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Amoris laetitia : "Le fait que le pape ne tranche pas pose la question d'une double morale"

Publiée le 12-04-2016

Réaction de Thibaud Collin à l' exhortation apostolique Amoris laetitia sur Radio Notre-Dame :

Tb-collinCette exhortation apostolique Amoris laetitia était très attendue au sein de l'Eglise catholique, mais aussi à l'extérieur. Beaucoup attendait de voir comment, à l'issue de ces deux années de débats et de synode, le pape allait traiter la question des divorcés-remariés. Comment, finalement, le Saint-Père tranche-t-il ce débat ? 

Sur les divorcés-remariés, le pape ne prend pas position. Il cite le texte du synode de 2015, qui lui-même concluait de manière totalement indéterminée sur cette question. A aucun moment, le pape ne dit  que les divorcés-remariés, qui vivent maritalement, peuvent communier. Mais le texte peut être interprété dans ce sens là. Le pape reste totalement dans l'indétermination. Cela pose un gros problème car tous les débats qui ont eu lieu au moment du synode, et qui ne sont donc pas tranchés, vont repartir de plus belles. Il risque d'y avoir des polémiques indéfinies sur les interprétations à donner au texte.

La gestion au cas par cas des situations de divorcés-remariés est de nouveau mise en avant dans cette Exhortation apostolique ? 

Bien sûr, le Pape appelle à traiter la question des divorcés-remariés au cas par cas, dans le respect des exigences de l'Evangile et de la vérité. Mais il y a autant d'éléments qui permettent de trancher dans un sens, les divorcés-remariés peuvent communier dans certains cas, ou dans l'autre, les divorcés-remariés ne peuvent pas communier. Il va donc y avoir deux lectures possibles. D'un côté, il y a ceux qui vont faire une interprétation dans la continuité, en lisant ce texte à partir des écrits de Jean-Paul II et Benoît XVI. Ceux là concluront que la doctrine n'a pas changé. De l'autre côté, il y a ceux qui auront une interprétation de la rupture. Pour eux ce sera une nouveauté, car ils y verront la ligne défendue par le cardinal Walter Kasper finalement adoptée, alors qu'elle avait été refusée par le cardinal Ratzinger sous le pontificat de Jean-Paul II.

Il y a quelque chose d'assez décourageant de revenir à la ligne qui existait avant le Synode, il y a deux ans. Le fait que le pape ne tranche pas, laisse les interprétations ouvertes pose la question d'une double morale. Le pape s'oppose dans l'exhortation apostolique à cette double morale, mais c'est en quelque sorte ce qu'il est en train de créer avec ce texte. Le texte prépare à ce qu'il y est, d'une part, une morale doctrinale, c'est-à-dire un idéal à atteindre, et d'autre part, une pastorale où ce qui est interdit idéalement devient possible.

Alors, on peut se dire que ce n'est pas nouveau car c'est déjà ce qui se passe avec la contraception. En novembre 1968, la lettre encyclique Humanae vitae de Paul VI (dans laquelle il disqualifie définitivement toute méthode de contraception artificielle, les estimant intrinsèquement "dishonnêtes") a été reçue de manière très différente au sein de l'épiscopat français. La contraception est dès lors devenue un non-sujet, quelque chose de totalement optionnelle. Le danger est que la question des divorcés-remariés deviennent aussi une sorte de sujet tabou, dont plus personne ne parle. Et ça, ce serait dramatique car ce serait tout à fait contraire à la vérité sur le mariage et la sexualité telle que Saint Jean-Paul II l'a développé dans ses encycliques et dans sa théologie du corps.

Finalement, ces deux ans de débats n'auront pas servi à grand chose. Les fidèles qui souhaitaient une ligne claire à suivre, ont attendu pour rien ?

On a attendu pour en rester exactement à la même situation. Sauf que désormais, les gens vont polémiquer sur un texte qui a une autorité plus importante que laRelatio Synodi.Il y a, dans ce texte, tous les arguments pour interpréter de deux façons. C'est évident que le pape veut aller dans le sens de la libéralisation, mais qu'en même temps il ne peut pas aller jusqu'au bout. Ce serait une vraie rupture doctrinale, s'il le faisait, mais il ne veut pas l'assumer, et c'est tout à son honneur. On est dans une situation de blocage qui va perturber la conscience des fidèles.

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