d’ailleurs entrer en conflit avec certaines féministes du Mouvement français du planning familial. Certaines d’entre elles, une fois la loi Neuwirth votée, estiment que leur mission est accomplie ; d’autres à l’inverse – et celles-ci obtiendront finalement gain de cause – entendent désormais militer en faveur de l’avortement et au-delà. Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé, fondatrice de la Maternité Heureuse, a ainsi démissionné du MFPF par opposition à l’avortement. En fait, les scientistes ont largement utilisé le discours féministe pour couvrir et faire avancer leur projet, qui, lui, était moins « présentable ».

 

G : Pour quelle raison la contraception va-t-elle introduire un changement radical dans les comportements ?

GP : D’un point de vue plus philosophique, la victoire escomptée n’est pas négligeable : la volonté de contrôle rationnel de la procréation se prolonge dans l’idée que la contraception permettra aussi à l’humanité de progresser culturellement, de se spiritualiser davantage, en s’émancipant d’instincts sexuels hérités de son animalité.

La contraception introduit en effet un changement dans le rapport de l’être humain à la sexualité. Pour les penseurs à l’origine de ces changements, la valorisation d’une sexualité non fécondante est une expression plus pure de la sexualité La sexualité non fécondante élèverait ainsi la relation au seul plan des sentiments et des sensations et, la purifiant de son poids animal, la rendrait plus humaine. Voulue en elle-même et pour elle-même, elle permettrait à l’homme de se détacher de la part la plus animale et charnelle de sa condition et constituerait en quelque sorte un effort de spiritualisation de la sexualité. La maîtrise de la procréation permettrait ainsi un nouveau progrès de l’humanité dans sa conquête de l’autonomie, dans son émancipation de la matière : en dominant sa sexualité par la maîtrise de la procréation, l’homme deviendrait davantage son propre maître. Dans le même temps, l’identité et l’égalité entre homme et la femme seraient enfin rendues possibles.

Enfin, cet idéal paradoxal de désincarnation de la sexualité contribuerait à l’accomplissement d’une révolution sexuelle pacifiant la société par la réduction de la frustration.

 

G : L’avortement a ensuite été justifié en attendant que l’« effet-contraception » le rende caduc. Or, dans les faits, la France affiche un nombre constant d’avortements, et la méfiance des femmes vis-à-vis de la contraception particulièrement hormonale ne cesse de croître. Certaines femmes adoptant même des comportements à risque. Quel bilan dresser ?

GP : Au-delà de l’aspect médical et des conséquences que la prise de pilule peut avoir sur la santé des femmes, le paradoxe de la contraception est qu’il n’est pas l’élément déterminant qui rendrait possible une diminution du nombre des avortements (cf. La contraception réduit le nombre d’avortements ? réponse d’experts).

 

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